La pratique de démarches historiques dans l'enseignement des sciences
Pour une éducation à la nature des sciences

Master 2 ESVT - IUFM de Bourgogne - Module UE1
Enseigner les SVT : transposition didactique, épistémologie et histoire des sciences

Master 1 EEEP - IUFM de Bourgogne - Module UE1
Seminaire de recherche : Epistémologie et didactique des sciences

Benoît Urgelli
last up-date : 11 novembre, 2014

Ce séminaire porte la discussion sur les liens entre épistémologie et didactique des sciences. Nombreux sont les spécialistes qui défendent l'idée suivante : L’épistémologie, c'est à dire la manière dont les connaissances scientifiques sont construites, peut s’avérer féconde pour l'enseignement des sciences dans l'optique d'une compréhension de la nature de l'activité des scientifiques. Enseignants et élèves gagneraient à être initiés à la perspective d'une épistémologie réflexive.

Vient alors la question des stratégies de mise en scène didactique de cette épistémologie. En lien avec la psychologie du développement cognitif, la didactique se tourne souvent vers l'histoire des sciences pour comprendre les activités scientifiques mais aussi faire évoluer,en même temps, les représentations des élèves. Nous discuterons la pertinence et les limites de cette vision constructiviste. Nous tenterons d'identifier et de catégoriser les enjeux éducatifs associés à la mise en scène de l'histoire des sciences.

  • Bächtold, M. (2012). Épistémologie et didactique de la physique : le constructivisme en question. TRÉMA nº 38, décembre 2012, IUFM de l’académie de Montpellier, pp.1-5.
  • Maurines, L. & Mayrargue, A. (2003). Regards croisés de l'histoire des sciences et de la didactique de la physique sur le concept d'onde. In La pluridisiciplinarité dans l'enseignement scientifique. Tome 1 : histoire des sciences. Les Actes de la DESCO. pp. 111-129.
  • Maurines, L. & Beaufils, D. (2011). Un enjeu de l’histoire des sciences dans l’enseignement : l’image de la nature des sciences et de l’activité scientifique. Recherche en Didactique des sciences et des technologies n°3, pp.271-304.
  • Maurines, L et al. (2013). La nature des sciences dans les programmes de seconde de physique-chimie et de sciences de la vie et de la Terre.
  • Thouin, L. (2007). Enseigner les sciences et les techniques selon une perspective historique. In Regards multiples sur l'enseignement des sciences, Editions Multimondes, pp.443-458.
  • Urgeli, B. (2012). Logiques de communication et d'éducation dans l'enseignement de questions socioscientifiques. Actes du Colloque. Sociologie et didactiques, Suisse : Lausanne, sept. 2012.

What ‘‘Ideas-about-Science’’ Should Be Taught in School Science?
"Teaching the nature of science needs to become a core rather than a marginal part of the science curriculum
"
[...] through sets of well-chosen case studies of either a historical or contemporary nature and by more explicit reflection and discussion of the nature of science [...]
source :

Objectifs spécifiques du séminaire

  • Catégoriser et discuter l'utilisation de l'histoire des sciences et des techniques dans l'enseignement, à partir de l'analyse de séquences d'enseignement pré-existantes, analyse fondée sur des grilles issues de recherches en sciences de l'éducation.
  • Proposer une séquence, une séance ou un épisode d'enseignement inscrit dans la perspective d'une épistémologie scolaire réflexive.

Compétences professionnelles visées

Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale : le professeur situe sa ou ses disciplines, à travers son histoire, ses enjeux épistémologiques, ses problèmes didactiques et les débats qui la traversent (Compétence 3 - Bulletin officiel n° 29 du 22 juillet 2010).

Objectifs généraux du séminaire

• Présenter aux étudiants un état de la recherche sur une question interdisciplinaire susceptible de croiser les apports dans les domaines des sciences de l’éducation, de la communication, de la sociologie et de la philosophie de l’éducation.
• Initier les étudiants à la recherche documentaire et bibliographique, à la lecture, l’analyse et la synthèse d'une littérature scientifique.
• Aider les étudiants à tirer parti des apports de la recherche et des innovations pédagogiques et institutionnelles pour leur future pratique professionnelle.

Grille d'évaluation de la présentation orale (15 min)

  • Compréhension et interprétation de l’exercice, dans la perspective d’une pratique enseignante.
  • Article de recherche : compréhension globale et synthétique, et identification des implications pour l’enseignement des sciences.
  • Mise en relation de l’article de recherche, des séquences choisies et de la séquence proposée.
  • Conclusion, discussion critique, Implications et recommandations professionnelles
  • Utilisations des ressources sélectionnées
  • Originalité et créativité didactique
  • Qualité de l’expression à l’oral – à l’écrit

Ressources pédagogiques mettant (ou pas !) en scène l'histoire de sciences

On pourra choisir des séquences, des séances ou des épisodes extraits des manuels Tavernier, du Guide du Maître Sciences (Magnard), du site La Main à la pâte, du site Lutin Bazar, des ouvrages de la collection Atouts Disciplines 15 séquences de sciences en CE2, CM1, CM2, ou encore des séquences extraites de manuels scolaires du primaire et/ou du collège (Hachette, Bordas, Belin, Magnard,....). 

 

Identification de travaux de recherche sur l'utilisation de l'histoire des sciences dans l'enseignement

Articles de recherche sélectionnés par les étudiants (session 2013)

Auteurs et Titre de l'article
Numéro de la revue
Résumé de l'article


Auteur: KASSOU, Souad; SOUCHON, Christian

Utilisation des aspects historiques dans l'enseignement de la photosynthèse

p. 55-73

ASTER - n° 15 -1992

Lumières sur les végétaux verts

On invoque souvent l'utilisation de l'histoire des sciences dans l'enseignement des sciences en général, de la biologie en particulier. Cet article propose d'étudier la relation à l'histoire des sciences dans l'enseignement de la photosynthèse ; ceci essentiellement à travers l'analyse d'ouvrages universitaires et scolaires. Quelle présentation est faite de cette histoire ? Quelle transformation subissent certaines expériences historiques à travers la transposition didactique ? Quel statut est donné à ces expériences ? Quelle démarche expérimentale est présentée aux élèves ?


KERLAN, Alain

Didactique et épistémologie : éclairages bachelardiens

p. 71-85

Aster n° 5, 1987

Didactique et histoire des sciences

C'est autour de la notion de représentation que s'organise une bonne part des convergences de la didactique des sciences et de l'épistémologie bachelardienne. La place et l'importance de cette notion en didactique des sciences sont aujourd'hui telles qu'il faut s'interroger sur son sens et sa valeur. Les considérations pédagogiques qui traversent l'épistémologie de G. Bachelard doivent être examinées dans cette perspective. Elles relèvent d'une conception de la culture et de l'éducation scientifique qui doit faire l'objet d'une élucidation philosophique, et à laquelle l'entreprise didactique peut confronter ses propres valeurs.


DAROT, Eliane

Enseignement de l'énergie : une recherche pluridisciplinaire de l'INRP

p. 105-132

Aster n° 2, 1986

Éclairages sur l'énergie

Cette recherche demandée à l'INRP par différents organismes œuvrant dans le domaine énergétique s'est surtout axée sur une approche pluridisciplinaire cohérente du " savoir-énergie ". Elle a donné lieu à la réalisation, dans plusieurs collèges et lycées, de progressions pluridisciplinaires importantes par leur durée et l'intérêt suscité auprès des élèves. Elle a conduit ses concepteurs à élaborer des dossiers pédagogiques qui devraient aider les enseignants désireux de s'engager dans un travail pluridisciplinaire à propos de l'énergie

Aster n° 5, 1987

Didactique et histoire des sciences

Si la place officielle de l'histoire de la biologie dans l'enseignement du second cycle est dérisoire, il est toujours possible, lorsqu'on est convaincu de son intérêt, de saisir les occasions de l'introduire, fût-ce de façon furtive. Les quelques exemples présentés ici correspondent à des essais échelonnés dans le temps conduits par des professeurs de plusieurs disciplines du lycée de Saint-Gaudens| le plus souvent lancés sur un coup de coeur, ils ont permis de " dévorer " des documents, de partager les connaissances, de confronter les points de vue. Lieu d'interdisciplinarité, l'histoire des sciences est pour chacun de nous source de culture. Sans doute, la pratique de l'A., inscrite dans les contraintes de l'institution n'est-elle qu'un patchwork de tentatives partielles et parfois ridiculement ambitieuses. Conscients de privilégier une seule facette de l'histoire de la biologie, il pense avoir toutefois aidé ses élèves (en particulier les " littéraires ") à mieux comprendre et à mieux aimer la biologie

Didaskalia n ° 20, 2002

Recherches sur la communication et l'apprentissage des sciences et techniques : Apport de l'épistémologie et de l'histoire des sciences

Une séquence d'enseignement innovante inspirée de l'histoire des sciences a été testée dans une classe de cours moyen avec des élèves de 9 à 10 ans. Ceux-ci ont été confrontés, dans un planétarium, à la découverte de nouvelles étoiles lors de voyages simulés vers le sud, découverte rapportée par les grecs et qui leur a permis de montrer la rotondité de la Terre. La confrontation de cette découverte avec les modèles d'une Terre plate ou sphérique permet aux élèves une construction argumentée de la sphéricité de la Terre. Au cours de ce travail les élèves construisent les notions de champ visuel et d'horizon, mais également une image du fonctionnement de la science proche de !'epistémologie contemporaine.

