La Théorie de l'action conjointe en didactique

Benoît Urgelli
last up-date : 07-Déc-2013


Tiberghien, A. (2012). Analyse d'une séance de physique en seconde : quelle continuité dans les pratiques ? Education et Didactique, vol. 6, n°3, p. 97-123.

Sensevy G. (2011). Le sens du Savoir. Eléments pour une théorie de l'action conjointe en didactique. Bruxelles : de Boeck.

 

Cette théorie est utilisée comme cadre d'analyse des pratiques d'enseignement et d'apprentissage qu'elle suppose nécessairement conjointes. L'action de l'enseignant est orientée par le savoir à transmettre, mais dans le cadre d'un contrat didactique et d'un milieu. Il s'agit d'une action à travers autrui et à travers l'environnement, avec ajustement et coordination d'actes dont les fondements sociaux sont l'acquisition d'un savoir.

Pour Tiberghien (2012), une des hypothèses fondatrices de cette théorie est que la classe est un système complexe, indivisible en trois sous-systèmes (élève, professeur savoir). saisir le sens de l'action d'un enseignant en classe ne peut se faire sans comprendre les relations entre cette action et celle des élèves et la structure des élèments de savoirs en jeu (Sensevy, 2011). L'étude ne peut donc se faire à partir d'un petit nombre de variables.

Le contrat didactique constitue les attentes réciproques du professeur et des élèves (Brousseau, 1998). Il inclut un système d'habitudes, dont certaines sont génriques et durables et d'autres plus spécifiques et redéfinies en fonction des éléments de connaissances. Ce contrat est donc un système de normes socio-épistémiques et sociales relatives à un processus didactique. Ce contrat est en relation avec le milieu didactique, environnement spécifique dans lequel se situe les actions d'enseignement et d'apprentissage.

Pour modéliser l'action conjointe, en lien avec l'idée de transaction, Sensevy propose d'utiliser la notion de "jeu didactique" qui implique le professeur, l'élève et le savoir qui est l'enjeu de ce jeu. Le jeu n'est gagnant pour l'enseignant que lorsque les élèves donnent du sens au savoir en jeu. Cette analyse permet d'étudier les rythmes des actions de la classe prise comme un système et "un nouveau jeu nécessitera un nouveau contrat, c'est à dire, en particulier, de nouvelles attentes de l'enseignant à des élèves et des élèves à l'enseignant [...] Ce contrat nouveau, propre à un nouveau jeu, est accompagné d'un nouveau milieu" (Sensevy, 2011; p.27). Le contrat didactique évolue donc : il y aura une modification de jeu quand change l'enjeu du jeu, la régle du jeu ou le milieu dans lequel le jeu est joué. C'est cette structuration que tente de saisir les études de classe mobilisant la théorie de l'action conjointe. Tiberghien (2012) constate dans l'étude d'une séance que la structuration en terme de jeux didactiques recouvrent largement la structuration en thèmes. La reconnaissance par l'enseignant d'un écart entre le savoir enseigné et les connaissances des élèves est une action conjointe qui se déroule dans les premiers jeux et conduit à une action d'ajustement, de recalage. Dans l'exemple étudié par Tiberghien, ce modèle permet de rendre compte d'une spécificité de la séance étudiée : la reconnaissance d'un décallage entre ce qui est esneigné et ce qui a été compris et donc la nécessité d'un temps d'apprentissage dédié à l'ajustement entre enseignement et apprentissage.

Cette théorie permet à ces auteurs de rendre compte de la dynamique d'évolution des savoirs dans la classe, de construire un modèle de la classe centrée sur la dynamique du savoir. Les analyses se construisent en terme de jeux didactiques et s'intéresse à l'évolution des sens pris par les savoirs au sein de la classe, au cours des transactions entre professeur et élèves. Tiberghien (2012) constate que le professeur et les élèves, à travers les supports pédagogiques et des activités réalisées au cours d'une séance portant sur l'analyse spectrale, s'efforcent de donner un sens commun aux situations par une serie de jeux déterminés. La structuration en jeu est plus interprétative que celle en thème, car elle ne met pas en jeu des catégories a priori : le jeu est construit à partir des transactions entre enseignants et élèves, dont l'objet est le savoir.

Pour ces auteurs, l'action didactique serait donc orientée par les savoirs. Plus largement, à mon sens, l'action conjointe est en effet orientée par les représentations des savoirs en jeu, mais aussi par les représentations des capacités d'apprentissage et des enjeux et missions de l'éducation (Urgelli, 2009).