1.
A la suite des attentats de Paris de
janvier 2015, dans la presse, en février 2015, le gouvernement
par l’intermédiaire de la Ministre a lancé un
programme d’éducation aux valeurs de la République
en lien avec la Charte de la laïcité
(2013). De janvier à mars 2016, avec le soutien d'une
équipe de 40 étudiants de licence Sciences de l'Education,
des chercheurs du laboratoire ECP de l'Université Lyon 2 se
sont engagés dans une enquête explorant comment
les médias problématisent la question de la responsabilité
éducative de l’école, avec quelles logiques
argumentatives, quelle mémoire discursive, et quelles controverses
associées.
2.
En février 2016, le gouvernement par l’intermédiaire
de la Ministre lance un programme d’éducation
aux médias et à l'information face aux théories
du complot :
[...]
la proximité entre complotisme et savoir donne à
l’École les moyens d’agir. En rappelant la
différence fondamentale entre savoir scientifique et révélation.
En rappelant la distinction cardinale entre le vrai et le vraisemblable.
En donnant aux élèves des outils techniques pour
maîtriser la rhétorique, l’argumentation, et
pouvoir ainsi mieux déconstruire les arguments qui leur
sont opposés. Mais dans ce cas, me direz-vous, avons-nous
besoin d’enseignement spécifique ? Tous ces enjeux
ne sont-ils pas, d’une certaine façon, abordés
par les enseignants, en Histoire, en sciences, en langues et en
littérature ? Ils le sont, mais jamais de manière
directe. On explique rarement comment se fabriquent les savoirs.
Les connaissances. Quels sont les enjeux et les règles
qui les régissent. Voilà pourquoi j’ai tenu
à ce que deux enseignements soient mis en place : l’Enseignement
Moral et Civique et l’Education aux Médias et à
l’Information. Tout en convoquant des savoirs fondamentaux
et des connaissances acquises dans d’autres cours, ils mettent
l’accent sur des questions de citoyenneté, d’apprentissage
et de pratique du débat, de connaissance des médias
et de l’information.
Exercice
par
groupe de 2 ou 3: Elaboration d'un récit complotiste
Elaborer
une 'thèse" conspirationniste, en cherchant à
travers des coincidences dans les chiffres, les lieux de vies, les
dates, les numéros de téléphones, les cursus
universitaires, les tailles, les poids et autres caractérisitiques
biométriques, les signes astrologiques, etc... en relation
avec un évènement historique, un personnage et/ou
une institution de votre choix. Vous pourrez présenter cette
thèse sous différentes formes : diaporama, article
de presse, vidéo, séquence radiophonique, etc. (08
points).
Retour
sur l'histoire des récits complotistes et tentative de catégorisation
L’assassinat
de John F. Kennedy en 1962 a [...] donné lieu à un
grand nombre de théorie du complot. Plusieurs groupes ont
été accusés de l’avoir tué comme
la CIA, le vice-président ou l’extrême droite
américaine. C’est [...] suite à cet événement
que l’expression « théorie du complot »
est utilisée pour la première fois en France, dans
un article
du Monde de Jacques Amalric publié le 7 octobre 1966.
voir
aussi : Robert
F. Kennedy aurait fait disparaître le cerveau de son frère,
Le Figaro, Rubrique International, article
de Patrick Bèle du 22 octobre 2013.
On pourra ici se livrer à un nouvel exercice d'éducation
aux médias en comparant les récits médiatiques
de la presse écrite quotidienne nationale qui évoquent
cette nouvelle affaire Kennedy, 50 ans plus tard. Il
s'agira de saisir les schémas argumentatifs des récits,
les controverses avancées et les mises en relation avec
des évènements du passé.
Gérald
Bronner, dans l'ouvrage La
pensée extreme,
de janvier 2016, constate qu'en 8 jours, à la suite des attentats
de Paris, le nombre d'arguments cumulés jour après jour en faveur
d'une conspiration dans l'affaire Charlie Hebdo est passé
de 26 le 08 janvier 2015 à 113 arguments à partir du 14
janvier 2015.
Attentats:
pourquoi la théorie du complot séduit-elle autant les jeunes ?
BFMTV, par Adrienne Sigel, publié le 15/01/2015
: recherche des voix mobilisées dans le récit : un appel indirect
pour une éducation citoyenne aux médias et aux sciences.