 

BERNARD, H.& FAGNANT, A.

Intégration
d’une approche historique
dans les cours de sciences

p. 37-45

Bulletin d’informations pédagogiques n ° 57

Février 2005

 

Le présent article est issu d’une recherche intitulée «Conception d’outils didactiques pour l’intégration et le développement d’une composante historique à l’éducation scientifique». Cette recherche poursuit comme objectifs de travaillerles conceptions des élèves relatives aux systèmes respiratoire, circulatoire, digestif et excréteur et d’introduire un enseignement d’histoire des sciences dans les cours de sciences. Elle se situe dans une optique de transition primaire-secondaire, les systèmes faisant l’objet d’un enseignement à ces deux niveaux, tout en poursuivant des objectifs différents et complémentaires. Dans cet article, nous nous centrerons sur la question de l’introduction de l’histoire des sciences dans les cours de sciences. Nous présenterons tout d’abord l’intérêt d’un tel enseignement ; nous décrirons ensuite deux perspectives classiquement distinguées pour envisager l’histoire des sciences ; nous expliquerons alors l’approche développée en deuxième secondaire dans le cadre de la recherche susmentionnée. Enfin, nous terminerons cet article en s’interrogeant sur les résultats de l’approche développée et en discutant ses prolongements possibles.

 

FLAMMANG, C.et VLASSIS, J.

La respiration : Comparaison entre les représentations des élèves
et l’évolution historique du concept

p.19-39

Bulletin d’informations pédagogiques n ° 55

Janvier 2004

[...] sur le terrain, les enseignants du fondamental ou du secondaire sont trop souvent démunis pour enseigner [...] l’histoire des sciences. L’enquête réalisée dans le cadre de la recherche «Amélioration de l’enseignement des sciences au premier degré de l’enseignement secondaire» (Burton, R. et Flammang, C., 1999) a clairement mis en évidence que sur les 197 enseignants dispensant des cours de sciences au premier degré en Communauté française et ayant répondu au questionnaire, 46.2% se sentent inaptes à enseigner l’histoire de la vie et des sciences au premier degré. De plus, c’est le domaine le plus sollicité en terme de besoin en formation continuée, puisqu’ils sont plus de 80% à estimer en avoir besoin pour enseigner cette dimensionhistorique. Notre recherche-action se propose donc de les aider en leur fournissant les outils nécessaires à l’intégration, dans leur enseignement des sciences, d’une facette historique.
     

Choix thématique des étudiants et bibliographie recommandée (année 2013)

Histoire du concept
Bibliographie associée
ENERGIE
CHALEUR
  • Astolfi, J.-P. & Develay, M. (2005). La didactique des sciences. L'exemple de la notion de chaleur. Editions Que Sais-je, pp.16-20.
ATOME
  • Scheidecker-Chevallier, M. (2003). Le débat sur les atomes au XIXe siècle. In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences, Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.87-110.
ONDE
  • Maurines, L. & Mayrargue, A. (2003). Regards croisées de l'histoire des sciences et de la physique sur le concept d'onde. In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques. Tome 1 : Histoire des sciences. Actes de la DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.111-129.
ASTRONOMIE
  • Benard, B. (2003). Les miroirs de Galilée. In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences, Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.27-42.
RESPIRATION
  • Duris, P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de la vie. Chapitre 9 : Du poumon à la mitochondrie. Editions Nathan, pp. 249-281
ALIMENTATION
 
MEDICATION
 
REPRODUCTION
  • Duris, P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de la vie. Chapitre 5: De la conception à la naissance. Editions Nathan, pp. 125-156
  • Astolfi, J.-P. & Develay, M. (2005). La didactique des sciences. L'exemple de la fécondation. Editions Que Sais-je, pp. 10-15
  • Giodan, A. Host, V., Tesi, D. et Gagliardi, R. (1987). Histoire de la biologie. Tome 2. Chapitre 2 : Le concept de fécondation. Editions Technique et Documentation - Lavoisier, pp.65-130.
EVOLUTION
  • Fischer, J;-L. (2003). Buffon et les théories de la génération au XVIIIe siècle. In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences, Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.45-68.
  • Giodan, A. Host, V., Tesi, D. et Gagliardi, R. (1987). Histoire de la biologie. Tome 2. Chapitre 2 : Le concept de fécondation. Editions Technique et Documentation - Lavoisier, pp.217-279.
  • Duris, P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de la vie. Première Partie : Continuité et discontinuité de la nature. Editions Nathan, pp. 19-98.
  • Deparis, V. (2003). De la géographie antique à la géophysique actuelle, une histoire des idées. In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences, Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.13-26.
  • Savaton, P. (2011). Histoire des sciences et enseignement du modèle de la tectonique des plaques. Revue RDST n° 3 : Didactique des sciences et histoire des sciences, p. 107-126
  • Marx, W. & Bornmann, L. (2013). The emergence of plate tectonics and the Kuhnian model of paradigm shift: a bibliometric case study based on the Anna Karenina principle. Scientometrics 94:595–614.

Tentative de catégorisation empirique des usages didactiques de l'histoire des sciences

  • expliquer la dynamique des sciences (controverses et débats entre pairs)
  • montrer comment se construisent les concepts
  • montrer la nature des sciences
  • expliquer le lien entre sciences et techniques
  • montrer le lien entre pratiques et représentations scientifiques et sociopolitiques
  • éduquer à la santé à travers l'histoire des normes, des pratiques et règles d'hygiène
  • développer la culture enseignante
  • accompagner la pratique enseignante (en lien avec une théorie de la connaissance liant ontogène et phylogenèse scientifique (Piaget, 1970))
  • développer des approches didactiques interdisciplinaires

Introduction

Selon Thouin, M. (2007), la perspective historique est peu présente dans l'éducation scientifique, et parfois même rejetée, comme en témoigne le fait que, dans les manuels scolaires, l'histoire des sciences et des techniques, quand elle est présente, se limite souvent à de brefs encadrés accessoires, presque décoratifs (voir aussi Savaton, 2011; Urgelli, 2012). Pour cet auteur, l'approche historique serait un outil didactique permettant une évolution des conceptions individuelles dans une perspective constructiviste, mais également permettant de saisir la nature des sciences et des techniques et de développer une culture humaniste. Plus précisement, l'histoire des sciences pourrait :

  1. permettre d'anticiper les difficultés conceptuelles des élèves et des enseignants
  2. leur faire réaliser que les idées et les représentations qu'ils doivent remettre en cause sont souvent les mêmes que celles que les scientifiques d'autrefois durent eux aussi remettre en question
  3. établir des liens entre plusieurs matières scolaires, notamment celles qui relèvent de l'univers social
  4. enrichir la culture générale des élèves et des enseignants
  5. faire réflechir sur la nature de l'activité scientifique et technique
  6. tenir compte du contexte et de l'origine de la production de concepts, de lois et de théories pour mieux les comprendre et en saisir l'intéret et la nécessité socioscientifique
  7. établir des liens entre l'histoire des découvertes et inventions et la vie de tous les jours
  8. tenir compte des pratiques sociales de référence (recherche appliquée, ingénierie, production industrielle ou artisanale, activités domestiques, conflits armés, etc...) dans le développement historique des sciences
  9. questionner les valeurs sur lesquels s'appuient les sciences et les techniques et s'arrêter sur les questions éthiques qui jalonnent leur développement aux cours des siècles.
  10. saisir les impacts et les limites des sciences et des techniques
  11. montrer que les sciences sont une pratique humaine contextualisée.

Une théorie de la connaissance liant ontogène et phylogenèse ?

De nombreux didacticiens font un parallèle entre les représentations et logiques de raisonnement des élèves et une théorie scientifique d'une époque historique particulière. S'il n'y a aucun sens à chercher un parallèle de ce type, en raison de la différence des contextes culturels et matériels, et à affirmer que la pensée des élèves évolue en suivant un cheminement historique, il est néanmoins possible de dégager des difficultés récurrentes et de montrer que durant les apprentissages, les élèves butent sur des obstacles analogues à ceux rencontrés autrefois par les scientifiques lors de l'élaboration d'une théorie scientfique (Maurines, 2003, p.111-112). Selon Maurines (2003), la connaissance de ce parallèle pourrait guider l'utilisation des textes historiques en classe.

Quelle(s) histoire(s) des sciences ?

Il est souvent révélateur de comparer une histoire des sciences écrite par un historien français avec celle écrite par un historien britannique, allemand ou américain (voir à ce titre l'histoire de la tectonique des plaques, vue par Deparis (2003) ou par Marx et Bornmann (2013)) : les découvertes et les inventions sur lesquelles on insiste, de même que les scientifiques auxquels on les attribue, ne sont pas toujours les mêmes ! L'histoire des sciences est élaborée par l'esprit humain et n'est en aucune façon objective, universelle ou intemporelle (Thouin, 2007, p.446).

