Objectifs : A partir d'apports magistraux, d'études de textes et d'échanges collectifs critiques, interroger les finalités et les limites que l'on peut donner à une relation pédagogique centrée sur l'apprentissage de savoirs. Cet enseignement se place dans une perspective didactique, sociologique et communicationnelle, en mobilisant donc une diversité de cadres théoriques. Il s'agit de montrer que les pratiques pédagogiques sont indissociables des savoirs en jeu, mais tout autant des finalités éducatives et des rapports de l'éducateur aux apprentissages et aux publics apprenants. En situation d'appentissage, l'éducateur adopte une diversité de postures dont nous discuterons les forces et les faiblesses. Modalités d'évaluation :
Grille d'évaluation :
Bibliographie
.------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Introduction : Comprendre la relation Savoirs, apprentissages et pédagogies
Selon les disciplines, selon les pays, un paradigme ou l’autre a été historiquement privilégié. Les raisons officielles de l’usage d’un paradigme ou d’un autre ressemblent parfois à des raisons épistémologiques, mais un examen attentif permet souvent de douter du fondement véritablement épistémologique (même s’il existe parfois, bien entendu). L’histoire des communautés de recherche, peu souvent mise en avant, pèse [...] sur les cadres utilisés, ce qui ne devrait pas à mon sens être refoulé. L’histoire collective et personnelle nous conduit en effet à être familier voire spécialiste d’un paradigme ou d’un autre, qui devient alors le plus légitime, le plus naturel, voire le plus efficace, non parce qu’il est tel en théorie mais parce qu’il est tel dans la pratique de la recherche pour une communauté ou une personne donnée. Personne ne peut connaître à l’heure actuelle toutes les théories qui sont considérées comme légitimes concernant les phénomènes d’enseignement (même si l’on se restreint à une seule didactique disciplinaire !). Il devient alors très important de savoir quelle attitude un chercheur peut légitimement adopter vis-à-vis de paradigmes qui ne lui sont pas familiers (Margolinas, 2005, p.9). Et c’est précisément la possibilité d’expliquer « complètement » un phénomène humain d’au moins deux manières (complémentaires) qui démontre, d’une part, que le phénomène en question est à la fois réel et explicable, et, d’autre part, que chacune de ses deux explications est « complète » (et donc valable) dans son propre cadre de référence (Devereux, 1972/1985, p. 13). C’est parce qu’un même résultat peut être obtenu de plusieurs manières différentes que les paradigmes qui y conduisent sont confortés dans leur existence, et qu'ils peuvent s’interroger sur leurs liens, voire leur complémentarité.
Dubet (2004, 2017) s'interroge sur le fait que les sciences de l'éducation mobilise peu ou pas la sociologie critique de Foucault pour étudier le rapport aux savoirs, pédagogies, apprentissages et pouvoir dans l'institution scolaire, contrairement à l'approche anglosaxonne (voir Filloux, 1992 à propos de l'ouvrage de Stephen Ball (1990), Foucault and Education, Disciplines and Knowledge (Londres, Routledge). Il affirme que la sociologie critique de l'école, en France, est enfernée dans 2 axes de critiques issues des années 1970 :
Pour
Dubet, ces critiques sont faibles, parce que l'école et son
programme institutionnel consituent une référence
sacrée, un imaginaire pour les intellectuels
qui lui devraient leur réussite sociale. Contrairement à
ce que propose la tradition de Foucault, ils ne s'autoriseraient pas
à critiquer la violence symbolique de l'institution, ses régimes
de vérités, son pouvoir, l'assujetissement et le contrôle
des élèves, et cette éthique paradoxale
qui propose d'isoler et enfermer les enfants pour les libérer
en tant que sujets, tout en les traitant de manière égalitaire
(Audigier, 1999).
Pour Morin (2000), dans la tentative de compréhension des processus humains, il y a nécessité de reconnaitre l'incertitude rationnel pour éviter les risques de rationalisation (système rationnel fermé à la contestation et à la critique empirique) et d'idéalisme, notamment si on ne prend pas en compte la boucle intellect(raison) -- affect (plutot que la supérioroté de la raison). Pour garder une vigilance autocritique et élaborer des connaissances pertinentes, il faut mobiliser une rationalité constructive et critique, vis à vis d'elle même, de ses insuffisances, qui laisse dialoguer le réel et les idées, sachant que le réel résiste à l'idée et que l'inattendu révise l'idée. Pour Morin, il faut donc adhérer au principe d'incertitude rationnel. Nous devenons rationnel lorsque nous reconnaissons nos mythes, comme celui du progrès garanti par la raison, et de la toute puissance de la raison. Il y a nécessité de saisir "ce qui est tissé ensemble" (la complexité), ce qui est relié, plutot que de réduite et de séparer (réduction et disjonction des parties d'un système). Il faut conjuguer les connaissances sur les parties du système et celles sur la totalité (la globalité). Les sciences du XXeme siècle, par l'approche disciplinaire hyperspécialisée, ont décontextualisé, disjoint, compartimenté les réalités, pour favoriser le calculable et le formalisable. On a réduit la connaissance du tout à la connaissance de ses parties prises isolément.
Morin nous invite donc à réapprendre à contextualiser et à globaliser, à recomposer le tout, loin d'une intelligence parcellaire réductionniste, disjoinctive, mécaniste qui devient myope, voire aveugle et même irresponsable face aux crises actuelles (école, climat, santé par exemple). Les réalités à expliquer sont multidimensionnelles et il faut donc apprendre à organiser les connaissances disjointes pour élaborer une connaissance efficace qui se réfère au complexe et au contexte, de façon multidimensionnelle et globale. Cette forme d'intelligene naturelle de l'esprit rassemble les connaissances spécialisées (disciplinaires) qui sont dispersées et qui brisent les contextes, les globalités et les complexités. Sans oublier qu'elle doit également accepter l'incertitude du réel. Telle est probablement l'enjeu de l'éducation citoyenne pour le XXIeme siècle, et probablement des recherches scientifiques notamment en sciences de l'éducation, en s'appuyant sur de nouveaux paradigmes de la complexité.... I. Formes sociales de transmission de savoirs et finalités éducatives
Dans les années 1980, Guy Vincent forge le concept de forme scolaire, en se tournant vers la théorie de la forme ou Gelstalt theorie. La forme, au sens de Gestalt, est une configuration spatio-temporelle. Pour Vincent et al. (2012), Toute société, et à l'intérieur de cette société tout groupement, en tant qu'il a une unité, une forme, tout groupement se socialise lui-même, c'est-à-dire adopte certaines manières d'être au monde et d'être à autrui, d'être par rapport à autrui [...] le concept le plus général et le plus fondamental est celui de socialisation. Ensuite on en vient aux modes de socialisation, aux manières de se rapporter au monde et à autrui, et puis aux formes d'existence sociale, c'est-à-dire aux formes sociales tout court. Et parmi ces formes sociales, il y a bien sûr les formes de transmission. [...] quand on analyse une société il y a le niveau fondamental qui serait celui des modes de socialisation, et puis les formes incluant les rapports puisque une forme c'est un espace, un temps et une relation. L'espace scolaire, le temps scolaire, la relation pédagogique [...] l'expression « la relation pédagogique » a été un moyen caché [...] de deshistoriciser et de naturaliser une relation sociale. Il n'y a pas la relation pédagogique, il y a des relations pédagogiques [...]
La forme scolaire apparaît dans tout l'Occident moderne, du XVIe au XVIIIe siècle [...] en se substituant à un ancien mode d'apprentissage par ouï-dire, voir faire et faire avec. À la différence de ce mode ancien, la forme scolaire, qui est une forme de transmission de savoirs et de savoir faire, privilégie l'écrit, entraîne la séparation de « l'écolier » par rapport à la vie adulte, ainsi que du savoir par rapport au faire. En outre, elle exige la soumission à des règles, à une discipline spécifique qui se substitue à l'ancienne relation personnelle teintée d'affectivité [...] ce qui crée donc - historiquement - une relation sociale nouvelle. [...] la forme scolaire est une forme socio-historique de transmission. Elle apparaît à un certain moment dans certaines sociétés. [...] c'est [...] une forme sociale parmi d'autres et liée à d'autres. [...] Il y a des relations entre formes de transmission, formes politiques, formes économiques, formes de division du travail, formes religieuses, formes de pouvoir ecclésiastique, etc. (Vincent, 2012). Vincent poursuit : maintenant j'oppose nettement deux formes : la forme scolaire au sens restreint, au sens de modèle construit à partir de l'exemple des écoles chrétiennes, la forme scolaire au sens restreint telle que j'en ai rappelé la définition encore descriptive tout à l'heure et l'instruction publique, qui du point de vue philosophique, se rattache à un rationalisme [...] historique. « L'instruction publique », au sens de Condorcet, est une forme de transmission qui se fonde non plus sur la contrainte, mais sur la compréhension et sur la raison. Il faut justifier ce que l'on admet et il faut justifier la façon dont on pense devoir se comporter. Tout est fondé sur l'usage de la raison. En ce sens c'est [...] un rationalisme de la raison et c'est là qu'au fond Jules Ferry, quoi qu'il en dise, n'a pas été fidèle à l'héritage de la Révolution parce que lui était positiviste et [...] le positivisme [...] est un « petit rationalisme ». [...] la forme scolaire et l'instruction publique [...] sont deux formes de transmission. Si vous faites apprendre des résumés de manuels, des corrigés d'annales, vous êtes dans la forme scolaire. Si vous faites discuter des élèves pour chercher une explication rationnelle, vous êtes dans l'instruction publique.
Dubet et al. (2010, in Les sociétés et leur école) appellent style éducatif une représentation particulière des capacités d’apprentissage, une représentation de la nature des savoirs que l'on estime important pour la citoyenneté. Ce style, lié à des traditions et une histoire éducative contextualisée, est liée à une représentation de la mission de l’éducateur (Urgelli, 2022, PUL, sur la gestion des contestations des élèves par les enseignants de sciences). Les auteurs
distinguent 4 styles éducatifs à travers le monde :
Le dictionnaire savant de l'Education d'Alain Garcia (2019) n'établit pas clairement de distinction entre savoir et connaissance, renvoyant ces termes entre eux. Si, pour Astolfi, (1992, p.77), le savoir résulterait d'un processus d'objectiviation de la connaissance, Garcia souligne cependant les risques d'une hiérarchie implicite qui placerait les savoirs (académiques et scolaires) au dessus de connaissances (usuelles), fruit du primat de la subjectivité et de l'expérience personnelle. L'article d'opinion du 27 octobre 2015 illustre ce risque, dans le contexte de la publication du Livret de la Laicité en octobre 2015, avec ce titre évoquateur : L’enseignement de la laïcité doit maintenir la supériorité de la science sur la croyance. Garcia souligne également l’évocation de « savoirs » (au pluriel) qui insistent sur une multiplicité de savoirs, disponibles en des lieux et des contextes variés, et l’évocation « du » savoir (au singulier), qui suggère une forme quasi universelle, qui serait délivrée par l’École, l'école du savoir pour reprendre l'expression utilisée par Dubet al. 2010 poour parler du style éducatif français ou allemand. Dans les approches didactiques, les connaissances renvoient aux moyens dont dispose un sujet pour prendre une décision dans une situation donnée (ces moyens peuvent fonctionner à l’état implicite). Les savoirs sont des objectivations de connaissances et peuvent dès lors être manipulés en tant qu’objets [...]. Néanmoins, les connaissances sont nécessaires à la mise en oeuvre des savoirs (Chopin, M.-P. (2011). Le temps de l’enseignement, Rennes : PUR, p. 24-25, nbdp)
Pour Margolinas, le didactique est cette circulation entre connaissances et savoirs, une circulation qui dévolue le savoir sous forme de connaissances pour que l'élève y recoure en situation, ou qui institutionnalise la connaissance sous forme de savoir pour expliquer, légitimer, mémoriser, etc. Elle estime d'ailleurs que la sociologie s'intéresse aussi à cette circulation entre institutions de production des savoirs et situations sociales qui les transforment en connaissances et les rendent utiles (voir la théorie des représentations sociales de Moscovici). A propos du couple "savoir / connaissance" (Margolinas, 2014, p.13): On peut rapprocher savoir et institution, connaissance et situation. L’analyse de certaines institutions de savoirs permet de montrer la complexité de ce que l’on appelle les « disciplines » scolaires, et l’institution, concept anthropologique et sociologique, interroge donc les didactiques. L’étude de connaissances en situation révèle des connaissances qui ne correspondent à aucun savoir dans l’institution scolaire. Que faire de ces connaissances que certains appellent représentations ou conceptions (Clément, 1993) ?
