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L'éducation aux médias d'information
Des attentats de Paris au Musée de Mossoul

Benoît Urgelli
last up-date : 27 mars, 2016

Avec le soutien de Gwladys ECHALLIER et Delphine MOULIN, et de l'ensemble de la promotion 2014-2015
Licence Sciences de l'Education, ISPEF - Université Lyon 2

OBJECTIFS : Ce programme d'éducation aux médias et à l'éthique responsable en matière d'éducation s'appuie sur le traitement médiatique et politique des attentats de Paris (07/01/2015), puis de l'affaire du musée de Mossoul (26/02/2015). Il est associé à un appel à projets auprès des étudiants en Sciences de l'Education qui suivent nos travaux dirigés. Les projets retenus par l'équipe pédagogique élargie pourront être présentés à La Semaine de la presse et des médias dans l’École® du 23-28 mars 2015 (CLEMI).

Les analyses de recherche associées à ces projets étudiants seront présentées au colloque L’école : de la violence aux valeurs ? du 28-29 mai 2015 (Réseau international Education et Diversité).

Il s'agit d'élaborer des actions d'éducation et de formation (voir les projets ici) qui, avec le recul, viseraient à préciser comment ils auraient traité cet évènement socialement vif dans un contexte d'éducation et de formation de leur choix. Pour les attentats de Paris, on sera particulièrement attentif à la place de la Minute de Silence dans le projet éducatif proposé. Les projets pour une éducation aux médias (CLEMI) et aux valeurs de la République française devront expliciter les 6 points suivants :

  • les publics visés et les contextes,
  • les objectifs éducatifs et la problématisation, de préférence en lien avec le socle commun de compétences (voir la version 2006 en vigueur jusqu'à la rentrée 2016 (avec entre autres, mais pas seulement ! les compétences sociales et civiques), et la version 2016 en préparation),
  • les supports et activités proposées, avec les consignes données et les productions attendues,
  • les discours et contenus envisagés,
  • les éventuels partenariats, en justifiant les choix et les apports pédagogiques attendus,
  • Les critères d'évaluation de la réussite des activités et du projet dans sa globalité.

Les étudiants pourront s'appuyer sur les dossiers d'information et les ressources proposés par :

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Le suivi de la trajectoire argumentative durant le moment discursif compris entre le 07 janvier et le 16 janvier 2015 permet de distinguer quelques jeux d'acteurs et d'arguments auxquels on risque d'être confronté dans le cadre de la prise en charge didactiqued'un évènement socialement vif.

L'école de la République s'est structurée historiquement autour de l'idéal d'une transmission de savoirs et d'une instruction nécessaire au développement d'une citoyenneté responsable, indépendamment de l'éducation parentale. Mais la mission éducative porte aussi sur la transmission des pratiques et de valeurs supposées collectivement partagées, au fondement du "vivre ensemble" républicain. L'évènement des attentats de Paris, comme d'ailleurs toutes les crises historiques liées à des violences civiles nationales ou internationales (guerres mondiales, attentats, révolutions, manifestations violentes,...) conduisent aux mêmes questionnements sur la place de l'école en terme de socialisation démocratique. Régulièrement, on s'interroge sur les réformes du système éducatif qui permettraient de remettre l'éducation à la citoyenneté au coeur des missions et des pratiques des personnels enseignants.

Dans ce TD, en se concentrant sur le moment discursif (Moirand, 2007, 2009) lié aux attentats de Paris, nous allons tenter de suivre les trajectoires argumentatives (Chateauraynaud, 2011-2012), c'est à dire l'évolution des jeux d'acteurs et d'arguments dans les récits médiatiques. Les interrogations portent sur la responsabilité de l'Ecole face à de tels évènements, mais également sur les réponses et les réactions politiques qui se dessinent progressivement, sur le terrain et dans l'esprit des responsables de l'institution scolaire. Les discours médiatiques vont véhiculer progressivement, en sortant de l'émotion des premiers instants, un ensemble d'arguments d'ordre scientifique, éthique, politique, économique et philosophique qui vont donner un sens particulier à l'évènement et notamment à la question socialement vive de la place de l'école laïque dans l'éducation citoyenne républicaine. Dans un premier temps, nous supposerons que cette question dépasse la forme scolaire disciplinaire du secondaire (collèges et lycées) liée à la transmission des connaissances académiques.

D'un point de vue théorique, nous considérerons que les médias construisent un sens particulier à cet évènement et donc une réalité sociale particulière. Ils sont pris dans un contrat contraignant les pratiques journalistiques, un contrat vis à vis des publics, des financeurs et de leurs sources d'information. Ce contrat est double : c'est celui de la nécessité de captation des publics et de la diffusion d'information fiable, respectant la charte de la déontologie journalistique.

I. Etude des Unes du 08 janvier 2015 (lendemain des attentats Charlie Hebdo à Paris) de la presse quotidienne nationale française
(presse payante
et gratuite) : quelles représentations de l'évènement ?

Interessons nous, dans un premier temps, à la presse quotidienne nationale française, qui comprend 4 titres gratuits et 18 titres payants (généralistes ou spécialisés), dont 6 sont diffusés à plus de 100 000 exemplaires. La diffusion de la presse gratuite a largement dépassé la presse payante. Cette diffusion est assurée hors kiosques ou marchands de journaux traditionnels par des distributeurs à l'entrée des métros ou sur certains points de passage du public. Nous aurions pu également nous intéresser à la presse internationale ou encore à la presse française régionale. Le site kiosko.net permet de parcourir les unes de la presse papier nationale et internationale, avec une semaine d'archivages. Etant donné que le moment discursif étudié dure une semaine, nous travaillerons sur une presse dont la temporalité est quotidienne, en gardant à l'esprit que la presse hebdomadaire ou mensuel mobilise une temporalité qui permettra de s'interroger sur la prise de recul des acteurs et des arguments dans les nouveaux récits construits.

