Objectifs
: Discuter
des différents modèles d'éducation à la
santé et de l'émergence dans les années 2010 de
l'éducation thérapeutique du patient (ETP). Cette
éducation peut prendre différentes formes, en fonction
des représentations du soignant, de son patient, de la pathologie,
des savoirs en jeu mais également de la vision de la fonction
médicale, entre médecine réparatrice et médecine
humaniste (Giordan, 2010a). Ces différentes représentations
conduisent à l'adoption d'une diversité de modèles
pédagogiques (Giordan, 2010b
; Morandi et La Borderie,
2001)
et
de postures éducatives dans le cadre de la relation soignant-patient.
En partant de
situations cliniques vécues, nous interrogerons les représentations
du soignant (et nos propres représentations !) à propos
de la place de l'information, de la connaissances médicales,
des savoirs experts et d'une approche psychopédagogique (individuelle
ou collective) dans la perception de la pathologie par le patient (et
son entourage), et l'adoption de comportements autonomes et responsables
en matière de santé (Fournier, 2018). Les situations étudiées
interrogeront la posture éducativedu soignant face à des
patients majeures ou mineurs, et/ou intellectuellement diminués.
Quelle place accordée alors aux parents et/ou au conjoint dans
l'éducation thérapeutique du patient ?
Il
s'agit donc de conduire une réflexion éthique
(notre conception du bien-agir) en formation initiale, et de prendre
conscience des principes et des valeurs qui guident nos actions éducatives
et médicales (réflexion morale). L'ensemble
s'inscrit dans le tournant reflexif des praticiens (Vacher,
2011), où l'on apprend à réflehir dans l'action,
chargé souvent d'affectivité, et sur l'action, pour prendre
du recul, temporiser et se décentrer. Les situations étudiées
sont des situations qui montrent des conflits de valeurs et de principes
(dilemme
éthique), et plus largement des dilemmes posturaux : il faut
alors hiérarchier les valeurs pour décider de la "bonne
action" à mener, et si cela est impossible, faire des compromis
dans l'intérêt général !
Modalités
d'évaluation : A
partir de la présentation d'une situation clinique de votre choix,
préciser quelle(s) stratégies d'action vous adopteriez,
quelles postures éducatives et les principes qui les fondent
?
Pourquoi cette situation clinique pose un dilemme postural au
soignant ? Comment agiriez-vous ? Soit finalement :
-
Expliciter
le dilemme éthique et postural lié à la situation.
-
Quelles
autres informations vous seraient nécessaires avant de décider
comment agir ?
-
A
partir des informations dont vous disposez, que feriez-vous à
court, moyen et long terme ? Pourquoi ?
-
Quelles
nouvelles difficultés pourraient découler de votre décision
?
-
Authier,
D. (2017). L'éducation thérapeutique du patient. Une
autre façon de percevoir le patient. In A. Barthes, J.-M. Lange
et N. Tutiaux-Guillon, Dictionnaire critique : des enjeux et concepts
des "éducations à" (pp. 249-256), L'Harmattan.
-
-
-
-
-
-
Giordan,
A. (2010a). Apprendre
à se soigner. Dans Catherine Halpern éd., La
Santé: Un enjeu de société (pp. 133-139).
Auxerre, France: Editions Sciences Humaines.
-
- Houssaye, J. (2000).
Théorie et pratiques de l’éducation scolaire
(3eEd., 1er Ed. 1988). Berne: Peter Lang.
-
- Meirieu P. (1997).
Praxis
pédagogique et pensée de la pédagogie. Revue
française de pédagogie, 120, 25-37.
- Molénat,
X. (2010). Autonomie
: de l'idéal à la norme. Sciences Humaines,
11(11), 6-6.
- Morandi, F. &
La Borderie, R. (2001).
Modèles et méthodes en pédagogie. Nathan.
- Morin, E. (2008).
La méthode. Paris : Seuil.
-
-
-
L'essentiel
:
|

in Balcou-Debussche,
2012
|
- 1.