Galichet (2018) propose une approche historique des courants philosophiques et éducatifs qui ont donné un sens particulier au projet d'emancipation des citoyens par l'apprentissage de savoirs. Il en arrive à l'idée que le savoir ne peut être émancipateur que si son approche se fonde sur une pédagogie spécifique, au risque de renforcer les domination. Partant du mythe de la caverne de Platon, les savoirs seraient libérateurs vis à vis de tous les esclavages intérieurs et extérieurs, car l'illusion et l'ignorance maintiennent la domination. Vérité et liberté seraient intimement liées. Condorcet nuance : la confiscation des savoirs par certains leur donnent une supériorité, et maintient l'illusion et l'ignorance. Ce ne sont pas les croyances et les illusions qui conduisent à la domination politique, mais la conviscation des savoirs par une minorité. Elle donne du pouvoir et conduit à une domination politique. Les perspectives sont donc inversées par Condorcet dans son projet d'instruction publique post-révolutionnaire. Mais un tel projet émancipateur ne peut se conduire que s'il est accompagné par une véritable révolution pédagogique et éducative. La question selon lui est plus pédagogique, praxéologique, que didactique.
Condorcet s'oppose au dualisme savoirs-opinions, vérité-préjugé, précisant que opinions et savoirs sont intimement liés, les sciences étant poreuses à l'imagination humaine et aux croyances, comme le montrera Peirce (1878) mais aussi Bachelard (1938). L'instruction publique ne doit donc pas être l'enseignement des savoirs incontestables mais elle doit être une confrontation libre et argumentée des opinions, s'appuyant sur une pédagogie, et pas seulement sur une didactique (Galichet, 2018, p.8).
Galichet, revenant sur l'allégorie de Platon, rappelle que la tentative d'émancipation par la transmission de savoirs comporte des risques. Au delà du fait que certains pourraient s'approprier les savoirs et en gardaient le monopole, un partage des savoirs avec nos pairs, par la parole et le geste, peut se réveler aveuglant voire violent pour ceux qui ne seraient pas accompagnés dans la découverte de ses savoirs. Condorcet estime également qu'il faut un accompagnement en douceur, en rassurant, en encourageant, en donnant confiance. Le risque d'une instruction publique qui n'accompagne pas est de redoubler la domination si le projet ne rencontre pas l'assentiment de l'éduqué-enseigné et si elle ne prend pas en compte l'instinct de l'individu. Les savoirs à visée émancipatrice, qui donneront de l'autonomie à l'individu, doivent donc être à la fois utiles socialement et avoir des affinités avec la psychologie et les intérêts de l'inidividu. Ce dernier point fera l'objet de nombreuses controverses dans les tentatives de définir quels savoirs transmettre, autour de la question de l'utilité des savoirs et de la place des intérêts de l'individu. Dans les années 1880, Nietzche, cité par Kessler (2006), s'est penché sur la question de l'émancipation par les savoirs, notamment dans le chapitre De l'esprit de pesanteur, de l'ouvrage Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885). Entre besoin d'envol de l'éduqué et nécessité d'une approche pesante pour cadrer l'éduqué et lui donner des habitudes, il évoque également l'effet pesant des savoirs des maîtres. D'où la nécessité de vaincre la pesanteur d'une pensée et d'une relation éducative lourde. L'image du cerf-volant et de la relation entre éducateur-éduqué, en introduction du film documentaire Alphabet (2013-2014) me semble bien refléter cette vision de l'éducation et de l'apprentissage.
La pédagogie adaptée à une approche des savoirs à visée émancipatrice consisterait donc à prendre en compte les incompréhensions de celui qui ignore, c'est à dire à intégrer le point de vue de l'ignorance ou de l'illusion. Il faudrait également accepter que le désir de savoir n'est pas spontanné et qu'il peut même être réfusé, plus ou moins violemment. Ce point rejoint d'ailleurs le concept d'éducabilité (Meirieu, 2009). Sans la prise en compte de ses 2 dimensions, il y a risque que la transmission des savoirs ne conduise qu'à un renforcement des dominations.
A partir du XIXeme siècle, sous l'influence des courants marxistes, l'émancipation par les savoirs prend une autre direction politique que celle impulsée par l'instruction publique de Condorcet au XVIIIe siècle, et influencée par la philosophie platonicienne. La question n'est plus seulement de se libérer des dominations et des subordinations créées par ceux qui savent et qui gardent le monopole des savoirs. Il ne s'agit plus seulement de conquérir une indépendance et une autonomie politique par les savoirs, face à l'inégalité des citoyens. Il s'agit maintenant de changer les citoyens, de transformer leurs conditions sociales, de les transformer dans leurs relations aux autres et donc de changer la société. La lutte pour accéder au savoirs et mettre à distance les a priori va permettre de montrer des logiques et des finalités cachées. Le recherche scientifique va donner un potentiel critique et émancipateur en montrant les arbitraires dans les relations sociales et les représentations du monde. La sociologie critique, comme sciences, contribue par exemple à ce projet émancipateur. L'acquisition des savoirs n'est pas qu'un moyen mais il devient également une fin pour conduire à l'émancipation citoyenne. Galichet définie alors 3 principes qui fondent les pédagogies de l'émancipation, qu'on pourrait également qualifiées de pédagogies critiques dans la lignée des courants éducatifs inspirées de Paolo Freire (De Cock et Pereira, 2019). 1. Ces pédagogies sont d'abord des pédagogies du compagnonnage (la relation éducateur et éduqué se construit sur un pied d'égalité même si l'éducateur est le précurseur). 2. Elle supposent également qu'on accepte de la part de l'éduqué une indépendance de pensée à l'égard des normes et des croyances. 3. Ces pédagogies doivent également intégrer le fait que l'éducation émancipatrice s'interesse à la connaissance mais également aux émotions, au désir et à la volonté des sujets. Ces principes nous éloignent des pédagogies explicatives et expositives qui créent la dépendance entre l'intelligence de l'éduqué et celle de l'éducateur, qui considère que le maitre explicateur (Rancière, 1987) est un supérieur. Il faudrait plutot adopter la posture de maitre ignorant, en position d'égalité radicale avec son élève, pour libérer le désir de connaitre et d'apprendre, loin de la peur de ne pas y arriver et d'être inférieur (Pennac D. (2009). Chagrin d'école. Paris : Gallimard). C'est le crédo des pédagogies alternatives des années 1920-1950.
Si on pourrait se référer à la définition sociologique d'un champ, inspiré des travaux de Bourdieu, il faut savoir que le champ pédagogique a été défini par Claude Rabant (1968) de la manière suivante : c'est un espace constitué par l'intervention d'une fonction de savoir, en tant qu'un pédagogue la représente pour un (des) élèves (p.91). La question du savoir, et plus précisement la fonction de savoir, semble donc central au champ pédagogique, et dans la relation pédagogique. Rabant interroge donc, dans la relation maitre-eleve, la place d'un acteur régulant la relation : le savoir. Rabant va plus loin en précisant qu'il importe de s'interroger sur la manière dont le désir du pédagogue, représentant du savoir, suscite la fonction de savoir. En effet, le savoir n'intervient qu'en position médiatisée, et il semble nécessaire que le désir du pédagogue croise le désir de l'élève. Le maitre d'école est celui qui est susceptible de susciter le savoir, pour soi et pour les autres, et si l'élève adhère à ce pressentiment, à cette croyance, avec confiance, voilà ce qui crée un oeuvre gigantesque dans les écoles. Rabant, en se référant à Friedrich Froebel (1826), qui fut en contact avec Pestalozzi, anticipe ainsi le concept de triangle pédagogique de Jean Houssaye (1988). Le savoir étant en position tierce, il représente la loi à laquelle sont soumis maitre et élève, et sans lui, ils seraient soumis à un arbitraire et au déploiement de l'imaginaire. Mais la finalité vient soutenir le désir du pédagogue et vient justifier l'intervention pédagogique, permettant de la distinguer de la manipulation et de l'illusion. Le pédagogue est donc tenue d'exhiber ses fins et de montrer la place à partir de laquelle il présume le but de son opération (p.95).
Rabant estime que dans les éducations nouvelles, une modification massive de la fonction de savoir s'est opérée dans le rapport pédagogique, consistant à ordonner le rapport autour de l'enfant, autour d'un savoir de l'enfant par le pédagogue (p.96). Il y a un déplacement vers un nouveau champ pédagogique : L'enfant devient alors objet du savoir, et le maitre vient à occuper, dans le rapport pédagogique, la place de la providence. Rabant critique vigoureusement le mouvement des éducations nouvelles qui reprend vigueur dans les mouvements étudiants de mai 1968. Selon Rabant, ce courant s'inspire aveuglement de la vision pédagogique de Rousseau, que le psychopédagogue genevois Claparède (1912) aurait nommé "le Copernic de l'éducation". Si l'éducation traditionnelle use visiblement de la contrainte à travers une pédagogie de la cloture, la subversion existe également dans l'éducation nouvelle, même si elle semble effacer la contrainte et la cloture. En se référant au texte Emile ou De l'éducation (Rousseau, 1763), qui aurait donné naissance à l'idée d'éducation moderne, Rabant présente la relation pédagogique dans l'éducation nouvelle comme une relation fondée sur la ruse du savoir et l'illusion, visant à maintenir l'enfant dans sa situation naturelle de faiblesse infantile, en utilisant le savoir, en maintenant ainsi l'autorité de l'adulte et du maitre sur l'enfant et l'élève. L'éducation sera donc une remise en place de l'enfant, une captation d'emblée totale et définitive, une prise éducative, un assujettissement avec un retardement du développement, laissant l'enfant jouir de son présent : contre la contrainte des collèges, Rousseau choisit la tromperie ; à la violence de la force, il choisit de substituer la violence de la ruse (p.103). Dans le système de Rousseau, Rabant prétend que l'art déduquer consiste donc à gagner la réalité du pouvoir et de l'autorité en feintant l'élève par une apparence de liberté, en cachant à l'élève le faible du maitre, et par une mise en scène dans laquelle la curiosité de l'élève n'a pas de place et seul le savoir du maitre régule la relation. Tout désir de l'enfant est réduit au besoin qui doit être connu d'avance (p.109-111). Pour Rabant, il s'agit là d'une machniation pédagogique qui a toute la logique sans faille d'un fantasme, et dont l'efficacité procède de l'apparence par laquelle est capturé le désir de l'élève (p.113), par la ruse des mises en scène, en faisant paraitre l'imaginaire et l'illusoire pour la réalité. L'enfant est donc au centre d'un piège. Si les années 1968 rendent donc problématique le pédagogie et soulève des mobilisations et de divisions de ce genre, elles soulignent néanmoins le décalage entre le savoir et les méthodes de transmission, entre le passé du savoir et son avenir, entre le savoir et la société, crise interne au savoir lui-même, et, au delà du savoir, contradictions d'une société qui se traduisent dans le champ des institutions scolaires (p. 89). L'école fournit un modèle réduit de société dans lequel se réflehissent les rapports sociaux, politiques et économiques, dans un rapport au savoir. Mais vouloir résoudre les contradictions sociales en changeant les relations pédagogiques, c'est oublié que la faillite du pédagogique est aussi bien le signe que le symptome des contradictions sociales (p.90). Mais peut-on imaginer une pédagogie nouvelle signe précurseur et symbole d'une nouvelle société dans laquelle le désir et la violence n'existeraient plus ? Si Rabant estime que ce n'est pas du côté des pédagogies nouvelles que se porte l'espoir, en Amérique latine, émergeront les pédagogies critiques, des pédagogies de l'émancipation citoyenne. En France, cette crise des pédagogies de la fin des années 1960 conduira à l'émergence de la didactique, comme champ des sciences de l'éducation.
