Les
représentations de la laïcité dans les médias
Controverses et débats sur la place et
le rôle du religieux dans l'espace public et politique
Benoît
Urgelli
last up-date
:
1-avr-21
Avec le soutien de Mélanie Dessol,
Romain Pacalet, Leila Bennacef Micoud, Ninon Lagarde, Tommy Girard
Remerciements à tous les étudiants de L2 et de Master
1 Recherche qui ont participé aux investigations dans le cadre
de ce projet d'éducation critique et de formation aux logiques
médiatiques
Soutien
à distance : tous
les matins de la semaine, de 9h à 11h30
par visioconférence skype (burgelli) - whatsup
(06 12 54 09 32) ou messenger-facebook
Consigne
d'évaluation pour
mai 2021 : 4 pages maximum (15.000 caractères,
espaces compris) - en individuel ou en binome - format pdf
|
Vous
analyserez une controverse au choix dans les exemples suivants
(hijab de course, affiche FCPE). Vous choisirez et étudierez
des articles de presse (presse quotidienne nationale, gratuite
et/ou payante, papier, web, radio ou télé) traitant
de la controverse choisie (entre 5 et 10 articles). Vous veillerez
à la diversification des types d'articles, de leur date
de production, et des opinions.
- Affaire
du Hijab de Décathlon (pic 26 février 2019)
- Diffusion
d’une affiche de campagne de la Fédération
des parents d'élèves (FCPE) (pic 2 septembre 2019)
A
partir de votre recherche documentaire, vous élaborerez
la chronologie de la controverse, les acteurs et les arguments
en jeu, les différentes conceptions de la laïcité
(en utilisant une grille de lecture des conceptions) et de la
place du religieux de l'espace public. Puis vous présenterez
les logiques qui ont conduit à la résolution de
la controverse. Vous donnerez, en ouverture et en quelques lignes,
votre positionnement critique et argumenté sur l'affaire
choisie.
Grille
d'évaluation
-
Choix
des articles de presse (presse quotidienne nationale, gratuite
et/ou payante : entre 5 et 10 articles) : diversification
des types d'articles et ressources, de leur date de production,
articles d'information, d'opinions : / 2 pts
-
Chronologie
de la controverse et prise en compte du contexte sociopolitique,
associatif, économique, et spatio-temporel : / 2 pts
-
Identification
des acteurs en lien avec leurs arguments (et vice-versa) en
lien avec les arènes d'expression : / 3 pts
-
Différentes
conceptions de la laïcité (en utilisant une grille
de lecture des conceptions) : / 4 pts
-
Logiques
expliquant la résolution de la controverse : / 3 pts
-
Positionnement
personnel critique et argumenté sur l'affaire choisie
: / 4 pts
-
Qualité
de la rédaction, syntaxe, orthographe, clarté,
concision : / 2 pts
|
Objectifs
:
Sur la thématique de la LAICITE, analyser les productions médiatiques
traitant de cette question éducative et politique, sur une période
de temps donnée (2000-2015). Analyser les discours pour essayer
de catégoriser ce que l’on appelle en sociologie les
jeux d’acteurs et d’arguments et la trajectoire
discursive (Chateauraynaud,
2011), en identifiant notamment des points de controverses
et des conflits d'interprétation. En particulier, nous allons
choisir plusieurs moments discursifs (au sens
de Moirand, 2004) pour comprendre les logiques
médiatiques de publicisation de la question et les problématisations
associées, autour d'un évènement social particulier.
L'exercice
s'inscrit dans une optique d'éducation critique
et mobilise donc une approche pédagogique critique, au sens de
De Cock et Pereira (2019), dans la lignée des travaux de Paulo
Freire (1971). Dans
le cadre d'une pédagogie critique et d’une éducation
dialogique (Freire, 1970), l’idée est de susciter une conscientisation
des représentations et des rapports sociaux sources de controverses,
dans l'espoir de susciter l’engagement et la recherche de solutions
démocratiques, humanistes et libératrices (Chambat, 2006).
ll s'agira
de tester la capacité à identifier et caractériser
les différentes formes de laïcités qui sont mises
en avant, les systèmes de valeurs sous jacents, et les conceptions
politiques et médiatiques associées qui s'affrontent et
se cotoient depuis le début du XXeme siècle.
ATTENTION
: nous considérerons que les médias sont des acteurs à
part entière des controverses puisqu’ils mettent sur la
scène publique les acteurs et les arguments qu’ils ont
choisis. Ils construisent donc des problèmes publics, par exemple
entre laïcité et islam. Les différents moments discursifs
que nous analyserons permettront de mettre en évidence une dynamique
sociale argumentative dont les médias sont également acteurs.
Evaluation
:
-
pour les masters :
ECRIT :
A rendre mai 2021.
Une analyse détaillée d'une controverse au choix (jeux
d'acteurs et d'arguments, et arènes d'expression), avec le
positionnement personnel critique et argumenté sur la controverse
(6.000 et 15.000 signes maximum). voir les
productions de l'année 2019-2020 des étudiants de M1
ERE.
Au choix, analyse d'une de ces controverses
:
- Affiche FCPE - maman voilée
- Hijab de Decathlon
ORAL
:
avril 2021, de 12h30 à 16h00. L'évaluation
consistera en un oral sous forme de 2tables rondes successives, correspondant
aux deux controverses proposées et choisies. Chaque étudiant,
dans le cadre de sa table ronde, autour d'une même controverse,
argumente et répond aux questions des autres et de l'animateur.
L'animateur orientera les échanges autour des points suivants
:
- la problématisation de la controverse
- l'analyse au regard des logiques (civique, libérale, communautarienne,
etc.), et des différentes conceptions de l'espace publique
- la vision de la complexité des jeux d'acteurs et d'arguments
- le positionnement individuel, critique, nuancé et argumenté
- la capacité de l'étudiant à répondre
aux questions
- la capacité de l'étudiant à poser des questions
qui ouvrent un débat aux autres étudiants
-
pour
les licences : Constitution du rapport de 10 pages, en individuel
ou en groupe de 2 à 3 maximum
travail en groupe recommandé
mais non exigé A
propos du traitement médiatique d'un évènement
"laïcité" (exemple à préciser)
: Expliciter
la méthode employée pour définir la fenetre temporelle
(un jour, une semaine, dix jours, un mois, ...) et la méthode
pour seléctionner les articles à analyser (utilisation
du moteur de recherche, affinage de la recherche, mots clés
utilisés, etc...) et donc comment éliminer d'autres
articles. Analyser
les récits médiatiques en comparant les problématisations,
les schémas narratifs, les argumentations, les voies et sources
rapportées, les controverses signalées, les évènements
du passé recontextualisés et éventuellement rediscutés,..
COURS
de MASTER 2018-2021
1.
Méthode de constitution d'un corpus de
discours médiatiques
Le site Kiosko.net donne accès à la Une de la presse quotidienne
mondiale. Mais pour constituer un ensemble de textes « choisis »,
l'accès par la bibliothèque numérique aux
logiciels en ligne Factiva et Europresse
(version
classique, recherche simple)
permet de récencer tous les articles de presse depuis 1995.
Ils donnent accès à une base de données des discours
de journalistes et de commentateurs divers, à partir d'une recherche
par mots clés, sur une thématique, des supports et une fenêtre
temporelle choisie par l'enquêteur.
Consignes aux enquêteurs étudiants
: Avec
le logiciel Factiva, sur une fenêtre temporelle allant de 2000 à
2015, regarder la quantité d’articles produits par la presse
quotidienne nationale (PQN : Le Monde, Libération, Le Figaro,
La Croix, L’Humanité, Aujourd’hui en France....)
et la presse quotidienne régionale (PQR), autour de cette question
d’éducation et de formation qu’est la laïcité
; Sortir un graphique indiquant le nombre d’articles produits sur
ce thème pour la période 2000 à 2015 :

Document Romain Pacalet
Mots clés : laïcité - période
2000-2015 - source PQN
banque de données FACTIVA
|

Document
Anais Lacassagne et Florent Bourrachot
Mots clés : laïcité - période
2001-2015 - source PQN et
PQR (52 quotidiens),
banque de données FACTIVA
|
-
-
Ensuite
essayez de trouver les logiques sociales et politiques qui conduisent
à la production de discours et à un moment discursif
médiatique.

Document
Mélanie Dessol
mots clés : laïcité - 1 mois
Document
Romain Pacalet
mots clés : laïcité - 1 an
|
-
2003
/ 2004 / 2005 : débat sur le
port du voile (sept. 2003), Début de la guerre
en Irak, Réforme Chirac et Comission Stasi sur la laïcité,
émeutes en banlieue,
-
2005
(avril-décembre) : Anniversaire de la loi de 1905,
Négociation pour l'adhésion
européenne de la Turquie
-
2006-2007
: les caricatures de Mahomet, Elections en Turquie (2007),
Discussion sur l'immigration et l'identité nationale
-
2008
: Sarkozy « loi de 1905 » à aménager
/ proposition d'un code la laïcité. Evènement
historique : 50 ans de la 5ème République. Discours
de Latran du 20/12/2007 mise en relation avec la venue en
France du Pape Benoit XVI le 12 et 13 septembre 2008 (problématisation
autour des positions politiques et religieuses vis à
vis de la laïcité positive)
-
2009
: Discussion
sur l'identité nationale, Affaire
du voile "intégrale"
-
2010-2011
: Loi contre le port du « voile
intégrale » (octobre 2010- mai 2011),
« printemps arabes ». Sarkozy autour de «
Islam en France ou Islam de France », question des menus
dans les cantines, les propositions
de l'UMP sur la laïcité (avril 2011)
- 2012 : Débats
sur le "Mariage pour tous" (novembre 2012 - janvier
2013)
- 2013
: Charte « Peillon » de la laïcité,
dans un contexte de montée du FN. Etat Islamique en Syrie,
en Irak, en Afrique.
-
2015
: Attentats de Paris,
lancement anticipé du programme d’éducation
à la laïcité (février 2015), formation
des personnels à l'enseignement moral et laïque.
- 2015 (octobre) :
livret Laïcité
- 2015 (novembre-décembre)
: Magazine Dar-Al-Islam
Noter
que l'obtention automatique d'un graphique FACTIVA sur
une période de temps inférieur à 365 jours
(1 an) nécessite une élaboration à la
main de l'histogramme de la production médiatique.
Eexemple
des graphiques ci-contre interrogeant la
production de la presse quotidienne nationale (préciser
les titres) sur la période du 01/03/2004 au 30/30/2004
(mars 2004) - mots clés : laïcité -
351 documents répertoriés au total ou
encore sur
la période du 01/01/2011 au 31/12/2011 (année 2011)
- mots clés : laïcité - 1225 documents
répertoriés au total.
Nous
avons également interrogé la base de données
Europresse pour tracer l’itinéraire de ce mot en
France, et notamment son utilisation dans la presse généraliste
(nationale et régionale). Les citations qui se trouvent
dans nos analyses ont été extraites des articles
répertoriés dans cette base. Les périodes
prises en compte (moments discursifs) s'étalent entre janvier
2000 et mars 2016, date à laquelle la rédaction
de nos analyses s’est terminée. |
2.