Les stratégies proposées dans l'enseignement des sciences

Pour Thouin (2007, p.447), les activités didactiques centrées sur l'utilisation de l'histoire des sciences consistent souvent à examiner un schéma, une photographie, ou un document vidéo, à effectuer une visite, à observer des objets ou des êtres vivants et à effectuer une manipulation avec du matériel ou une simulation avec un ordinateur. Habituellement, certains exercices consistent à se documenter pour répondre à une question et une recherche sur une "bonne encyclopédie" ou sur un site web. D'autres exercices consistent aussi à discuter d'une question en groupe-classe et à répondre à une question ouverte qui implique la recherche des meilleures solutions ou approches possibles en fonction d'un matériel le plus souvent suggéré.

On pourrait proposer un enseignement permettant l'intégration de plusieurs matières scolaires et centrée sur la biographie d'un personnage historique. Pour Thouin, Il serait alors intéressant de montrer aux élèves que les sciences et les arts sont intimement liés à certaines époques, comme en témoigne le souci de beauté et d'esthétique de certains instruments de mesure. On remarquera les qualités artisitiques d'anciens instruments tels que les cadrans solaires, les astrolabes, les globes terrestres, les horloges, les microscopes ou les téléscopes. On pourra alors proposer aux élèves de fabriquer un instrument de leur choix (balance, girouette, sismographe, etc...) en leur demandant de respecter les critères scientifiques et techniques, mais aussi des critères artistiques et esthétiques, en s'inspirant par exemple d'un style gothique ou baroque, en vogue à certaines époques (Thouin, 2007, p.457).

Histoire des sciences et enseignement scientifique

Depuis plus de 150 ans, l'histoire des sciences, des savants et de leurs découvertes est revendiquée comme un auxiliaire pour l'enseignement scientifique. Dès 1850, l'étude de cette histoire est présentée commun un moyen de développer l'esprit d'invention des jeunes, leur culture générale et de collaborer avec d'autres disciplines scolaires à l'histoire des humanités. A partir de la réforme de 1902, les concepteurs de programme soutiennent que l'histoire des sciences permet d'illustrer la méthode scientifique et possède une valeur morale contre l'ignorance et le fanatisme. Dans les manuels scolaires, pour atteindre ces objectifs, on propose d'utiliser comme support pédagogique des expériences historiques par exemple sur les thèmes de la digestion ou de la circulation. Entre 1950 et 1960, les réformes proposent d'utiliser le cheminement des savants pour développer un enseignement scientifique fondé sur la méthode de la redécouverte de ce cheminement (voir, Gohau, G., 1987). Dès 1977, avec l'introduction d'un enseignement scientifique par problèmes et investigations, avec la formulation de questions à résoudre par l'observation et l'expérimentation, l'histoire des sciences se retrouve en annexe des approches didactiques et pédagogiques, comme un complément culturel : des noms de savants illustres et des expériences historiques (les premiers ayant parfois donné leur nom aux secondes), quelques vignettes et quelques lignes, parfois un document dans un exercice, mais toujours des textes sans contexte. Quelqu'un a un moment donné a fait telle ou telle expérience. Pourquoi ? Comment ? Ce n'est pas le propos (Savaton, 2011, p.120 ; voir aussi Urgelli, 2012 autour de l'enseignement de l'évolution en classe de troisième (MEN, 2008) et en classe de seconde (MEN, 2010)).

Comme le précisent Maurines et Beaufils (2011, p.275), dans les manuels scolaires, les éléments historiques sont peu nombreux et se présentent sous deux formes : des vignettes légendées par une date et présentant un savant célèbre comme un esprit hors norme ayant eu une intuition géniale, et des textes historiques associés à un questionnement portant sur la compréhension des contenus scientifiques en lien avec les connaissances notionnelles du programme. La complexité des activités scientifiques, leur dimension sociale et culturelle, n'est pas l'enjeu didactique. Même lorsque des controverses entre experts à propos de l'interprétation de certains phénomènes sont mises en scène, la dimension épistémologique de l'apprentissage des sciences est occultée par des enjeux d'apprentissage de connaissances associés à des démarches empirico-inductive et réaliste naïve des sciences même dans le cas où la dimension socilae du processus de construction des savoirs scientifiques est envisagée (Maurines et al. 2013). Une telle démarche risque soit de démotiver les élèves pour les carrières scientifiques en leur donnant l'impression que cette profession est inaccessible, soit de les conduire à de fortes désillusions lorsqu'ils rencontreront réellement l'activité scientifique.

Comme Maurines et al. (2011, 2013) et les représentants du courant anglo-saxon des NoS, je pense que faire acquérir aux élèves une image de la nature des sciences et des techniques comme un processus et une entreprise à dimension sociale et humaine, inscrite dans le contexte socioculturel d'une époque donnée, et obéissant à des normes et des procédures démonstratives et argumentatives définies collectivement et soumises à l'épreuve des faits empiriques (ce qui permet de démarquer la pensée scientifique d'autres domaines de pensée), est une enjeu d'éducation aux choix citoyens responsables. L'épistémologie est donc comprise ici comme un champ pluridisciplinaire d'étude des sciences, qui s'appuie sur l'histoire des sciences, mais aussi la sociologie, la philosophie et la psychologie des sciences. En considérant que les savoirs scientifiques sont le résultat d'activités réalisées au sein d'une communauté d'individus vivant dans un contexte socioculturel et temporel donné (Maurines et al., 2013), la vision des sciences que nous défendons est donc de type socioépistémologique.

En s'accordant sur ces enjeux d'éducation scientifique citoyenne, nous souhaitons dépasser la querelle entre une vision internaliste et rationnaliste d'une part, et une vision externaliste et relativiste d'autre part des sciences et de leurs avancées. Nous pensons également qu'une telle image de la nature des sciences peut contribuer à remotiver les élèves pour les sciences, à travers la dimension épistémologique de l'apprentissage des sciences, au delà de l'acquisition de concepts et de contenus scientifiques.

Pour Maurines et Beaufils (2011, p.281), l'activité scientifique peut être décrite autour de huit caractéristiques, dont certaines rappelant la vision des philosophes et historiens des sciences comme Merton et Kuhn. Et les auteurs proposent d'en travailler quelques unes à chaque niveau de la scolarité d'un élève, l'objectif étant de les aborder toutes au final pour contribuer à une image plus authentique de l'activité scientifique. La question de la généralisation de ces caractéristiques au cours des temps historiques doit être posée, sachant par exemple que l'interaction entre scientifiques au XVIIe siècle et actuellement n'est pas comparable, ou encore que le régime des sciences en société a évolué comme le montre Pestre (2006) ou Dominique Vinck.

l'activité scientifique est un lieu de controverses
1
les connaissances scientifiques obésissent à des critères de confrontation avec les faits d'observation et d'expérimentation, de cohérence interne, de simplicité et de puissance universelle et prédictive.
2
un scientifique ne travaille pas seul mais au sein d'une communauté qui contribue au controle des savoirs et des pratiques scientifiques construites
3
il y a une relation entre les questions techniques et l'évolution des idées
4
les connaissances scientifiques ont évolué au cours du temps par continuité et ruptures
5
des difficultés conceptuelles ont été rencontrées à une époque donnée
6
il y a interdépendance entre sciences et sociétés
7
il y a des relations entre sciences et croyances, entre savoirs, valeurs et actions
8
Huit caractéristiques de la nature des sciences, d'après Maurines et Beaufils (2011), en rouge des ajouts personnels
L'exemple de l'émergence du modèle de la tectonique des plaques depuis le XIXe et jusqu'au XXe siècle, permet d'illustrer bon nombre de ces caractéristiques

Selon nous, de tels choix didactiques et les objectifs éducatifs associés complètent ceux centrés sur les apprentissages notionnels et les pratiques strictement disciplinaires, même s'il reste à discuter la diversité des représentations des sciences véhiculées par les enseignants eux-mêmes à travers leurs pratiques didactiques : les enseignants ne sont pas conscients que l'un des enjeux de l'enseignement des sciences est de nature épistémologique et qu'ils transmettent inconsciemment une certaine image des sciences aux apprenants par leurs pratiques (par la façon d'articuler l'expérience et la théorie, de formuler les questions et les résultats, etc.) (Maurines et al. 2013). Dans l'enseignement des sciences, il faudrait donc distinguer des objectifs d'enseignement de connaissances de sciences et des objectifs d'enseignement sur (ou à propos) des sciences (Léna et al, . 2011 ; Maurines et al., 2013).