Q1. A partir du tableau suivant (à compléter), identifier les sens que la presse quotidienne française de 8 janvier 2015 a donné aux attentats de Paris du 07 janvier 2015.

Voir aussi les données de l'Alliance pour les Chiffres de la Presse et les Médias (ACPM, 2016)

Quotidien
Date de fondation
Groupe de presse
Actionnaire(s) majoritaire(s)
Diffusion France en 2013-2014
Classement ODJ de la presse 2013

20 minutes

début de 2002

Schibsted, groupe norvégien
870 000 exemplaires en France
(8 éditions, dont 510 000 exemplaires à Paris).

Metronews

 

 
plus de 800 000 exemplaires

Direct Matin

Il produit ses propres articles et recycle ceux publiés dans Le Monde et Courrier international.

partenariat entre le groupe Bolloré et Le Monde

Direct Soir

entre 2006 et 2010

Produit par le Groupe Bolloré

Le Parisien / Aujourd'hui en France

22 août 1944

Journal populaire et généraliste. Les diffusions du Parisien et d'Aujourd'hui en France sont couplées ici.

411 003

Le Figaro

hebdomadaire : 1826
quotidien : 1866

Journal généraliste

Socpresse

Groupe industriel Marcel Dassault (Serge Dassault)

317 225

Le Monde

18 décembre 1944

Journal dit « de référence ». Politiquement indépendant, Le Monde est le seul quotidien dit « du soir » à figurer dans cette liste.

Groupe Le Monde

Pierre Bergé, Matthieu Pigasse, Xavier Niel

275 310

L'Équipe (édition générale)

28 février 1946

Journal sportif

243 580

Les Échos

mensuel : 1908
quotidien : 1928

Journal consacré à l'économie, aux finances et à la bourse. Il soutient une ligne éditoriale libérale-conservatrice.

DI Group

LVMH (Bernard Arnault)

123 636

Libération

22 mai 1973

Journal engagé à gauche

SARL Libération

Patrick Drahi et Bruno Ledoux

101 616

La Croix

1883

Journal catholique et conservateur

94 673

Le Petit Quotidien

1998

Journal d'actualité pour les 6-10 ans.

Play Bac Presse
53 807

Mon quotidien

1995

Journal d'actualité pour les 10-14 ans.

Play Bac Presse
47 358

Paris Turf

1946

Journal consacré aux courses hippiques.

41 393

L'Humanité

18 avril 1904

Organe central du Parti communiste français de 1920 à 1994 ; il en reste proche mais s'est depuis ouvert à d'autres composantes de la gauche.

Société nouvelle du journal l'Humanité
40 562


II. Les premières réactions de politique éducative

III. Quand les acteurs réagissent... l'éducation en question !

  • L'épisode du Mea Culpa enseignant (13/01/2015) ?
    « Comment avons-nous pu laisser nos élèves devenir des assassins ? » Le Monde, Idées, du 13 janvier 2015 :
    Q. Analyse du courrier des lecteurs de cet article d'opinion Le Monde et cartographie des jeux d'arguments dans les tentatives de recherche de responsabilité.

    Eléments de réponse : être attentif au fait que les réactions des lecteurs ne sont pas représentatifs de la diversité des argumentaires. Ils sont issus d'une population de lecteurs qui a la volonté de publiciser son argumentaire et à qui le modérateur du forum en donne le droit. Il s'agit donc de formes d'engagement politique, même si on peut s'interroger sur les raisons du maintien de l'anonymat par certains internautes. Il s'agit donc d'un espace de débat fortement contraint par le média lui-même, sur la base d'arguments qu'il estime pertinent de publiciser. Entre deux pôles extrêmes, "c'est la faute des enseignants" et "l'école ne peut pas tout porter', se déploie un ensemble d'arguments qui interroge le rôle des enseignants dans la transmission de valeurs. Le débat peut sembler bipoliare, mais comme dans toute question sociiopolitique, les jeux d'arguments sont complexes. Se trouvent questionnés l'efficacité des politiques éducatives, la gestion de la diversité des publics, la radicalisation de certains enfants, les facteurs économiques, mais aussi la responsabilité des médias qui influenceraient directement les jeunes.

  • La diversité des postures enseignantes sur le terrain (15/01/2015)
    L'article Le Monde, Education, du 15 janvier 2015 : « L’école ne peut pas résoudre tous les problèmes de la société », par Mattea Battaglia et Benoît Floc'h permet de cartographier, sur la base de cette enquête journalistique sommaire, la diversité des postures des enseignants, entre évitement et engagement éducatif citoyen.

  • La faute des médias  : le cas de la théorie du complot ? (15/01/2015)

Gérald Bronner, dans l'ouvrage La pensée extreme, de janvier 2016, constate qu'en 8 jours, à la suite des attentats de Paris, le nombre d'arguments cumulés jour après jour en faveur de la théorie du complot dans l'affaire Charlie Hebdo est passé de 26 le 08 janvier 2015 à 113 arguments le 14 janvier 2015.

Attentats: pourquoi la théorie du complot séduit-elle autant les jeunes ? BFMTV, par Adrienne Sigel, publié le 15/01/2015  : recherche des voix mobilisées dans le récit : un appel indirect pour une éducation citoyenne aux médias et aux sciences.