Q. Exemple des pédagogies critiques, pédagogies émancipatrices, pédagogies non conventionnelles, pédagogies actives, pédagogies par objectifs, pédagogies coopératives, pédagogies différenciées, pédagogies de projet, pédagogies des opprimés, etc.. A quelles dimensions de la pédagogie se rapportent les différents adjectifs ?
ACTIVITE : Retour sur les 3 pôles du triangle de Philippe Meirieu (pôle axiologique, pôle praxéologique et pôle scientifique). Après avoir comparé les deux triangles pédagogiques, proposer un nouveau cadre d'analyse, en hybridant les deux triangles. Ci-dessous les diapositives de Philippe Meirieu, présentées lors de la conférence des mercredis de l'ISPEF du 14 novembre 2018 :
Pour comprendre comment ce système fonctionne, il faut donc comprendre comment l’élève apprend, en fonction de l’âge, du contexte, de son histoire scolaire et familiale... La communauté de recherches s'intéresse donc également aux théories du développement cognitif, notamment à celle développée historiquement par Jean Piaget, eet sur laquelle s’est appuyée la recherche en éducation, sans parfois même en réinterroger les fondements....
La pédagogie subit, depuis la fin 19ème siècle, l’influence d’un courant de pensée positiviste qui estime que l’apprentissage, comme tous les phénomènes humains et sociaux, peut se comprendre de manière objective et rationnelle en cherchant des mécanismes explicatifs. Et puisque l’apprentissage peut faire l’objet d’un travail scientifique, il faut donc créer une science de l’apprentissage qui deviendra la science de l’éducation. Son émergence se fait surtout depuis l'Allemagne, la Suisse et l'Angleterre. C’est l’époque où l’on va se tourner vers la psychologie, et créé la psychopédagogie (ou pédopsychologie).
Cette discipline va rentrer dans les écoles normales de formation d’instituteurs au début 20ème siècle. Le psychologue Alfred Binet recevra la mission du gouvernement : inventer le test d’intelligence (le QI) pour pouvoir estimer si l’école peut prendre en charge les apprentissages de l’enfant, en repérant d'éventuelles tares. Alors que Binet développe ses "tests d'intelligence", Konrad Lorenz qui étudie le comportement des animaux (éthologie), notamment des oisillons, est convaincu que l'apprentissage est déterminée génétiquement, B.F. Skinner estime que les apprentissages sont plutot le résultat d'interactions positives ou négatives avec l'environnement (béhaviorisme) : il démontre que le conditionnement modèle les comportements des animaux, à travers des systèmes de récompenses et de punitions. Jusque dans les années 1950 et malgré les courants d’éducation nouvelle de l'après première guerre mondiale (1921), le behaviorisme de l'américain Watson dominera les courants de pensée didactique et pédagogique, en lien probable avec les travaux des éthologues et des psychologues comme Ivan Petrovitch Pavlov (1849-1936) sur le réflexe conditionné. On estime alors que les conditionnements façonnent les comportements, qui vont donc constituer la personnalité. La pensée, le langage, les émotions relèvent de conditionnements bien spécifiques, mais peuvent être modifiés par de nouveaux. Le behaviorisme, longtemps influent sera détrôné par le cognitivisme dans les années 50. Il reste un moment majeur de la psychologie scientifique. La question de la transposition de ces conceptions à l'espèce humaine hante les esprits. Le béhaviorisme alimentera le modèle d’enseignement individuel programmé. Le suisse Jean Piaget propose d’aider la science de l’éducation à partir de ses travaux expérimentaux, qu’il réalise en partie sur ses propres enfants. Il développe l’idée que l’intelligence n’est pas un phénomène inné, mais qu'elle se construit, notamment par l’expérience, par l’adaptation. Piaget, fortement inspiré par les travaux de Darwin, a été un des pionniers des travaux portant sur le développement cognitif des enfants. Ses travaux le conduisent à penser que les apprentissages sont constructivistes et que 4 stages de dévéloppement, universels et biologiquement déterminés, se succèdent au cours du développement de l'enfant lui permettant de s'adapter à son environnement, en passant de la manipulation d'objets à la manipulation de concepts abstraits, tout en accommodant son égo aux demandes sociales. Ce courant de pensée deviendra plus tard, avec Lev Vygotski, le courant du socio-constructiviste : l’apprentissage se fait encore plus facilement s'il se construit en groupe. Plusieurs champs de pédopsychologie se dessinent alors, tous convaincus de dire le vrai sur les phénomènes d’apprentissage. En 1975, le biologiste américain Edward O. Wilson publie Sociobiology: The New Synthesis, un ouvrage provocant et controversé dans le monde académique. Dans On Human Nature, qu'il écrit en 1978, Wilson affirme que la sociobiologie peut s'appliquer à la compréhension des comportements humains, les comportements des êtres vivants résultant d'adaptations évolutives inscrites dans l'histoire génétique des espèces. L'altruisme humain par exemple est assimilé à la coopération entre les termites, et les comportements de séduction humaine ont la même explication évolutive que ceux développés par le paon ou le porc-épic. Cette approche sociobiologique continue d'ailleurs à influencer les regards scientifiques sur les comportements humains et les organisations sociales.
Aux Etas-Unis, la pensée constructiviste de Piaget s'imposera plus vite qu’en Europe, grâce au psychologue Jerome S. Bruner. Pour ce dernier; l’intelligence est un processus actif, sous l’emprise des émotions, et connectée au vécu de la personne, et à son histoire personnelle et familiale. Chaque individu a des stratégies mentales pour apprendre qui lui sont propres, et différentes de celles des autres. Chacun donne un sens et une valeur différente au savoir. Bruner considère que l’apprentissage est donc un phénomène avant tout social et culturel, qui se construit.La théorie des intelligences multiples de Gardner (1996) est alors en cours de maturation. En 1996, Howard Gardner développe une conception pluraliste de l'intelligence. Professeur de psychologie à l'université Harvard, il élabore la théorie des intelligences multiples, après avoir étudié le cas d'individus gravement retardés tout en étant de véritables surdoués en peinture ou en musique. Il estime à 8 les différentes formes d'intelligence, indépendantes les unes des autres (bien que susceptibles d'interagir entre elles). Ces différentes formes sont valorisées différemmment suivant les époques et les milieux sociaux.
Des divergences apparaissent entre constructivistes. Pour Piaget, le développement cognitif se construit au cours de l’histoire de l’enfant, par stades, en passant d'abord par le développement de la motricité et du sensoriel, puis le stade des opérations concrètes et avec l’âge, celui des opérations abstraites. Il existe des étapes d’évolution linéaire, du très concret au plus abstrait (en fonction de l’âge).
La psychologie génétique de Piaget mais également de Wallon seront la référence pour les courants de l'éducation nouvelle, jusqu'à Freinet, dans les années 1950-1960, pour penser un projet éducatif à visée émancipatrice et les pédagogies associées. Galichet (2018) précise que ces pédagogies intégreront à partir de 1960-1970 les apports de la sociologie critique de Pierre Bourdieu et de la pédagogie critique de Paulo Freire (1971) pour se libérer des dominations sociales.
ACTIVITE : Après avoir rappelé les grandes lignes de la théorie piagétienne, quelles sont actuellement les limites que les chercheurs attribuent au modèle de développement cognitif de Piaget (voir aussi les théories de l'apprentissage, Urgelli, 2015). Houdé (2006) précise qu'il existe chez les bébés, de 0-2 ans, d'autres formes d'apprentissage, au delà de ce que Piaget nomme le stade « sensori-moteur ». Actuellement, on estime qu'il n'y a pas de linéarité dans les stades de développent des capacités cognitives. L’idée d’acquisition et de progrès par pallier est remise en question par les nouvelles technologies d'observation des apprentissages, dont ne disposait pas Piaget. Ces dernières permettent d'étudier différemment le développement de l’enfant et de montrer que chaque enfant apprend de façon différente, à des vitesses différentes, et dans des domaines différents. Houdé cite par exemple l'expérience qui permet de mesurer avec précision les réactions visuelles des bébés, et de montrer que la permanence de l’objet est un principe qui arrive bien plus tôt que ce qu’en avait envisagé Piaget. Ces constats appellent à la mise en oeuvre des pédagogies différentiées, face à des enfants de même âge, mettant donc à distance la psychologie piagétienne. La pratique de terrain dans les classes et les sciences cognitives semblent donc montrer que le modèle linéaire et cumulatif de Piaget ne permet pas de décrire de manière satisfaisante et donc de généraliser la diversité des formes d’apprentissage. La plasticité cérébrale (concept des années 2000) laisse penser que les phénomènes sont plutôt non linéaires et différenciés en fonction des individus et de l'environnement. Progressivement, la didactique va prendre en compte ces caractéristiques psycho-cognitives des élèves, notamment à travers une attention à la diversité de leurs représentations initiales (ou conceptions voir Clément, 1993 cité par Le Marec, 1996, pp. 108-113). La première thèse qui s'interroge sur les représentations initiales en France est celle de Gérard de Vecchi, en 1984, intitulée Modalité de prise en compte des représentations enfantines en biologie à l'école élémentaire et leur intérêt dans la formation des maîtres (Université de Paris VII). Entre l'enseignant, l'élève et l'objet d'apprentissage (le savoir), la fonction du système est l'apprentissage. Des recherches se dessinent pour tenter de comprendre les logiques des acteurs engagés dans ce système médiatique à visée d'instruction, mais également pour former les adultes qui s'engageront dans cette fonction, et aider les enfants à mieux apprendre. Les chercheurs qui s'engagent dans cette aventure didactique vont mobiliser les apports théoriques du modèle piagétienne sur le dévelopment cognitif des enfants, face aux difficultés d'apprentissage de savoirs. Les représentations de l'apprentissage sont donc mises au coeur des projets didactiques et des pratiques pédagogiques, parfois avec des impensés Pour Charlot (2003) : « c’est le sujet qui apprend (nul ne peut le faire à sa place) mais il ne peut apprendre que par la médiation de l’autre (…) et en s’engageant dans une activité » (p. 48). Dans cette citation, même si Charlot ne l’évoque pas, nous retrouvons les deux composantes essentielles du socioconstructivisme : la médiation (Lenoir, 1996) et l’activité (au sens de Leontiev, 1984). In Caillot (2014, p.8). Pour comprendre une pédagogie, il faut donc aussi arriver à mettre en évidence la représentation de l’apprentissage et de l’apprendre qu’en ont les acteurs, pas seulement l’enseignant, éducateur et pédagogue, mais aussi l’élève, en cours d'éducation et d'apprentissage.
III. La didactique en France
En France le terme didactique va être popularisé dans les années 1960/70, période de théorisation forte d'une relation pédagogique entre l’enseignant et l’élève fondée sur l'apprentissage de savoirs. Le triangle didactique devient alors un modèle pour comprendre et penser les actions pédagogiques visant l’instruction et l’apprentissage. Les recherches de l’époque tentent d'en déduire des implications pour former l’enseignant à une transmission efficace des savoirs, qui permette leur acquisition mais également une remobilisation en contexte citoyen, hors de l'école, avec l'espoir d'une émancipation par les savoirs (Galichet, 2018)....
Dans
les années 1970, en pleine période des Trente glorieuses,
mais dans un contexte sociopolitique tendu, les réformes de l’école
conduisent à une massification de la scolarisation des élèves
et à une interrogation sur la forme pédagogique. Avec
une diversité sociale que le système ne sait pas prendre
en compte, l'injonction de diplômer un maximum de personnes devient
un défi, puisqu'on estime que la réussite économique
est directement liée à la certification des jeunes générations.