Méthodes d'analyse des contenus :
Une analyse
de contenu (Bardin, 2001) est conduite sur les [...] corpus [...] Cette
analyse a pour objectif d’identifier les thèmes évoqués
par l’oratrice et les débatteurs. Il s’agit de regrouper
le corpus en fonction d’unité de sens du discours en faisant
émerger des mots clés. Cette analyse met en évidence,
les notions évoquées [...]. Elle permet d’extraire
du corpus les thèmes soulevés [...] dans leurs interactions.
Dans un deuxième temps, à l’intérieur
de chaque thème, une analyse argumentative sur
les réfutations et contre-argumentations des débatteurs
repère les moments argumentatifs clés. Ces moments sont
caractérisés par la confrontation discursive des interlocuteurs
qui construisent des réponses antagonistes à une question
(Plantin, 2005). L’argumentativité émerge lorsqu’un
discours défend une cause et qu’un autre discours soutient
une position opposée. Ces moments constituent le trilogue argumentatif
entre un discours de proposition chargé de la preuve (la justification),
un discours d’opposition amenant la réfutation, et une question
débattue à ce moment précis. Cette méthodologie
conduit à extraire la question débattue [...] au coeur de
la dynamique de l’interaction (Brossais, Panissal & Garcia-Debanc,
2013).
-
-
Bardin,
L. (2001). L’analyse de contenu. Paris : PUF.
-
Plantin, C. (2005). L’argumentation. Histoire théories
et perspectives. Paris : PUF.
Le
modèle
actantiel
de Greimas, A. J. (1966,
Sémantique
structurale, Paris, P.U.F)
: identification de la diversité des structures argumentatives
et des strorytelling (Lits, 2010)
|
Il permet d'analyser et de comparer l'argumentation (lexique et
raisons) dans les schémas narratifs de différents
corpus de presse,
par exemple vis à vis de la loi de 2004 ou encore celle
de 2011, du débat de l'UMP sur la laïcité en
avril 2011, ou bien la Charte de la laïcité de 2013,
etc...
Selon ce
modèle, tout récit médiatique présentant
une action peut être examiné en fonction de six
composantes principales que Greimas nomme « actants
». Ces actants constituent ainsi la colonne vertébrale
structurale du récit, ou le schéma narratif, du
point de vue des personnages, des forces et des arguments en
jeu dans le récit. Les actants ne sont
pas nécessairement des êtres animés, des
personnes, mais peuvent aussi être des entités
abstraites, conceptuelles.
Le modèle
actantiel se compose d’un sujet qui part
en quête d’un objet (exemple
: le Ministère de l'Education nationale (sujet) publie
la Charte de la Laîcité (objet)). Dans sa
quête, le sujet peut rencontrer des alliés (adjuvants)
qui l’aident dans sa mission, mais aussi des ennemis ou
des obstacles (opposants) qui l’entravent.
Le destinateur est l’instigateur, le
déclencheur de la quête, alors que le destinataire
est celui qui bénéficie en dernier ressort de
la mission accomplie par le sujet.
|
|
Une
analyse quantitative de contenu avec le
logiciel d'analyse de base de données Modalisa
peut permettre de préciser les caractérisitiques
de la couverture médiatique (temporalité, spatialité,
domaine scénique, etc...) d'articles portant sur une
question socialement vive choisie. Le logiciel Alceste peut
également être utile pour une analyse lexicale.
Proposition
d'une grille d'analyse des discours médiatiques sur un
thème donné
Exemple
du créationnisme
Audrey ARNOULT, septembre
2014 |
Exemple
de la laïcité
Benoit URGELLI, mars 2016 |
-
journal
- date de l'article
- titre
- auteur
- type d'article
- rubrique
- espace géographique évoqué: Etats-Unis
/ France / Europe (hors France) / Moyen-Orient / Autres
- thématiques : enseignement / recherches ou avancées
scientifiques / religion / publications / etc...
- acteurs : HY / acteurs politiques (ministère, Etat)
/ acteurs juridiques (conseil constitutionnel..) / enseignant
/ parents
- performance : envoi du livre / loi /
- motivations :
- domaine de mise en scène
: scientifique / politique / éducatif / associatif
/ culturel
- experts convoqués : chercheur en sciences de l'évolution
/ homme politique / religieux / religieux et chercheur
- qualificatifs associés au terme "créationnisme"
: français / islamiste / turc / etc...
- les autres mots pour désigner créationnisme
: créationnisme / néo-créationnisme
/ intelligent design |
-
journal
- date de l'article
- titre
- auteur
- type d'article
- rubrique
- espace géographique évoqué: Etats-Unis
/ France / Europe (hors France) / Moyen-Orient / Autres
- thématiques : enseignement / recherches ou avancées
scientifiques / religion / publications / etc...
- acteurs : acteurs politiques (ministère, Etat)
/ acteurs juridiques (conseil constitutionnel..) / enseignant
/ parents / représentants religieux /...
- performance : publication d'une charte / exclusion pour
port de signes ostentatoires / adoption d'une loi, etc...
- motivations : les raisons avancées pour expliquer
l'évènement
- domaine de mise en scène
: scientifique / religieux / politique / éducatif
/ associatif / culturel / éthique
- experts convoqués : chercheur en sciences de
... / politique / religieux / etc...
- qualificatifs ou adjectifs associés au terme
"laïcité" : française
/ positive / libérale / ouverte / moderne / saine
/ apaisée / de combat / autoritaire / etc...
- les autres mots pour désigner la laïcité
: principe / loi / norme / valeur / émancipation
/ etc |
|
3.
Une grille de lecture des discours sur la laîcité:
les différentes
conceptions de la place des religions dans l'espace publique
(Habermas, 2008).
le
but de ce chapitre est de discuter la différence sémantique
et culturelle entre la laïcité, d’une part, et le séculier
et la sécularisation, d’autre part, comme concepts
structurants des approches sociales et politiques différenciées
du rapport à la religion, notamment à l’école
[...] Le québec propose le concept de laïcité
ouverte en tant que cadre normatif de sa proposition d’un
enseignement culturel de la religion. [...] Ce concept favorise
le respect de l’égalité entre les cultes, la prise
en compte des droits fondamentaux de la personne tels qu’interprétés
généralement au Québec, et la prise en compte de
la religion comme dimension culturelle importante, traitée dans
une matière scolaire précise. [...] On juge essentiel dans
le Rapport Proulx de qualifier cette laïcité, qui se veut
non antireligieuse, par l’adjectif « ouvert » :"Nous
en sommes venus à la conclusion qu’il convient maintenant
de réaménager la place de la religion à l’école
dans une nouvelle perspective. Cette perspective est celle de la laïcité
ouverte. Dans le cadre d’une école inspirée par les
valeurs communes des citoyens, cette perspective fait place à un
enseignement culturel des religions et des visions séculières
du monde ".
[...]
sur le plan étymologique et historique, le concept de laïcité
est porteur d’un sens anticlérical et émancipateur
de la religion, qui paraît peu pertinent pour la plupart des pays
européens (Trigg, 2007). Il impliquerait une perspective
conflictuelle dans laquelle plusieurs cultures nationales occidentales
ne se reconnaissent pas. Dans le cas de l’adoption du concept en
langue française, on tentera de surmonter ce problème en
la qualifiant d’ouverte ou positive.
Françoise Champion observait en Europe deux mouvements très
différents d’émancipation des sociétés
à l’égard de la religion, celui de laïcisation
et celui de sécularisation. Il s’agit, selon ses termes,
de «logiques idéales-typiques différentes en pays
de tradition catholique dominante et en pays de tradition protestante
dominante» (Champion, 1993). Elle notait que la différence
s’enracine dans la langue elle-même, puisque les pays catholiques
font usage des concepts de «laïcité» et «laïque»,
quasiment inconnus en pays anglo-saxons et germaniques, ceux-ci utilisant
les mots renvoyant au concept de sécularisation : secular, secularism,
secularity [...] La dynamique de sécularisation s’avère
très différente, puisque les églises protestantes
issues de la Réforme ne se posent pas dans l’ère contemporaine
comme rivales de l’État, mais comme institutions au sein
même de l’État. Elles tiennent des rôles bien
définis et la sécularisation signifie plutôt l’affaiblissement
de la signification de ces rôles. [...].
Il s'agit de distinguer
entre la laïcité qualifiant l’État, et la sécularisation
concernant le champ socioculturel. [...] En faisant la distinction entre
la sécularisation comme processus
socioculturel, et la laïcité
comme processus de séparation entre l’État et la religion,
on prend une distance du monde anglo-saxon et germanique, qui distingue
quant à lui plutôt les divers niveaux de sécularisation,
sans utiliser un autre terme pour désigner la séparation
entre politique et religion.[...] : le niveau étatique (différenciation
des sphères politique et religieuse notamment), le niveau des croyances
et des pratiques (où s’observe ici et là un déclin),
le niveau de la société civile et sociale (privatisation)
(Casanova, 1994).[...] dans la langue anglaise, il arrive qu’on
adopte le concept de laicization pour qualifier le processus étatique
précis de séparation.
le
processus de sécularisation peut être schématiquement
défini comme « le passage d’une culture religieuse
», plus ou moins socialement englobante, à « une croyance
religieuse », où la religion s’est transformée
en un sous-système culturel livré au choix privé
et existentiel. Le processus de laïcisation concerne
avant tout la place et le rôle social de la religion dans le champ
institutionnel, la diversification et les mutations de ce champ en relation
avec l’État et le politique (et avec la société
civile, la citoyenneté et maintenant les questions de genre). Il
induit une dissociation du champ politique comme instance de pouvoir (avec
son aspect d’obligation et de coercition) et du champ religieux
comme une instance d’autorité parmi d’autres. Contrairement
à la notion de pouvoir, celle d’autorité n’est
pas liée à la possibilité de coercition. Pour s’exercer,
l’autorité nécessite une démarche volontaire
d’intériorisation de celui qui la reçoit. Dès
lors, la laïcisation « introduit dans le politique une mise
à distance institutionnelle de la religion dans la régulation
globale de la société. Cette régulation se trouve
traduite dans l’univers juridique?" (Milot, 2002). Ainsi l’étude
du processus de laïcisation s’intéresse aux rapports
de différentes institutions avec la religion, aux phénomènes
de transferts et de mutations, à la façon dont les institutions
interagissent entre elles, en lien avec les mutations de l’État
et de la société civile.
Au cours du temps et de l’histoire
française, plusieurs modèles se sont confrontés
(rapports de force) entre différents acteurs sociaux, qui font
aboutir un modèle par rapport à un autre. Le modèle
dominant devient alors la définition de la laïcité
qui va être défendue politiquement et médiatiquement,
à un instant donné de notre histoire.
Actuellement,
Bauberot estime que c’est le modèle de la laïcité
identitaire qui semble dominer et dont on peut voir les premiers
engagements politiques avec lez président Sarkozy en 2007, sous
l’expression de laïcité positive : il s’agit
de défendre et de reconnaître que la France a des racines
chrétiennes, que la religion catholique fait partie des racines
françaises, contrairement à tous les autres cultes religieux.
Et la seule religion qui peut être compatible avec la démocratie
française, c’est la religion catholique. Tous les autres
cultes deviennent donc incompatibles avec ce modèle culturel français.
Les lois de 2004 et 2010 sur le port des voiles ont été
des interdits contre des apparences et des signes propres à l’islam.
Mais cette laïcité identitaire dominante actuellement est
chargée d’un paradoxe : elle limite la liberté religieuse
en invoquant un principe d’égalité des sexes.