Eléments de réponse
: l'âge et l'environnement social apparaissent comme des facteurs expliquant que les jeunes se détournent des explications officielles venant d'adultes socialement référents. Durant la phase de construction d'une identité personnelle, l'exploration d'une diversité d'univers qui donne des sens différents au monde qui les entourent est un facteur explicatif du succès de la médiatisation de complotisme. Notons que s'intéresser aux fondements de ces complots ne signifient pas forcèment y adhérer. Cet intéret peut s'inscrire dans une volonté de symétrisation mais surtout d'évaluation de la pertinence socio-scientifique et éthique des visions de la réalité sociale.

Ecouter aussi l'émission Interception : Surinformés ou désinformés : les ados à l'heure du complot, 03/01/2016, France Inter


Voir également les écrits de Gérald Bronner
sur internet et la diffusion des croyances, notamment dans :

[...] Premier paradoxe: l’explosion de l’offre d’information a plutôt profité aux thèses complotistes, dont il est indéniable qu’elles ont trouvé avec Internet un formidable levier pour se répandre. Si accuser Internet ou les réseaux sociaux d’avoir créé ce phénomène n’a aucun sens, puisque l’existence de telles théories est bien antérieure à l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication, en revanche, il paraît tout aussi vain de nier que le web a permis au complotisme d’élargir son public [...]

Sur Internet, les barrières à l’entrée sont quasi-inexistantes, ce qui démocratise la prise de parole. Qu’il s’agisse de l’existence du monstre du Loch Ness ou de complots politiques, les croyances douteuses y bénéficient d’une prime à la motivation. Ceux qui se sont rangés à la «version officielle» sur de tels sujets sont trop peu motivés pour afficher leur certitude sur Internet. Ils n’ont habituellement ni temps, ni énergie, ni réputation à consacrer à la critique permanente des hypothèses en faveur du complot. Ce qu’Internet a changé, c’est l’équilibre des forces entre complotistes et anti-complotistes: ce sont surtout les plus croyants qui y sont les plus motivés pour occuper l’espace. Dit autrement, Internet offre une prime structurelle aux «trolls» et aux défenseurs de thèses minoritaires, comme d’autres médias avant lui mais dans des proportions décuplées.

Une des techniques de conviction du complotisme est ce que Bronner appelle des «mille-feuilles argumentatifs». Une sensation d’intimidation mais aussi d’épuisement s’impose à qui visite pour la première fois un site conspirationniste ou se confronte aux arguments avancés.[...] «Défaire un seul de ces arguments demande, si l’on n’est pas spécialiste de ces questions, un fort investissement et plus leur nombre croît, plus il devient difficile de douter des propositions conspirationnistes.»

in Charlie Hebdo: pourquoi la France a plutôt bien résisté aux théories du complot. Jean-Laurent Cassely, 02.02.2015.


Le 7 janvier 2015, deux hommes, Chérif et Saïd Kouachi, pénètrent dans les locaux parisiens du journal satirique Charlie Hebdo où ils assassinent froidement onze personnes, parmi lesquelles les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinsky, Honoré et Tignous. Ils prennent ensuite la fuite à bord d’une Citroën C3 noire, rapidemment abandonnée rue de Meaux, dans le 19e arrondissement. Dans certaines vidéos prises juste après l’attaque, la voiture utilisée par les frères Kouachi semblent être dotée de rétroviseurs blancs. Or, sur les photos du véhicule retrouvé quelques minutes plus tard, les rétroviseurs sont de couleur noire. [...] certains internautes affirment alors que la voiture utilisée par les assaillant n’est pas la même que celle de la rue de Meaux. La découverte d’une carte d’identité à l’intérieur de cette dernière renforce alors cette idée d’un second véhicule, au sein duquel des preuves factices auraient été deposées par les services secrets pour faire accuser à tort les frères Kouachi.

 
Théories du complot : notre société est-elle devenue parano ?
Article de Claudie Bert, Sciences Humaines, 30/01/2015

Comment lutter ?

Il est une stratégie préventive qui recueille l’assentiment général  : développer l’esprit critique. Malheureusement, tous s’accordent pour dire qu’il faut le faire dès l’enfance pour avoir des chances de succès… Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’apprendre à distinguer le vrai du faux, mais aussi d’acquérir assez de flexibilité d’esprit pour arriver à changer d’opinion sans problème, pour reconnaître ses erreurs sans en faire un drame. Vaste programme…

L’attentat du 11 septembre 2001 a fait l’objet d’enquêtes d’opinion. Aux États-Unis, 49 % des habitants de New York, qui ne sont pas les moins diplômés du pays, affirment que le gouvernement américain savait ce qui allait arriver et s’est consciemment abstenu d’agir. …Ces opinions [...] peuvent s’expliquer. L’instruction accroît la curiosité et l’ouverture d’esprit.

 

Déclaration sur la page facebook de Souheib X :
"voici les trajets de la marche républicaine qui a ce dimanche réunie près de 2 millions de personnes dans les artères parisiennes. Tout pour plaire à Netanyahu. J'espère que vs comprenez un jours que rien n'est par hasard sur Terre (ni ailleurs)"

Le trajet de la marche républicaine du 11 janvier 2015, dans les rues de Paris, reproduirait les frontières de l’État israélien. Pour les conspirationnistes, c'est l'authentique signature d’un complot juif.