Pour Maurines et Beaufils (2011), la place donnée à l'HDS dans les pratiques enseignantes est minime et les éléments historiques introduits, notamment dans les ouvrages scolaires, renvoient à une image réductrice des sciences. Un tiers des enseignants de physique chimie du secondaire (Beaufils et al., 2010) sont favorables à l'introduction de l'histoire des sciences dans leurs cours et demandent qu'on les accompagne avec des documents pédagogiques (pour leurs élèves et pour leur propre formation) et des pistes de stratégies pédagogiques. D'après Maurines et Beaufils (2011, p.288), certains enseignants sont réticents estimant que le "niveau des élèves" ne leur permet pas de se livrer à des activités documentaires imposant une lecture critique et interdisciplinaire. Comme probablement dans le cas de l'enseignement de l'effet de serre, cette réticence est selon moi associée à un vision réductrice des capacités de réception et de compréhension des publics, et à un modèle d'enseignement plutôt positiviste, qui conduit parfois certains scientifiques à estimer qu'une telle approche dans l'enseignement des sciences peut polluer un cours moderne en introduisant des idées obsolètes, tout à fait inutile et même dangereuses pour l'élève (R. Feynman cité par Hulin, 1996, p.1230). Cette réticence se retrouve également chez certains climatologues (Michel Petit) ou évolutionnistes (Pascal Picq), mais aussi chez certains "médiateurs de sciences" (Yann Arthus Bertrand) réticents à introduire dans l'enseignement des sciences des controverses récentes ou passées liées à l'évolution des idées scientifiques, par crainte de semer le doute dans l'esprit des jeunes. Cette crainte repose sur une vision singulière et homogène des publics scolaires, incapables de comprendre, de se positionner et hautement influençables.

Pour les concepteurs de programmes, le choix d'introduire l'HDS dans l'enseignement peut faciliter l'apprentissage de connaissances scientifiques. L'évaluation de la pertinence de ce choix reste encore en cours d'exploration. Maurines et Beaufils (2011) estiment que la place de l'HDS dans l'enseignement est liée à deux enjeux éducatifs :

  1. donner gout aux sciences et aux métiers scientifiques, pour lutter contre la désaffection des filières scientifiques (p.273) ;
  2. acquérir une culture humaniste permettant de travailler l'image de la nature de l'activité scientifique et une vision du développement des sciences et des techniques, dans le cadre d'une interdisciplinarité scolaire. ;
  3. appuyer des démarches didactiques constructivistes permettant de comprendre ce que sont les sciences, notamment les démarches inductives ou hypothético-déductives de modélisation.

Dans les programmes 2010 de la classe de seconde, en sciences physiques et chimiques, et en sciences de la vie et de la Terre, Maurines et al. (2013) ont construit une grille d'analyse qualititative des représentations de la nature des sciences dans les prescriptions officielles et les préambules des programmes. En se référant à la fois aux travaux français sur les pratiques sociales de rétérence (Martinand, 1986) et aux travaux anglosaxons sur la nature des sciences (Mc Comas et Olson, 1998 ; Irzik et Nola, 2011 ; Lederman, 2007), cette grille comporte 9 critères définissant a priori la nature des sciences, de manière socioépistémologique, en s'intéressant notamment à la manière dont sont évoqués :

  1. les objets d'étude des sciences (le réel, la nature,...)
  2. les visées et les valeurs des sciences (décrire la nature, accéder à la beauté des lois, élever l'esprit humain, etc...)
  3. les ressources utilisées par les sciences (utilisation des TIC,...)
  4. les produits des sciences (des questionnements, des connaissances,...)
  5. les processus de l'élaboration scientifique (activité expérimentale, le laboratoire, les mesures, la modélisation numérique,...)
  6. le fonctionnement de la communauté scientifique (collaboration entre des hommes et des femmes, travail d'équipe pluridisciplinaire, controverses,....)
  7. les interactions entre sciences et société (question d'éthique, expertise, lien avec les pratiques artistiques,....)
  8. les attitudes scientifiques (composante affective : curiosité, humilité, composante cognitive : esprit critique,....)
  9. la temporalité de l'activité scientifique (évolution avec le temps, dans un contexte sociohistorique donné,....)

Les quatres grands aspects de la nature des sciences présentés par Mc Comas et Olson, 1998 sont d'ordre :

  1. philosophique : la science ne finira jamais, vise l'objectivité, à des limites inhérentes à son activité,...
  2. historique : le temps social de la recherche, avec les controverses et les paradigmes, les écoles de pensée affectées par les contextes sociopolitiques,....
  3. sociologique (internaliste avec une vision communautaire des sciences, ou externaliste avec une vision socioscientifique) : la science est une activité culturelle, elle prend des décisions éthiques, ....
  4. psychologique : honnéteté, créativité,...

L'analyse de Maurines et al, 2013 montre que l'image des sciences dans les tableaux des contenus d'enseignement se limite à certaines dimensions de la grille, alors que les préambules renvoient à une image plus riche de la nature des sciences. Ils estiment que sans directives précises dans les contenus d'enseignement, il y a un risque d'absence de prise en charge de toutes les dimensions de la nature des sciences dans les pratiques, comme le montre Pelissier (2011). Si l'on souhaite que les représentations des élèves sur la nature des sciences évoluent et qu'elles leur permettent de penser et de discuter les pratiques scientifiques actuelles, il y a nécessité d'expliciter les connaissances attendues sur la nature des sciences, et ne pas considérer qu'elles seront simplement des retombées secondaires des activités mises en oeuvre lors de l'enseignement scientifique classique.

D'un point de vue des stratégies d'enseignement, on pourrait par exemple coupler des expériences en classe et un travail sur des textes, mettant par exemple l'acccent sur le processus de validation d'un modèle par la confrontation de la réalité avec les faits d'observations et d'expérimentations. Il s'agirait d'aboutir à une phase d'institutionnalisation à la fois des concepts et de la nature des sciences et des pratiques (Maurines et Beaufils, 2011, p.284).

On pourrait également, sur l'exemple du réchauffement climatique, s'intéresser à l'histoire des modèles liés à la compréhension des risques climatiques (Urgelli, 2005). Comme dans l'exemple de l'histoire de la tectonique des plaques, on peut également utiliser les travaux historiographiques (Marx & Bornmann, 2013), en prenant en compte le fait que la juxtaposition de figures modernes et passées est criticable, dans la mesure où elle peut laisser penser que les préoccupations scientifiques n'ont pas évolué et sont indépendantes des contextes sociaux. L'enjeu ici est de lutter contre l'image du scientifique isolé ayant eu une idée géniale, comme c'est souvent le cas dans les ouvrages à visée didactique, à propos de Wegener ou de Darwin (Urgelli, 2012). L'élaboration d'un modèle scientifique n'est pas un phénomène ponctuel mais un épisode historique étendu dans le temps et mettant en scène différents acteurs et contextes. On montre également les interactions entre avancées techniques et évolution des idées et des connaissances, mais également la place des pratiques scientifiques dans les contextes géopolitiques d'une époque donnée.

Comme le précise Savaton (2011), en 1996, dans l'enseignement de sciences physiques et chmiques, puis en 2000 pour les sciences de la vie et de la Terre, l'utilisation de l'histoire des sciences réapparait en annexe des instructions officielles, pour son rôle culturel. On invite les enseignants à proposer l'étude de documents historiques. Dans le programme de collège de l'année 2005, la pratique de démarches historiques dans l'enseignement des sciences est clairement explicitée comme support de la démarche d'investigation, Les approches didactiques se centrent sur l'étude de la digestion, la circulation sanguine mais aussi de l'évolution, de la découverte des antibiotiques ou du modèle de la tectonique des plaques. La réforme 2010 de l'enseignement scientifique en classe de seconde puis classe de première S, confirmera la volonté d'utilisation de l'histoire des sciences pour construire ou illustrer la démarche d'investigation.

L'histoire des sciences a souvent été revendiquée comme un outil pour faire de l'épistémologie des sciences et expliquer la nature et la dynamique des sciences, mais sans succès. Savaton (2011, p.108-109 et 123) pense qu'il est nécessaire de rapprocher la didactique des sciences de la démarche historique pour s'éloigner d'une approche historique jugée au service d'une épistémologie scolaire discutable. En effet, l'instrumentalisation de l'histoire des sciences comme auxiliaire à l'enseignement scientifique apparait dans la sélection de certains étapes de cette histoire, des étapes jugés a posteriori comme significatives, et utilisées pour soutenir une théorie, le plus souvent sans mise en contexte socioscientifique et politique de cette histoire. Dans ce cas, c'est une vision linéaire et progressive de l'histoire des sciences qui s'exprime dans les instructions officielles. Par exemple, en classe de première S (programme 2011), en partant du modèle actuel de la tectonique des plaques, les concepteurs du programme ont déterminé des étapes conceptuelles qu'ils ont ensuite recherchées historiquement. C'est une reconstruction de l'histoire qui est proposée, au service d'une démonstration [...] d'une narration de la science. L'histoire des sciences permettrait dans ce cas de montrer qu'un modèle scientifique est une construction qui s'affine et se précise au cours du temps. Par sa valeur prédictive, le modèle accompagnerait la découverte de faits nouveaux, souvent conditionnée par les progrès techniques. En retour, ces faits nouveaux permettraient l'évolution du modèle et son perfectionnement. L'histoire des sciences devient ici un outil au service de cette épistémologie scolaire particulière.

Mais comment faire autrement ?....

Quelle épistémologie scolaire dans l'utilisation de l'histoire des sciences ?

Pour Dorier (2000, cité par Cariou, 2011, p.84), l'analyse des mécanismes de l'élaboration scientifique par les épistémologues repose sur des études d'histoire des sciences qui peuvent constituer une assise pour la recherche en didactique. L'épistémologie peut donc faire le lien entre le travail historique et le travail didactique.