Histoire du programme d'ETP : un changement de posture et de référentiel
de compétences
Durant la période
2005-2012, un changement de référentiels de compétence
est mis en place, en s'appuyant sur un modèle médical d'éducation
à la santé (Calas et Reynaud, 2012 ; Authier, 2017). Entre
un modèle d'éducation biomédicale (celui de la médecine
réparatrice) et un modèle d'éducation biospychosocial
(de la médacinie humaniste, avec des approches psychopédagogiques
et la prévention des risques, en plus de la prise en charge des
soins) (Giordan, 2010a), le modèle de l'éducation thérapeutique
des patients se répand dans le monde médical, s'appuyant
sur une représentation socioconstructiviste des apprentissages.
|

voir aussi Morin
(2008), à propos des 3 principes de la théorie de
la complexité
|
- 2. Les
visées de l'ETP : injonction à l'autonomie et à
la responsabilisation
Dans ce modèle
éducatif, , la relation entre le patient et le soignant est au
centre de l'attention. Les apprentissages sont supposés symétriques,
l'un apprenant de l'autre. La relation vise à l'appropriation de
connaissances et de pratiques, et elle se fonde sur une écoute
empathique qui accepte que celui qui ne pense pas comme soi (Barrier,
2009). Loin du paternalisme ou encore du technicisme, cette approche biopsychosociale
est supposée nécessaire à une acceptation créative
de la norme de santé et la défintion d'un art de vivre (Ganguilhem,
G. (1966) dans Le normal et le pathologique).
L'objectif
de l'ETP est d'apprendre à vivre avec la pathologie, et à
s'émanciper de la relation de pouvoir assymétrique entre
patient et soignant, en apprenant l'autonomie et la responsabilité
pour augmenter sa qualité de vie (Fournier, 2018). L'autonomie
est une notion intimement liée à la responsabilité.
Kant au XVIIIe siècle définit l'autonomie comme la façon
d'agir qu'on s'est donné, une règle de la raison, qui peut
devenir universelle.
L'autonomie
est émancipatrice car elle permet de ne pas être dirigé
par quelqu'un. Après avoir été un idéal d'émancipation
politique contre les hiérarchies, les aliénations, les normes
sociales dans les années 1960, l'autonomie en tant qu'utopie est
devenue une norme sociale face à la maissification et à
la diversification des publics, et ce sont les institutions qui se mettent
à parler d'autonomie et d'apprentissage de l'autonomie (Molénat,
2010). Mais pour Descombes
(2014), les règles de l'autonomie ne se trouvent pas au fond
de nous mais dans le contexte social et il s'agit d'une dotation de compétences
et de capacités qui s'apprennnent. L'autonomie se construit par
la socialisation et la collaboration.
-
voir
également les propos de Hervé Glevarec sur l'autonomie
précoce des adolescents, sous dépendance des ressources
économiques des parents, des adolescents qui déploient
des sphères d'activité culturelle propres, une autonomie
culturelle semi-publique et souvent sédentaire, dans l'intimité
de leur chambre et sur Internet. L'autonomie vue par les parents est
alors différente de celle concues par les jeunes : pour les
uns, il s'agit d'une autonomie professionnelle, fondée sur
l'indépendance financière, la capacité à
etre mobile et à s'engager familialement ; pour les autres,
il s'agit d'une participation culturel, sédentaire, qui conduit
à devenir soi, via des outils culturels plus ou moins controlés
par les parents.
Glevarec, H. (2010). Préados,
la liberté...en chambre. Sciences Humaines, 11(11),
10-10.
Paul (2012)
rappelle que dans l'ETP, deux formes d'autonomie sont présentes
dans l'esprit des patients et des soignants : une autonomie à visée
émancipatrice fondée sur l'éducation et une autonomie
à visée responsabilisante fondé sur une approche
juridique. Dans l'ETP, il ne s'agit pas de rendre la personne autonome
mais de solliciter son autonomie en s'appuyant sur ses
ressources. Il s'agit donc d'adopter une posture d'accompagnement.
- 3.
Diverses pratiques éducatives fondées sur des modèles
pédagogiques différents : vers un modèle systémique
?
Giordan (2010b)
récapitule la diversité des modèles identifiés
identifiés dans les pratiques d'éducation thérapeutique
du patient. Pour chacun d'eux, il identifier les avantages et les inconvénients.
Centrée essentiellement sur les transmissions de notions et de
quelques gestes thérapeutiques, la référence d'un
de ces modèles pédagogiques est la référence
au biomédical : une maladie est supposée avoir un substrat
organique et une cause de nature biologique. L'acteur principal reste
le soignant et le bon patient est considéré être le
bon observant qui applique et exécute les recommandations et les
conseils formulés par le soignant. Pour ces enseignements, c'est
le modèle universitaire qui fait référence avec des
cours magistraux, accompagnés d'exercices et de travaux pratiques.
Face aux maladies chroniques, un plus grand savoir faire va commencer
à être enseigné parallèlement aux données
sur la maladie et son suivi. On vise alors l'acquisition par le patient
de compétences d'auto-soins et d'adaptation pour vivre dans son
environnement et modifier celui-ci. Des pédagogies actives sont
alors introduites : exposés dialogués, ateliers, études
de cas, tables rondes, jeu de rôle, etc..
