Ouvrir
l'éducation à
une pluralité d'approches
Implications d’une interdisciplinarité focalisée sur la didactique des questions socioscientifiques Durant ma soutenance de thèse, des questions m'ont été adressées à propos de mon "bricolage de cadres théoriques" entre sociologie et didactique. J'avais à l'époque précisé que les travaux de Lahire et Johsua (2000) pour une didactique sociologique (Éducation et sociétés n°4, pp. 29-56) avait inspiré mon questionnement de recherche sur l'enseignement de la question de l'évolution climatique et plus largement d'une question socioscientifique (Sadler et al. 2006). Je voulais étudier quelles étaient les logiques d'engagement des enseignants dans le traitement didactique d'une question socioscientifique. Dans l'interprétation de mon corpus (entretiens et productions pédagogiques), à la recherche de corrélations permettant de construire une approche explicative, j'ai montré que ces logiques d'engagement sont liées à des articulations entre représentations de la question et des pratiques socioscientifiques, représentations de la mission d'éducation à la citoyenneté et représentations des effets sociaux de la communication didactique. Pour cela, j'avais regardé en amont de mon analyse ce que la psychologie sociale de Moscovici disait des représentations sociales et de leur dynamique liée à la communication. Dans ma recherche et dans l'inteprétation de mes résultats, j'ai donc mobilisé une approche interdisciplinaire et focalisée (Charaudeau, 2010) sur la notion de représentation sociale au centre de la sociologie, de la didactique et des sciences de la communication. Pour comprendre la diversité des rapports aux savoirs, aux croyances et aux valeurs des acteurs engagés dans des processus de communication à visée didactique et médiatique, j'ai porté une attention à la didactique des questions sciences société (Legardez et Simonneaux, 2006 ; Albe, 2007 ; Simonneaux et Legardez, 2011) mais également à la sociologie des sciences qui s'intéresse aux régimes de savoirs en société (Pestre, 2006) et à l'épistémologie sociale des sciences (Roqueplo, 1974, 1993 ; Habermas, 1976). C'est en faisant des corrélations entre disciplines (et cette étape est plutôt de l'ordre du subjectif) que j'ai mis en évidence quelque chose de caché et d'invisible à l'observation empirique (Charaudeau, 2010), à savoir des déterminants socioéducatifs et communicationnels d'engagement des enseignants dans le traitement d'une question socioscientifique (Urgelli, 2009). L'interprétation du phénomène étudié, c'est-à-dire l'engagement d'enseignants dans la scolarisation du réchauffement climatique, s'est construire en confrontant différents points de vue, dont certains externes à la didactique des questions socioscientifiques. Ma thèse est donc interdisciplinaire dans la mesure où elle réutilise et redéfinit des concepts utilisés en sciences de la communication mais aussi en sciences de l'éducation (notamment les caractéristiques des questions socioscientifiques, la perception de la dynamique des représentations sociales, des controverses et de leurs médiatisations). Plus concrètement, en utilisant la notion de représentations sociales et logiques d'engagement, j'ai pu établir un modèle interprétant les engagements didactiques, à la croisée entre représentations des sciences, représentations de l'éducation et représentations de la communication. Dans cette démarche, on peut dire que j'ai cherché à assumer la multi-appartenance disciplinaire des phénomènes de communication. Même si certains doutent que la multiréférentialité permette d'obtenir la même rigueur que l'approche strictement disciplinaire, je reste convaincu qu'elle contribue à ouvrir les questionnements à une pluralité de logiques d'investigation [...] sans forcèment mettre en oeuvre de manière systématique les démarches qui auraient été spécifiques à chaque discipline (Le Marec, 2010). C'est à la fois la force et la faiblesse de mon approche sociodidactique. |
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