Après 1968, les premiers sollicités, les mathématiciens, structurent l’IREM en 1969 (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques). Ils seront particulièrement actifs lors de la réforme des mathématiques modernes dans l'enseignement secondaire en 1970. Une des personnes engagées dans cet institut et dans la réforme de l’enseignement des mathématiques modernes, Yves Chevallard (1985), va théoriser le processus de la transposition didactique qui sera généralisé à toutes les disciplines scolaires, avec une volonté de portée universelle. Pour sélectionner les savoirs que l’on doit enseigner, il faut partir des savoirs élaborés par les savants. Une équipe, qu'il qualifie de noosphère, vase charger de transposer les savoirs savoirs en savoirs à enseigner. Il rajoutera que ces savoirs à enseigner (ceux prescrits dans les programmes à partir de la transposition externe), lorsqu'ils vont vivre dans la classe, vont se transformer en savoirs enseignés, par un processus de transposition didactique interne. On passerait donc linéairement, selon ce modèle des savoirs savants aux savoirs enseignés : SAVOIRS SAVANTS ----> SAVOIRS A ENSEIGNER ----> SAVOIRS ENSEIGNES La communauté didactique qui émerge durant cette période va obtenir progressivement une reconnaissance politique. A partir des IREM dans les années 1970, des postes d'enseignants chercheurs en didactique seront créés, et on aboutira à la mise en place des instituts universitaires de formation des maitres de la réforme de l'école de 1989 (IUFM) puis à des ESPé en 2013, et à des Inspé en 2019 (au fil des nouvelles lois d'orientation et de refondation de l'école). Ces institutions seront chargées de former les enseignants à une approche didactique proche des disciplines académiques et des savoirs savants. Chevallard introduit un second concept, d'inspiration sociologique, celui d’écologie des savoirs. Dans une société, les producteurs de savoirs publicisent leurs connaissances, et ces dernières vont subir des transformations et des glissements de sens, un peu comme le montrent la sociologie de la traduction de Callon et Latour ou encore la théorie des représentations sociales du psychologue Serge Moscovici (1989). Le sens de ces savoirs mute par le fait de la circulation sociale et les membres de la société vont les utiliser de manière différente. Il y a donc une écologie qui donne aux savoirs des sens différents en fonction des besoins et des contextes, et même des périodes historiques.
Chevallard (1992) précise : Guy Brousseau me paraît « obsédé » par les conditions du bon fonctionnement des systèmes didactiques ; je suis, quant moi, davantage fasciné par l’étude des conditions de possibilité de leur fonctionnement tout court – bon ou moins bon. (p.103). Chevallard s’intéresse donc plus aux conditions de possibilité qu’aux transformations du système, en se centrant sur des phénomènes macro-didactiques (comme la transposition didactique de Chevallard (1985)). Il part du cadre anthropologique, dans lequel les termes primitifs sont les objets, les personnes, les institutions. Il introduit ensuite la connaissance : connaître un objet c’est avoir un rapport à cet objet ; s’intéresser à ces rapports c’est faire de l’anthropologie de la connaissance ou de l’anthropologie cognitive. Chevallard introduit ensuite comme un terme primitif l’objet savoir : objets qui peuvent être appris et peuvent être enseignés et ne peuvent être connus sans être appris. Ainsi, l’anthropologie des savoirs est un sous domaine de l’anthropologie de la connaissance. On peut alors définir l’anthropologie didactique des savoirs ou la didactique des savoirs ou tout simplement la didactique (Margolinas, 2005, p.5). A propos de la transposition didactique, Perrenoud (1998) rappelle que Chevallard - contrairement à ceux qui le citent - a toujours restitué à Verret la première conceptualisation de la transposition et en a respecté l’inspiration sociologique initiale, qui est descriptive et explicative. Chevallard écrira notamment que la transposition didactique n’est " ni bonne, ni mauvaise ", qu’elle est, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’enseignement sans transposition, qu’elle n’est pas un effet pervers, une dénaturation, mais une transformation normale, auquel nul n’échappe lorsqu’il veut transmettre un savoir. Chez Verret, la notion de transposition se limitait déjà aux savoirs. Les didactiques des disciplines ont encore fortement rétréci le champ d’application de la notion de transposition. [...] Pour retrouver les phénomènes de transposition dans toute leur complexité, l’éducation physique, les arts, les langues ou les formations professionnelles offrent des terrains fertiles, au moins pour s’affranchir des savoirs savants, des disciplines, voire de la forme scolaire. Élargir la notion au delà des savoirs est un défi plus ambitieux, qui exige une clarification des rapports entre savoirs et pratiques.
Guy Vincent (2012), auteur du concept de forme scolaire revient sur la discussion entre Michel Verret et Yves Chevallard [...] à propos du savoir de l'école, savoir de la science et savoir de la pratique, et de la dévalorisation sociales des savoirs de la pratique. Il y a les différentes utilisations possibles, les différents passages si vous voulez, de la science à l'école ou bien de la pratique d'un métier à l'école, à l'enseignement, avec le stade du savoir procédural qui s'inscrit dans des manuels aussi. Ce n'est pas un savoir, ce n'est pas un savoir scientifique, ce n'est pas un savoir de la science, donc on en reste à un certain type de savoir et cela a des effets politiques. [...] C'est un moyen d'exercer un pouvoir sur les gens des métiers de la mer. On leur impose une scolarisation ou des apprentissages de type scolaire. Ainsi on retrouve les rapports de classe, en dévalorisant les savoir-faire traditionnels et leur expression. Ces savoir-faire traditionnels, que l'enfant de conchyliculteur acquiert en faisant avec son père ou avec d'autres adultes le tour des marais, en apprenant à reconnaître par la perception si le marais bout ou s'il ne bout pas encore. C'est un savoir de type courant, un savoir intuitif non éloigné de la perception qui se trouve complètement dévalorisé puisque les techniciens et les professeurs disent aux élèves : « Mais vous n'utilisez pas le pèse-sel ? ». Au fil des années, depuis 1970, la communauté des didacticiens des mathématiques, puis d'autres disciplines scientifiques, fera émerger d'autres concepts pour l'apprentissage des savoirs et les pédagogies. Comme le rappelle Simonneaux et Simonneaux (2014), Quessada and Clément (2007) ont défini le Délai de Transposition Didactique (DTD) qui mesure le temps qui sépare l’émergence d’un concept dans la communauté scientifique, et son apparition dans les programmes scolaires ou dans les manuels scolaires. Selon ces auteurs, le delai est court quand le contexte sociopolitique voit un intérêt à l’introduction de ces connaissances dans le système scolaire (par exemple les dernières découvertes sur les origines de l’espèce humaine lors de la 3ème République, laïque) ou les questions d'environnement et d'évolution climatique dans les années 2000-2010. A contrario, il est long quand les pouvoirs dominants n’ont pas intérêt à l’introduction de ces connaissances à l'école (par exemple la théorie darwinienne de l'évolution jusqu'à la fin du XIXe siècle ou les questions de genre).
Guy Brousseau interrogera les formes de la transposition dans les situations de classe. Brousseau propose que pour mettre en scène les savoirs à enseigner et les transmettre au élèves, le pédagogue disciplinaire crée des situations didactiques (théorie des situations didactiques). Pour lui, une situation didactique est fondée sur un contrat entre le pédagogue et ses élèves, entre l'éducateur et l'éduqué, entre celui qui apprend et le formateur. Ce contrat précise quelles sont les attentes, plus ou moins explicites, du maître et de l’élève, l'un envers l'autre. Mais ce contrat didactique est souvent implicite dans les écoles françaises et dissymétrique. Pour Brousseau, ce contrat, au fondement de l’acte d’enseignement, comporte des risques pour les apprentissages s'il n'est pas clarifié. "Au cours d'une séance ayant pour objet l'enseignement à un élève d'une connaissance déterminée (situation didactique), l'élève interprète la situation qui lui est présentée, les questions qui lui sont proposées, les informations qui lui sont fournies, les contraintes qui lui sont imposées, en fonction de ce que le maître reproduit, consciemment ou non, de façon répétitive dans sa pratique de l'enseignement. Nous nous intéressons plus particulièrement à ce qui, dans ces habitudes, est spécifique des connaissances enseignées : nous appelons contrat didactique l'ensemble des comportements (spécifiques) du maitre qui sont attendus de l'élève et l'ensemble des comportements de l'élève qui sont attendus du maitre.... ce contrat régit les rapports du maitre et de l'élève, au sujet des projets, des objectifs, des décisions, des actions ete des évaluations didactiques. C'est lui qui, à chaque instant précise les positions réciproques des participants au sujet de la tache, et précise la signification profonde de l'action en cours, de la formulation ou des explications fournies [...] il est la règle de décodage de l'activité didactique par laquelle passent les apprentissages scolaires. On peut penser qu'à chaque instant les activités d'un enfant dans un processus dépendent du sens qu'il donne à la situation qui lui est proposée, et que ce sens dépend beaucoup du résultat des actions répétées du contrat didactique. Le contrat didactique se présente donc comme la trace des exigences habituelles du maitre (exigences plus ou moins clairement percues) sur une situation particulière. Ce qui est habituel ou permanent s'articule plus ou moins bien avec ce qui est spécifique de la connaissance visée ; certains contrats didactiques favoriseraient le fonctionnement spécifique des connaissances à acquérir et d'autres non, et certains enfants liraient ou non les intentions didactiques du professeur et auraient ou non la possibilité d'en tirer une formation convenable." (Brousseau, 1980, in Albe, 2009, p.187) Clément (2004) écrit que l’analyse des situations didactiques a elle aussi été largement développée et théorisée en didactique des mathématiques (Brousseau 1986, 1998), avant d’être reprise par la plupart des didactiques de disciplines. C’est un champ de la recherche en didactique qui s’est beaucoup développé durant ces dernières années – situations-problèmes, pédagogie de projet, etc. Une tendance actuelle de ces recherches est de croiser les regards de spécialistes de différentes disciplines – linguistes, didacticiens de diverses disciplines, etc. – pour analyser les interactions verbales lors de séquences d’enseignement. On pourra ici se réfèrer aux travaux de laboratoire ICAR à l'ENS Lyon par exemple.
Cette question de la capacité de lecture du contrat par les publics scolaires ramènent imanquablement à la notion de contrat de communication ou le contrat de lecture comme outil théorique d'analyse des situations didactiques, et donc à une vision communicationnelle et langagière de la relation pédagogique et des pratiques éducatives, à la charnière entre le discursif et le social, entre la coopération et la rivalité. Pour reprendre les analyses de Jeanneret et Patrin-Leclere (2004) se référant aux travaux d'Eliseo Veron et de Patrick Charaudeau dans les années 1980 :
Le contrat didactique et le contrat de communication renvoient également à l'étude de la constitution des normes dans la classe et à la manière dont ces normes sont renégociés ou adaptées en fonction de nouvelles transactions didactiques. Une nouvelle transaction didactique implique souvent l'instauration d'un nouveau contrat. L'enseignement de controverses par exemple est une transaction didactique qui ne rentre pas dans le contrat qui suppose que toute question traitée en classe possède obligatoirement une solution. Il suppose l'organisation de discussions et de débats en classe, ce qui n'est pas une pratique courante pour les enseignants de sciences par exemple. L'enseignant peut alors ne plus être le détenteur des savoirs si les incertitudes sont fortes à propos des savoirs en jeu. Il prend alors le rôle de conseiller, de critique bienveillant, d'organisateur d'échanges et d'activités, de consultant... Signalons que la mise en place d'un nouveau contrat didactique, fondé sur un rapport différent aux savoirs mais aussi à l'apprendre, peut être entravé par les habitudes passées des élèves et la "coutume didactique" dans la classe. IV. Les finalités éducatives dans l'apprentissage de savoirs En France, il est de coutume d'évoquer la Querelle entre les Républicains (courant issu de l’histoire de l’école de Jules Ferry, qui donne pour mission aux enseigntants de sortir les enfants de l’influence familiale et de les instruire autour de savoirs laïques et universels, pour qu’ils fassent nation ensemble, avec la vision d’une société qui inclue en harmonisant et en standardisant les futurs jeunes citoyens) et les Pédagogues dont le projet éducatif est bien différent, dans la lignée des héritiers de l’éducation nouvelle. L'intention est ici d'éduquer à la paix, à la démocratie, à la coopération et à la solidarité, c'est à dire d'éduquer aux valeurs (voir plus loin), au delà de la question de la transmission des savoirs, dans le cadre d'un projet philosophique humaniste. Ce débat dualiste, même s'il est plus complexe, se résumerait donc à une oppostion entre les tenants de l'instruction publique et les tenants de l'éducation. Chacun d'ailleurs développera son système didactique et pédagogique, souvent en opposition. Dans cette question de la place et des rapports aux savoirs dans les orientations pédagogiques et les intentions éducatives, il faut interroger le poids de l’idéologie positiviste mais également le poids de l'idéologie de la compétence et de l'expertise technocratique (Roqueplo, 1974, 1993).