Ces diverses
pratiques s'appuient sur trois grands modèles qui ont des effets
différents sur la motivation du patient :
La
pédagogie frontale, imitant le modèle universitaire,
supossant que l'apprentissage est un simple processus communicationnel
comportant un décodage puis une mémorisation. La transmission
peut même se réaliser en différé par l'intermédiaire
d'un film ou d'une vidéo, ou sous forme dialoguée mais toujours
avec du matériel ou des fiches de type transmissif. La relation
reste donc frontale.
Ces pédagogies peuvent se révéler très efficaces,
mais on réalise que le message n'est entendu que lorsqu'il est
attendu, c'est à dire lorsque le soignant et le patient se posent
la même question, ont le même cadre de référence
et de pensée. Les risques d'incompréhension qui empechent
toute transmission sont donc importants, sachant que l'objectif du soignant
est la prévention des complications, alors que celui du patient
est sa qualité de vie. L'individu va enregistrer ce qui a du sens
pour lui, par rapport à l'idée qu'il se fait de ce qu'il
a a faire avec ce qui lui est dit. Les risques de démotivation
et de découragement sont donc forts.
La
pédagogie béhavioriste repose sur le principe
d'un conditionnement et il est issu des
travaux de Skinner (1904-1990) notamment, reprenant les travau du
physiologiste russe Pavlov sur le changement de comportement de l'animal
et son conditionnement. Il s'agit de repèrer les réponses
positives et négatives, et de réaliser des renforcements
pour enrichir le comportement positif, et des remédiations en cas
d'obstacle au "conditionnement opérant". Giordan (2010b)
estime que les exercices de PNL ou des thérapies comme la Gestalt
therapy ou encore les thérapeuties familiales sont issues
de cette école de pensée.
Très efficace lors de l'aprpentissage de gestes techniques ou de
l'apprentissage de réflexe de santé, cette approche intervient
peu sur la motivation. Cette pédagogie s'intéresse aux entrées
et aux sorties comportementales, en renonçant à comprendre
le mental. Présupposés, croyances, désirs, intentions
du patient ne sont pas pris en compte. L'apprentissage, qui est un phénomène
complexe et non linéaire, est découpé en unités
élémentaires correspondant chacune à un stimulus
externe.
La
pédagogie constructiviste repose non pas sur la transmission
ou le conditionnement mais sur la construction progressive
des apprentissages en travaillant avec d'autres par le biais d'expressions
et d'activités, d'investigation et de tatonnements. Inspirés
des théories philosophiques de la pensée ete des travaux
en psychologie des années 1960, par exemple ceux de Piaget
ou de Bruner,
on considère que pour que l'information soit significante, il faut
des ponts cognitifs pour faire des liens et assurer l'intégration
de cette information à la structure mentale préexistante
. Les schèmes du sujet, sa propre organisation cognitive, sont
alors réorganisés par les nouvelles données extérieures.
On dira que le sujet les assimile. Et en retour il y aura accomodation
lorsque les schèmes de pensée en place se modifient en fonction
des circonstances nouvelles (assimilation et accomodation pour
Piaget).
Cette pédagogie a l'avantage de favoriser la motivation par le
vécu du patient et d'enrichir un apprentissage ou de modifier légèrement
certaines croyances. Apprendre procède de l'activité de
la personne, et n'est pas le résultat d'une impression ou d'un
conditionnement opérant. Mais les informations nouvelles peuvent
être des obstacles sur le plan cognitif ou émotionnel, et
le patient ne se laisse pas facielment déposséder de ses
croyances. Construction et déconstruction ne peuvent résulter
que d'intéractions. Et le cadre interprétatif du patient
reste son savoir antérieur. La sphère affectivo-emotionnelle
(sentiments, passions, désirs, peurs) joue également un
rôle déterminant dans l'acte d'apprendre en ETP.