Eléments de réponse : Après avoir visionné 500 heures, le 12 février 2015, le CSA a prononcé plusieurs mises en demeure adressées à 13 médias audiovisuelles français : BFMTV, Euronews, France 2, France 24, iTELE, LCI, TF1, Europe 1, France Info, France Inter, RFI, RMC, RTL. Les 3 médias France 5, Canal + et France 3 ont reçues des mises en garde.
Ces décisions s'appuient sur l'article 1 de la Loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (Loi Léotard) et sont la conséquence du visionnage et de l'audition des traitements médiatiques proposés entre le 07 janvier et le 09 janvier 2015. Un extrait de l'article en question précise que L'exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d'une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d'autrui, du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion et, d'autre part, par la protection de l'enfance et de l'adolescence, par la sauvegarde de l'ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle. C'est cet article qui conduit le Conseil a relevé 36 manquements dont 15 ont donné lieu à mise en garde et 21 ont justifié des mises en demeure.

Réactions des médias : exemple de France Inter, mise en demeure par le CSA qui réagit le vendredi 13 février 2015 dans l'article : Les radios et télés mécontentes de rappels à l'ordre du CSA. Exemple des réactions du directeur de l'information de France Televisions, Thierry Thuillier, ou de Céline Pigalle, directrice de l’information du groupe Canal+ (propriétaire d’iTélé), ou encore Catherine Nayl, directrice de l’information du groupe TF1, dans le Monde du 13 février 2015 : Couverture des attentats : « Que fait-on ? On met un écran noir ? » par Alexis Delcambre :

Un point concentre plus particulièrement l’ire des médias, d’autant qu’ils se voient tous mis en demeure pour ce motif : avoir annoncé que des affrontements avaient commencé entre forces de l’ordre et terroristes à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne). « La divulgation de cette information aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour les otages de l’Hyper Cacher (…), dans la mesure où Amedy Coulibaly avait déclaré lier leur sort à celui de ses complices de Dammartin-en-Goële », écrit le CSA [...] « Si doute il y a, ce que je ne crois pas, il faut appliquer le principe de précaution en raison des vies en jeu », rétorque Nicolas About, membre du groupe de travail du CSA sur le sujet.

Q. Identifiez les argumentaires de défense des responsables des médias audiovisuels, notamment en relation avec l'existence de médias internet, de réseaux sociaux, mais aussi de chaines télévisuelles étrangères (Al-Jazira ou CNN), concurrents et non régulés par le CSA.

  • L'épisode Un professeur de Mulhouse suspendu (15/01/2015)
Q1. Analyse des jeux d'acteurs et d'arguments dans l'article Le Monde, Education, du 15 janvier 2015 : Un professeur de Mulhouse suspendu pour avoir montré en classe des caricatures de « Charlie », par Mattea Battaglia et Aurélie Collas

Q2a : Comparer les mises en récit et les schémas argumentatifs à un instant donné, à partir du dossier de presse du 15 janvier 2015 (20 minutes/Strasbourg, Le Parisien, Le Figaro, Le Point).

Eléments de réponses : des récits construits avec la mobilisation d'un même réseau d'acteurs et d'institutions (syndicats parents FCPE, recteur Gougeon, syndicat SNES-FSU, enseignant collègue anonyme, le discours des élèves rapporté par les parents, le discours de l'enseignant suspendu rapporté par les élèves ou par les responsables administratifs (chef d'établissement, recteur). A noter :

Q3. Comparer vos analyses avec les argumentaires télévisés sur BFMTV et ITélé (chaines d'information continue) et France 3 (JT France 3 - 12/13, 8eme sujet).

Eléments d'analyse : La voix d'une élève Melissa, 13 ans, de la classe de quatrième, est recueilli par ces deux médias. Sur Itélé, c'est la parole d'un représentant de la FCPE qui présente l'affaire comme une faute proféssionnelle. Sur BFM TV, la voix du recteur Gougeon présente la suspension comme une mesure nécessaire le temps de l'enquête administrative. Le représentant du syndicat enseignant, probablement le SNES, déclare que l'enseignant, expérimenté et engagé dans l'enseignement en milieu difficile depuis 8 ans, a le mérite d'avoir conduit une action pédagogique comme l'avait demandé la Ministre, même s'il l'a fait maladroitement.

Q4 : Nouvelle analyse des jeux d'acteurs et d'arguments. Application à l'article Le Monde, Société, avec AFP, du 22 janvier 2015 : Sanction levée pour le professeur suspendu après avoir montré en classe des caricatures. Préciser ce que nous apprend l'issue de cette affaire, sur les rapports de force dans l'institution scolaire.

Toute l'actualité des rencontres et des consultations de la Ministre autour du projet

Voir notamment :
Rencontre avec les anciens ministres de l’Éducation nationale (15 et 16/01/2015)
Benoit Hamon, Xavier Darcos, Gilles de Robien, Claude Allègre, François Bayrou,
Jack Lang et Vincent Peillon


Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, a présenté un point d’étape sur la Grande mobilisation de l’École pour les valeurs de la République jeudi 15 janvier 2015.

Q. Identifier les 3 principales mesures annoncées à l'occasion de ce point d'étape.

Eléments de réponses
: sur la base d'une vaste consultation (anciens ministres, parents, syndicats d'enseignants et d'élèves, représentants d'éducation populaire, association de lutte contre le racisme,...), la Ministre fait le diagnostic d'une école qui doit réaffirmer son attachement aux valeurs de la République et à leur transmission. L'éducation civique et morale est généralisée à l'ensemble du système éducatif. L'annonce porte d'abord sur la nécessité de développer une laïcité de compréhension à l'école (Debray, 2004), en considérant qu'il est du devoir de l'enseignant de comprendre et d'expliquer le fait religieux. Un vaste plan de formation accompagne cette orientation politique. L'école doit également lutter contre le déterminisme social en réduisant les inégalités scolaires et en renforçant le sentiment d'appartenance à la République. Enfin, il est proposé de mobiliser l'ensemble de partenaires éducatifs pourqu'ils participent à la vie de l'école et aux choix éducatifs. La parentalité doit être intégrée dans les actions proposées.