Bacon (1605, cité par Cariou, 2011, p.83) fut un des premiers à recommander un rapprochement entre histoire des découvertes et enseignement, pour aider à comprendre comment les savoirs ont été découverts. Par la voie inductive, il estime que le professeur doit suivre la voie du savant et monter progressivement, à partir d'expériences et d'observations, vers les axiomes élevés pour lesquels un saut intellectuel final demeure cependant nécessaire. Pour Descartes, la voie partant de l'expérience est souvent trompeuse et il préfère la voie de la déduction à partir de l'enchainement de faits et de causes imaginées. La troisième voie rationnelle serait celle de l'hypothético-déductif, soutenue par Hooke et Rohault (1670-1680). Mais avec Newton, les hypothèses seront bannies des proclamations des savants (mais pas dans la recherche) et on ne parlera plus que d'induction, tellement assuré par ce que Newton prétend « déduire des faits ». La troisième voie sera barrer pendant près de deux siècles. Mais en 1835, la méthode des hypothèses reviendra dans l'histoire des sciences avec Comte qui estime qu'elles sont strictement indispensables pour arriver à la vérité. Pourtant Cuvier (1843), qui dit respecter les faits, déclare qu'une des qualités les plus précieuses pour un savant est sa haine des hypothèses. Il s'oppose alors aux suppostions de Geoffroy Saint Hilaire et de Lamarck sur le plan d'organisation des animaux et sur le transformisme.

En 1840, Whewell anticipera les vues de Popper au XXème sicèle (1934) en affirmant que former des hypothèses, puis se donner beaucoup de peine et déployer beaucoup d'habilité pour les réfuter [...] est la règle chez ceux qui ont le génie de la découverte (Whewell, 1840, p.221, cité par Cariou, 2011, p.90). L'idée scientifique est une idée directrice et non une idée fixe (Canguilhem, 1968, p.233).

Claude Bernard, pourtant nettement en faveur des hypothèses, sera compris comme un défenseur de l'observation, alors qu'il considère qu'une recherche expérimentale a pour point de départ ou bien une hypothèse (ou une théorie), ou bien des observations qui n'entrent pas dans les idées admises (des observations polémiques). Pour Canghuilhem (1942), l'épistémologie contemporaine ne connait ni les sciences inductives, ni les sciences déductives [...] Elle ne connait que des sciences hypothético-déductives [...] Il faut la raison pour faire une expérience et il faut l'expérience pour se faire une raison.

Pourtant, si la nuit des hypothèses a pris fin dans l'histoire des sciences, dans l'enseignement des sciences expérimentales, la mise en histoire des découvertes s'accompagne encore d'une vision inductiviste et empiriste des sciences et de leur pratique. Cette épistémologie spontanée, comme le précise Bachelard (1932), conduit à une étrange pédagogie selon laquelle il suffirait de voir pour comprendre. La vision empiriste et inductive suppose que la découverte partirait des faits perceptibles independamment d'idées préconcues et/ou de théories et de tels faits permettraient de générer des concepts. Dans l'enseignement scientifique, selon le présupposé inductiviste (Joshua et Dupin, 1993), que certains qualifient d'épistémologie spontanée (Demounem et Astolfi, 1996), de pédagogie de l'évidence (Rumelhard, 2000) ou encore de norme scolaire (Astolfi, 2002), des observations et des expérimentations découleraient les notions scientifiques.

C'est probablement avec Cuvier, puis avec le chimiste Dumas (1836) que la méthode inductiviste a été transposée en classe, avec une déclaration de confiance sans bornes accordée à l'expérience, et de soumission aveugle à la puissance des faits. En 1902, les réformateurs sont des promoteurs de l’induction, ce que déplore Duhem, et cette tension se fera sentir jusqu'aux temps présents (Hulin, 2000). En sciences naturelles, dans les années 1950, les inspecteurs généraux comme Obré et Campan s'opposeront sur la place des hypothèses dans les apprentissages de sciences, comme au XVIIe siècle, alors qu'apparaissent les problèmes à résoudre et la recommandation d'un style d'enquête ou de redécouverte (circulaire sur les méthodes de l'enseignement du Second degré, 6 octobre 1952). De son côté, Canguilhem affirmera que le seul savoir authentique est une rectification de l'erreur.

En didactique des sciences, Gohau (1965), élève de Canguilhem, s'élève contre la pédagogie de la redécouverte et de l'inductivisme qui, à partir d'expériences présentées à des élèves, entend les conduire à la lumière d'une théorie qu'on ne peut appréhender par l'expérience que si on connait cette théorie. Dans le cas contraire, les risques de dogmatisme et de faux dialogue sont forts, Et Gohau (1987) insiste sur la nécessité de prise d'initiative authentique par l'élève. Alors que parait la logique de la découverte scientifique de Popper (1973), Astolfi, Giordan et Rumelhard déclarent que l'histoire des sciences montre bien qu'il n'existe pas de connaissance réelle si un problème ne s'est pas posé. Ces auteurs préconisent un débat de nature épistémologique avec les élèves. La démarche expérimentale OHERIC est dénoncée pour son aspect stéréotypée, et les didacticiens proposent de prendre appui sur l'histoire des découvertes scientifiques pour le démontrer et mettre en place une autre épistémologie scolaire dans les classes de sciences. Astolfi (1990) et Rumelhard (2000) feront pourtant le constat de la prédominance d'un enseignement scientifique essentiellement opératoire et manipulatoire, observation-problème-activité-conclusion (OPAC, selon Cariou, 2011, encore pire qu’OHERIC car il n’y a même plus le H !), qui traduit une extension de la nuit des hypothèses dans l'enseignement, probablement liée à la peur (ou le manque d'intérêt) qu'ont certains enseignants face à la diversité et à la complexité des hypothèses des élèves. La tradition épistémologique rappelle donc une histoire séculaire.

Les parallèles entre les conceptions des savants du passé et celles des élèves ont conduit à des débats sur la notion de récapitulation, avec un parallèle entre développement historique et développement individuel de la connaissance. En didactique des sciecnes, cette récapitulation fonctionne dans certains cas, à condition de ne pas la prendre trop au sens strict. Il faut reconnaitre qu'elle peut contribuer à préparer les enseignants à l'expression et l'identification de conceptions spontannées chez les élèves, à ne pas les réprimer ou les éviter, par peur ou par mépris.

Donner aux élèves une image plus authentique de la nature des sciences devient donc un objectif primordial, à travers le dépassement de la position empirico-inductiviste dominante chez les enseignants de sciences. Comme le précise Gray & Bryce (2006, p. 186) :

We can no longer accept that science education is treated as if it is only a body of facts or formulae to be delivered, or even artificially discovered through laboratory-based practical experiments and experiences. This awareness […] requires greater emphasis on discussion and appreciation of values, risks and uncertainties in relation to those aspects of science which have the greatest potential impact on society, culture and environment. School science must reflect modern thinking about nature of science and it should give young people confidence to engage in political debate about SSI and related ethical reasoning.

Pour Cariou (2011), il faudrait utiliser des textes historiques pour analyser et éclairer les démarches scientifiques tortueuses, plutôt que les découvertes présentées comme résultant d'une approche empirique, souvent réarrangée et sans rapport avec leur contexte sociohistorique. L'histoire d'une science ne saurait etre une simple collection de biographies [...] Elle doit être une histoire de la formation, de la déformation et de la rectification des concepts scientifiques (Canguilhem, 1968, p.235). Il faudrait également s'intéresser à l'élaboration de séquences favorisant le jeu des hypothèses et de leur contrôle, en insistant non sur l'exactitude a priori de l'hypothèse, mais plutot sur sa recevabilité et sa cohérence. L'enjeu est encore le même : faire pénétrer les élèves dans les rouages révélateurs de la nature des sciences.

Dans sa recherche, Cariou (2011, p.99) propose ainsi, en s'inspirant de Schwab (1962), une grille d'évaluation de l'authenticité d'une démarche d'investigation scientifique autour de 10 critères, dont plusieurs sont associés à des phases de débats argumentés entre les élèves à propos par exemple du problème à résoudre (C1), de l'examen des hypothèses (C4) et des activités proposées (observations, expériences, documents, etc...) (C7), puis de la discussion des interprétations (C9) et de l'établissement de conclusions (C10). L'enjeu est selon lui d'éviter les travers habituels des démarches d'investigation en classe. Durant les phases C1 ou C4, des documents historiques pourraient être introduits pour discuter des hypothèses ou des expériences proposées par certains élèves, ou pour en fournir d’autres sur lesquelles réfléchir.

Mais, selon moi, cette utilisation de l'histoire des sciences proposée par Cariou, qui vise à vivre en classe des cheminements semblables à ceux des chercheurs (à travers des idées recevables à tester), toutes proportions gardées, doit se méfier d'une vision trop internaliste de l'investigation scientifique et d'une théorie récapitulative de la connaissance. Les stratégies proposées dans le cadre de cette démarche d'investigation doivent aussi faire le lien avec les contextes socioculturelles d'une époque, permettant d'expliquer le fait que les démarches scientifiques sont parfois tortueuses et que le jeu des hypothèses est parfois empreint d'idéologies et de valeurs. Cariou estime que ce n’est pas à l’occasion d’une démarche d’investigation en classe que cela pourra aisément être abordé avec les élèves mais plutôt lors de démarches historiques qui leur permettent, à partir de textes historiques, de repérer à la fois les facteurs internes et externes en jeu – par exemple les idéologies et la religion en jeu lors de la « querelle du vide » au XVIIe siècle (communication personnelle, mai 2013). Selon moi, c'est un point qui reste à discuter...

