Réchauffement anthropique ?
Un débat ouvert à l'Académie des sciences s'impose !


Benoît Urgelli
last up-date : 21 octobre, 2013

A propos d'une éthique de la communication autour d'une question socioscientifique

De la polémique à la controverse en passant par l'épreuve de force
Vers une analyse de la dynamique des controverses selon Pestre (2006) et Chateauraynaud (2007)

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Ces dernières semaines (mai 2010), les stratégies de communication et de médiatisation des controverses ont permis d'ouvrir socialement, dans les médias, la complexité et l'expertise qui caractérisent la question climatique. C'est une avancée importante pour une saisie des limites de cette expertise, comme le précisait Roqueplo en 1993.

On constate également que dans cette dynamique des controverses, des réseaux d'alliance entre médiateurs (journalistes, éditeurs, politiques, membres d'association,...) et scientifiques directement concernés se reconfigurent, se renforcent ou s'effacent. Les raisons de ces changements sont une vraie question sociologique.

Devant l'absence d'arènes médiatiques publiques où les argumentaires scientifiques se confronteraient, une forme de demande sociale s'exprime. C'est pourquoi je pense qu'il est temps qu'une séance publique à l'Académie des sciences s'organise, pour y répondre en partie, aux yeux de tous ceux qui se préoccupent de cette question : scientifiques, journalistes, politiques, mais également ingénieurs, éducateurs et membres d'association.

L'enjeu de cette séance ne serait pas de dire qui a raison et qui a tort, ni d'aboutir à un consensus, mais d'identifier, en toute transparence (et donc, encore une fois, au cours d'une séance publique...) les limites des connaissances actuelles sur la complexité de la question climatique.

L'autre intérêt d'une telle séance est qu'elle permettrait de lever un fâcheux paradoxe éthique : des controverses qui portent sur des fondements scientifiques (observations, théories et modèles) ne se gèrent pas dans les médias généralistes (et surtout pas dans le Figaro, Libération, Le Monde, RTL, C'est dans l'air, ou sur des sites internet rattachés à un laboratoire de recherche, ou encore au sein d'une école de formation à la recherche scientifique....).

Ceux qui pratiquent les sciences disposent de médias spécialisés dans la gestion du scepticisme. J'ose ici croire que l'Académie des sciences serait l'arène idéale pour la production de cette mise en scène de controverses. Cette mise en scène pourrait d'ailleurs se construire autour notamment des 10 points décrits dans le document produit par les climatologues français engagés dans "l'appel politique des 400". Un document d'ailleurs que tous les journalistes, quelque soit leur alliance ou leur neutralité et impartialité déclarées , doivent aujourd'hui avoir en main.

"Les 10 points relevés [...] nous semblent mériter une discussion approfondie et pourraient être abordés dans un débat scientifique que nous appelons de nos voeux."

  1. Température moyenne globale terrestre et marine
  2. Température moyenne globale « à haute résolution »
  3. Attribution du changement climatique observé
  4. Le climat du dernier millénaire
  5. Les carottes de glace et l'enregistrement du CO2
  6. Augmentation du niveau des mers
  7. Durée de vie des perturbations
  8. Rôle de l’activité solaire
  9. Rôle du CO2
  10. Fiabilité des modèles de climat

Extrait du document diffusé le 7 avril 2010 par les scientifiques signataires de l'appel politique de 400 (01 avril 2010).
Un bel exemple de reconfiguration de l'approche médiatique des controverses soulevées Vincent Courtillot.
Une approche moins autoritaire et arogante des controverses.... (ouf !) même s'il manque les noms des signataires ce coup-ci !

Il faudrait surtout que dans les semaines qui viennent les scientifiques qui remettent en question la part anthropique dans l'évolution climatique récente amendent ces dix points et les complètent : il n'y a pas que Vincent Courtillot, les argumentaires scientifiques de controverses n'étant que rarement bipolaires.

Un gros travail en perspective.... mais qui permettrait de remplir la fonction d'objectivation scientifique nécessaire au traitement transparent d'une question d'environnement et de développement dont les enjeux nous concernent tous, à plus ou moins long terme.