Voir sur le site Eduscol, Portail national des professionnels de l'éducation : Liberté de conscience, liberté d'expression : outils pédagogiques pour réfléchir et débattre avec les élèves.

Voir aussi les Onze mesures pour une grande mobilisation de l'École pour les valeurs de la République  - 22 janvier 2015 : Transmission des valeurs républicaines, laïcité, citoyenneté et culture de l'engagement, lutte contre les inégalités et mixité sociale, mobilisation de l'Enseignement supérieur et de la Recherche sont au centre de ces mesures. et la Charte de la Laïcité.


V. Proposition d'actions d'éducation et de formation

Rappel des consignes : élaborer des actions d'éducation et de formation qui, avec le recul, viseraient à préciser comment on aurait pu traiter cet évènement socialement vif dans un contexte d'éducation et de formation de votre choix. On sera particulièrement attentif à la place accordée à la Minute de Silence dans le projet éducatif proposé. Il s'agira d'expliciter les raisons de vos choix d'un point de vue didactique.

Les projets pour une éducation aux médias, aux valeurs de la République française et/ou aux faits religieux devront expliciter les 6 points suivants :

  • les publics visés et les contextes,
  • les objectifs éducatifs et la problématisation, de préférence en lien avec le socle commun de compétences (voir la version 2006 en vigueur jusqu'à la rentrée 2016 (avec entre autres, mais pas seulement ! les compétences sociales et civiques), et la version 2016 en préparation),
  • les supports et activités proposées, avec les consignes données et les productions attendues,
  • les discours et contenus envisagés,
  • les éventuels partenariats, en justifiant les choix et les apports pédagogiques attendus,
  • Les critères d'évaluation de la réussite des activités et du projet dans sa globalité.
  1. L'affaire des attentats de Paris soulève une question socialement vive, celle du vivre ensemble, en société démocratique et laïque. Cette question suppose entre autres de développer les compétences civiques et sociales décrites dans le socle commun de 2006 (compétence 6). Prendre en charge cette question à l'école, c'est donc accepter d'entrer dans une éducation à la citoyenneté qui questionne les valeurs républicaines et les controverses qu'elles soulèvent.
  2. L'affaire du Musée de Mossoul soulève également une question socialement vive, celle du développement et du partage d'une culture humaniste (compétence 5 du le socle commun de 2006). Cette affaire questionne également le sens et les raisons de la préservation du patrimoine mondiale de l'humanité à travers notamment les travaux et les engagements de l'UNESCO.

Nous considérerons que les valeurs peuvent être définies comme ce qui fonde le jugement (Castera, J. & Clément, P., 2010, p.244). Ce sont des qualités que nous estimons subjectivement et que l'on pose comme objectivement estimables (d'après Le Grand Robert 2013). Ce sont des représentations hautement investies affectivement [...], des idéaux qui motivent les membres d'une communauté à agir de telle manière plutôt que de telle autre (Molinatti, 2010, p.201).

Pour traiter des controverses, la recommandation d'une pratique pédagogique à la fois exigeante et souple : le débat philosophique...

L'UNESCO rappelle dans son rapport 1999 sur la Philosophie pour les enfants (p.9) :

En vue de la promotion d’une Culture de la Paix, de la lutte contre la violence, d’une éducation visant l’éradication de la pauvreté et le développement durable, le fait que les enfants acquièrent très jeunes l’esprit critique, l’autonomie à la réflexion et le jugement par eux-mêmes, les assure contre la manipulation de tous ordres et les prépare à prendre en main leur propre destin. [...] Incontestablement, l’enfant d’aujourd’hui est l’adulte de demain. C’est donc à juste titre qu’il faut dire avec Matthew Lipman que l’impact de la philosophie « sur les enfants pourrait ne pas être immédiatement apprécié. Mais l’impact sur les adultes de demain pourrait être tellement considérable qu’il nous amènerait à nous étonner d’avoir refusé la philosophie aux enfants jusqu’à ce jour.

Par le débat, il ne s'agit pas de rentrer dans une bataille pour convaincre (au sens étymologique du terme, lat. convincere, de con- (cum intensif), et vincere « vaincre »), mais d'entrer dans une recherche collective d'une forme de vérité qui ne soit ni autoritaire ni liée au principe suivant lequel "le plus grand nombre a toujours raison".

Michel Tozzi (2001, L'éveil de la pensée réflexive à l'école primaire) et Françoise Carraud (2005, Cahiers pédagogiques d'avril 2005, La philo en discussion) proposent le recours à la pratique du débat philosophique pour atteindre un objectif d'éducation à la citoyenneté responsable et active. Pourqu'un débat prenne sens dans un groupe classe, il faudrait veiller à articuler trois phases dans les discussions.