Dans les années 1990-2000, conscients de ces tensions entre visions républicaines et visions pédagogistes, plusieurs didacticiens vont tenter d’hybrider les deux modèles pour tenter d’introduire plus de social, plus d’identitaire et plus d’épistémologie dans les situations didactiques, en questionnant la place et le sens des savoirs. Charlot (1997) propose de penser le système didactique en se centrant sur la question des représentations que se font les enseignants mais aussi les élèves de la situation d’apprentissage. Il rajoutera qu’il faut aussi s’intéresser aux représentations qu’ont les élèves et enseignant de l’objet-savoir. Il introduit la notion de « rapport au savoir ». Elaborer et comprendre une situation didactique, ce serait s'interroger sur les rapports aux savoirs mais aussi à l'apprendre, des acteurs engagés dans la situation didactique. Quelles représentations ont-ils des maths, de la mission, du sens d’apprendre cette discipline ? Pour certains élèves, il s'agit d'apprendre pour faire plaisir à l’enseignant, pour d’autres pour obtenir des 'bonnes notes" à montrer aux parents, dans une visée et une adhésion plutôt instrumentale. Les rapports différents au savoir-objet, à l’apprendre et à l'intention éducative sont donc probablement structurant de la relation pédagogique.
La définition du savoir selon le dictionnaire de la philosophie de Lalande (2010, cité par Wolfs, 2013, p.41) s'est construite par opposition à la croyance, en référence à Kant (1781) dans Critique de la raison pure qui distingue trois degrés de créance (ou crédit) : l'opinion (qui est insuffisante subjectivement et objectivement), la foi (croyance suffisante subjectivement) et le savoir (suffisant objectivement et subjectivement), objectivement c'est à dire en référence à des argumentations, des vérités acceptables, logiques et vérifiables par d'autres. Lalande précise que le savoir a un caractère de vérité pour des raisons intellectuelles et logiquement communicables. Il se réfère à l'administration de preuves tangibles au sens de Chateauraynaud (2004). Le savoir s'oppose à l'opinion, l'ignorance, à la foi ou croyance. Depuis Kant, la croyance designe un assentiment qui exclue le doute sans avoir le caractère intellectuel et logiquement communicable du savoir.
Dans l'ouvrage
de Bernard et al. (2014), les études rassemblées montrent
que sur un même objet d’apprentissage (ex : les sciences de
la vie), les enseignants et les élèves n’ont pas la
même représentation de la biologie, de l’évolution
des espèces, du vivant. Les élèves ont des rapports
différents aux savoirs, même s'ils ne les manifestent pas
forcèment en classe, avec des forme d’adhésion sans
convictions, ce que Hrairi et Coquidé (2002) appelent des adhésions
instrumentales, pour réussir scolairement et satisfaire les
attentes de l'enseignant.
* Un concept peut etre défini soit par les données auxquelles il fait référence, qu'il met en ordre et permet de penser (le concept désigne), soit en référence aux relations constitutives de ce concept (le concept renvoie à). Ainsi le concept d'arbre désigne des chênes, des sapins, mais renvoie aussi un végétal ligneux constitué d'un tronc ramifié. Le rapport au savoir peut ainsi permettre soit de mettre en ordre des données empiriques, soit d'identifier des relations caractéristiques.
Charlot précise que les dimensions identitaires et sociales étant indissociables, on peut parler d'identité sociale. Cette identité induit des préférences quant aux figures de l'apprendre, mais l'intéret pour telle ou telle figures de l'apprendre contribue à la construction de l'identité. Pour comprendre le rapport d'un individu au savoir, il fait donc prendre en compte son appartenance sociale mais aussi l'évolution du marché du travail, du système scolaire, des formes culturelles, etc. L'analyse du rapport social au savoir doit donc être produite à travers l'analyse des dimensions épistémiques et identitaires. Le rapport au savoir est une relation de sens et donc de valeur entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits du savoir (Charlot, Bautier et Rochex, 1992). L'auteur préfèrera dans son ouvrage de 1997 cette dernière définition : il s'agit du rapport au monde, à l'autre et à soi-même d'un sujet confronté à la nécessité d'apprendre. Le sujet se fait alors une représentation du savoir au sens de Jodelet (1989) et Gilly (in Jodelet, 1989), une représentation qui inclue des croyances, attitudes, opinions et images. Le sujet se constuit un système d'interprétations, ancré dans un réseau de significations. La représentation du savoir, qui est un ensemble organisé de significations sociales, est donc proche du rapport au savoir. Le rapport au savoir inclut probablement des représentations mais pas seulement. Ainsi le rapport à l'école inclue des représentations de l'école mais aussi de l'avenir, de la famille présente et future, du travail, du chomage, de la société de demain, des technologies modernes, etc.. VIGILANCE METODOLOGIQUE : Lorsque l'on enquete sur le rapport au savoir d'un sujet, le chercheur interroge directement le sujet et tend à cristalliser sous forme de représentation ce qui n'existait pas forcèment de manière explicite et consciente dans l'esprit du sujet, avant que le chercheur ne pose la question. Or le chercheur est ensuite tenté d'expliquer certains comportements en se référant à la représentation identifiée dans la relation d'enquete, une image que le chercheur lui-même a contribué à construire et à provoquer. Il lui confère alors le pouvoir dêtre la cause de conduites. Or il n'est pas évident que la conscience soit une somme de représentations et que les conduites soient simplement l'effet de représentations. Attention donc à ne pas imputer au sujet des représentations que le chercheur a construit à partir de ce que le sujet lui a dit.
Ce cadre théorique permet d’analyser le jeu didactique entre des acteurs autour de l’objet savoir. Cette théorie reste donc centrée sur la question de l’apprentissage des savoirs et elle donne comme finalité au jeu didactique l’apprentissage d’un corpus de connaissances. Sensevy précise que le plus important pour les enseignants, c’est d'être capable de construire des dispositifs et des situations dont la première fonction est de faire comprendre, et non pas d’apprendre. La focale est placée sur « comment je leur fais comprendre », plutôt que « comment et pourquoi je leur fais apprendre ». La TACD ne permet pas bien d'interroger le sens de cet apprentissage des savoirs, la finalité notamment en termes de citoyenneté et d’acquisition de compétences (savoirs-être = valeurs, attitudes / savoir-faire= capacités). De même que n’est pas posée la question du choix du curriculum et de quels savoirs apprendre... Ce sont donc en partie seulement des rapports aux savoirs particuliers et différents qui expliqueraient le déroulement de la situation didactique : "certaines actions, certains comportements des acteurs [...] doivent être regardés avec d’autres filtres, d’autres « analyseurs » du jeu didactique" [...] toute la complexité du système didactique ne peut être étudiée [...] avec le rapport au savoir" (Pautal et al. 2008, p.84 et 86). A préciser V.
Vers une didactique sociologique
Les articles de Philippe Losego, Claire Margolinas, Sylvain Broccolichi et Eric Roditi (2014), dans la Revue française de pédagogie, prolongent les travaux de Lahire et Joshua (1999), et sont issus du colloque réalisé à Lausanne en 2012 (Au délà des frontières entre didactique et sociologie). Pour ces auteurs, sociologie et didactique seraient porteuses d'approches, de repères et d'outils d'analyse complémentaires, qui mettraient en lumière des paramètres et des processus en grande partie laissés dans l'ombre par l'une ou l'autre de ces disciplines scientifiques. Broccolichi et Roditi (2014) s'interrogent par exemple, sur la manière de prendre en compte, dans les analyses didactiques, les relations entre expériences d'enseignements, pratiques et contextes. Ils décrivent un enseignant assez peu occupé à la dévolution, et très attentif à la gestion de la classe, ce qui aboutit, selon les auteurs, à la coexistence implicite de plusieurs contrats didactiques dans une même situation. Cela conduit à des compromis de la part de l'enseignant : face aux difficultés éprouvées dans les tentatives de transmission des savoirs, Benoît finit par tolérer bon nombre d’approximations, ce qui lui permet de préserver au mieux le climat relationnel en classe (p.44). L'enseignant se satisfait de plus en plus d'établir de bonnes relations avec les élèves, au détriment des apprentissages. Selon Broccolichi et Roditi (2014), le didacticien reste centré sur les logiques et les processus d'enseignement-apprentissage dans un champ de connaissances spécifiques, même s'il tente de plus en plus d'intégrer les logiques sociales dans son analyse des pratiques et des interactions en classe. Le sociologue de l'éducation, quant à lui, s'intéresse plutot aux contraintes et enjeux sociaux inhérents aux milieux dans lesquels les pratiques et les interactions se construisent, même s'il a bien conscience du caractère décisif des processus cognitifs conditionnant les inégalités d'acquisition et de certifications scolaires. L'enseignement primaire étant marqué par deux finalités, la trnasmission des savoirs et l'éducation, souvent mises en concurrence par les exigences de la conduite de classe, une approche sociodidactique s'intéressera plutot au travail de l'enseignant pendant ses cours, ce qu'il avait prévu de faire, et les ajustements qu'il opère en fonction des réactions des élèves, en s'appuyant sur les outils conceptuels développés dans la théorie des situations didactiques et du contrat didactique de Brousseau (1998). On distingue alors les pratiques concernant la transmission des savoirs et celles liées à la conduite de classe. Avec cette approche, les auteurs montrent donc que la pratique d'un enseignant évolue avec le temps avec une nette tendance à se focaliser sur les relations avec les élèves, plus que sur les apprentissages, compte tenu des difficultés et de satisfactions éprouvées de façon récurrente, les prescriptions étant de plus en plus ambitieuses, et disjointes des mesures et dispositifs pédagogiques favorisant de réels progrès en matière d'apprentissages. Un résultat qui rejoint d'ailleurs notre enquête à propos des logiques hybrides d'action, entre logique civique et logique domestique (Urgelli, 2022, PUL). Losego (2014) propose quant à lui les distinctions suivantes entre didactique et sociologie. Il rappelle que la sociologie tend à identifier des contraintes peu accessibles à l'action, alors que la didactique débouche souvent sur une critique de la fomation des enseignants. Mais tous les déterminants du système ne se trouvent pas dans la classe. Or si on souhaite comprendre le système, il faut interroger les structures, les méthodes, les contenus et les finalités. La didactique tend à décrire des situations compliquées sans attention aux déterminants des interactions (Astolfi, 1997), ce qui crée une fiction nécessaire au bon déroulement des actes didactiques (Joshua et Dupin, 1993), oubliant l'enfant ou l'adolescent, et son groupe de pairs, et divisant les activités en opérations élémentaires effectuées séquentiellement. Les modèles didactiques qui problématisent le savoir et les pratiques de savoir de manière décontextualisée ont un bon rendement explicatif car ils insistent sur les paramètres les plus accessibles aux enseignants. Il est en effet plus facile d'agir sur une variable didactique que de changer la situation sociale et culturelle des élèves !Les sociologues, de leur coté, se désintéressent des savoirs et des apprentissages, et expliquent les inégalités scolaires par des principes généraux (habitus, stratégies d'actreurs, subjectivation ..), qui donnent l'impression de réponses plus robustes, reproductibles et universelles. Losego signale que les recherches à la fois didactique et sociologique s'appuient sur des démarches peu extensives et aboutissent à des résultats fragiles méthodologiquement parlant, risqué dans l'immédiat; mais gagnante sur le long terme. Toute discipline tend ainsi à sur-problématiser certaines dimensions du réel et à laisser les autres à l'état de boites noires. Losego précise également que la prise en compte de la demande socialeest très différente en didactique et en sociologie, la première considérant comme légitime d'y répondre, dans la mesure du possible, et la seconde revendiquant une autonomie professionnelle. Margolinas (2014) montre que la sociologie ne fait que rarement la distinction entre savoirs et connaissances (voir plus haut), alors que cela pourrait être un point de jonction conceptuelle. En effet, la sociologie fait du rapport au savoir un concept assez proche de l'habitus, comme produit de conditions sociales d'existence et transposable d'un domaine de pratique à l'autre, au delà de la question du rapport à la discipline ou même du niveau de connaissances de la discipline. La situation de classe est très largement investie par les didacticiens qui ont développé une véritable expertise par des techniques d'observations systémiques, et d'analyse vidéos. Les sociologues y sont relativement mal à l'aise, avec des saisies d'interaction artificiellement séparées des savoirs et des techniques d'enquêtes assez frustres, par entretiens d'enseignants, questionnaires, et prise de notes, avec des concepts proches du sens commun. L'approche sociologique est