Pour Baubérot,
ce modèle coexiste avec 6 autres modèles, 6 autres façons
de voir la laïcité. Chacune de ces sept conceptions articulent
deux principes et deux moyens d’y arriver. Chacune de ces conceptions
repond aux questions : Quelle place donne-t-on aux croyances et aux pratiques
religieuses dans l’espace public et quelle gestion en fait l’Etat
?
D'après
le compte-rendu
de lecture de par Matthieu Adam (2015) : Jean Baubérot, historien
et sociologue, fondateur de la sociologie de la laïcité, propose
une étude socio-historique de la laïcité à partir
d’idéaux-types inspirés de la sociologie wébérienne.
Les catégories qu’il utilise se basent sur l’analyse
et l’imbrication des quatre éléments, 2 principes
et 2 moyens : la liberté de conscience (et la liberté
de religion), l’égalité des droits sans condition
religieuse (le principe de non-discrimination), la séparation des
cultes de l’État et la neutralité de l'Etat.
PRINCIPES |
Liberté
de jugement, de conscience (et la liberté de religion) |
Egalité
des droits et des sexes, non discrimination
|
MOYENS
|
Séparation
de l’Eglise et de l’Etat
|
La
neutralité de l’Etat
(Différencie le public et le privé,
l'espace public et l'espace privé)
|
Sa démonstration
invite à un exercice de sociologique critique, […] une cartographie
des représentations de la laïcité dont le spectre s’étend
de la laïcité anti-religieuse à la laïcité
concordataire, c’est-à-dire un système dans lequel
les cultes sont reconnus et qui n’impose pas la laïcisation
de l’école publique. Pour contrer l’idée du
«modèle français de laïcité», il
utilise la notion de «laïcité
dominante». La laïcité dominante est le
produit du rapport de forces entre les acteurs sociaux et les partisans
des différentes représentations. C’est « la
définition socialement légitime de “la” laïcité
à un moment donné, celle à laquelle chaque acteur
doit se référer, même quand il la critique. Cette
définition sociale implicite constitue un enjeu politique et médiatique
fort, et aboutit à un discours qui prend valeur de certitude »
(p. 16).
Le recours
aux classifications idéales-typiques permet à
Bauberot de pointer les évolutions historiques des modèles
de laïcité, dont certains étaient dominés en
1905 et sont aujourd’hui dominants, et vice-versa. Cette méthode
donne à comprendre à quels endroits se situent les «
nœuds » des conflits autour des moyens d'application des principes
de la laicité, c'est à dire la séparation de l’Eglise
et de l’Etat, et de la neutralité de l’État
(voir tableau ci-dessus).
Les 7 laïcités
françaises de Jean Bauberot
(2015)
Avant
1905, deux conceptions de la laicité s'opposent :
1. Laïcité antireligeuse, appelant une intervention
de l’État contre la religion : les catholiques sont un danger
politique et social donc dans leur modèle laïque pas de place
pour la religion. Cette conception a été contre l’autre
extrême :
2. la laïcité gallicane, qui trouve son origine
dans la politique religieuse des rois de France, très attachée
au catholicisme, dans laquelle l’état va contrôler
et privilégier les pratiques religieuses considérées
comme éclairées (catholicisme en France ou islamisme en
Turquie), tout en précisant que la liberté religieuse des
individus doit se manifester de manière discrète dans l’espace
public.
En
1905, deux autres conceptions (laïcité libérale et
laïcité accomodante) insistent sur la neutralité ou
la non-intervention de l’État, ainsi que sur le caractère
laïque de la législation, victorieuses en 1905 et dominées
aujourd’hui. Elles vont être proposées en alternative
aux deux précédentes, considérées comme non
pacifistes, et tous les débats vont porter sur deux conceptions
séparatistes (séparer l’Eglise et l’Etat) mais
elles ne sont pas d’accord sur la manière de le faire.
1. La laïcité libérale libérale et individualiste
considère que la religion est une affaire personnelle, qu’il
faut laisser la liberté religieuse aux individus, mais que l’Etat
doit être indifférent à la religion (conception portée
par Ferdinand Buisson).
2. En face, il y a Jean Jaurès (qui l’emportera dans les
débats de 1905), et la conception accomodante et inclusive,
qui considère que la liberté religieuse est personnelle
mais aussi collective (institution) et donc on ne peut pas être
indifférent à une institution religieuse en tant qu’Etat.
Jaurès demande d’avoir du respect pour cette institution
et par cette intermédiaire d’arrêter la guerre entre
les deux Frances. Il demande la séparation de l’Eglise et
de l’Etat, mais le respect mutuel pour pacifier (laïcité
de la gauche historique).
En
1919 : la laïcité concordaire s'installe
: l’état n’est pas séparatiste sur ce territoire,
et il finance et reconnaît des cultes. Il accorde des cours de religion
dans les écoles publiques. L’Alsace-Moselle est régie
par un « droit local » différent du reste de la métropole
qui spécifie notamment un type de rapport différent entre
l’État et les religions. En Alsace-Moselle, les lois de 1882
(laïcisant l’école publique) et de 1905 (séparation
des Églises et de l’État) ne s’appliquent pas.
Ce qui était au départ un système transitoire est
finalement demeuré une exception nationale, pour des raisons historiques
mais aussi politiques... (voir controverse de 2012 dans le journal
Le Monde, ci-dessous).
Discutée
après la 2nde guerre mondiale, puis dans les années 1990
et 1996, la laïcité ouverte propose la défense
des croyances contre l’athéisme, en reconnaissant que la
religion a une utilité sociale par les valeurs qu’elle porte.
Elle mérite même d’être consultée par
l’Etat pour les prises de décision. L’affaire du mariage
pour tous supposerait d’ajouter dans la constitution la loi
« naturelle ».
En 2007, la laïcité identitaire distingue
les religions de souches contre les religions « importées
».
- 1.
Discours sur la laicité concordaire dans Le Monde,
rubrique Point de vue, février 2012.
Consignes
: Comparer les argumentaires des deux articles et groupes d'acteurs à
propos du concordat
d’Alsace-Moselle, et identifier quelle conception de la laïcité
est portée par les auteurs de ces deu tribunes ?
|
- Pourquoi
nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat
Il faut en finir avec le Concordat d'Alsace-Moselle.
Le Monde.fr, Rubrique Tribune, Idées, 17.02.2012
Par William Gasparini, professeur des universités, Université
de Strasbourg
Josiane Nervi-Gasparini, maître de conférences en
mathématiques, Université de Strasbourg
Autres signataires :
Jean-Claude Val, professeur de sciences économiques et
sociales en CPGE, Strasbourg ;
Alfred Wahl, professeur émérite d'histoire, Université
de Metz ;
Jean-Pierre Djukic, chercheur en chimie, administrateur de l'Université
de Strasbourg ;
Yan Bugeaud, professeur des universités, mathématiques,
Université de Strasbourg ;
Roland Pfefferkorn, professeur des universités, sociologie,
Université de Strasbourg ;
Pierre Hartmann, professeur des universités, directeur
de l'Ecole doctorale des humanités, Univ. Strasbourg
|
Rappel
de ce qu'est le concordat
d’Alsace-Moselle
et une question : qu'est-ce qui empêcherait l'état français
de supprimer le Concordat ?...
- Pourquoi
je suis alsacien, laïc et pour le Concordat
-
Argumentaires
du 1er article : conception civile autour du bien-commun, le
concordat est attaché à l’histoire troublée
de la région ; Strasbourg est lieu de réconciliation
(entre nations et religions). Le Concordat sert à garantir
la paix sociale ; c'est un régime qui s’inscrit
dans les faits et non pas dans la loi. Pour le premier auteur,
justification du Concordat d’après le respect de
la tradition. Il n’y aurait de paradoxe : le Concordat
est un fait.
|
- Pourquoi
nous sommes Alsaciens, laïques et contre le Concordat
-
Argumentaires
du 2ème article : étiolement de la religion. Le
Concordat n’assure pas le bien-commun, mais renforce le
communautarisme (séparation entre religions, et entre
religions et agnostiques ou athées. Il ne respecte pas
la loi Française de 1905 et représente un coût
économiqueélevé. Seuls quatre cultes sont
reconnus. Il y a donc une contradiction entre l’exception
concordataire et la loi sur la laïcité de 1905.
Pour le second
auteur, il ne devrait pas y avoir de régime exceptionnel
dans la République : si on le fait pour 4 religions,
on le fait pour tous et sur tout le territoire.
|
Il y a donc
confrontation de deux visions de la place donnée à la religion
dans l’espace public par l’Etat, entre une vision accommodante
du Maire de Strasbourg, et vision strictement républicaine du collectif
d'universitaires de Strasbourg et de Metz.
Critique de
la méthode : Signalons ici les normes de mise en scène médiatique
du débat, qui transforme la controverse en polémique ou
querelle (Jeanneret, 2010) et masque la nature
complexe de l'affaire et du débat, en le bipolarisant. Dans
cette logique, il semble donc important d’identifier les
problématisations faites par et dans les médias
(constructivisme journalistique, Delforce, 2004)
autour d’une question éducative présentée comme
controversée, ici l'existence de la laicité concordaire
en République.
Pour Jeanneret
(2010), la controverse scientifique n’existe plus dans la sphère
médiatique que sous la forme de polémiques ou de querelles.
Il précise : Je ne souscris pas à l’extension
du terme de « controverse », venu de la sociologie des sciences,
aux situations médiatiques et politiques. [...] ce qui distingue
une querelle d’une controverse : non un cadre de discussion défini,
mais la superposition de plusieurs espaces ; non un problème disciplinaire,
mais un objet fuyant ; non une écriture normée, mais des
rhétoriques hétérogènes. Dans une querelle,
l’imprécision quant aux savoirs concernés est structurelle.
Le problème est redéfini en permanence, mobilisé
par les acteurs et façonné par les médias. [...]
- Laicité
: résultat d'une interrogation sur les valeurs
Les
valeurs interviennent dans les jugements de valeurs (je juge qu'il est
préférable de faire ceci, plutot que cela). Kant a tenté
de chercher le lien entre morale et raison. Mais si je juge moralement,
ce n'est pas au nom de l'efficacité, ni au nom de la connaissance
: c'est beaucoup plus qu'une question de connaissance. Coq (2003) énonce
quelques particularités de la valeur : La valeur ne s'identifie
pas à un mot : il y a une polynomie de la valeur. Toutes les valeurs
au nom prestigieux (amour, liberté, justice, etc...) sont souvent
en conflit entre elles. L'individu est créateur de valeur, dans
les situations concrètes, mais il ne s'en rend pas compte car la
valeur est médiatisée par autrui et il y a donc nécessité
de l'autre (par exemple une situation peut ne pas m'apparaitre injuste
mais l'autre peut me communiquer qu'elle est injuste, et me contaminer).
La valeur nécessite donc un travail de la raison appliquée
à l'éthique, que l'éducation doit prendre
en charge et tenter d'ancrer dans les esprits par raison et liberté.
La naissance
de la philosphie grecque correspond au recul de l'omnipotence des récits
mythiques, avec la naissance d'un discours rationnel sur le monde puis
d'un questionnement sur le sens de nos activités dans l'Antiquité.
L'Occident par la suite s'est construit dans la mouvance du christianisme
dans sa phase constantinienne. La religion, tutrice de la société
occidentale, va subir le choc de la sécularisation, avec l'émergence
d'une société pour laquelle la religion ne peut plus se
poser comme système englobant toute la culture.