  • La problématisation du débat, qui conduit à poser une question, à partir d'une discussion collective et d'un support comme les albums de jeunesse par exemple sur le thème de la violence des symboles ( L'Etrange guerre des fourmis, 1996). Il s'agit d'une question dont la réponse n'est pas évidente, qui soulève des doutes et montre qu'il y a des présupposés sous jacents.
  • La conceptualisation qui suppose pour l'enseignant d'utiliser des mots et des concepts qu'il faudra nécessairement travailler et définir, soit collectivement, soit en prenant une référence comme le Grand Robert de la langue française par exemple. L'enseignant ou le formateur doit être exigeant sur ce point qui se réfère donc aux contenus. Un débat se prépare !
  • L'argumentation qui est l'étape qui va conduire à la construction d'une réponse nuancée au problème, en mobilisant des raisons qu'on essaie de rendre valable aux yeux des autres. Cette argumentation suppose donc une prise de position éclairée et éclairante pour les autres.

Quelques mots et concepts qu'il faudrait travailler en amont du débat et pendant le débat, pour cadrer les échanges et avancer collectivement aussi...

  • Sur l'affaire des attentats de Paris : islam, musulman, arabe, religion, islamiste, barbare, djihad, violence, amalgame, liberté, caricature, presse, laicité, tolérance, démocratie, république, valeur, minute de silence, hommage

Pour Carraud (2005), un débat ne peut fonctionner que si l'enseignant accepte quelques principes :

  • prendre au sérieux la parole de l'enfant, en évitant de tomber dans le travers d'une correction systématique de la parole autour de vrai ou de faux. il s'agit plutot d'écouter et d'accompagner l'expression de la parole et donc de la pensée.
  • prendre au sérieux le collectif classe, en pariant sur le fait qu'une diversité d'opinions et d'arguments émergeront autour du problème posé
  • être exigeant en terme de concepts tout en laissant les enfants construire des normes et des valeurs communes, sans être constamment dans la posture de celui qui corrige l'expression française...
  • faciliter la circulation et l'expression de la pensée, notamment par la distribution de supports correspondant aux différentes thèses en jeu dans le problème traité. Se pose ici la question de sa posture impartiale et de sa neutralité. Cette question est objet de débat actuellement dans le système éducatif. La posture est la forme d'engagement, l'attitude d'esprit, la conduite que l'on adopte face à une diversité de connaissances, de valeurs et de normes à l'origine de jeux d'acteurs et d'arguments et donc de controverses (Urgelli, 2014).

Sur la forme du débat, on peut utiliser des dispositions de groupe et des rôles variées mais pensées avec la contrainte de conduire à l'expression d'arguments, de représentations et de valeurs diverses. Tozzi (2001, p.70) propose par exemple un dispositif d'atelier inspiré de Delsol (2000), avec des animateurs (président, reformulateur et synthétiseur), des discutants et des observateurs de la séance chargés de suivre chacun un discutant et de lui donner des conseils. On veillera à inverser les rôles entre discutants et observateurs, ce qui permet d'entrer dans la discussion philosophique en précisant pourquoi on est d'accord ou pas avec une thèse proposée.

Sur l'évaluation du débat, il semble pertinent de construire la grille d'évaluation avec les enfants pour expliciter les règles du débat; des règles qui doivent être à la fois souples et rigoureuses, autour de 2 points :

  1. l'expression et la construction d'une diversité d'arguments et de représentations,
  2. l'expression et la construction de la pensée qui passe par le langage. Le langage n'est pas considéré uniquement comme "le véhicule de la pensée" mais on considérera qu'il est le lieu où s'élabore une pensée.

Il faut bien entendu une éthique de la communication dans le débat (Tozzi, 2001, p.71). à compléter

PROJET n°2 : L'affaire du Musée de Mossoul : un crime de guerre contre l'héritage culturel ou contre les Nations-Unies ?


le Lamassu, un dieu assyrien représenté avec une tête humaine, le corps d’un taureau et des ailes. Il était le gardien de la porte de Nergal de l’ancienne ville mésopotamienne de Ninive, jadis la plus grande capitale du monde.

Quelques mots mobilisés dans les récits médiatiques sur l'affaire du saccage du musée de Mossoul : patrimoine, culture, humanité, Assyrie, djihad, terrorisme, barbare, idolâtrie, propagande, obscurantisme, talibans, bouddhas d'Afghanistan, islam, musulman, islamiste

 

Autour de cette affaire, la difficulté majeure est d'identifier la problématique et de définir des compétences du socle commun à travailler (probablement celle de la culture humaniste). Ces deux étapes sont nécessaires pour pouvoir donner du sens à un projet d'éducation et de formation en lien avec l'affaire du musée de Mossoul.

Rappel de la méthode et des objectifs éducatifs :
D'après Jean-Marc Lamarre (2006) dans la revue Recherche et formation (vol. 52, pp. 29-41), les récits et le débat reflexif sont des outils d'éducation civique et morale.

Ces outils permettent de contribuer à mettre l'individu à l'épreuve de l'altérité, rejoignant ainsi le projet philosophique d'Hegel, au XVIII et XIXe siècle, pour la formation de l'individu à la citoyenneté, pour son émancipation et son autonomie. Il s'agit de contribuer à la formation d'un individu à la fois singulier (différent des autres) et universel. Par l'épreuve de l'altérité, l'éducation peut permettre de passer de la personne au citoyen, du particulier à l'universel. L'individu moderne doit se positionner de manière responsable par rapport à l'ensemble, en même temps qu'il s'affirme libre. Le projet éducatif se situe donc entre principe de liberté et principe d'éducabilité (Meirieu, Sciences humaines, octobre 2014).