très externe à la construction des curricula réels et des inégalités d'apprentissage. La didactique, avec ses outils conceptuels plus sophistiqués, avance sur des chemins bien carrossables, mais constitue la classe en système isolé, alors que la sociologie y cherche la confirmation de théories macro-sociales. Ces différences conceptuelles et méthodologiques sont sources d'incompréhension : la didactique trouve la sociologie trop légèrement appareillée, et à l'inverse la sociologie considère que la didactique développe beaucoup de technicité pour formuler des énoncés assez peu originaux... Signalons que l'apprentissage en dehors de la classe, à la maison ou dans des dispositifs d'aide aux devoirs est très peu investie par ces disciplines, probablement parce qu'elles considèrent que la réussite scolaire est le produit du travail personnel. La situation récente d'appel à la "continuité pédagogique" suite au confinement en crise sanitaire et à la suppression de l'espace classe (mars 2020), changera peut etre les perspectives de recherche. Losego estime qu'il faut en finir avec les répartitions d'objets et considérer l'éducation dans son ensemble, comme un fait social total (Marcel Mauss), en articulant le scolaire et le non scolaire, le formel, le non formel et l'informel, et en théorisant le sens des frontières. Il plaide ainsi pour des approches sociologiques et didactiques qui soient symétriques, qui se concentrent sur des hypothèses expliquant les fonctionnements comme les dysfonctionnements des apprentissages. L'enjeu d'un rapprochement entre sociologie et didactique est de faire fonctionner ensemble la théorie sociologique de l'arbitraire culturel (l'école prétend inculquer à tous une culture commune, mais cette culture suppose en réalité des compétences exigées mais non enseignées et inégalement réparties dans tous les groupes sociaux, ce qui conduit à une indifférence aux différences, et une différenciation passive, une explication par l'implicite, dans la lignée des travaux de Bourdieu (1966)) et celle didactique de la distribution sociale de savoirs (l'école distribue des savoirs différents aux élèves en fonction de leurs caractéristiques socio-scolaires au sein même des classes, par des pratiques différenciatrices ou différenciation active (Rochex, 2012). Baluteau (2014) signale que les approches croisées entre sociologie et didactique ne montrent pas de corrélation entre un style pédagogique et un type de public scolaire : on a des pratiques très dirigistes ou très constructivistes, face à des élèves de milieux favorisés ou défavorisés. L'élève est toujours comparé implicitement à un élève idéal, et de ce fait s'avère souvent décevant, ce qui déclenche le processus de différenciation. Lahire (2007) précise qu'en vue de rapprochements scientifiquement pertinents entre sociologie et didaactique, il faudra dépasser la relative indifférence sociologique aux savoirs et la centration quasi-exclusive sur la scène scolaire côté didactique. La sociologie joue un rôle de révélateur par rapport à tous ceux qui étudiaient – séparément et en spécialistes – des faits sociaux sans le savoir, les apprentissages étant certainement de ces faits sociaux. L ’un des défis majeurs de la sociologie contemporaine […] réside dans l’étude conjointe, d’une part, des trajectoires des acteurs, de leurs propriétés sociales, de leurs stratégies, de leurs intérêts, des luttes ou des concurrences qui se jouent entre eux, de la structure inégale de distribution des ressources, etc., et, d’autre part, de la nature et de la spécificité des pratiques et des savoirs qui se construisent et se déploient dans le monde social. Lahire précise que la didactique devrait prendre conscience de l’inconscient scolaire qui la hante et qui limite le champ de ce qu’elle s’autorise à penser. Les concepts didactiques sont des concepts historiques (au sens où ils sont indexés sur des configurations historiques relativement singulières) élaborés essentiellement à partir d’une situation de type scolaire qui, si elle a varié historiquement, se distingue néanmoins assez nettement d’autres types de situation sociale d’apprentissage beaucoup plus informelles. Pour cet auteur, la didactique gagnerait […] à ouvrir la focale de son objectif pour ne pas se laisser enfermer dans les cadres rassurants mais trop étroits de l’institution scolaire. Enfant de l’école et de ses réformes, la didactique s’est laissée imposer un cadre ou un terrain d’étude qu’un état plus avancé de son développement et de son autonomie scientifiques devrait permettre de remettre en question. En se libérant de la tutelle scolaire et de la demande pédagogique – comme la sociologie qui, lorsqu’elle est animée de grandes ambitions scientifiques, travaille sans cesse à prendre ses distances avec les demandes sociales ou les services politiques, idéologiques ou institutionnels qu’on lui demande en permanence de rendre – elle pourrait travailler autant sur des cadres familiaux, professionnels, culturels, sportifs, religieux, para-scolaires, etc., que sur des cadres scolaires de « transmission explicite » ou, plus souvent, de « constitution implicite » des savoirs et savoir-faire, des plus formels aux plus informels. Nous verrons plus loin que nous proposons l'intégratiion de déterminants didactiques à des déterminants sociologiques et psychologiques (Zeidler et Sadler, 2005, in Urgelli, 2014) mais également communicationnelles, qui orientent et structurent plus ou moins explicitement le curriculum réel (Perrenoud, 1994). Cet auteur précise qu'un lien est volontairement construit entre communication et régulation des apprentissages. En classe comme partout ailleurs, la régulation des phénomènes de communication passe par la reconnaissance commune de leur existence, de leur complexité, de la difficulté de donner une place à chacun sans perturber l’avancement dans une tâche, de l’ambiguïté des normes et des codes, de la multiplicité des valeurs, des stratégies et des points de vue investis dans les interactions. Alors que Lahire (2007) propose de sortir la didactique du contexte scolaire, nous allons à présent l’enrichir du regard des sciences de la communication sur les processus d’engagement des acteurs dans les apprentissages formels et non formels, et par conséquent réinterroger deux concepts clés de la didactique : celui de la tranposition et celui de contrat (Astolfi, 2005). VI. La didactique, une médiation à visée cognitive (Lenoir, 1996) Considérons l'apprentissage comme un processus d'objectivation, un rapport d'objet qui comporte la référence à un sujet S, à un objet O et à une médiation. Cette médiation intervient comme un système de régulation du rapport sujet-objet, comme intermédiaire entre le sujet et l'objet, mais aussi dans la détermination de la structure de l'objet. Cette médiation entre sujet et objet est une expérience, un rapport sujet-objet à caractère intentionnel. L'objet devient une construction conceptuelle pour le sujet qui va s'en faire une représentation mentale, même si l'objet est toujours extérieur à lui. Ainsi, l'objet extériorisé au sujet va être objectivé par la médiation, que nous qualifierons de médiation cognitive. Cette médiation au sens strict n'est pas suffisante pour apprendre, il faut également donner du sens à cet objet et le rendre désirable pour le sujet. Cette médiation d'ordre extrinsèque, comme moyen d'intervention, peut etre qualifiée de médiation didactique. Dans ce sens, la médiation est une fonction sociale qui consiste pour le médiateur à aider l'individu S à percevoir et à interpréter son envrionnement, le médiateur étant entre la connaissance et l'apprenant. Ici donc on ne sous estime par le rôle du sujet apprenant S et la relation didactique n'est pas conçue linéairement de type transmission réception. Le processus est vu de façon constructiviste : students become active agents in the lesson, actively mediating what information is processed, how that information is processed, and consequently, what is learned (Lee et Solmon, 1992).
Dans l'action didactique et la démarche d'apprentissage, médiation didactique et médiation cognitive sont intimement liées et permettent de modéliser les relations d'interaction entre le sujet S), l'objet (O) et le médiateur (E).
Dans un texte de Moal (1992, p.122), l'auteur affirme que "le concept de médiation apparait comme fédérateur en pédagogie", parce qu'il met en avant la perspective tripolaire de la relation didactique. A côté de la transposition didactique centrée sur les savoirs, la médiation porte sur le rapport qu'un sujet apprenant S établit avec des objets d'enseignements O. La didactique, précise Lenoir (1996), comporte un double sens. Dans son sens restreint, elle se définit comme un rapport d'objectiviation de l'enseignant vis à vis du savoir à enseigner. Dans un sens large, elle se définit comme un rapport médiateur de l'enseignant E au processus d'objectivation qui s'instaure entre S et O, par les langages et les pratiques. On peut parler alors de médiation didactique dont la visée est la médiation cognitive.
D'une part, la médiation didactique résulte de l'interaction de l'ensemble des composantes de la relation didactique et porte sur la médiation cognitive, et d'autre part, la médation cognitive nécessite une médiation didactique sans laquelle le processus d'objectivitation cognitif ne peut s'enclencher. La médiation insiste sur le fait que l'action didactique ne peut se réduire ni au seul rapport au savoir, ni à une opération instrumentale. L'action didactique est chargée de symbolisme, requiert un investissement humain et l'expression d'un objet désirable, au risque que le rapport à O apparaisse vide de sens pour S en contexte scolaire. Comme le précise Shulman (1986, cité par Lenoir, 1996, p.245), "teachnig is mediated by the sense the learner makes of the social context of the classroom situation [...]. Parallel to the learner's active interpretation of the social reality of the classroom, there exists a mental representation and construction of the cognitive content of what is being taught."
Ces considérations insistent donc également sur le fait que comprendre la relation didactique nécessité d'intégrer la dimension sociale (facteurs endogènes et exogènes du modèle), comme le proposent les travaux coordonnés par Philippe Losego (2014), dans le prolongement de ceux de Lahire et Joshua (1999) pour une didactique sociologique.
Déinition de la médiation, Comprendre les situations, la mise en sens, la question de la double illusion dans le processus de médiation (neutralité et refus du politique)...
Le temps de la médiation est un temps politique dans la mesure où la médiation est parole et action qui permettent aux acteurs, dans un contexte donné et reconnu, de construire des relations qui modifient la situation respective de l’un par rapport à l’autre. Il y aurait une double illusion à occulter cette dimension. La première aurait pour effet de rechercher une impossible neutralité du médiateur dans la relation d’interaction. Neutralité qui conduirait à l’impuissance. La seconde résiderait dans l’oubli du contexte et des enjeux politiques qui légitiment la pertinence de la médiation.
La forme scolaire constitue-t-elle une figure repoussoir ou un modèle pour les médiations muséales à destination des enfants dans les musées ? Cet article examine les dispositifs de médiations, les aides écrites ou orales à la réception, à destination des enfants dans trois musées, deux traditionnels et un musée en ligne d’œuvres réalisées par des enfants. À partir d’entretiens réalisés avec les responsables de ces dispositifs et d’observation des activités de médiation, il montre la prégnance dans les discours d’une mise à distance de la forme scolaire. Les dispositifs de médiation sont pensés contre le modèle scolaire. Il apparaît cependant que les pratiques concrètes des médiateurs réintègrent cette forme scolaire et s’appuient sur les dispositions scolaires de leurs publics. Il y a ainsi, entre les intentions des producteurs de médiation et les publics une série de décalages impliquant différents rapports au référent scolaire. VII. Les valeurs dans les pratiques pédagogiques Comme l'écrit Clément (2004), l’analyse des processus de transposition didactique, initiée par Michel Verret (1975) a été largement développée depuis par Yves Chevallard (1989) en didactique des mathématiques. Cette approche s’est depuis élargie à la didactique de diverses disciplines scientifiques (Astolfi et al. 1997), et elle s’est avérée utile à l’étude des processus de médiatisation (Clément 1998) ; Alors que la transposition didactique externe s’intéresse aux processus de sélection des contenus qui vont être enseignés – ou médiatisés –, la transposition didactique interne analyse comment s’effectue ensuite cette transposition. Le schéma de la transposition didactique a été profondément remodelé durant ces dernières années. Les références de ce qui doit être enseigné ou médiatisé sont loin d’être réduites à ce que Chevallard (1989) appelle le « savoir savant ». Jean-Louis Martinand (2000) a montré l’importance des pratiques sociales de référence. Et j’ai pour ma part insisté sur les valeurs de références, proposant le tripôle KVP – connaissances, valeurs, pratiques – pour analyser d’une part les références initiales de la transposition, d’autre part les programmes et manuels scolaires. Les liens avec le triangle pédagogique de Meirieu nous semblent évidents, ici aussi comme dans le cas de la médiation didactique.