L'épistémologie des sciences vue par les scientifiques....

Dans l'ouvrage 10 notions clés pour enseigner les sciences (2010), la fondation La Main à la pâte propose d'enseigner 4 idées sur la science, que l'on peut comparer avec celles définies par le courant anglo-saxon qui travaille sur l'enseignement de la nature des sciences :

1. La science présume que chaque effet observé possède une ou plusieurs causes.
2. Les explications scientifiques, les théories et les modèles constituent la meilleure représentation possible des faits qui sont connus à un moment donné.
3. Les connaissances produites par la science sont utilisées dans les techonlogies afin de créer des produits qui servent des buts définis par l'homme
4. Les applications de la science ont, bien souvent, des implications éthiques, sociales, économiques et politiques.

THEMES
about the nature of science
Educational aims :
Students should be taught that...
Science and Questioning
an important aspect of the work of a scientist is the continual and cyclical process of asking questions and seeking answers, which then lead to new questions. This process leads to the emergence of new scientific theories and techniques which are then tested empirically.
Status of Scientific Knowledge
scientific knowledge produces reliable knowledge of the physical world [...], general and universal [...].
Scientific explanations are based on models and representations of reality.
Hypothesis and Prediction
scientists develop hypotheses and predictions about natural phenomena. This process is essential to the development of new knowledge claims.
Science and Creativity
science is an activity that involves creativity and imagination as much as many other human activities, and that some scientific ideas are enormous intellectual achievements. Scientists, as much as any other profession, are passionate and involved humans whose work relies on inspiration and imagination.
Science and Certainty
why much scientific knowledge, particularly that taught in school science [and school texts], is well-established and beyond reasonable doubt, and why other scientific knowledge is more open to legitimate doubt. Current scientific knowledge is the best we have but may be subject to change in the future, given new evidence or new interpretations of old evidence.
Observation and Measurement
observation and measurement are core activities of scientists; most measurements are subject to some uncertainty but there may be ways of increasing our confidence in a measurement.
Analysis and Interpretation of Data
the practice of science involves skilful analysis and interpretation of data. Scientific knowledge claims do not emerge simply from the data but through a process of interpretation and theory building [...]. It is possible for scientists legitimately to come to different interpretations of the same data, and therefore, to disagree.
Diversity of Scientific Thinking
science uses a range of methods and approaches and that there is no one scientific method or approach.
Science and Technology
although there is a distinction between science and technology, the two are increasingly interdependent as new scientific discoveries are reliant on new technology and new science enables new technology
Cooperation and Collaboration in the Development of Scientific Knowledge
scientific work is a communal and competitive activity. Whilst individuals may make significant contributions, scientific work is often carried out in groups, frequently of a multidisciplinary and international nature. New knowledge claims are generally shared and, to be accepted by the community, must survive a process of critical peer review. developments in scientific knowledge are not undertaken in isolation, but may be shaped by particular contexts.
Constraints on Development of Scientific Knowledge
scientific knowledge is developed within the context of a range of constraints that may shape it and its uses. scientific research is undertaken in a variety of institutions by individuals who have differing social status within the scientific community. Scientists generally have expertise only in one specific subdiscipline of science
Urgelli (2013), d'après Bartholomew, H., Osborne, J.F., Ratcliffe, M. (2002) et Osborne J., Collins S, Ratcliffe M., Millar R., Duschl R. (2003).

Dans l'ouvrage La didactique des sciences (Astolfi et Develay, 2005, p.27), la question du lien entre épistémologie et didactique est présentée sous la forme d'un tableau qui récapitule douze caractéristiques d'une épistémologie contemporaine des sciences et le questionnement didactique correspondant. J'ai retenu 10 de ces caractéritiques (colonne de droite). Le recours à l'histoire des sciences, sur le long et le court terme (actualité scientifique), semble être une piste didactique privilégiée :

Epistémologie contemporaine des sciences
Questionnement didactique correspondant dans l'enseignement des sciences
La démarche scientifique de type OHERIC n'est pas la méthode de la recherche scientifique. C'est une version simplifiée qui ne rend pas compte du caractère foisonnant et imprévisible de la démarche.
  • Comment enseigner la démarche scientifique de manière non dogmatique ?
Les faits en sciences prennent leur sens par rapport à un système de pensée préexistant.
  • Comment présenter les faits en montrant qu'ils ont donné naissance à des interprétations diverses au cours de l'histoire, en fonction de l'état de pensée de l'époque ?
La construction des concepts s'effectue par rectifications successives et dépassements d'obstacles épistémologiques.
  • Comment montrer les différents obstacles qui furent franchis au cours de l'histoire d'un concept ?
La production scientifique ne se limite pas à sa version actuelle et elle n'est pas finie.
  • Comment montrer les enjeux et les voies de recherche actuels des concepts enseignés ?
La construction scientifique ne correspond pas à la recherche d'un idéal de vérité, sans lien avec le fonctionnement des sociétés humaines (Giere, 1999)
  • Comment montrer les enjeux actuels et passés des recherches scientifiques ?
Les concepts scientifiques sont des réponses à des problèmes.
  • Comment construire un enseignement scientifique en relation avec la résolution scientifique de problèmes ?
Un concept scientifique a un pouvoir explicatif et prédictif
  • Comment montrer la fonction prédictive d'un concept scientifique ?
Le pouvoir explicatif et prédictif d'un concept scientifique s'exprime à l'intérieur de domaine de validité borné
  • Comment montrer les bornes de validité d'un concept scientifique ?
Les lois scientifiques ne considèrent souvent que la cause la plus importante pour expliquer une situation donnée.
  • Comment introduire le doute dans les explications scientifiques ?

Les théories sont modélisées et le modèle n'et qu'une construction figurée abstraite du réel. Il n'est en aucun cas le réel.



A model of scientific reasoning (Giere, 2006, p.29)

Voir aussi Roqueplo, P. (1974)

  • Comment introduire dans l'apprentissage des sciences les mécanismes d'élaboration d'un modèle, les limites de ce modèle, ce qu'il permet d'expliquer et ce qu'il n'explique pas ?

A partir de l'approche historique du concept de fécondation (pp. 10-15), Astolfi et Develay (2005) précisent que l'historie des idées, plus que l'histoire des hommes, renseigne sur la production des savoirs savants. Pour Canguilhem (1968), "cette histoire ne peut plus être une collection de biographies ni un tableau des doctrines, à la manière d'une histoire naturelle. Ce doit être une histoire des filiations conceptuelles. [...] cette filiation a un statut de discontinuité [...] A vouloir obtenir des filiations sans rupture, on confondrait toutes les valeurs, les rêves et les programmes, les pressentiments et les anticipations ; on trouverait partout des anticipateurs de tout".

Mais comment enseigner une telle épistémologie ?

Pour Astolfi et Develay (2005), l'épistémologie scolaire proposée dans l'apprentissage des sciences doit etre remise en question, sur plusieurs points :

1. La méthode de la recherche scientifique qui s'appuie sur le schéma OHERIC, schéma qui fonde la démarche d'exposition des sciences expérimentales, est un raccourci et une reconstruction intellectuelle a posteriori. Le BOEN spécial n° 4 du 29 avril 2010 (p.3) commente la méthode d'investigation en ces termes : "Il est d’usage de décrire une démarche d’investigation comme la succession d’un certain nombre d’étapes types :

- une situation motivante suscitant la curiosité,
Observations
- la formulation d’une problématique précise,
- l’énoncé d’hypothèses explicatives,
Hypothèses
- la conception d’une stratégie pour éprouver ces hypothèses,
Experimentations
- la mise en œuvre du projet ainsi élaboré,
- la confrontation des résultats obtenus et des hypothèses,
Resultats - Interpréstations
- l’élaboration d’un savoir mémorisable,
Conclusions
- l’identification éventuelle de conséquences pratiques de ce savoir.

Ce canevas est la conceptualisation d’une démarche type. Le plus souvent, pour des raisons variées, il convient d’en choisir quelques aspects pour la conception des séances [...] Cette démarche constitue le cadre intellectuel approprié pour la mise en œuvre d’activités de laboratoires, notamment manipulatoires et expérimentales, indispensables à la construction des savoirs de la discipline."