Dans le contexte actuel, il s'agit de convaincre l'individu hypermoderne (autocentré et connecté aux autres par réseau) que l'épreuve de l'altérité n'est pas une violence contre son identité, mais une violence émancipatrice au sens de l'Allégorie de la Caverne de Platon. Ce projet passe par le développement de médiations entre l'individu qui colle à son être immédiat et le social comme totalité, entre expérience subjective et collective. En évitant le dogmatisme et le relativisme, il s'agit de conduire l'individu à se décentrer vers les points de vue des autres et des publics.

  • Les récits, dans leur pluralité, sont considérés comme des signes culturels permettant de se documenter, de s'informer, de s'instruire, mais aussi de s'interroger sur les sens de la vie, et de sa propre vie. Il s'agit de discours entre anciens et nouveaux, et ils dévoilent une pluralité de vies et de mondes éthiques. C'est un moment de mise à distance par rapport à soi même par la rencontre de l'altérité de la culture. Ce détour par les récits permet de se préparer à construire sa propre histoire, son propre récit de manière critique, réfléchie et élargie, en sortant du narcissisme. Sur une affaire donnée, par l'exploration des récits (narratifs et médiatiques, contemporains ou classiques), on identifie une pluralité des connaissances, des valeurs et des normes, éventuellement sources de controverses. De cette exploration émerge une problématique (phase de problématisation selon Tozzi, 2001) nécessaire à l'ouverture d'un débat argumenté, conceptualisé et engagé sur des valeurs. Il faut donc sélectionner des récits qui montrent la diversité des positions dans le temps et dans l'espace des sociétés, des récits qui mobilisent des schémas narratifs et éthiques à identifier pour pouvoir ensuite faire un retour sur soi-même et décider de ses propres valeurs.
  • Le débat va permettre de se libérer de ses préjugés et d'essayer de comprendre les points de vue des autres, les récits ayant contribué à préparer les argumentaires. Par le débat argumentatif, qui est un discours entre égaux, on pousse alors la réflexion vers l'appropriation de valeurs universelles qui sont des cadres de références pour une citoyenneté démocratique et républicaine. Le débat permet de créer un espace public dans lequel on va objectiver les pensées, comme dans l'exploration des récits, c'est à dire qu'elles deviennent un objet à examiner de manière critique et qui montre que sa propre croyance n'est pas universelle. Pour Kant, le débat doit permettre 1. de penser par soi même, sans préjugés, 2. de penser en se mettant à la place des autres (pensée élargie) et 3. de penser en accord avec soi même en s'élevant du particulier au général, de l'opinion personnel aux principes et valeurs universelles, républicaines et démocratiques.
    Difficultés pour l'éducateur ou le formateur dans la gestion du débat : la question des postures. Entre posture de retrait (et l'éducateur se refugie dans l'apprentissage de la tolérance en déclarant qu'il veille à ce que ce soit bien leur débat et l'expression de leurs opinions) et une posture d'engagement militant (c'est mon débat et il s'agit d'exclure ou de minimiser les opinions contradictoires). Une troisième voie est possible pour une éducation citoyenne, critique et émancipatrice : celle de l'impartialité engagée (Kelly, 1986).

L'enjeu éducatif est donc d'aider les enfants à s'approprier des valeurs universelles sur lesquels on ne peut transiger. Il faut identifier des textes fondateurs par rapport aux droits et aux valeurs universelles (Déclaration des droits de l'homme, de l'Enfant, Constitution, Charte de la Laîcité, Convention de l'UNESCO,...), en lien avec l'affaire étudiée et la problématique associée.

Sur des problèmes d'actualité médiatisée, plus ou moins proches des préoccupations des publics (des Attentats de Paris au Saccage de Mossoul...), à l'aide de récits narratifs comme les articles de presse et des récits plus ou moins classiques et contemporains (comme des albums de jeunesse sur les guerres et les conflits humains), le débat philosophique peut contribuer à une éducation civique et morale en s'exerçant au jugement politique sur des questions socialement vives et en développant une culture personnelle narrative et éthique.

Histoire de l'UNESCO : philosophie de la Paix et valeurs universelles : L'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a vu le jour le 16 novembre 1945. Elle s'emploie à créer les conditions d'un dialogue entre les civilisations, les cultures et les peuples, fondé sur le respect de valeurs partagées par tous. C'est par ce dialogue que le monde peut parvenir à des conceptions globales du développement durable intégrant le respect des droits de l'homme, le respect mutuel et la réduction de la pauvreté, tous ces points étant au coeur de la mission de l'UNESCO et de son action.

La Convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel procède de la fusion de deux mouvements distincts : le premier, centré sur les dangers menaçant les sites culturels et le second, axé sur la préservation de la nature, à la suite de la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement humain à Stockholm en 1972.

 

Sur la proposition de la Conférence des ministres alliés de l'Education (CAME), une Conférence des Nations Unies pour l'établissement d'une organisation éducative et culturelle (ECO/CONF) se tient à Londres du 1er au 16 novembre 1945, juste à la fin de la guerre. Elle rassemble les représentants d’une quarantaine d’Etats qui décident de créer une organisation destinée à instituer une véritable culture de la paix [...] cette nouvelle organisation doit établir la “solidarité intellectuelle et morale de l’humanité” et, ainsi, empêcher le déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale.

voir aussi l'Acte Constitutif de 1946

Un extrait du texte officiel de la Convention de 1972

Article 1 : Aux fins de la présente Convention sont considérés comme "patrimoine culturel" :

  • les monuments: oeuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d'éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science,
  • les ensembles: groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science,
  • les sites: oeuvres de l'homme ou oeuvres conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique.