Coq (2003)
montre donc que la notion de valeur émerge en même temps
que celle de la laicité quand du fait du recul de l'hégémonie
catholique, avec l'affirmation de l'athéisme et de l'agnosticisme,
il parait nécessaire de poser une réflexion morale autonome
par rapport au christianisme. Très vite s'impose alors une notion
moderne de la valeur indépendante de la foi religieuse et de la
référence au divin. La notion de valeur est donc
laique par définition. L'Evangille n'a pas besoin de valeurs
mais des valeurs reconnues et vécues inépedamment de la
référence religieuse : elles sont en harmonie avec la parole
évangélique, peuvent susciter l'adhésion par le croyant.
Ainsi, dans l'Evangile de Saint Matthieu, la fin présente un récit
du jugement dernier, et le Christ dit aux élus : "j'avais
faim, vous m'avez donné à manger, ... vous m'avez vétu...".
Les élus lui répondent : "mais nous ne te connaissions
pas !". "Certes, mais en le faisant aux humains les plus dépourvus,
c'est à moi que vous le faisiez.". Le texte dit donc aux croyants
: prenez en charge l'humanité, comme si vous ne connaissiez pas
la foi, en vous dévouant à la justice, à la solidarité,
à l'universel.
Coq distingue
trois niveaux de sens donné à la laicité. C'est d'abord
un cadre neutre de coexistence d'une pluralité
de religions, de cultures, de philosophies, dans une société
moderne. Il y a donc une neutralité du cadre social. Mais comment
accueillir cette pluralité ? La laicité se solidarise
alors avec une configuration de valeurs : la tolérance
qui est une valeur de fin de guerre (on se supporte même s'il n'y
a pas d'amitiés). Il faut donc y rajouter l'ouverture à
l'autre, la reconnaissance dans son altérité, l'amour du
dialogue. Il faut y rajouter également la liberté de conscience
et la liberté religieuse. Pour fonder le premier niveau de sens,
il faut donc ajouter un ensemble de valeurs. Au troisième niveau,
elle devient une forme originale d'institution de l'espace social, avec
deux principes jumeaux : l'autonomie d'une société
démocratique (vis à vis du sacré, du religeux
surplombant) et la distinction entre les institutions de la société
et celles de la religion (ce que l'histoire a appelé la
séparation avec dans la loi de 1905, l'article 4 reconnaissant
aux religions le droit à une organisation propre : même si
elles ont un statut privé, les religions ne sont pas interdites
d'expression et de visibilité dans l'espace public).
Pour le chrétien
Kant, l'éthique et l'exigence morale se déduisent de la
raison pratique, et non de la foi religieuse. La morale se déduit
de la raison présente en toute personne. La morale laïque
est celle dont tout humain peut reconnaitre la validité, qui rejoint
l'expérience commune de tout homme, par delà les options
métaphysique ou religieuse. Au delà des divergences sur
le sens fondamental de l'existence, il serait donc possible de dégager
des critères éthiques communs qu'on pourrait demander à
tout homme d'admettre, parce que ces critères et ces valeurs proviennent
de la raison commune de l'humanité, raison identique quelles
que soient les différences culturelles ou religieuses. Cette raison
commune est définie par une universalité
de droit, par une principe d'unité pour l'humanité, un idéal
que tout humain peut retrouver en lui-même, par la raison. L'entreprise
kantienne qui fonde la valeur sur la raison crédibilise
la possibilité d'une morale laique, de valeurs acceptables universellement.
La morale a
une source personnelle car elle nait des choix les plus fondamentaux de
la personne, d'un élan de liberté vers un idéal.
Mais elle a également une source liée à la contrainte
sociale qii génère une morale commune. Jules Ferry se réfère
à la morale de nos pères, en considérant que les
grandes traditions spirituelles ont déposé dans les sociétés
une moral commune, une morale traditionnelle qui a quelque chose d'universelle,
independamment de la foi religieuse. Dans l'histoire d'une civilisation,
une valeur émerge, par exemple la notion de respect et de dignité
de la personne humaine, dans la Bible. Elle peut dévenir une référence
commune si des humains qui divergent sur la foi la reconnaissent comme
leur appartenant également. Le pluralisme de la société
laique est donc compatible avec l'existence de valeurs communes
fondées de manière multiple. Les valeurs communes se nourrisent
donc d'un certain nombre d'idées sur l'humanité : elles
s'intègrent dans une civilisation.
Mais des valeurs
communes ne sont pas automatiquement universelles (exemple des valeurs
de la République qui ont jusitifé les conquêtes coloniales...).
Depuis la fin de l'ère coloniale, tout ce qui est universelle dans
les valeurs communes est rejeté, avec une haine du collectif, de
la nation, de la mémoire commune, avec l'éloge et la valorisation
de la pluralité et de la diversité. Mais les valeurs communes
sont à la fois universelles et particulières. La
survie des valeurs communes dépend de l'éducation,
en apprenant à argumenter sur le terrain éthique, en apprenant
à identifier les enjeux des valeurs dans sa vie personnelle, en
donnant la conscience des valeurs essentielles. L'éducation morale
doit d'une part aider à la construction d'un engagement moral personnel
fondé sur la liberté, et d'autre part, construire la reconnaissance
des valeurs communes.
Avec l'émergence
des sociétés pluralistes à la fin du XXeme siècle,
Vandamme (2013) estime que neutralité
et laïcité sont deux exigences de l'Etat.
La neutralité permet de défendre la liberté des individus
(libéralisme politique) face au pluralisme de conceptions de la
vie bonne et contre le communautarisme politique. L'impartialité
permet de neutraliser les diverses revendications pour un unique modèle
de vie bonne, et d'exprimer un égal respect de différentes
conceptions de la vie bonne et des libertés individuelles (laicité).
Mais comme
il existe différentes conceptions de la vie bonne, Vandamme propose
de distinguer le bien et le juste, le privé et la raison publique,
pour fonder une morale commune. Pour Vandamme (2013), l'éducation
morale passe par l'apprentissage du décentrement et de
l'argumentation morale fondée sur la raison, avec neutralité
et impartialité morale, en respectant les conceptions raisonnables
de la vie bonne. Mais ces conceptions étant multiples, il faut
dintinguer les conceptions privées du bien (comment
devons nous vivre ? chargées de préjugés et de biais
positionnels) et les conceptions publiques de ce qui est juste
(comment devons nous vivre ensemble ? fondées sur la raison publique).
La norme actuelle du juste est celle des droits de l'Homme qui reconnait
une égale dignité à chaque individu et ne privilégie
personne au détriment des autres (impartialité). Cette norme
suppose de donner la parole à tous et de donner les droits à
chacun de participer aux affaires publiques et d'agir. Cette citoyenneté
démocratique est donc normative puisqu'il s'agit de sélectionner
les normes les plus justes possible et d'émettre un jugement moral
décentré sur les exigences de vivre ensemble. La quete
collective d'impartialité et de neutralité morale
suppose une éthique collective de la discussion, fondée
sur l'exercice de la raison, en admettant la possibilité de se
tromper, qu'autrui possède une vérité que l'on ignore
ou qu'acun des 2 ne la possède. La neutralité refuse le
relativisme moral et privilégie un réalisme moral sur les
questions de justice. L'impartialité fonde la moralité de
ce qui est juste par l'investissement de tous dans le processus démocratique
et par une attitude de décentrement.
Eduquer à
la morale laique suppose de donner une place importante à l'actualité
des débats politiques et moraux. Ce
présentisme pour l'étude d'affaires et de controverses
permet de remettre les débats dans le contexte sociohistorique
mais aussi de revenir sur le présent avec de nouvelles questions,
dans un démarche de découverte et de compréhension
de l'ordre social qui caractèrise la sociologie pragmatique
ou sociologie des épreuves (Barthe et al., 2013),
en s'intéressant et en prenant au sérieux les critiques
et les justifications d'action des acteurs eux-mêmes. Cette forme
éducative fondé sur l'enquete sociale, en rupture avec la
forme scolaire traditionnelle, contribuerait à une éducation
au décentrement susceptible de favoriser l'engagement démocratique
citoyen (hypothèse
travaillée dans Urgelli et Godin, 2021, par la promotion des pédagogies
critiques de l'enquête et de cartographie de controverses à
propos d'une question vive). Cela suppose, comme le précise
Hervé (2019) une approche pédagogique ouverte, une attitude
de procognotion, et un effort reflexif par le décentrement
que suppose l'enquête.
Cet
effort de problématisation d’une controverse fait appel [...]
à ce que Chevallard & Ladage (2010) appellent une attitude
de procognition (« je ne sais pas, mais je cherche à
savoir »), plutôt qu’une attitude de rétrocognition
(« je ne sais pas, mais je devrai le savoir »). En effet,
ce sont les besoins propres à l’exploration de la controverse
qui vont faire émerger les connaissances nécessaires à
son étude. Des connaissances acquises peuvent être mises
à profit, et il va falloir en construire de nouvelles, spécifiques
au problème abordé et à la manière de l’instruire.
In Hervé, 2019, p.174.
- Vandamme,
P. (2013). Quels
fondements philosophiques pour l'enseignement de la morale laïque
? Pour une éducation au décentrement. Revue
française de pédagogie, 182(1), 107-116.
- Barthe, Y.,
de Blic, D., Heurtin, J., Lagneau, É., Lemieux, C., Linhardt,
D .. & Trom, D. (2013). Sociologie
pragmatique : mode d'emploi. Politix, 103(3), 175-204.
- Hervé,
N. (2019). L’enquête
dans la cartographie des controverses : principes pour une adaptation
dans l’enseignement secondaire. Dans : Jean Simonneaux éd.,
La démarche d'enquête: Une contribution à
la didactique des questions socialement vives (pp. 171-187).
Dijon cedex, France: Éducagri éditions.
"Les
pratiques professionnelles des acteurs scolaires sont traversées
par une tension entre, d’un côté, l’impératif
de neutralité et le respect des règles et des lois inhérentes
aux principes de laïcité qui leur sont imposés en
tant que représentants de l’État et, de l’autre,
le souci de faire preuve de pragmatisme et de s’adapter aux caractéristiques
de la réalité scolaire quotidienne".
Deux
logiques d'action et de justification (civique ou libérale)
et deux principes éthiques sont mises en évidence. Ces
logiques d'action fondées sur ces principes éthiques renvoient
"à la problématique du sens donné à
l’institution scolaire. Elle est considérée comme
la clef de voute du projet républicain en tant qu’instance
étatique dédiée à la formation de la citoyenneté
universelle d’un côté, [logique
civique fétichiste vis
à vis des principes laïques fondée sur une éthique
de la conviction] et comme une école ouverte
au pluralisme et perméable à la société
civile de l’autre [logique
pragmatique libérale fondée sur
une éthique
de la responsabilité]".
- Derouet J.-L.
(2000). L'école dans plusieurs mondes. Bruxelles :
De Boeck Université.