2. En référence à Bachelard, Canguilhem et Dadognet, il apparait que le progrès scientifique et la construction de concepts ne s'élabore pas de manière continue, par accumulation progressive de connaissances et de contributions personnelles, allant toutes dans le même sens d'une clarification d'un réel préexistant, qu'un manque de méthodes ou de techniques empêcheraient de découvrir. Des ruptures et des obstacles épistémologiques sont révélés par l'étude de l'histoire des sciences (voir les travaux de Kuhn (1975) par exemple sur les révolutions scientifiques et les changements de paradigme, qu'il considère comme des modèles communs à tout un ensemble de disciplines, à un moment donné de leur histoire). Bachelard propose ainsi une véritable psychanalyse de la connaissance pour mettre à jour ces obstacles. La connaissance scientifique est ainsi pensée en terme de rupture avec la pensée subjective et commune. C'est cette vision qui oriente d'ailleurs les approches didactiques inspirées par les travaux de Giordan visant à dépasser les représentations des élèves que l'on considère ta priori comme éloignées de toute rationnalité (modèle allostérique de l'apprentissage : faire avec pour aller contre), .

3. La notion de fait doit également être réinterrogée : le but des sciences est une description aussi exacte que possible des faits observés ou produits expérimentalement. Mais les faits n'ont de sens que par rapport à un système de pensée, un paradigme, une théorie préexistante. Un fait peut etre ainsi considéré et interprété différemment suivant les contextes socioscientifiques et les époques, tout comme l'importance qu'on lui apporte. Pour qu'un fait soit accessible et intégré à l'analyse, il ne suffit pas de l'observer : il faut qu'une théorie soit prête à l'accueillir (voir ici par exemple l'évolution des idées sur l'ophiolite du Chenaillet, Urgelli, 2010).

4. Les concepts scientifiques sont associés et opérationnels en relation avec un problème et un contexte donné. Ils prennent des sens différents et sont associés à des niveaux de formulation différente en fonction des contextes. Par exemple, dans le contexte d'une formation de secouristes par exemple, ou dans le langage courant, la respiration est considérée et formulée comme un mécanisme de ventilation (inspiration-expiration) et les autres niveaux de formulation (échange gazeux pulmonaire, oxydation cellulaire ou encore oxydo-réductions mitochondriales) ne sont pas opérationnels dans ce contexte.

(R)évolution scientifique ?

Pour la seconde moitié de XIXe siècle, Pestre (2006) considère que la chimie, la télégraphie, l'électricité, la radio sont des cas d'école. Par exemple, Kelvin, philosophe de la nature au Royaume Uni, et Maxwell contribueront directement, techniquement et théoriquement, au projet impérial de réseau de cables télégraphiques transatlantiques, via l'Association britannique pour l'avancement des sciences. En relation avec les compagnies qui posent ces cables, leur but était de faire progresser les savoirs mais dans le même mouvement de développer des techniques permettant de gagner de l'argent et de contribuer à la puissance de l'empire dans sa lutte commerciale et militaire contre les autres nations. Les mêmes acteurs circulent donc entre plusieurs mondes. Pour Pestre, ce moment qu'on a appelé révolution scientifique est un moment de fondation et d'invention d'une science moderne marquée par le souci de l'opérationnalité et de la maitrise, via l'expérience controlée et la mathématisation. Dès lors, il n'est plus de science pure qui vive séparée du monde et la dynamique devient principalement socioscientifique.

On pourrait également décrire cette dynamique socioscientifique à partir de l'exemple des géophysiciens américains impliqués dans l'exploration de fonds océaniques dans les années 1960. En pleine guerre froide et à la suite de la troisième année polaire internationale (Année Internationale de la Géophysique, 1957-1958), la théorie de l'expansion des fonds océaniques obtiendra rapidement la robustesse qu'on lui connait actuellement....

Quelle(s) histoire(s) des sciences ?
ETUDE D'UN EXEMPLE : LA MODELISATION DE LA DYNAMIQUE DES PLAQUES

Benoît Urgelli
last up-date : 29 janvier, 2013

Il est souvent révélateur de comparer une histoire des sciences écrite par un historien français avec celle écrite par un historien britannique, allemand ou américain (voir à ce titre l'histoire de la tectonique des plaques, vue par Deparis (2003) ou par Marx et Bornmann (2013)) : les découvertes et les inventions sur lesquelles on insiste, de même que les scientifiques auxquels on les attribue, ne sont pas toujours les mêmes ! L'histoire des sciences est élaborée par l'esprit humain et n'est en aucune façon objective, universelle ou intemporelle (Thouin, 2007, p.446).

EXERCICE : En s'inspirant des documents ci-dessous, proposez une suite logique de mises en scène didactique (2 à 4 séances de classe pour des élèves de première S) de l'histoire des idées mobilistes et de la tectonique des plaques au cours des XIXe et XXe siècle. Ces mises en scène, tant que possible interdisciplinaires, viseront à montrer quelques aspects de la nature des sciences et de leur dynamique, en relation avec les contextes socioscientifiques et politiques de l'époque.
Les thèmes d'éducation scientifique citoyenne à développer dans vos séances sont indiqués dans le tableau ci-desssus (Urgelli, 2013). Vous préciserez clairement à quel(s) thème(s) se rapportent chacune de vos séances. Vous n'hésiterez pas à évoquer l'utilisation d'autres documents scientifiques et pédagogiques de votre choix, qui sembleraient utiles à ce projet didactique.

AVERTISSEMENT : votre approche doit permettre de penser les sciences en terme de savoir mais aussi de pratiques sociales (Martinand, 1982). Elle évitera une lecture temporelle et linéaire de l'histoire qui décontextualise le récit scientifique et permet uniquement de dresser une liste des grandes premières scientifiques. Une telle lecture, qualifiée d'histoire jugée, n'aide pas à comprendre la nature des sciences, leurs dynamiques et les choix des scientifiques au moment où ils sont en train de faire la science. Même s'il est pourtant difficile de ne pas être aussi un partisan de l'histoire jugée, un tel récit gére difficilement la dynamique multiforme et en rhizomes des sciences. D'après Pestre, D. (2006).

Document 1 : Instructions officielles

Programmes de l’enseignement de sciences de la vie et de la Terre au collège - Introduction commune
Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008, p.1.

La perspective historique donne une vision cohérente des sciences et des techniques et de leur développement conjoint. Elle permet de présenter les connaissances scientifiques comme une construction humaine progressive et non comme un ensemble de vérités révélées. Elle éclaire par des exemples le caractère réciproque des interactions entre sciences et techniques.

Programmes de l’enseignement de sciences de la vie et de la Terre au lycée
Bulletin officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010, p.2-4.

Si les connaissances scientifiques à mémoriser sont raisonnables, c’est pour permettre aux enseignants de consacrer du temps à faire comprendre ce qu’est le savoir scientifique, son mode de construction et son évolution au cours de l’histoire des sciences [...].
L'approche historique d'une question scientifique peut être une manière originale de construire une démarche d'investigation. L'histoire de l'élaboration d'une connaissance scientifique, celle de sa modification au cours du temps, sont des moyens utiles pour comprendre la nature de la connaissance scientifique et son mode de construction, avec ses avancées et éventuelles régressions. Il conviendra de veiller à ce que cette approche ne conduise pas à la simple évocation d'une succession événementielle et à ne pas caricaturer cette histoire au point de donner une fausse idée de la démonstration scientifique : si certains arguments ont une importance historique majeure, il est rare qu'un seul d'entre eux suffise à entraîner une évolution décisive des connaissances scientifiques ; de même, il serait vain de prétendre faire « réinventer » par les élèves, en une ou deux séances, ce qui a nécessité le travail de plusieurs générations de chercheurs.

Capacités et attitudes développées tout au long du programme de sciences de la vie et de la Terre au lycée
d'après le Bulletin officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010, p.7.

  1. Pratiquer une démarche scientifique (observer, questionner, formuler une hypothèse, expérimenter, raisonner avec rigueur, modéliser).
  2. Recenser, extraire et organiser des informations.
  3. Comprendre le lien entre les phénomènes naturels et le langage mathématique.
  4. Manipuler et expérimenter.
  5. Comprendre qu’un effet peut avoir plusieurs causes.
  6. Exprimer et exploiter des résultats, à l’écrit, à l’oral, en utilisant les technologies de l’information et de la communication.
  7. Communiquer dans un langage scientifiquement approprié : oral, écrit, graphique, numérique.
  8. Percevoir le lien entre sciences et techniques.
  9. Manifester sens de l’observation, curiosité, esprit critique.
  10. Être capable d’attitude critique face aux ressources documentaires.
  11. Montrer de l’intérêt pour les progrès scientifiques et techniques.
  12. Être conscient de sa responsabilité face à l’environnement, la santé, le monde vivant.
  13. Avoir une bonne maîtrise de son corps.
  14. Être conscient de l’existence d’implications éthiques de la science.
  15. Respecter les règles de sécurité.
  16. Comprendre la nature provisoire, en devenir, du savoir scientifique.
  17. Manifester de l’intérêt pour la vie publique et les grands enjeux de la société.
  18. Savoir choisir un parcours de formation.

Classe de Première S
La tectonique des plaques : l’histoire d’un modèle

Bulletin officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010, p.4-6.