A
partir des limites des pédagogies précédentes,
la pédagogie systémique a été
défini sur trois bases nouvelles :
- importance
des intéractions multiples centrées sur le patient et
élaborés avec le patient, implicant les proches si possibles
et intégrant la vie quotidienne, et s'appuyant sur un diagnostic
éducatif des besoins, des conceptions et de l'environnement
socioculturel du patient ;
-
prise
en compte des dimensions multiples de patient : émotions (peurs,
angoisses,...), perceptions et ressentis, regard sur la maladie, son
corps et sur le traitement, sur le personnel de soins, sousbassemlent
de sa pensée (raisonnement intime, évidences, émotions
et sensations corporelles que le patient n'interroge pas), ses projets
de vie, son passé éducatif et scolaire (certains ne
supportent pas de se retrouver en formation);
-
mise
en place d'un environnement didactique qui permette l'ébranlement
des conceptions du patient et accompagner l'émergence de nouvelles
conceptions. Cette
pédagogie va travailler sur la prise en compte du système
de conceptions du patient car toute dissonance cognitive n'est pas
assimilée. Il y a donc un barrage à l'apprentissage
lié à la structure de pensée. Le patient ne se
dépouille pas facilement de ses croyances en santé,
malgré les arguments, les illustrations et les expériences
illustratives du soignant. L'environnement didaactique favorable peut
être un travail en groupe par exemple (voir
l'étude de quelques situations rapportées).
|
L'idée
dans ce modèle pédagogique systémique est donc
de travailler avec les représentations et les croyances des
uns et des autres, sans tenter d'aller contre mais en personnalisant
l'approche et en démontrant que la gestion de la balance
bénéfice risques est liée direectement à
l'auto-contrôle et à la compréhension des symptomes
(Giordan, 2010a).
On reconnait
également que la perception
des risques par le patient et le soignant est une affaire complexe
qui ne se limite à la question de la connaissance (Peretti-Watel,
2002 pour les 6
déterminants qui peuvent expliquer notre perception des risques).
La dimension
cognitive, qui passe par l'instruction, le dire, le faire, le montrer
ne suffit pas à conduire à un changement de comportement
et à créer de la motivation. Il semble nécessaire
de prendre en compte les conceptions, les affects, les croyances
du tissu social sur la pathologie pour penser l'éducation
thérapeutique du patient. |
- 4. Du
triangle au tétraèdre didactique : patient, soignant,
savoirs... et pathologie !
A la confluence
de 2 mondes, celui du soignant et celui du patient, avec des attentes
différentes (Authier, 2017, p.250-251), l'ETP suppose alors une
transposition didactique fondée sur 4 dimensions, dont le rapport
à la pathologie (tétraèdre de Authier, 2015), à
la place des 3 dimensions traditionnellement utilisées pour appréhender
les phénomènes d'apprentissage. Dans l'éducation
scolaire, il s'agirait peut etre d'intégrer un autre objet, celui
de l'apprentissage, dans le triangle enseignant, élève savoir)
:
Triangle pédagogique
de Jean Houssaye (2000) adapté à l’ETP,
in Authier et Berger, 2019.
Il
est possible de distinguer trois processus :
-
1-former
: qualifié d’institutionnel et non directif (Houssaye,
2000, p. 126). Les élèves doivent s’organiser
pour trouver un mode de fonctionnement qui va leur permettre
d’acquérir des connaissances.
-
2-apprendre : le professeur est organisateur et s’efface
(Ibid. p. 47).
-
3-enseigner
: qualifié par Jean Houssaye de traditionnel ou magistral
actif (Ibid. p. 44). L’organisation est centrée
sur les contenus : « Le professeur fait exister le savoir
et le savoir justifie le professeur ».

|

Authier (2017)
décrit chacune des faces de son tétraèdre de
la manière suivante :
-
Face
1 : Soignant-formateur / Patient / Pathologie : Dans ce cas,
le savoir n’est pas pris en considération. De telles
interactions s’observent par exemple au sein d’ateliers
d’art-thérapie au cours desquels il est
rare que des connaissances en lien avec le diabète ou
sa prise en charge soient travaillées. Par contre, les
soignant tiennent compte du patient et des affects générés
par sa pathologie. Remarquons que ce type d’interaction
peut également s’appliquer à des conduites
de type charlatanisme où aucun savoir reconnu n’est
traité.
-
Face
2 : Patient / Pathologie / Savoir : Le patient prend le pouvoir
(dans le sens d’empowerment (Lord & Hutchison, 1993))
sur sa pathologie et la nécessaire réorganisation
de sa vie. Ceci est favorisé par la littératie
en santé. Le soignant n’intervient pas directement
mais veille à instaurer un cadre qui permet la construction
des connaissances par les patients, le travail de compétences
et la gestion des affects.
-
Face
3 : Soignant-formateur / Savoir / Pathologie : Le patient s’efface
au profit de la seule prise en charge scientifique et technique
de la pathologie, grâce à des savoirs académiques
apportés de façon uniforme et décontextualisées
par le soignant.
-
Face
4 : Soignant-formateur / Patient / Savoir : Les particularités
de la pathologie ne sont plus prises en compte. Les contraintes
quotidiennes liées à la pathologie n’entrent
pas dans le discours. Il existe une centration sur des savoirs
académiques; pas forcément en lien direct avec
la pathologie.