ETHIQUE
DE LA RESPONSABILITE : On constate une "prédominance
d’une régulation “conséquentialiste”
des manifestations religieuses de la part du personnel encadrant",
ce qui témoigne d’une "application de la laïcité
reposant sur les principes de l’éthique de responsabilité,
qui se caractérise par "une attention portée aux
effets de l’action choisie et par l’adéquation entre
les moyens de l’action et les buts recherchés", une
éthique du succès (Weber, 1959) qui favorise
le pragmatisme et le compromis, "par l’attention
aux moyens dans une double perspective : en ce qui concerne leur efficacité
pratique, opératoire (car c’est bien la fin qui justifie
les moyens), d’une part, en ce qui concerne les conséquences,
d’autre part". La prédominance d’une
éthique de responsabilité, fondée sur
une rationalité pragmatique et “conséquentialiste”
traduirait, comme le suggèrent certains philosophes, la
montée en légitimité d’un ordre politique
et social post-moderne, marqué par le pluralisme,
le relativisme et le pragmatisme, et fondé sur une éthique
de la discussion et de la négociation, où « une
norme ne peut prétendre à la validité que si toutes
les personnes qui peuvent être concernées sont d’accord
(ou pourraient l’être) en tant que participants à
une discussion pratique sur la validité de cette norme ».
- Arnaud, A.-J.
(1990). Repenser un droit pour l’époque post-moderne.
Le Courrier du CNRS, 75, 81-82.
- Habermas, J.
(1999). Morale et communication : conscience morale et activité
communicationnelle. Paris: Flammarion, 212 p. (voir p. 84).
- Weber,
M. (1959). Le savant et le politique. Editions Plon.
ETHIQUE
DE LA CONVICTION
: Cette éthique contraste typiquement avec une éthique
de conviction qui repose, quant à elle, sur une rationalité
axiologique. Ici, la motivation de l’acteur pour agir
n’est pas orientée en fonction des effets de l’action
choisie, mais porte sur la normativité des moyens de l’action,
en d’autres termes sur la congruence entre les actions
et le système de valeurs plus généralement défendu.
Ainsi, les acteurs scolaires régulent les manifestations religieuses
en fonction d’une représentation spécifique de la
laïcité qui renvoie tantôt à une acceptation
libérale, tantôt à une interprétation néo-républicaine,
qui assimile la laïcité scolaire à une injonction
de privatisation du religieux.
Pour
Weber, la société est le produit de l'action des hommes
: ils agissent en fonction de valeurs, de motifs et de calculs rationnels.
Selon lui, c'est le processus de rationnalisation qui a transformé
les sociétés occidentales. Expliquer le social, c'est
rendre compte de la façon dont les hommes orientent leurs actions
par la rationnalisation. Cette conception du monde social le conduit
a étuduer l'articulation entre les rationnalités qui sous
tendent les croyances, et les logiques d'action qu'elles engendrent.
La rationnalisation de la pensée s'exprime à travers l'essor
des sciences et des techniques, le développement du droit, des
techniques comptables, de la gestion, produisant un désenchantement
du monde (Weber parle de "démagification" ou de "désensorcellement"
du monde), qui va transformer de l'intérieur les religions. Le
processus de rationalisation de la religion a conduit à un recul
de la croyance magique au profit de l'éthique (conduite de vie),
et c'est ce mécanisme interne à la religion qui serait
à l'origine de la rationnalisation du monde occidental (Dortier,
2013).
On accorde
à cet auteur la distinction, voire l'opposition, entre
éthique de la conviction et éthique de la responsabilité
dans la conférence "la profession
et la vocation de politique", qu'il prononça à
Munich le 28 janvier 1919, peu de temps après
le révoluition de novembre 1918, et un après sa première
conférence intitulée "la profession et la vocation
de savant", conférences toutes deux organisées par
l'Association des Etudiants libres de Bavière.
|
Signalons
que dans cette conférence, il précise d'abord
trois qualités essentielles et décisives pour un
homme politique : 1. la passion au sens
de l'attachement passionné à la cause, 2. le sentiment
de responsabilité à l'égard de cette cause,
et 3. la distance à l'égard des choses et des hommes
(ce qu'il appelle le coup d'oeil).
Pour
Catherine Colliot-Thelène, auteure de la préface
de la traduction de 2003, l'éthique de conviction est une
attitude uniquement soucieuse des principes et indifférente
aux conséquences de l'action, ce qui a bien quelque chose
à voir avec l'expression "agir par conviction".
Dans la préface, elle précise que pour comprendre
précisèment la différence exacte entre les
2 éthiques de Weber, il faut garder en mémoire les
pages passionnées (p.182 et suivantes) que l'auteur consacre
à la cause au service de laquelle l'homme politique authentique
engage sa responsabilité. L'éthique de la conviction
n'implique pas l'absence de responsabilité, ni l'éthique
de la responsablité l'absence de conviction. Mais il
y a une opposition profonde entre l'action qui se règle
sur la maxime de l'éthique de la conviction (en termes
religieux:" le chrétien agit selon la justice et il
s'en remet à Dieu pour le résultat"), et celle
qui se règle sur la maxime de l'éthique de la responsabilité
selon laquelle l'on doit assumer mes conséquences prévisibles
de son action (Weber, 1919, p. 192-193). Weber conclue sa
conférence en disant que ces deux éthiques
ne sont pas des contraires absolus mais elles se complètent
l'une l'autre, et c'est ensemble seulement qu'elles
constituent l'homme authentique, celui qui peut avoir la "vocation
pour la politique" (p.204).
Weber
prolonge son analyse en rappellant que quiconque veut faire de
la politique doit être conscient de l'existence de paradoxes
éthiques et de la responsabilité qui
est sienne au regard de ce qui peut advenir de lui même
sous la pression de ces paradoxes. Il considère que
le monde est éthiquement irrationnelle,
ce qui a été la force motrice de tout le développement
des religions. Pour atteindre des fins qui sont bonnes,
on est obligé, dans de nombreux cas, de s'accommoder de
moyens douteux ou, au moins dangereux d'un point de vue moral,
ainsi que de la possibilité, voire de la probabilité
de conséquences accessoires mauvaises. Et aucune
éthique au monde ne peut dire quand et dans quelle mesure
la fin bonne du point de vue moral sanctifie les moyens et les
conséquences accesoires moralement dangereux. (p.193). |
-
Exercice
d'application et de discussion de la clé de lecture de Vivarelli
: On travaille sur des situations d'aménagements
informels du religieux en contexte scolaire, avec deux types d'éthique
qui guident les pratiques professionnelles, selon Vivarelli (2014).
Analyse
de 4 situations et décisions prises par un chef d'établissement
dans des établissements différents, chacune correspondant
à deux éthiques d'action, et à deux représentations
"guidant les pratiques professionnelles des acteurs scolaires".
Vivarelli
propose une typologie des professionnels scolaires, en fonction
de leur représentation de la laïcité et en fonction
de la manière dont ils la mettent en pratique. Cette typologie
identifie 4 types de professionnels, en prenant 4 exemples de situations
régulées :
-
S4.
Le responsable libéral : Un chef d’établissement
décide de mettre à disposition des élèves
voilées, une salle leur permettant de se changer à
l’intérieur de l’établissement.
Ce compromis apparait comme un moyen efficace de s’assurer
de la bonne application de la loi
de 2004 (Circulaire n°2004-084 du 18-5-2004).
-
S2.
Le convaincu libéral : Un chef d’établissement
décide de la mise en place d’un menu halal
à la cantine, en tant que symbole des valeurs de
reconnaissance de la citoyenneté musulmane, de l’égalité
de traitement des citoyens indépendamment de leur confession,
et de la liberté de conscience et de culte.
-
S1.
Le responsable civique : Le chef d’établissement
refuse la mise à disposition d’un menu halal
à la cantine, qui aurait pour conséquence
de tenir compte, au nom de l’objectif d’égalité
de traitement des élèves dans le système
scolaire, de toutes les autres demandes alimentaires, diversité
de l’offre alimentaire que le système scolaire ne
pourrait contenter.
-
S3.
Le convaincu civique : Le chef d’établissement
refuse d’aménager le cross scolaire en dehors
de la période du ramadan, car la prise en compte
de la pratique religieuse des élèves lui apparait
contraire à son système de valeurs, la religion se
devant de rester en dehors de l’école.
CONTROVERSES
SUR LA LAICITE DANS LES MEDIAS : Etude de quelques
moments discursifs
|
Analyse du discours des candidats à la question du journaliste
sur la laïcité avec 1 min de réponse par candidat
(video entre 00h53min40 et 01h04min20). L’objectif
est de catégoriser les différentes conceptions politiques
de la laicité.
Le journaliste
déclare qu’il y a dans l’espace politique deux
conceptions de la laïcité : stricte ou accommodante
(approche médiatique par le faux dilemme)
:
- Macron : laïcité stricte => protège, permet
de croire/pas croire
- Mélenchon : laïcité respectée par tous
(surtout les élus), séparation église/état,
liberté de conscience, ne doit pas servir à attaquer
une religion
- Hamon : respect de la loi de 1905 (liberté de conscience,
séparation église/état), pas une religion,
une condition au vivre-ensemble
- Le Pen : laïcité contre le communautarisme, dans l’espace
public, dans le code du travail
- Fillon : interdire voile à l’école en 2004
; laïcité autour de la question de l’islam intégriste.
Laïcité comme protection de la République
|
Le principe
de laïcité est invoqué lors d’évènements
sociaux pour contrôler le vivre-ensemble. Il est invoqué
pour soutenir des valeurs comme la liberté, la solidarité,
pour protéger et intégrer (selon les candidats). Il est
mobilisé pour lutter contre les communautarismes.
Un premier
point semble diviser les candidats : le Concordat Alsace-Moselle (Région
française où il y a un lien étroit entre religion
et État), mais aussi l’extension de la loi de 2004 à
tout l’espace public (souhait de certains candidats). Il y aurait
donc des sens et des applications différents d’un même
principe en fonction des espaces et des contextes. Le principe est utilisé
pour donner un sens à la place d’une religion dans la société
française et dans l'espace public. Le principe est également
utilisé pour donner un sens à la place de la femme et à
ses libertés dans la société. Derrière
les prises de positions, il y a différentes représentations
de l’espace public et de ses frontières avec l’espace
privé.
L’ensemble
de ces positionnements politiques dépendent assez peu du parti
politique. Que ce soit la laïcité républicaine (stricte)
ou la laïcité libérale ou d’accommodement, on
retrouve ces deux conceptions dans les cinq discours. La classification
bipolaire donnée par le journaliste ne fonctionne pas
complétement : il y a des interprétations, des hybridations
politiques et contextuelles, en lien avec des affaires sociopolitiques
historiques prises comme témoignage et support d'argumentation
et de justification.
Un
travail de catégorisation a été réalisé
par un sociologue et historien des religions, Philippe
Portier, cité dans un article du Monde, rubrique Société,
du 11 avril 2017. Selon lui, dans le contexte de l’élection
présidentielle de 2017, trois positionnements se dégagent
:
• Fillon et Le Pen : laïcité identitaire se
référant à l’identité chrétienne
de la France et à son identité musulmane
• Macron et Hamon : laïcité accommodante
• Mélenchon : laïcité séparatiste
qui ne s’accommode d’aucune relation entre le public et le
privé (abrogation des lois du Concordat dans son programme)
- Affaire
Lautsi : présence de crucifix dans les salles de classe (Italie,
2002-2011)
: logique nationale et logique européenne
|
Entre
législation, liberté inclusive, féminisme,
et marketing (consommateurs musulmans), entre logique civique, logique
libérale et logique marchande ?
Twetter
comme espace socio-numérique de controverse.