Eléments de réponse :
l'âge et l'environnement social apparaissent comme des facteurs
expliquant que les jeunes se détournent des explications officielles
venant d'adultes socialement référents. Durant la phase de construction
d'une identité personnelle, l'exploration d'une diversité d'univers
qui donne des sens différents au monde qui les entourent est un
facteur explicatif du succès de la médiatisation de complotisme.
Notons que s'intéresser aux fondements de ces complots ne signifient
pas forcèment y adhérer. Cet intéret peut s'inscrire dans une
volonté de symétrisation mais surtout d'évaluation de la pertinence
socio-scientifique et éthique de ces visions de la réalité sociale.
Peut-on, doit-on lutter contre les arguments conspirationnistes ?
Le
7 janvier 2015, deux hommes, Chérif et Saïd Kouachi, pénètrent
dans les locaux parisiens du journal satirique Charlie Hebdo
où ils assassinent froidement onze personnes, parmi lesquelles
les dessinateurs Cabu, Charb, Wolinsky, Honoré et Tignous. Ils
prennent ensuite la fuite à bord d’une Citroën C3 noire, rapidemment
abandonnée rue de Meaux, dans le 19e arrondissement. Dans certaines
vidéos prises juste après l’attaque, la voiture utilisée par
les frères Kouachi semblent être dotée de rétroviseurs blancs.
Or, sur les photos du véhicule retrouvé quelques minutes plus
tard, les rétroviseurs sont de couleur noire. [...] certains
internautes affirment alors que la voiture utilisée
par les assaillant n’est pas la même que celle de la rue de
Meaux. La découverte d’une carte d’identité à l’intérieur de
cette dernière renforce alors cette idée d’un second véhicule,
au sein duquel des preuves factices auraient été deposées par
les services secrets pour faire accuser à tort les frères Kouachi.
Il
est une stratégie préventive qui recueille l’assentiment général?
: développer l’esprit critique. Malheureusement, tous s’accordent
pour dire qu’il faut le faire dès l’enfance pour avoir des chances
de succès… Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’apprendre
à distinguer le vrai du faux, mais aussi d’acquérir assez de
flexibilité d’esprit pour arriver à changer d’opinion sans problème,
pour reconnaître ses erreurs sans en faire un drame.
Vaste programme…
L’attentat
du 11 septembre 2001 a fait l’objet d’enquêtes d’opinion. Aux
États-Unis, 49 % des habitants de New York, qui ne sont pas
les moins diplômés du pays, affirment que le gouvernement américain
savait ce qui allait arriver et s’est consciemment abstenu d’agir.
…Ces opinions [...] peuvent s’expliquer. L’instruction
accroît la curiosité et l’ouverture d’esprit.
Déclaration
sur la page facebook de Souheib X :
"voici les trajets de la marche républicaine qui a ce
dimanche réunie près de 2 millions de personnes dans les artères
parisiennes. Tout pour plaire à Netanyahu. J'espère que vs comprenez
un jours que rien n'est par hasard sur Terre (ni ailleurs)"
Le
trajet de la marche républicaine du 11 janvier 2015, dans les
rues de Paris, reproduirait les frontières de l’État israélien.
Pour les conspirationnistes, c'est l'authentique signature d’un
complot juif.
Les
mécanismes psychosociaux à l'origine des récits
conspirationnistes
Voir
également les écrits de Gérald Bronner
sur internet et la diffusion des croyances, notamment dans :
[...]
Premier paradoxe: l’explosion de l’offre d’information a plutôt
profité aux thèses complotistes, dont il est indéniable qu’elles
ont trouvé avec Internet un formidable levier pour se répandre.
Si accuser Internet ou les réseaux sociaux d’avoir créé ce phénomène
n’a aucun sens, puisque l’existence de telles théories est bien
antérieure à l’avènement des nouvelles technologies de l’information
et de la communication, en revanche, il paraît tout aussi vain
de nier que le web a permis au complotisme d’élargir son public
[...]
Sur
Internet, les barrières à l’entrée sont quasi-inexistantes, ce
qui démocratise la prise de parole. Qu’il s’agisse de l’existence
du monstre du Loch Ness ou de complots politiques, les croyances
douteuses y bénéficient d’une prime à la motivation. Ceux qui
se sont rangés à la «version officielle» sur de tels sujets sont
trop peu motivés pour afficher leur certitude sur Internet. Ils
n’ont habituellement ni temps, ni énergie, ni réputation à consacrer
à la critique permanente des hypothèses en faveur du complot.
