Cycle de séminaires Recherche, enseignement, formation
Risques climatiques et éducation au développement durable

Réchauffement climatique et développement durable
L'éducation scientifique citoyenne en question

Benoît Urgelli

last up-date : 25 novembre, 2011

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(site de l'AFPSVT)

Calendrier des interventions de l'année 2010

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Résumé de l'intervention

Mots clés : climat – controverse - expertise – média – éducation – citoyenneté - éthique professionnelle

Le réchauffement climatique, comme la plupart des questions d'environnement et de santé, s'accompagne d'une circulation sociale de savoirs et de valeurs. Notre cadre théorique, relatif aux travaux de Moscovici (1989) et Roqueplo (1993), retient que trois dimensions inter-reliées caractérisent ces questions : la complexité, l'expertise et la médiatisation.

Dans le cadre de la généralisation de l'éducation au développement durable (BOEN 2004, 2007), durant l'année scolaire 2006-2007, nous avons conduit une étude des représentations de la question climatique par un groupe de huit enseignants de lycée. Cette étude s'inscrit dans le contexte de la Stratégie nationale du développement durable (2003), de la préparation du quatrième rapport du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat et de la campagne présidentielle 2007. C'est durant cette période que la question climatique s'affirme en France comme un objet d'enseignement privilégié pour une éducation au développement durable.

Dans ce contexte particulier, à travers le suivi des déclarations, des productions didactiques et des séances de travail pluridisciplinaire d'enseignants volontaires, l'étude a tenté d'identifier la diversité des représentations d'une éducation aux risques climatiques. En portant une attention particulière aux discours proposés sur la question, aux enjeux d'apprentissages explicités et aux supports médiatiques mobilisés, il apparaît que les diverses logiques d'engagement des enseignants dans le programme d'éducation au développement durable (Urgelli, 2009) sont liées chacune à une représentation de l'éducation scientifique citoyenne (Lenoir, 2008).

Ainsi, face à l'existence de controverses médiatisées sur l'évolution climatique, tout en revendiquant une posture de neutralité et d'impartialité (Kelly, 1986), l'engagement des enseignants oscille entre un modèle d'enseignement disciplinaire positiviste (Audigier, 1993), un modèle d'enseignement interventionniste et un modèle d'éducation à la citoyenneté critique (Tutiaux-Guillon, 2006) soulignant la complexité de la question climatique.

On note également que les stratégies proposées par les enseignants soulèvent des interrogations éthiques liées à la communication sociale sur le sujet : en tant que représentants du service public, dans un contexte sociopolitique visant à la promotion d'un développement durable face aux risques climatiques, peut-on exposer de jeunes citoyens à un discours critique sur les formes consensuelles et alarmistes de l'expertise médiatisée ? Dans le cadre du traitement didactique d'une question comme celle de l'évolution climatique, ces interrogations enseignantes montrent la nécessité de définir collectivement une éthique de la profession liée à l'enseignement d'une question socioscientifique.

Enfin, sur cette question d'actualité, les discours des enseignants pointent l'absence d'arènes publiques (Chateauraynaud, 2007) permettant de saisir la complexité et les limites de l'expertise. Ces arènes permettraient d'éclairer les prises de décision, en partageant les savoirs et les questionnements citoyens, et en dépassant l'idéologie de la compétence (Roqueplo, 1974) et le chantage au consensus (Roqueplo, 1993).
Autour des relations sciences sociétés, nous pensons que la publicisation du doute dans l'évaluation scientifique des risques doit se développer, particulièrement en contexte éducatif. Sans la réconciliation entre doute et certitude, sans la confiance raisonnée et raisonnable dans le travail des scientifiques, c'est la fiabilité même des connaissances qui finit par être objet de doute […] Un diagnostic incertain n'est pas pour autant un diagnostic auquel on ne fait pas confiance (Roqueplo, 1993).