L'auteur précise dans les atéliers pédagogiques
classiques, les processus sont ceux des faces 3 et 4, alors
que dans le cas d'ateliers d'émancipation,
visant l'autonomie et la responsabilisation, le processus éducatif
est celui soutenu par la face 2. La
face 2 rejoint d'ailleurs la définition que donne Meireu
(1997, p.25) de l'éducation comme une relation (1) dissymétrique
(2), nécessaire (3) et provisoire (4), visant à l'émergence
d'un sujet (5).
|
- 5. Les
fondements d'une posture d'accompagnement en ETP (Paul, 2012)
|
En
2018, nous avions proposé un travail de modélisation
des postures
éducatives en classe de sciences, face à des contestations
d'élèves lors de l'enseignement de l'évolution
(Urgelli et al., 2018). Nous avions defini alors la posture de la
manière suivante :
-
la
posture est un schème préconstruit du «
penser-dire-faire », que l'enseignant convoque en réponse
à une situation ou à une tâche scolaire
donnée (Bucheton et Soulé, 2009). Cette attitude
mentale guidée par l'histoire sociale, personnelle et
scolaire est aussi une manière de tenir sa fonction et
d'habiter un positionnement professionnel (Chamla, 2008, cité
par Maitre de Pembroke, 2015). La posture dépend des
représentations et des systèmes de valeurs de
l'enseignant (Paul, 2004), mais également du regard qu’il
porte sur l'élève.
Il est
important de ne pas négliger le fait que les postures sont
protéiformes, instables et évolutives, en fonction
des contextes (ressources humaines et matérielles notamment),
mais également des resources personnelles. Les personnes
(soignant et patient) sont à la fois situées et situantes,
et donc en transaction et actives dans l'émergence de la
situation de soins (Masciotra et al., 2008 parlent de personnes
enactives).
Dans
le cadre de l'éducation thérapeutique du patient et
des modèles d'éducation à la santé,
Paul (2012) est amenée à repréciser l'importance
de la notion de posture et insiste sur la posture d'accompagnement.
En fonction des représentations de l'apprentissage, entre
imprégnation, béhaviorisme et constructivisme, et
de la vision du patient (plus ou moins compétent, informé,
capable, Balcou-Debussche, 2012), et de la conception de la
mission de soignant, l'approche didactique et pédagogique
du soignant, vis à vis du patient, et donc sa posture
éducative sera différente. |
L'accompagnement
signifie une relation coopérative et construite, une relation à
l'autre contextualtié, et donc une attitude. Cette attitude ou
posture est une ressource par la sollicitation du patient, ce n'est donc
pas une aide. l'ETP suppose un regard différent sur le patient
en se percevant comme compétents réciproquement (parité
d'estime) pour atteindre un objectif commun, en définissant les
rôles de chacun. Pour le soignant, il s'agit donc d'une remise en
question de sa manière d'être et de son rapport au patient
considéré comme humain, plutot que comme usager du service
public.
- Conclusion
: principes et limites
Pour le soignant,
la posture d'accompagnement dans l'ETP suppose l'application de principes
et un changement de regard sur la pathologie et sur le patient :
- un principe éthique
: cette posture est critique et réflexive, par rapport à
soi même, elle questionne la violence sur autrui, elle suppose
de ne pas faire à la place de l'autre, mais de faire ensemble
pour faire évoluer la situation,
-
un rapport
au savoir particulier : l'adoption d'une posture de non savant, d'ignorant,
pour favoriser l'intelligence de l'échange loin du surplomb
théorique. Il s'agit du constructivisme dialogique, loin de
l'idéologie de la compétence et des jeux de pouvoirs.
Les communications et les pratiques éducatives médicales
ne sont donc plus guidées par un modèle de transposition
de savoirs experts inscrit dans l'idéologie
de la compétence d'une élite experte, face
à un "patient ignorant", supposé a priori
en décifit de connaissances (Balcou-Debussche, 2012),
- un principe d'écoute
dans la négociation et pour la construction d'un sens partagé,
- la mobilisation de pédagogies
actives : le patient est acteur dans un projet de prise en charge de
soi par soi.
Signalons
l'existence de limites dans la pratique de l'ETP : sur
le long terme, la non persistance de l'engagement du patient et du soignant,
la démotiviation du patient et peu de transfert au quotidien (Giordan,
2010a), mais aussi des risques d'instrumentalisation du patient et de
charlatanisme, par perte des savoirs, voire du soignant professionnel
(Paul, 2012).
|