Ce qu’Internet a changé, c’est l’équilibre des forces
entre complotistes et anti-complotistes: ce sont surtout
les plus croyants qui y sont les plus motivés pour occuper l’espace.
Dit autrement, Internet offre une prime structurelle aux «trolls»
et aux défenseurs de thèses minoritaires, comme d’autres médias
avant lui mais dans des proportions décuplées.
Une
des techniques de conviction du complotisme est ce que Bronner
appelle des «mille-feuilles argumentatifs». Une
sensation d’intimidation mais aussi d’épuisement s’impose à qui
visite pour la première fois un site conspirationniste ou se confronte
aux arguments avancés.[...] «Défaire un seul de ces arguments
demande, si l’on n’est pas spécialiste de ces questions, un fort
investissement et plus leur nombre croît, plus il devient difficile
de douter des propositions conspirationnistes.»
Bande annonce du documentaire CUBA/SIDA : la vérité
sous blocus
L'initiative
éducative de Spicee
Pour
les conspirationnistes, tout ce qui provient des médias
n’est que mensonge et contre-vérités d’élites,
complot caché et petits arrangements entre puissants.
Mais les médias peuvent encore avoir une influence sur
les indécis. C’est le défi que s’est
lancé le média Spicee [...].
En 2014, le journaliste Thomas Huchon propose à l’équipe
du site Spicee de s’intéresser à ces questions.
[...] Ils décident de réaliser une vidéo,
relayant une thèse complotiste inventée par eux-mêmes
et de la diffuser sur Internet. Le documentaire s'appelle Cuba
La Vérité Sous Blocus, et explique que les
États-Unis ont levé l’embargo sur Cuba car
« les Cubains ont développé un vaccin au
Sida. »
«
Nous voulions observer la manière dont elle allait vivre
sur le web, si elle allait être reprise, avec ou sans
vérification, en bref montrer l’envers du décor
de ces sites. » En trois semaines sur le web, la vidéo
est publiée par de nombreux internautes sur Facebook,
vue plus de 9 000 fois sur Youtube et reprise par les deux grands
sites de théories du complot, Réseau
International et Wikistrike.
Sans aucune vérification. « Il y a une sorte de
frénésie à faire valoir ces idées,
s’alarme Thomas Huchon. Certains conspirationnistes postent
entre 80 et 200 publications par jour sur Facebook. »
Pour
lutter contre le développement de ces théories,
l’équipe de Spicee s’est rendue dans des
collèges et des lycées, pour montrer leur reportage
à des jeunes. [...]
Le
problème que pose l'algorithme de Facebook
face aux théories du complot
Elaborer
un scénario d'éducation aux médias
d'information, en définissant les publics visés,
en explicitant les objectifs éducatifs et en développant
les activités proposées et les productions
attendues (08 points).
Vous
préciserez quelles recommandations vous donneriez
à un éducateur ou un formateur qui voudrait
s'engager dans la mise en oeuvre de votre action de formation
(04 points). (risque de stigmatisation,
prise en compte des croyances personnelles et familiales,
attention au jugement de valeurs, au heurt de la sensibilité
et de l'émotivité des élèves,
ne pas supposer a priori que le complot est irrationnel,
ne pas diaboliser les médias, ...),
Théories
du complot : 5 façons d'apprendre aux élèves
à faire le tri sur internet.
Dans le contexte des attentats qui ont visé la France
début janvier, une partie des élèves
semblent séduits par les théories du complot.
Quelles réponses l'Education nationale peut-elle
apporter à ce problème ? Clément Parrot,
Francetv info, 22 janvier 2015.
Le
CorteX est un collectif d’enseignement et de recherche
en esprit critique et sciences. Il est né en 2010 à
l’Université de Grenoble à l’initiative
de cinq formateurs professionnels et a pour objectif de mettre
à disposition les travaux de tous les acteurs –
enseignants, chercheurs, étudiants – travaillant
sur un sujet développant le critical thinking,
l’esprit critique, quelle que soit leur origine disciplinaire.
Les membres du CorteX ne sont financés que par leurs
enseignements et par leur salaire public (lorsqu’ils en
ont un). Ils ne déclarent aucun conflit d’intérêt,
et n’entretiennent aucun lien avec une source de financement
industrielle ou privée. [...].