Pour Clément, l’idéologie de tout enseignant ou autre médiateur culturel des sciences est l’interaction entre les systèmes de valeurs et les connaissances scientifiques qu'il mobilise pour penser son action. L'auteur estime il est nécessaire de clarifier les limites de ces connaissances, et des savoirs scolaires, et d’identifier les systèmes de valeurs de ceux qui sont chargés de les diffuser (Forrisier et Clément, 2003), que ce soit en contexte d'éducation formelle ou non formelle, voire informelle.
Si les intéractions entre K, V et P sont une précieuse clé de lecture des pratiques éducatives, Jean Houssaye (2003) signale cependant que la vigilance s'impose à qui voudrait établir un lien direct entre systèmes de valeurs et pratiques. Il précise que la thèse d'Hervé Cellier (2001), professeur des écoles en réseau d'édcuation prioritaire montre des conradictions entre les idéaux des enseignants et leurs pratiques pédagogiques : "il y a une propension chez les enseignants à produire un discours humaniste que ne corroborent pas forcèment leurs pratiques professionnelles. C'est un problème aigu qui concourt à la dégration de leurs relations avec leurs élèves". Il y a donc un écart entre la pédagogie du discours et la pédagogie de l'acte, et la réduction de cet écart est capitale pour donner de la valeur à la parole de l'adulte et à celle de l'enfant, et pour mettre en cohérence ce qui se fait et ce qui se dit (Cellier, 2001, p. 424, cité par Houssaye, 2003, p.69). Il faut donc veiller à ce que la question des valeurs partent des actes et non des discours.
Pour Jourdain (2002), l'éducation morale ne peut reposer uniquement sur la clarification et l'explicitation des valeurs à promouvoir. Si des pratiques différentes ont des effets différentsen matière d'éducation aux valeurs, des valeurs identiques peuvent générer des pratiques opposées, des pratiques identiques peuvent se justifier par des valeurs différentes.
La thèse de Christine Jourdain (2002), directrice d'une école maternelle, met en lumière 4 styles éthico-pédagogiques chez les enseignants suscpetibles de favoriser l'émergence de certaines valeurs : elle décrit le maitre dirigiste, le maitre dévoluant, le maitre naturaliste et le maitre magistral, ce que Houssaye associe à différentes pédagogiques : celle du cours vivant, celle de l'école active, celle de la centration sur le groupe et celle de la pédagogie traditionnelle stricte. Maria Pagoni (2017) revient sur ce qu'on entend par éducation aux valeurs qu'elle distingue de l'éducation morale. Elle distingue d'abord les valeurs, qui renvoient à des choix individuelles et des préférences personnelles qui donnent du sens aux actions de chacun et justifient nos choix. Elles peuvent être économiques, esthétiques, humanistes, etc.. Elles peuvent être partagés par plusieurs personnes mais elles ne prennent pas la forme de normes qui se voudraient universelles et qui auraient force d'obligation. La morale renvoie à l'intégration par l'individu d'une norme qui se veut universelle même si elle est toujours provisoire et susceptible d'être reconsidérée sur la scène publique (Habermas, 1997).
Ainsi l'éducation aux valeurs est la construction d'une éthique personnelle conforme aux priorités et au choix de l'individu pour atteindre une "bonne vie". L'education morale est le processus d'appropriation de normes qui préexistent à l'individu et qui s'imposent à lui. Il s'agit donc de 2 processus distincts, mais complémentaires dans leurs finalités, à la charnière enre l'individuel et le collectif, au risque de glisser dans le relativisme moral pour la première ou une appropriation dogmatique des normes pour la seconde, si on n'interesse pas la personne aux valeurs qui fondent ces normes et à la manière dont elle en fait l'expérience.
Pour Pagoni, l'éducation à la transmission des valeurs est donc en tension entre pôle normatif marqué par la notion de devoir et un pôle délibératif marqué par la construction de significations dans des contextes réels de prise de décision. Le curseur se place entre ces deux pôles, selon les époques, les contextes politiques (et des lois d'orientation de l'école (1989, 2005, 2013), avec l'adoption de dispositifs pédagogiques différents. Avec la loi de 1882, l'éducation et la transmission des valeurs se résume à un enseignement d'une morale laîque qui présente la particularité d'exister en dehors des croyances religieuses spécifiques, en se distinguant de la morale religieuse, mais sans "démoraliser" les futurs citoyens. Cette morale laique se veut basée sur la rationnalité humaine mais le recours à la conscience individuelle l'empêche d'être un réel objet de savoirs. Dans la 2de moitié du XXe sicèle, cette morale du devoir et du dévouement décline en relation avec l'évolution des idéaux démocratiques, le pluralisme des idées, et le développement de l'esprit critique. A partir de 1989, l'éducation civique introduit le débat en classe et incite à la considération des lois avec un esprit critique. De 2005 à 2013, on aura l'ambiguité entre le pôle normatif et le pôle délibératif, entre "l'instruciton civique et morale" et l'éducation par compétences qui proposent une liste d'action, alors que le socle commun de connaissances et de compétences (MEN 2006) définie des objectifs valeurs, comme l'autonomie et l'initiative (compétence 7) avec "valorisation des actions concrètes de choix". Depuis 2013, c'est la place aux valeurs de la République et l'apparition de l'éducation morale et civique tout au long de la scolarité, qui confond les deux pôles. On invite les enseignants à travailler sur des dilemmes réels ou fictifs pour aider les élèves à constuire un jugement moral. On propose alors 3 dispositifs pédagogiques :
L'éducation aux valeurs est en tension entre le besoin de sacraliser les décisions de l'Etat pour développer l'attachement citoyen, besoin d'éduquer à l'ouverture d'esprit et à la tolérance face à la diversité sociale et culturelle, et besoin de consuire des individus entrepreneurs par la créativité et l'esprit d'initiative. Mais la difficulté est pédagogique dans l'appropriation des valeurs. Dans les dispositifs précédents, on part de l'expérience et des émotions des élèves pour les objectiver et déterminer les valeurs sous-jacentes dans son activité. Ce processus psychologique est sensé conduire à l'engagement, mais la compréhension d'une valeur est-elle engageante pour l'individu ? Et comment éduquer des élèves à l'engagement sans les instrumentaliser, et en veillant au développement de leur esprit critique ?
VIII.
Pluralité des savoirs,
apprentissages et pédagogies Pair (2003) évoque la question de la pluralité des savoirs à construire et de la place des valeurs dans l'éducation laique. L'école possède 2 missions : apprendre à vivre ensemble et apprendre des savoirs. Pour vivre ensemble dans une démocratie, la primauté du savoir sur la force et sur la manouevre est une valeur de l'école, et l'école devrait développer une "éthique de la connaissance" comme le proposait le biologiste Jacques Monod. Reconnaissons cependant que les savoirs savants et universels sont construits par une communauté, et ils ne peuvent pas être construits par les apprenants seuls. Ces savoirs scolaires sont étrangers aux apprenants, le plus souvent, et face aux savoirs des apprenants, plusieurs attitudes de la part de l'éducateur peuvent se manifester : le refus, la négation, le rejet, la tentative d'éduquer ou la tentative d'intégration de savoirs pluriels. Dans l'éducation des élèves, lorsque le savoir scolaire est confronté aux représentations spontannées, ces attitudes de dénonciation, de tolérance, la volonté d'éduquer les parents, ou encore le partenariat avec eux pour une coéducation citoyenne, conduisent à des pédagogies différentes. Pair distingue plusieurs formes de savoirs : les savoirs savants (ou scolaires), les savoirs vécus et les savoirs d'action et d'engagement. Ces trois composantes des savoirs sont essentielles pour constuire un savoir libérateur (voir Galichet, 2018, ci-dessus). Les savoirs savants permettent de justifier des logiques d'action civique, les savoirs vécus des logiques d'action domestique (Derouet, 1988), et les savoirs d'engagement conduisent à des logiques d'action hybrides. Pair propose que l'ecole travaille à articuler ces différents savoirs par la formulation, le dialogue, la chasse aux contradictions,...dans une éthique de l'arrangement, avec un effort de communication pour construire un cadre partagé. A l'école, l'absence d'un tel cadre rend impossible aussi bien la transmission des savoirs scolaires qu'une vie commune harmonieuse entre jeunes et adultes.
Mais pourquoi vouloir tout centrer sur l'apprentissage de savoirs ? quelles seraient les vertus, les finalités sociales et citoyennes de cet apprentissage ? en d'autres termes quelles seraient les finalités éducatives de l'apprentissage de savoirs (notamment disciplinaires) ? X. Savoirs, apprentissages et pédagogies : la question des postures éducatives
Le Bouëdec et al. (2016) ont proposé un travail de théorisation des postures éducatives, independamment des savoirs en jeu, ce que l'on pourrait considérer a priori comme une forme d'applanissement du triangle pédagogique de Houssaye. Tentons d'adapter leur travail théorique à l"intention particulière d'apprentissage des savoirs. Les auteurs proposent d'approcher les relations éducatives en termes de postures. Ils en définissent six, en lien avec des intentions éducatives et une visée anthropologique pour l'éduqué, sachant qu'ils considèrent l'éducation comme un processus d'accroissement de la polyvalence de l'être humain (Avanzini, 1994, p.12). On pourrait également parler d'élévation, ou "élevage" pour reprendre le terme de Nietzsche, qui l'oppose au dressage
La posture de l'éducateur lui permet de mettre en cohérence des finalités éducatives et les comportements qu'il va adopter en tant que pédagogue. Pour Le Bouedec et al. (2016), il s'agit de désigner le type de relations interpersonnelles entre éducateur et apprenants, fondées sur une exigence à la fois anthropologique et éthique. Trois composantes sont à prendre en compte :
Une posture est donc un type de relation dont on a explicité l'intention et son fondement anthrologique, puis énuméré les actions génériques qui rendent opératoires cette intention, et énoncé le principe éthique qui sert de référence. Ce sont des types généraux de relations, avec la même trame : intention de l'éducateur, actes qu'il pose et principe éthique qui le guide.