Analyser
les adjectifs utilisés dans la presse pour qualifier le Hijab
(« cagoule », « cacher son visage », vétement
de « mode islamique », etc.).
Dans
le texte prescrit des Jeux Olympiques : «Aucune sorte de démonstration
ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée
dans un lieu, site ou autre emplacement olympique». L'IFAB
déclare que le voile est "un signe culturel et non religieux",
ce qui lui permet de contourner le règlement du CIO interdisant
toute démonstration religieuse. |
|
Laicité
à l'interface de l'éducation formelle/informelle
Contexte
de la rentrée et des élections des délégués
de parents d'élèves prévues le 11 octobre 2019.
Une affiche
polémique : accusation de "flatter le communautarisme
pour avoir des voix" (électoralisme communautariste)
versus "s’adresser à tous les parents d’élèves",
«la laïcité comme une valeur d’inclusion
» |
à
développer : La publication du Livret de la laicité (octobre
2015, révision en novembre 2016)
La distribution de l'Atlas de la Création (février 2007,
puis octobre 2017).
Le
30 novembre 2015 est publié par Daesh (EI) le numéro 7 de
son magazine. Il demande aux familles françaises musulmanes de
retirer leurs enfants des écoles publiques françaises.
Pour eux la Charte de la laïcité (2013) est une "chartre
de la mécréance", et l'expression d'une "religion
d'état" contre l'Islam.
Extrait de
la page 13
du magazine Dar al Islam (n°7) |
Les premières
réactions médiatiques arrivent le 2 décembre
2015, dans le journal Le Figaro et vont se poursuivre
jusqu’au 18 décembre 2015, date d'une tentative
de cloture de l'affaire avec une déclaration de la Ministère
de l’éducation nationale, dans Direct Matin
:

Q
: Comment l’univers médiatique interprète
la publication de ce numéro de Dar Al Islam ?
|

Couverture
du magazine
Dar al Islam (n°7)
|
ANNEXES
La
laïcité dans les médias: une question traitée
en partie par l'équipe de P. Charaudeau en 2015
Une équipe de chercheurs composée
de Nicolas Becqueret, Manuel Fernandez, Guy Lochard, Pascal Marchand,
Emmanuel Marty et Jean-Claude Soulages a largement travaillé
cette question dans l'ouvrage publié en 2015.
|
Le
débat public est un lieu où la plupart du temps,
la parole de dénonciation se substitue à la parole
d’analyse, la parole de conviction à la parole de
responsabilité, la parole polémique à la
parole d’examen critique, bref, un lieu où
se mélangent, dans un jeu inextricable, diverses paroles
émanant de personnalités politiques, de groupes
militants, de représentants d’institutions religieuses,
d’associations civiles, d’experts ou spécialistes
de diverses disciplines scientifiques, techniques ou de pensée,
de chroniqueurs et de citoyens exprimant leurs opinions via les
médias. On
le voit particulièrement lorsque surgissent dans l’espace
public des événements qui déclenchent discussions
et controverses sur des sujets de société tels que
le mariage étendu à des couples homosexuels, le
droit à l’adoption pour ces couples, la procréation
médicalement assistée, les conditions de l’interruption
volontaire de grossesse, l’assistance à la fin de
vie, l’antisémitisme et le racisme. La laïcité
fait partie de ces sujets brûlants que l’actualité
relance périodiquement.
Voir
Comment débat-on de la laïcité dans les
médias ?
Extrait et reformulation d'après l'entretien de Charaudeau
réalisé par François Quinton le 25 février
2015 pour le site de l'INA
Nos
travaux de recherche s'intéressent à la façon
dont les médias rendent compte, mettent en scène
et/ou provoquent des controverses sociales. [...] Nous avons choisi
le thème de la laïcité, à la suite de
la première affaire du voile [2004] qui touchait à
l'un des piliers de la République. Et comme les débats
et les controverses sont portés par les médias,
il s'agissait d'observer comment ils mettent en scène
une telle question. Or, les médias sont un des
lieux, par excellence, de circulation des paroles publiques.
Mais ils mélangent des paroles qui proviennent
d'acteurs sociaux divers : des politiques, des représentants
syndicaux, des membres d'association, divers spécialistes
(appelés experts), des témoins, des penseurs, des
chroniqueurs, etc. [...]
La
mise en scène de ces paroles témoigne de deux choses
: 1. la façon dont se comportent les médias d'information
; 2. l'état de la prégnance des imaginaires sociaux
sur une question donnée, à un moment donné
de l'histoire d'une société. [...]. |
-
L'équipe
de Charaudeau a étudié la presse (septembre 2003-octobre
2004), les dépêches (2003-2009,
voir diagramme ci-dessous), la télévision (1989-2009)
et la radio (1989-2010). Il montre que certains événements
font de la laïcité un sujet de controverse médiatique
(affaire du voile à Creil, discours de Latran, affaire
des caricatures de Mahomet,…). [...]
|
Les
affaires de voile (dont celle de septembre 2003 à octobre
2004) : la laïcité à la française
– qui, sur fond de guerres de religion, puis de combats
entre cléricaux et anticléricaux, avait fini par
pacifier les rapports sociaux avec la loi de 1905 – et
le consentement de la hiérarchie ecclésiastique,
malgré quelques escarmouches de dits « laïcards
» ou d'intégristes catholiques, se voient remis
en cause par l'apparition d'un élément exogène
: l'islam comme croyance revendiquant la possibilité
de « se montrer ». [...] cela
a eu pour effet de casser la banalisation d'autres signes qui
avaient autrefois une signification religieuse, puis qui ont
disparu (la soutane des prêtres, la cornette des religieuses),
qui se sont banalisés en bijoux (la croix) ou n'ont jamais
été montrés au sein de l'école (la
kippa). [...] ces objets redeviennent signe d'appartenance religieuse
et confessionnelle. Cela a eu pour second effet de reposer la
question du principe d'égalité – à
laquelle l'école de la République semblait avoir
répondu. S'en est suivi un malaise car, d'une part, revenait
en mémoire que, dans l'école de la République,
pour effacer les différences de classes sociales, ethniques
et religieuses, les enfants portaient blouses grises, d'autre
part, devant la prolifération des marques vestimentaires,
nouveaux signes de différenciation économique,
apparaissait une nouvelle inégalité qu'on ne veut
pas voir.
un
autre événement a également relancé
la controverse sur la laïcité : le discours
de Latran (20 décembre 2007) de Nicolas Sarkozy,
président de la République de l'époque
[...] En
déclarant, entre autres choses, que « Dans la transmission
des valeurs et dans l'apprentissage de la différence
entre le Bien et le Mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer
le curé ou le pasteur (…) », cela a eu pour
effet de réveiller une vielle querelle entre laïcs
et catholiques, alors que s'était établie une
pax republica entre les deux camps [...].
|
-
Au sujet de l’affaire du voile de Creil (1989-90),
il est surprenant d’apprendre que les radios n’en ont,
à l’époque, que peu parlé par rapport à
la presse ou à la télévision. [...] les
médias sont à la fois un et divers. Ils sont
un dans leur mission d'information citoyenne et,
de ce point de vue, doivent coller à la factualité des
événements. Mais en même temps, ils sont divers
car, du fait de leur spécificité en tant que moyen de
diffusion, ils sont conduits à traiter l'information selon
des dispositifs qui leur sont propres. Chacun de ses médias
a une spécificité qui tient, d'une part, comme on l'a
dit, aux caractéristiques des dispositifs d'information
et, d'autre part, au type de public auquel chacun d'eux s'adresse
(ou pense s'adresser).
La radio est le média
de l'audible qui peut être entendu à
tout moment de la vie quotidienne, qui peut rapidement coller à
la factualité des événements, et procéder
à des interviews, entretiens et mini-débats, souvent
polémiques [...]. Si on n'explique pas pourquoi elle a été
peu réactive entre les années 1990-2002, la radio
s'est en revanche rattrapée à partir de 2003,
lors du cas d'exclusion de l'école de jeunes filles voilées
et de la mise en place de la Commission Stasi, avec des
entretiens polémiques.
La
télévision,
elle, est le média du visible qui
mêle paroles et images, qui n'est percevable que dans certaines
circonstances de rendez-vous, qui, la plupart du temps, ne peut
que reconstruire le factuel, et qui procède à des
débats avec nombre de participants, ce qui ne rend pas la
compréhension facile [...] la télévision se
signale plus particulièrement par l'organisation de débats
dits « talk shows », avec de nombreux invités.
La
presse,
enfin, média du lisible, [...]
qui se prête, plus facilement que les deux autres médias,
à des analyses et des confrontations argumentées de
points de vue [...] La presse est celle qui fait écho à
la plus grande diversité de thèmes traités
sur la laïcité [...] la presse se prête davantage
à la controverse dans la mesure où les argumentaires
peuvent être davantage déployés et s'accompagner
d'analyses plus approfondies.
Cette
étude montre aussi, de façon flagrante, la
différence, pour la radio et la télévision,
entre médias privés et publics. En effet,
pour ce qui concerne la radio, c'est là que l'on observe
une forte propension aux échanges polémiques dans
les radios privées (RTL, RMC), et beaucoup plus tempérés
et explicatifs, dans les radios publiques (France Inter, France
culture). De même, on constate qu'il y a peu de débats
de société dans les chaînes de télévision
privées (TF1), alors qu'ils sont fortement présents
dans les chaînes publiques France 2, France 3, France 5).
[...] on voit bien que les médias de service public sont
plus enclins à mettre en scène des débats de
société, même si ceux-ci ne permettent pas toujours
au citoyen lambda de se faire une opinion raisonnée [...]
On
ne peut pas dire, à propos du traitement de la laïcité,
avec tous les thèmes connexes qu'elle a suscités
(opportunité de légiférer, neutralité
de la loi de 1905, crise d'identité, liberté de la femme,
conscience citoyenne, modèle républicain, etc.),
que les médias français aient pris position ou se soient
orientés de façon particulière. Cela est dû
à plusieurs facteurs : d'une part, au fait que la plupart des
médias français tiennent à occuper la place dite
« noble » de média d'opinion, (comme on
dit presse d'opinion) avant que d'être média partisan
(cela vaut pour les médias qui ne sont pas attachés
à un parti) ; d'autre part, à une tradition française,
bien ancrée culturellement, du goût pour la confrontation
des idées (il y a là quelque chose de l'héritage
des Lumières pour ce qui concerne la croyance dans les bienfaits
de la raison).
Le thème de la laïcité n'est jamais critiqué
dans les médias. Pour Charaudeau, la laïcité
est [...] à la fois, un principe, une loi et une valeur
qui sont prégnants dans l'imaginaire social français
et qui, même remis en cause, constituent le socle qui fait lien
dans notre société. Aussi, les médias français,
à aucun moment, n'ont remis en cause cette évidence
[...] Selon Patrick Charaudeau, l'étude montre que différentes
voix s'expriment à travers les trois supports médiatiques,
et que différents points de vue s'affrontent parfois de façon
très polémique, mais jamais on ne perçoit,
par l'effet de l'orientation d'un journaliste interviewer de radio,
d'un animateur de débat télévisé ou de
la présentation d'un dossier de presse, une critique du principe
même de laïcité. Affaire de culture et
de conscience collective au regard des principes de la République,
selon Patrick Charaudeau.
CADRAGE THEORIQUES
-
Un
média : Mise
à distance par rapport à une définition matérielle
du média. On considère plutôt qu’un média
est un espace (un champ, Bourdieu,
1997) dans lequel les discours sont produits à partir
d’interactions entre des acteurs qui prennent des positions.