Article 2 : Aux fins de la présente Convention sont considérés comme "patrimoine naturel":

  • les monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique,
  • les formations géologiques et physiographiques et les zones strictement délimitées constituant l'habitat d'espèces animale et végétale menacées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation,
  • les sites naturels ou les zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté naturelle.

10 critères de sélection, avec des sites d'intéret naturel et/ou culturel. Plus de 1000 sites actuellement référencés. Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection. Ces critères sont expliqués dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial qui est, avec le texte de la Convention, le principal outil de travail pour tout ce qui concerne le patrimoine mondial. Les critères sont régulièrement révisés par le Comité pour rester en phase avec l'évolution du concept même de patrimoine mondial.

Exemple de la comparaison des sites de Samarra (Iraq, près de Mossoul) et de Lyon (France), à partir de la carte interactive du site de l'UNESCO et des critères de sélection :

  • (ii) témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ;
  • (iii) apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une civilisation vivante ou disparue;
  • (iv) offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l'histoire humaine ;
  • L’UNESCO mobilise la communauté internationale pour mettre fin au nettoyage culturel en Iraq (mars 2015)


En rouge les 46 sites menacés... pour quelles raisons ?

Article 27 relatifs aux programmes éducatifs : Les Etats parties à la présente Convention s'efforcent par tous les moyens appropriés, notamment par des programmes d'éducation et d'information, de renforcer le respect et l'attachement de leurs peuples au patrimoine culturel et naturel défini aux articles 1 et 2 de la Convention. Ils s'engagent à informer largement le public des menaces qui pèsent sur ce patrimoine et des activités entreprises en application de la présente Convention.

En contexte d'éducation, si on envisage d'inviter les enfants à explorer plusieurs sites géographiques, la stratégie pourrait être de les conduire à explorer un site par continent et océan et par groupe de deux, chaque continent ayant contribué au fil des siècles au développement d'une culture humaniste, à la croisée de plusieurs cultures. C'est d'ailleurs ce critère qui a conduit à classer le site historique de Lyon, en 1998, lors de la vingt-deuxième session du Bureau, en ces termes :

  • Nom du bien : Site historique de Lyon
    N° d'ordre : 872
    Etat partie : France
    Le Comité a décidé d'inscrire ce site sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (ii) et (iv).
    Critère (ii) : Lyon représente un témoignage exceptionnel de la continuité de l'installation urbaine sur plus de deux millénaires, sur un site d'une grande importance stratégique, où des traditions culturelles en provenance de diverses régions de l'Europe ont fusionné pour donner naissance à une communauté homogène** et vigoureuse.
    Critère (iv) : de par la manière particulière dont elle s'est développée dans l'espace, Lyon illustre de manière exceptionnelle les progrès et l'évolution de la conception architecturale et de l'urbanisme au fil des siècles.

** A noter la réserve du délégué de la Finlande qui avait émis des doutes sur l'importance universelle de cette proposition d'inscription. Finalement, la Finlande l'a appuyée mais non pas comme exemple inhabituel de structure urbaine homogène, mais au contraire en raison de son caractère additionnel spécifique.

En 2011 sera publiée la carte ci-contre du site historique de Lyon, avec la délimitation d'une zone tampon.

Retour sur trois définitions utiles (© 2013 Dictionnaires Le Robert) dans le cadre de ce projet d'éducation au patrimoine et à sa préservation, et pour le cadre du développement d'une culture humaniste :

Humanisme : ÉTYM. 1765, « philanthropie »; repris v. 1840 (1846, Proudhon) sous l'infl. de l'all. Humanismus; de humaniste.

  1. (1877). Hist. « Mouvement d'esprit représenté par les “humanistes” de la Renaissance, et caractérisé par un effort pour relever la dignité de l'esprit humain et le mettre en valeur, en renouant, par-dessus le moyen âge et la scolastique, la culture moderne à la culture antique » (Lalande).
  2. (1846). Philos. Théorie, doctrine qui prend pour fin la personne humaine et son épanouissement. — Doctrine qui s'attache à « la mise en valeur de l'homme » par les seules forces humaines.
  3. (1877, en hist.). Formation de l'esprit humain par la culture* littéraire ou scientifique.

Culture : ÉTYM. V. 1150, colture; lat. cultura, de cultum, supin de colere « cultiver ».

  1. Ensemble des connaissances acquises qui permettent de développer ce sens critique, le goût, le jugement (par opposition à la nature, opposition discutable selon Descola (2012) mais qui est utilisé en sciences (exemple du réchauffement climatique d'origine naturelle ou anthropique) et par l'UNESCO pour distinguer ce qui est une site naturel de ce qui est culturel).
  2. Ensemble des aspects intellectuels d'une civilisation.
  3. Ensemble des formes acquises de comportement, dans les sociétés humaines.
  4. De manière plus synthétique, je reprendrais la définition de Bernard Schiele (2005, p.51) : [...] la culture peut être définie comme un complexe de signes et de significations - y compris de langage - tissés, amalgamés, entrelacés dans des dispositifs de transmission de valeurs et de sens […] les pratiques culturelles sont porteuses de sens parce qu’elles témoignent de la société dans laquelle elles s’inscrivent et à laquelle elles renvoient. Pratiques, représentations et comportements s’articulent dans des matrices de relations et de sens […]

Patrimoine : ÉTYM. 1160; lat. patrimonium « héritage du père »; de pater.

  1. Biens de famille, biens que l'on a hérités de ses ascendants.
  2. Ensemble des richesses culturelles accumulées par une société, une nation, une région, et qui sont valorisées par la communauté.

Eduquer aux valeurs du patrimoine culturel et naturel : quelques ressources médiatiques