Signalons d'ores et déjà qu'en contete éducatif, toute posture comporte des risques de manipulation et pour s'en prémunir, il faut prendre soin de réaliser une clarification de posture, qui dépend de l'âge des éduqués et de l'institution d'exercice. Clarifier sa posture, c'est expliciter les valeurs qui animent notre intention éducative, les règles du jeu entre éducateur et apprenants, les normes à l'oeuvre (ce que l'on a le droit et le pouvoir de dire), mais également les raisons de l'adoption de telle ou telle posture. Pour cela, on invite les apprenants à débattre à ce sujet, loin du mythe de la neutralité et des risques de manipulation, surtout pour les éclairer sur les raisons qui fondent les exigences et les propositions de l'éducateur, pour développer la reflexivité, et par respect pour les apprenants en tant que personnes. L'explicitation est un devoir pour les éducateurs : elle sollicite la justification, la comparaison, la critique, et lève de nombreuses ambiguités sur toutes sortes d'interprétations. Le Bouedec et al. (2016) distinguent d'abord 4 postures inter-personnelles (éducateur-apprenant) dont 2 qu'ils qualifient de postures fondatrices de l'humanité :
Pour honorer la dimension sociale de l'éducation, en prenant en compte les intéractions relationnelles qui permettent également à l'enfant, par la socialisation, de construire sa personne et son sentiment d'existence, deux autres postures relationnelles, qui comportent des risques de manipulation et d'instrumentalisation de la part de l'éducateur
Les éducateurs doivent être capables d'adopter ces différentes postures, notamment en distinguant les postures qui peuvent prendre le relai des postures fondatrices :
Pour les auteurs, il est essentiel que les éducateurs circulent d'une posture à l'autre et c'est même un signe de compétence éducative favorable au développement polyvalent de l'apprenant, en particulier la transmission de valeurs, l'apprentissage de la vie sociale et la culture de l'intelligence collective. Dans l'adoption d'une posture plutot qu'une autre, se joue également le rapport de l'éducateur à son histoire personnelle et sociale. La biographie éducative, à la frontière entre l'individuel et collectif, a une influence dans ce qui se joue dans la relation pédagogique, précise Jean-Paul Robin dans la post-face de l'ouvrage de Le Bouec et al. (2016). Il existe des différences de représentations de la relation pédagogique, entre les enseignants et les autres éducateurs. Leur parcours scolaire plus ou moins chaotique, plus ou moins marqué par le sceau de l'excellence, permette de comprendre que certains sont plus enclins à la rencontre que d'autres, plus ou moins aveuglés par les programmes et les impératifs disciplinaires. Leurs rapports aux savoirs, aux apprenants mais aussi à l'apprendre sont donc des déterminants d'engagement des professionnels de l'éducation. En formation initiale et continue, ces dimensions doivent faire l'objet d'un travail de réflexivité, pour établir des liens entre le parcours éducatif et les représentations de l'éducateur (établir des liens entre ce que je fais, ce que je suis, et ce que l'on a fait de moi sans moi). L'enjeu devient alors d'aider les éducateurs à investir de manière plus féconde la palette des postures éducatives, en y mettant de la souplesse, de l'agilité et de l'intelligence, loin des risques d'instrumentalisation et de l'écueil des prescriptions. C'est en tout cas l'hypothèse de Robin (in Le Bouec et al., 2016). Expliciter les pratiques et les activités éducatives est également bénéfique pour la formation : en équipe, cela permet de penser son métier avec les autres, notamment dans nos recherches en situation de controverses, et de réaliser son pouvoir d'agir, en tant que sujet capable, entre fragilité, rigidité, vulnérabilité, à l'épreuve de l'altérité. Mais que deviennent toutes ces considérations lorsque les savoirs en jeu sont incertains, controversées, voire même que l'on est en situation d'ignorance. Dans la gestion de situations de controverses et de dilemmes moraux, il nous faudrait tenter de construire une définition de postures éducatives spécifiques. Ainsi face à des savoirs incertains, controversés, multiréférencés, quelles postures éducatives, quelles approches didactiques ? quelles finalités d'apprentissage ? XII. Didactique des savoirs controversées : quelles finalités ? quelles postures ?
Chevallard (1997) dans l'article "questions vives, savoirs moribonds" souligne que l'école traite encore trop des savoirs qui ont perdu leur sens et les problèmes qui sont à leur origines. Les savoirs enseignés sont alors monumentalisés et il serait fondamentale d'introduire dans le curriculum scolaire les questions vives que l’homme non spécialisé porte en lui. L'article de Simonneaux et Simonneaux (2014) offre l'histoire du courant de la didactique des questions vives, visant l'émancipation citoyenne, par le développement de la pensée critique (voir la figure ci-dessous). On y voit l'apport de plusieurs courants disciplinaires dans le cadre d'une didactique et d'une école des savoirs savants, et en parallèle l'apport d'autres disciplines (philosophie et sociologie critique, à laquelle on peut rajouter la sociologique des épreuves et la sociologie de la justification) pour une didactique de savoirs controversés, complexes et incertains, qui s'articulent à des systèmes de valeurs (ou questions socialement vives ou socioscientific issue).
Par l'enseignement de questions sociablement vives, par essence complexes, controversées, expertisées et médiatisées, l'approche pédagogique s'attache à la réalisation d'une enquête située dans le temps et dans l'espace, de nature socio-épistémique mais également éthique et politique. Concrètement, à travers l'étude de moments discursifs, on rassemble un corpus médiatique pour l'analyse des flux discursifs et des schémas argumentatifs. On réalise une carte dynamique des ilots de rationalités auxquels se raccrochent différents acteurs, marqués par des intérets divergents et des rapports de pouvoir (Simonneaux et Simmoneaux, 2014). Cette carte des jeux d'acteurs et d'arguments nécessite de s'intéresser à la pluralité des savoirs, des valeurs et des pratiques, à la nature des savoirs et à la dimension humaine et sociale des sciences, mais également à la dimension psychosociale des acteurs et de l'enqueteur, une dimension qui oriente sa perception de la question, son argumentation, sa vision des possibles futurs, de la responsabilité intergénérationnelle, sa vision de l'enfant et des logiques éducatives et pédagogiques qu'il serait nécessaire de développer. L'attitude
de l'enqueteur mais aussi de l'éducateur, sa posture éducative
doit faire l'objet d'une analyse réflexive en situation d'enquete,
notamment dans la persecptive d'une émancipation par la pensée
critique, en apprenant à penser contre soi, à l'épreuve
de l'altérité, face à des problèmes flous,
indéterminés épistémologiquement et surdéterminées
idéologiques, ce qui suppose une capacité à problématiser
mais aussi à développer une pensée
divergente contextualisée, loin des dualismes simplicateurs
et généralisateurs. CONCLUSION
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------ ANNEXES ANNEXE : Modèles de coéducation famille-école-cité : Dans chaque style éducatif, diverses représentations de la coéducation sont à l'oeuvre, comme le rappelle Catherine Hurtig-Delattre (in La coéducation c’est possible). Il existe à travers le monde (Le Menn, 208) des relations différentes avec les parents, qui sont « les premiers éducateurs de l’enfant » et membre à part entière de la communauté éducative (Code de l'Education, 2016). Plusieurs relations peuvent se nouer entre l’école, la famille et la cité, selon 4 modèles descriptifs proposés par l'auteure :
ANNEXE : regard sur le triangle pédagogique ANNEXE : Les représentations sociales voir Moscovici, 1989, Jodelet, 1994, Raichvarg, 1987 et commentaires sur la bataille didactique contre les représentations Urgelli 2009 Il s'agit d'une structure cognitive explicative, cohérente et logique, qui donne un sens au monde qui nous entoure. Articulant des connaissances aux valeurs de l'individu, son histoire et son contexte socio-culturel, ces représentations sont dynamiques, elles s'expriment et s'actualisent à travers des communications contextualisées. Et c'est en ce sens qu'elles sont sociales. D'où l'importance de l'exploitation communicationnelle des représentations des élèves durant les situations d'apprentissage, par la mise en place de temps de débat argumenté et d'activités d'investigation. ANNEXE :La transposition didactique (voir Urgelli, 2004 et 2005) S'intéressant aux mécanismes de transformation des savoirs savants pour les rendre enseignables. En imaginant ce que Chevallard (1985, 1997) appelle l'existence d'une écologie des savoirs, on s'interesse à l'épistémologie scolaire et à ses déterminants socioscientifiques et communicationnelles. Il s'agit donc d'un travail de reconstruction du sens d'un savoir dans un contexte d'enseignement, avec des logiques de communication et des contraintes communicationnelles et didactiques qui dépendent des représentations que l'on se fait des publics, des sciences (avec la recherche d'une conformité par rapport à une soi-disante rigueur expérimentale prise comme pratique sociale de référence), des enjeux éducatifs. (Ledrapier, 2010 ; Urgelli, 2009), mais également de l'apprentissage (Urgelli, en cours). La transposition didactique pour Chevallard, ce sont 5 transformations que subissent les savoirs (dépersonnalisation, décontextualisation, séquentialisation, dogmatisation et reformulation)
ANNEXE : les objectifs-obstacles, situations problèmes et situations d'entrée Dans l'enseignement d'un concept, il est possible de construire une trame organisant logiquement des notions et des énoncés associés à ce concept (trame conceptuelle de l'effet de serre ou d'un volcan par exemple, bibliographie E page 52). Cette trame concrétise un reséau de sens associé à un concept, à partir de savoir savant de référence plus ou moins étendu. Elle est donc associée à un niveau de formulation. A toute situation d'apprentissage sont associés des enjeux et des objectifs d'apprentissage judicieusement choisis, permettant de dépasser des obstacles et de progresser intellectuellement, en tenant compte des représentations des étudiants. Selon de nombreux didacticiens, ce sont des activités par résolution de problème et investigation qui donnent du sens aux apprentissages de savoirs, d'attitudes (savoir-être) et de capacités (savoir-faire) (voir le socle commun de compétences et de connaissances). Elles supposent une autre pédagogie que celle basée sur la transmission de connaissances. Ces situations-problèmes peuvent s'enchainer temporellement suivant la séquentialisation suivante : schéma p.60 : situation d'entrée, situations problèmes, synthèse, évaluations ponctuelles et terminales L'idée est d'aider les élèves à entrer dans une démarche active de questionnements et d'investigation, supposée faciliter les apprentissages de savoirs, tout en prenant en compte leurs représentations. La communication entre les élèves, autour d'objets et d'activités de symbolisation, doit être valorisée (dynamique des représentations) De telles situations supposent aussi des temps de synthèse qui permettent de formaliser collectivement des énoncés généraux et de leur donner un extension plus grande. Les situations d'entrée, parfois qualifiées de situations déclenchantes d'apprentissage, sont inscrites dans l'objectif de couverture d'un programme officiel de contenus scientifiques et d'objectifs éducatifs. Classiquement, elles doivent donc permettre d'aborder un contenu notionnel et sont le point de départ de différentes activités. Elles se fondent sur des supports ou des situations extra-scolaires de discussion qui doivent susciter l'nitérêt et l'assentiment de l'ensemble de la classe. Elles ne doivent pas être un simple prétexte et certains enseignants qualifient ces épisodes de situations d'accroche (Urgelli, biennale 2004). L'enseignant explicite alors les questionnements à traiter par la suite au cours de différentes activités. ANNEXE : Le contrat didactique voir Molinatti, 2011 et 2010 Il s'agit selon Brousseau de l'ensemble des règles qui régissent explicitement mais aussi implicitement le partage de ce que chacun des partenaires a la responsabilité et est comptable devant l'autre, dans le cadre de la situation d'apprentissage. Ce contrat est réaffirmé au moment des ruptures et permet de préciser la répartition des rôles de chacun, le projet et les régles du jeu. Ce contrat est en fait un contrat de communication à visée didactique. Comme toute communication, il est régi par des contraintes, des valeurs et des représentations des publics, de la mission éducative et de l'objet enseigné. A partir des enquêtes sur les pratiques des enseignants, conduites notamment par les équipes de l'ex-INRP, diverses fonctions enseignantes ont été catégorisées : la préparation didactique des activités, l'observation des conduites des élèves et de leurs progression, l'évaluation, l'animation du groupe de classe, le conseil aux élèves, l'organisation de la classe (notamment autour d'épisodes d'échanges de type collectif, individualisé ou encore en groupe d'élèves), l'information et l'instruction, mais aussi l'éducation citoyenne et le respect de la laîcité. ANNEXE : l'enseignement des questions sciences société Dans l'enseignement des questions sciences-société, socialement vives, une telle séquantialisation, et finalement le modèle pédagogique sous jacent, pose le problème de l'intégration des questions scientifiques médiatisées, par essence complexes, interdisciplinaires, controversées, expertisées et articulant des connaissances et des considérations éthiques et politiques. De telles actualités et leur médiatisation ne s'inscrivent pas dans la temporalité (Molinatti, Urgelli, 2005) et la logique de l'engagement didactique précédemment décrit. Elles supposent donc une autre prise en charge didactique et donc un autre modèle d'enseignement (Legardez et Simonneaux, 2006 ; Urgelli, 2009).
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