Dans le cadre de cette définition, la presse est un média,
mais aussi l’école ou les musées.
Ce que montrent les recherches en info-com et en sociologie, c’est
que dans ces espaces de médiation, on voit se jouer des rapports
de pouvoir et de légitimité (Bourdieu,
1997) et que les médiateurs construisent dans cet espace
des représentations d’un problème (problématisation).
Les médias sont donc des constructeurs de sens (au
sens de Davallon, 1992). Ils ne
sont pas des miroirs de la réalité sociale. Ce sont
eux qui construisent les problématiques et qui disent à
quel moment on peut en parler ou non (= effet d’agenda,
voir dossier Hermès sur les médias).
Autre point qui ressort
de ces recherches : on a longtemps pensé que les médias
dans leur discours avaient des effets directs forts sur leur public.
On constate en réalité qu’il n’y a pas des
corrélations entre ce que défend un média et
les attitudes des publics, avec des comportements parfois inverses
par rapport à ce qu’avaient proposé ou supposé
les médias sur les intentions et les attitudes des publics.
Cela veut dire que les récepteurs des médias ne sont
pas des individus passifs, ce ne sont pas des récepteurs que
l’on "endoctrine" facilement, mais plutot des personnes
qui intègrent les discours médiatiques dans leur propre
représentation de la réalité, que ces discours
aillent dans le même sens, ou contre, leurs propres représentations.
Ce sont donc des récepteurs actifs. Comme les élèves
par exemple, ils s'engagent dans une réinterprétation
des discours qui depasse le contrat d'énonciation.
-
La
notion de champ (médiatique
ou journalistique plus exactement), en référence à
l'ouvrage de Pierre Bourdieu Sur la télévision (1996)
peut être intégrée à ce cadrage théorique
parce qu'elle donne un clé de lecture des logiques médiatiques.
Selon Anne-Catherine Wagner, dans les 100
mots de la sociologie de Serge Paugam (2010) :
le
champ est un microcosme social relativement autonome à l’intérieur
du macrocosme social. Chaque champ (politique, religieux, médical,
journalistique, universitaire, juridique, footballistique…)
est régi par des règles qui lui sont propres et se caractérise
par la poursuite d’une fin spécifique. Ainsi, la loi
qui régit le champ artistique (l’art pour l’art)
est inverse à celle du champ économique (les affaires
sont les affaires). Les enjeux propres à un champ sont illusoires
ou insignifiants pour les personnes étrangères au champ
: les querelles poétiques ou la lutte d’un journaliste
pour l’accès à la Une semblent futiles à
un banquier, et les préoccupations d’un banquier sont
mesquines pour un artiste ou pour un militant écologique. La
logique d’un champ s’institue à l’état
incorporé chez les individus engagés dans le champ sous
la forme d’un sens du jeu et d’un habitus spécifique.
Les
champs reposent sur une coupure entre les professionnels (de
la politique, de la religion, etc.) et les profanes. La délimitation
des frontières d’un champ est elle-même objet de
lutte [...]. Un champ, configuration de positions qui se situent les
unes par rapport aux autres, est toujours un espace de conflits
et de concurrence pour le contrôle dudit champ. À
l’intérieur de chaque champ, on trouve des dominants
et des dominés, des anciens et des nouveaux venus. Ceux qui
détiennent le plus de capital spécifique au champ sont
portés à adopter des positions conservatrices ; les
stratégies de subversion émaneront de groupes concurrents,
moins dotés en capital orthodoxe. On assiste dans les sociétés
contemporaines à un processus d’autonomisation
des champs qui invoquent leurs propres principes et leurs propres
normes contre l’intrusion de pouvoirs extérieurs.
Ce processus d’autonomisation n’est jamais totalement
achevé, ni irréversible. Néanmoins, la
multiplication des champs constitue une particularité des sociétés
contemporaines et représente une protection contre la concentration
des pouvoirs [...]. La théorie des champs débouche
ainsi chez Bourdieu sur la défense de l’autonomie de
la culture et de la science, conditions jugées indispensables
au processus de création ou de découverte.
-
|
Quels
roles jouent les médias dans la diffusion et la formation
de représentations sociales ?
voir
aussi les représentations
sociales et l'éducation aux sciences et aux risques
(Urgelli, 2012)
Les
représentations sociales prennent naissance dans la communication,
se manifestent à cette occasion et influencent aussi celui
qui communique. Moscovici considère qu'elles sont à
la fois dynamiques et structurales.
Elles
permettent d'interpréter la vie de tous les jours et de
construire un schéma figuratif d'interprétation
de la réalité. Après une phase abstraite
et hypothétique, les représentations sont naturalisées
et ancrées. On peut alors interpréter et donner
des causalités et des jsutifications sociales, et expliquer
des différenciations sociales. Les représentaions
dépendent aussi des styles de vie, des normes et des valeurs,
et des identités de l'individu ou de son groupe social
d'appartenance. Il y a des variations inter-individuelles de représentations
sociales.
- La
médiatisation élabore des représentations
:
Moscovici
(1961, 1976) considère que les médias sont porteurs
d'une mémoire externe et de savoirs spécifiques
à une société ou à un groupe. Ils
conduisent aussi à diffuser, voire à naturaliser
des réalités médiatiquement construites.
Mais le contexte de réception est à
prendre en compte dans le processus de naturalisation. La TV par
exemple est souvent reçu dans un contexte familial, ce
qui n'est pas toujours le cas pour la presse écrite. Le
contexte de production donne aussi un degré de
proximité avec la réalité, par le visuel
par exemple. Tous ces contextes sont plus ou moins favorables
à l'ancrage des représentations dans la vie quotidienne.
Exemple
du label punk dans les années 1970 à la télévision
: un schéma figuratif stéréotypé se
met en place, ce qui a conduit à ce qu'une certaine minorité
s'identifie à ce courant (effet médiatique).
Exemple
de la théorie du chaos, qui devient une explication de
"l'ordre dans le désordre", un stéréotype
aussi, mais aussi une "identité dans la variété,
"le grand dans le petit", le prévisible dans
l'imprévisible", etc... Ce sont des variations du
stéréotype qui donnent un sens aux faits sociaux
et permettent de les justifier mais également de les différencier.
Ces stéréotypes permettent aussi de guider nos choix
face à de multiples possibilités. Ainsi "l'ordre
dans le désordre" est un schéma, une interprétation
de la réalité sociale très attractive.
Les groupes qui communiquent
sont spécifiques et ont des normes et des identités
sociales ârticulières. Ils utilisent leurs représentations
de la réalité, notmament sur leur propre rôle
dans la société et sur leurs publics. A
la TV par exemple, les médiateurs peuvent considérer
par exemple l'audience des shows télévisuels comme
trivial, vague, binaire, ou soit comme une audience idéalisée
ouverte d'esprit, ou encore une audience égocentrique,
qui leur ressemble, ou bien une audience incompétente,
ungrateful, intértessée ou pas, rejettant l'intellect,
etc... Il y a peu d'interaction avec les publics et donc des réprésentaitons
vagues s'élaborent, ancrées dans les réalités
sociales des journalistes. Il y a une forme d'autisme médiatique
orienté souvent vers leurs collègues, ce qui laisse
penser que les probabilités d'une communication efficace
avec les publics est faible. Les taux d'audience sont quantitatifs
et rien ne garantit que la qualité de la communication
ne pourrait pas être améliorée avec une meilleur
connaissance des publics et de leurs représentations.
Médiatisation
et représentations sociales sont donc interreliées
: la mlédiatisation génère des représentations
mais est aussi captive, prisonnière de ses propres représentations
à propos des publics et de leurs attentes. elle oublie
parfois que les publics sont des récepteurs actifs et complexes,
qu'ils réarrangent le sens et avec les réseaux sociaux
participent eus aussi à la médiatisation des représntations
sociales. Il y a donc un changement profond dans les processus
d'élaboration et de circulation des représsntations
sociales. L'oppostion binaire entre une communication de masse
et une communication interpersonnelle atteint ses limites.
|
Définitions
du principe de laïcité (Urgelli
& Ménard, janvier 2016, proposition
de cadrage du concept)
|
La
laïcité en France se réfère souvent
à la loi de 1905, qui institue la séparation entre
l'Etat et les Eglises, l'Eglise la plus importante et influente
en France à cette époque étant l'Eglise
catholique. L’Etat accorde une liberté de gestion
aux religions et affirme son indépendance par rapport
à elles. La laïcité permet aussi à
chacun d’exprimer sa liberté de conscience et d’opinion.
Chaque citoyen(ne) est libre de croire, de ne pas croire, de
changer de croyance, de pratiquer son culte, dans la limite
de l’ordre public. L’Etat devient donc "neutre"
face aux religions.
Si
la laîcité
assure la liberté de conscience, la question de la liberté
d’opinion n'est pas mentionnée dans
l'article premier de la loi. Mais quelle est la différence
entre opinion et conscience ? La conscience renverrait-elle
plutôt à la question du fort intérieur et
l’opinion à une certaine identité politique,
plus soumise au changement que la conscience ? La distinction
est en tout cas importante. Danièle Lochak parle par
exemple d’idées pour la liberté
d’opinion, et de conviction pour la liberté
de conscience. La conscience serait à un « degré
supérieur » de réflexion et d’intériorisation
que l’opinion.
Quoiqu'il
en soit, en 1946, ce principe rentre dans la Constitution française
et se réfère à 3 sous-principes liés
à la Déclaration des
Droits de l’Homme et du citoyen
de 1789 :
- le
système politique est autonome par rapport aux systèmes
religieux et l’un ne peut financer l’autre.
- tout.e
citoyen.ne a droit à une liberté de conscience
et d’opinion ;
-
il a droit à une égalité de traitement
par l’Etat ;
C’est
donc également un principe juridique, un principe de
neutralité de l’Etat et de protection de la liberté
de conscience, dans la limite du maintien de l’ordre public.
Ce principe juridique puise sa source dans la construction d’une
pensée philosophique qui confronte les principes de liberté
et d’égalité. La laïcité
se situe à la charnière entre la défense
des libertés individuelles et la défense de l’intérêt
général.
La
laïcité n’est pas une exception française,
même si elle est issue en partie de l’époque
des Lumières (XVIIIè siècle) sachant que
cette idée de laïcité n’était
pas vraiment présente chez tous les philosophes des Lumières.
Elle peut aussi remonter aux philosophes anglais (par exemple
John Locke et la notion d’Etat de droit) et à l’expérience
de la guerre d’indépendance des USA qui a marqué
la pensée française dans la recherche de plus
de liberté et d’égalité. Le principe
de laïcité était aussi impulsé par
le protestantisme, bien installé dans tous les milieux,
et surtout en politique, et qui défendait l'idée
d'une séparation des Eglises et de l'Etat. Une grande
partie des penseurs de la loi de 1905 étaient d’ailleurs
protestants.
En
fait, c’est une multitude de facteurs qui ont fait émerger
ce principe à la fin du XIXe siècle : la
philosophie des Lumières (Voltaire, Condorcet), le positivisme
(Auguste Comte), le protestantisme (Ferdinand Buisson), l’expérience
américaine, la pensée franc-maçonnique
aussi ! La laîcité n’est donc pas
issue uniquement de la philosophie des Lumières.
Des catholiques diront aussi que la laïcité a toujours
été présente dans la religion chrétienne,
puisque puisqu'il est écrit dans la Bible « rendez
à César ce qui appartient à César,
et à Dieu ce qui appartient à Dieu ».
Mais il s'agit probablement d'une interprétation biaisée
de la Bible.
Est-ce
un principe universel ? Peut-il être compris
et accepté par n’importe quel être humain
? L’universel est ce qui s’applique à toutes
et à tous, mais cette universalité peut aussi
porter une dimension de domination de la culture occidentale.
Certains défenseurs de la laïcité française
la voudraient universaliste, mais il faut préciser qu'elle
s’est construite dans une société donnée,
une culture donnée, à un instant donné,
et en fonction des religions en présence. Elle ne peut
donc être généralisée et donc universalisée.
Elle est différente de la laïcité mexicaine,
ou turque par exemple. Cependant,
la laïcité est liée à une vision culturelle
de la République, entre deux éthiques, celle de
la conviction républicaine autoritaire, et celle de la
responsabilité démocratique libérale.
Elle
doit permettre la coexistence pacifiste entre
les croyants, les athées et les agnostiques, un vivre-ensemble
sans traitement de faveur de la part de l'Etat, avec la liberté
également de changer de croyance et d’être
indifférent aux religions.
Cela
sous-entend aussi que l’on a la liberté de choisir
ses opinions, mais aussi la liberté de critiquer les
idées et les opinions, d’interroger et remettre
en question ce qu’on veut, sans pour autant s’attaquer
aux personnes qui y croient. La laïcité nous oblige
à 1. ne plus considérer qu’une pensée,
une idée, un principe est « sacré et
inattaquable », et 2. ne pas essentialiser la croyance
de la personne qui croit, car c'est une personne libre
de changer de croyance. Critiquer les idées, sans pour
autant critiquer les personnes qui les pensent. Mais c'est ici
un point sensible de la réflexion sur la laïcité
et son rapport à la critique : critiquer l'islam, est-ce
critiquer les musulman.e.s ? Se moquer du prophète de
l'islam (caricature) est-ce se moquer des croyant.e.s ? (voir
l'ouvrage de Saba Mahmood "La critique est-elle laïque?",
PUL, 2015).
La laïcité n’interdit pas l'expression d'une
diversité de pensées philosophiques, et ne censure
pas, à partir du moment où il y a non atteinte
à la liberté des autres, et surtout tant que cela
ne tombe pas sous le joug de la loi, que cela ne perturbe pas
l’ordre public, que cela reste en dehors du racisme, de
l’antisémitisme, et que finalement cela ne porte
pas atteinte à la dignité des personnes. La laïcité
c'est donc : 1. la neutralité de l'Etat et de ses institutions,
2. la liberté de conscience et de croyance, 3. l'égalité
des citoyen.ne.s quelles que soient leurs croyances.
On
peut dire que l’objectif de la laïcité est
de favoriser le vivre-ensemble, en se considérant
égaux les uns par rapport aux autres. Techniquement,
les citoyen(ne)s sont déjà égaux avant
la loi 1905, comme le stipule la Déclaration
des Droits de l’Homme et du citoyen
de 1789. La laïcité permet de rendre l’Etat
neutre et indifférent par rapport aux religions pour
que chacun(e) puisse être libre de croire, de ne pas croire
ou de changer de croyance, et de pratiquer son culte dans la
limite de l’ordre public. Ce qui suppose, mais dans un
deuxième temps, l’égalité de toutes
et tous.
En
France, la laïcité a d’abord été
historiquement controversée pour les catholiques,
surtout au début du XXe siècle (on parlait alors
des 2 France, la laïque et la catholique), mais les catholiques
ont fini par l’accepter, non sans résistance. L’Islam
étant différent dans son fonctionnement et son
organisation interne, et sa présence étant plus
récente en France que le catholicisme, il met en place
des stratégies spécifiques, à la fois de
résistance et d’intégration face au modèle
laïque français. Le rapport entre la France et l’islam
doit être analysé à la lumière des
contextes socio-historiques, dans une vision large qui intègre
aussi, par exemple, la colonisation et la guerre d’Algérie,
et qui fait que ce rapport est très différent
du rapport entre la France et le bouddhiste par exemple. Ainsi
les bouddhistes
vivant sur le territoire français été majoritairement
favorable à la laïcité car elle leur a permis
d'ouvrir des lieux de culte au même titre que les autres
croyants citoyens français.
C’est
à l’école que la problématique est
la plus vive, puisque la mission politique donnée à
l’école est d’apprendre à vivre-ensemble,
mais également de former des citoyen(ne)s. La notion
de « vivre-ensemble » est récente
(voir les objectifs éducatifs dans le rapport
Delors de l'UNESCO, 1996), et éminemment politique.
La
mission principale de l’école reste de former des
gens aptes à évoluer dans la société,
et à pouvoir s’y insérer, donc avec un bagage
culturel, social et une professionnalisation suffisante et orientée.
L’école a toujours eu une double mission, à
la fois « socialisante et normalisante ». Or
les enseignants ont dans leurs programmes des questions
sensibles et des sujets tabous à traiter
(Cahiers
pédagogiques n°477, 2009), qui heurtent
les pratiques et les croyances familiales ou communautaires,
notamment sur les questions de sexualité, d’alimentation,
de reproduction humaine (ex. avortement) ou encore sur la question
des origines de l’Homme et des risques pour l'espèce
humaine. Certains parents ont parfois l’impression que
la laïcité permet à l'école de s'opposer
ou de tenter de déconstruire les croyances, et donc la
culture familiale, d’où l’invitation de certains
mouvements religieux à retirer les enfants de l’école
publique (voir l'étude du moment
discursif de décembre 2015 autour du magazine Dar Al
Islam ci-dessous). Rappelons cependant que ce
sont des épiphénomènes (ce que
semble confirmé le sondage de Ifop-CNAL de janvier 2018,
Les
enseignants et la laïcité, auprès
de 650 enseignants de l'enseignement public, du primaire au
lycée), et que la très grande majorité
du temps, école et croyances familiales s’accommodent
très bien l’une de l’autre. S'il est important
de ne pas minimiser les problèmes, il ne faut pas pour
autant dramatiser la situation !
Voir
aussi les enquêtes CNRS sur des élèves de
collèges et de lycées :
En
France, ce n’est pas l’école qui est obligatoire
mais c’est l’instruction des enfants. Les enfants
peuvent donc être instruits par la famille ou par des
écoles privées, même si cela conduit à
une instruction des enfants de la République dans deux
systèmes qui ne partagent pas forcément la même
vision du vivre-ensemble, et de la construction de l'identité.
Mais ces systèmes restent soumis aux mêmes programmes
scolaires, le ministère de l’Education nationale
ayant un droit de regard sur ce qui se passe d'un point de vue
éducatif dans la sphère privée. Les écoles
privées peuvent être hors contrat avec l’Etat
(non financées par l’Etat) ou sous contrat, mais
les professeurs sont normalement sélectionnés
de la même façon : les enseignants du privé
passent aussi le CRPE, le capes ou l'agrégation. |
Raisons sociales qui fondent nos recherches
1. A
la suite des attentats de Paris de janvier 2015, dans la presse, les
éducateurs, enseignants ont parfois été considérés
comme responsables, en partie, de ces crises sociales, n’ayant pas
été capables de produire du « vivre-ensemble ».
D’autres voies signaleront que l’école ne peut pas
tout (Urgelli, Diversité, 2016).
Une investigation sur la place des enseignants dans une éducation
au "vivre-ensemble" et donc à la laïcité
peut permettre de cerner si cette question de la responsabilité
des éducateurs en terme d'éducation laïque s'exprime
à d'autres occasions que des attentats perpétrés
sur le territoire par des jeunes français ayant été
scolarisés, parfois longuement, dans l'institution scolaire.
2. En février
2015, le gouvernement par l’intermédiaire de la Ministre
a lancé un programme d’éducation aux valeurs
de la République en lien avec la Charte
de la laïcité (2013). Une partie des chercheurs du
laboratoire ECP de Lyon 2 s'est engagé dans une enquête explorant
comment les médias problématisent la question de la responsabilité
éducative de l’école, avec quelles logiques argumentatives,
quelle mémoire discursive, et quelles controverses associées.
|
[...]
la proximité entre complotisme et savoir donne à
l’École les moyens d’agir. En rappelant la
différence fondamentale entre savoir scientifique et révélation.
En rappelant la distinction cardinale entre le vrai et le vraisemblable.
En donnant aux élèves des outils techniques pour
maîtriser la rhétorique, l’argumentation, et
pouvoir ainsi mieux déconstruire les arguments qui leur
sont opposés. Mais dans ce cas, me direz-vous, avons-nous
besoin d’enseignement spécifique ? Tous ces enjeux
ne sont-ils pas, d’une certaine façon, abordés
par les enseignants, en Histoire, en sciences, en langues et en
littérature ? Ils le sont, mais jamais de manière
directe. On explique rarement comment se fabriquent les savoirs.
Les connaissances. Quels sont les enjeux et les règles
qui les régissent. Voilà pourquoi j’ai tenu
à ce que deux enseignements soient mis en place : l’Enseignement
Moral et Civique et l’Education aux Médias
et à l’Information. Tout en convoquant des
savoirs fondamentaux et des connaissances acquises dans d’autres
cours, ils mettent l’accent sur des questions de citoyenneté,
d’apprentissage et de pratique du débat, de connaissance
des médias et de l’information.
Extrait
du discours de Najat Vallaud-Belkacem du 09/02/2016 : Réagir
face aux théories du complot. |
Les
limites des enquêtes
Nous centrons nos analyses
sur la presse quotidienne nationale papier (les médias du lisible,
comme ex. Libération, Le Monde), qui, comme tout média,
s'adresse à un lectorat particulier. C’est une presse lue
par des récepteurs non représentatifs de la diversité
des positionnements et des argumentaires sociaux. Ces médias, et
un média en particulier, construisent donc des discours en fonction
de leurs représentations d'un lectorat, ce lectorat n'étant
d'ailleurs que très rarement le reflet de la diversité sociale.
A priori, le journal gratuit 20 minutes serait un peu plus attentif
à la diversité sociale des lecteurs, en tout cas dans son
contrat d'énonciation, dans la mesure où il est largement
distribué dans les centres urbains, avec l'espoir d'être
lue par de nombreux citoyens se déplaçant en transport en
commun.
Hypothèse(s)
de recherche :
Les moments médiatiques identifiés et parlant de laîcité
seraient liés à (catégorisation
en cours)
- un événement
de type guerre ou attentat (conflits d'intérets sociaux, entre
des groupes nationaux ou internationaux à révendication
identitaire) ;
- un évènement d'expression dans l'espace public d'une revendication
identitaire individuelle ou collective, qui suscite des réactions
sociales et politiques autour de l'interprétation du pacte social
laïque
- une réforme sociale
et politique, qui touche au mode de fonctionnement d’une société
et/ou aux valeurs qui fondent la société.
- des mouvements sociaux qui
militent pour afficher publiquement une identité culturelle et/ou
religieuse spécifique (ex. port du voile, de la kipa, etc…).
- des élections et débats
politiques, entre différents représentants du peuple qui
affichent leur vision du pacte social, porté par des valeurs spécifiques
liées au vivre-ensemble démocratique.
-.... |