Extraits des capacités et attitudes associées à cette partie du programme

Les grandes lignes de la tectonique des plaques ont été présentées au collège. Il s’agit, en s’appuyant sur une démarche historique, de comprendre comment ce modèle a peu à peu été construit au cours de l’histoire des sciences et de le compléter. On se limite à quelques étapes significatives de l’histoire de ce modèle. L’exemple de la tectonique des plaques donne l’occasion de comprendre la notion de modèle scientifique et son mode d’élaboration. Il s’agit d’une construction intellectuelle hypothétique et modifiable. Au cours du temps, la communauté scientifique l’affine et le précise en le confrontant en permanence au réel. Il a une valeur prédictive et c’est souvent l’une de ces prédictions qui conduit à la recherche d’un fait nouveau qui, suivant qu’il est ou non découvert, conduit à étayer ou modifier le modèle. La solidité du modèle est peu à peu acquise par l’accumulation d’observations en accord avec lui. Les progrès techniques accompagnent le perfectionnement du modèle tout autant que les débats et controverses.

NB - À partir de l’exemple de la tectonique des plaques, les élèves seront conduits à comprendre quelques caractéristiques du mode de construction des théories scientifiques.

  • Comprendre les difficultés d’acceptation des premières idées de mobilité […]
  • Comprendre comment des observations fondées sur des techniques nouvelles ont permis de dépasser les obstacles du bon sens apparent […]
  • Comprendre comment la convergence des observations océanographiques avec les mesures de flux thermique a permis d’avancer l’hypothèse d’une expansion océanique réactualisant l’idée d’une dérive des continents
  • Comprendre comment la corrélation entre les anomalies magnétiques découvertes sur le plancher océanique et la connaissance plus ancienne de l’existence d’inversion des pôles magnétiques confirma l’hypothèse de l’expansion océanique […]
  • Comprendre comment désormais des faits ne s’intégrant pas a priori avec le modèle initial (volcanisme intraplaque) permettent un enrichissement du modèle (théorie des points chauds) et non son rejet.
  • Corréler les directions et les vitesses de déplacements des plaques tirées des données paléomagnétiques avec celles déduites de l’orientation et des âges des alignements volcaniques intraplaques.

Autres documents :
voir le sujet proposé aux master d'enseignement secondaire de l'Université de Dijon (janvier 2013) : ci-joint au format pdf

How a new paradigm can be successful ?
The transition from a fixist to a dynamic view of the earth : english vision

Marx, W. & Bornmann, L. (2013). The emergence of plate tectonics and the Kuhnian model of paradigm shift: a bibliometric case study based on the Anna Karenina principle. Scientometrics 94:595–614.

Shortly before his death, Albert Einstein wrote the foreword to a book by Hapgood (1958) that was published in 1958. In the foreword, Einstein dismissed the notion of continental drift—the movement of Earth’s continents relative to each other—as a naive idea. As would be shown soon afterwards, Einstein had this time backed the wrong horse.

As a principle supplementing Kuhn’s theory, Marx & Bornmann (2013) proposed the Anna Karenina principle: a new paradigm can be successful only when several key prerequisites are fulfilled (e.g., verified by means of independent data and methods). If any one of these prerequisites is not fulfilled, the paradigm will not be successful.
Marx & Bornmann (2013) wanted to refine the method of historiography, so as to investigate scientific progress that can be called a scientific revolution following Kuhn (1962), empirically, based on publication and citation data.

In a paper titles, ‘‘What kind of revolution occurred in geology?,’’ Michael Ruse (1978, p. 259) stated : ‘‘My claim is that the revolution in geology was less abrupt than a Kuhnian would have it; more so than an evolutionist would have it". On the basis of a historiograph, Marx & Bornmann (2013) showed that the entire network of papers that were decisive for the paradigm shift was published over the course of a century. But the main occurrences are concentrated in the 1960s and 1970s. The very early works are connected with the later, most decisive papers, whereby mainly two books, by Wegener (1915) and Du Toit (1937), played an important role in the later research.

The high interconnectedness of the papers by Hess (1962) on sea floor spreading, by Vine and Matthews (1963) on the VMH, and by Wilson (1963) on the age of the Hawaiian Islands and on the transform faults Wilson (1965) with introduction of the term ‘‘plate tectonics’’ indicates that they had a central role in the paradigm shift from fixism to plate tectonics. The phase prior to the paradigm shift, during which these papers were published, could also be called Armageddon in the geosciences. According to the Book of Revelations in the Bible, Armageddon is the (symbolic) site of a battle during the end times before the beginning of a new world. In the geosciences, it was the last great debate, in which extraordinary science was conducted and in which it was decided that the new paradigm would gain acceptance, replacing the old.
With the papers by Le Pichon (1968) and Isacks et al. (1968), the debate was concluded and the new paradigm established once and for all: the papers not only fully confirmed plate tectonics based on seismology but also contained a summary of many central, earlier works in the network.

For the paradigm shift in the geosciences, there were many starts and attempts and various lines of research that were brought together step by step. The initial starts (1. forerunners) were not taken up by the scientific community at first, since, for one, the consequences for the foundations of the geosciences were far-reaching and revolutionary, and, for another, the indications stood on shaky ground. It took the courage of unbiased, young researchers and support from some older leading figures in the geosciences (such as Bullard, Hess, and Matthews) to get broad discussion of the existing and the new paradigms going.

The fragmentation of fields in the geosciences made it difficult to be aware of all of the relevant factors that spoke for the new paradigm. There were too few researchers working across the sub-disciplines or having overarching interests.

It took a critical mass of convincing data in combination with the synthesis of the pieces in a satisfactory overall picture, which was finally accepted by the scientific community in the geosciences.

[...] Accidental discovery. The discovery of the magnetic striping by Mason and Raff (1961; Mason 1958; Raff and Mason 1961) was unexpected. No one had been looking systematically for the striped pattern in connection with the discussion on whether the Earth’s crust was fixed or moving. And the impetus from Hess and Vine pointing towards the connection between the convection in the Earth’s mantle (Hess), the magnetic striping (Vine) and the spreading of the sea floor resulted from chance encounters at various conferences. But the coincidences happened, and it then took open-mindedness in the face of the unexpected. There is an old saying the lucky coincidences come to those who work hard. Science cannot be planned down to the last detail, but it also does not advance purely by chance.

The knowledge gained arises in the interplay of hypothesis/theory and experiment. The individual events in the course of this process are not foreseeable but are not by chance in the sense that any other constellation of the circumstances would also have been conceivable and would have led to the same success.

This study thus has importance not only for bibliometrics and history of science but also has implications for science policy: science requires a certain amount of freedom so as to provide room for accidental discoveries.

Detailed analysis by Marx and Bornmann (2013)


Historiograph on the paradigm shift from fixism to plate tectonics in the geosciences based on 52 selected key papers.

In Marx, W. & Bornmann, L. (2013). The emergence of plate tectonics and the Kuhnian model of paradigm shift: a bibliometric case study based on the Anna Karenina principle. Scientometrics 94:595–614.

Differents steps related to the paradigm evolution
Time period
Key bibliometric scientists
Significant articles mentioned in Marx and Bornmann's discussion
(from 52 key papers they selected from books reviews that described important contributions to the paradigm shift, Anderson (1971) ; Oreskes (2003) ; Frisch and Meschede (2005))
forerunners
1883-1910
Suess and Waagen 1883
Taylor 1910
1. SUESS E, 1883, DAS ANTLITZ DER ERDE
2.
multiple evidence
without convincing mechanims
1912-1915
Wegener 1912a, b, 1915 3
4
5. WEGENER A, 1915, DIE ENTSTEHUNG DER
KONTINENTE
discussion of convection currents
in mantle material
1923-1929

Joly 1923a, b, c
Ampferer 1925
Daly 1926
Holmes 1928a, b, c; 1929
Du Toit 1929, 1937, 1945

6-15.

14. DUTOIT AL, 1929, AM J SCI, V17, P179

ambiguous evidence from paleomagnetic data
1955-1960
Runcorn 1955
Creer et al. 1957
Collinson and Runcorn 1960
19.
21.
23.
futher evidence from heat flow data
1954-1961
Bullard 1954
Bullard et al. 1956
Bullard and Day 1961
Gaskell et al. 1961;
18.
20.
futher evidence from magnetic stripes
1958-1961
Mason 1958
Mason and Raff 1961
Raff and Mason 1961
22.MASON RG, 1958, GEOPHYS J ROY ASTRON SOC, V1, P320
24. MASON RG, 1961, GEOL SOC AMER BULL, V72, P1259
25. RAFF AD, 1961, GEOL SOC AMER BULL, V72, P1267
concept of sea floor spreading
based on convection currents
1962
Dietz 1961
Hess 1962
Runcorn 1962a, b, c
30. HESS HH, 1962, HISTORY OF OCEAN BASINS
Vine-Matthews hypothesis
1963
Vine and Matthews 1963 37. VINE FJ, 1963, NATURE, V199, P947
independent confirmation and breakthrough
1963-1967

Wilson 1963a, b, c
Cox et al. 1963
Heirtzler and LePichon 1965
Wilson 1965a, b, 1966
Vine and Wilson 1965
Heirtzler et al. 1966
Opdyke et al. 1966
Pitman and Heirtzler 1966
Vine 1966
McKenzie and Parker 1967

33. WILSON JT, 1963, CAN J PHYS, V41, P863
39. WILSON JT, 1965, NATURE, V207, P343
46.
47.

final confirmation and establishment
1968

Le Pichon 1968
Isacks et al. 1968

Morgan 1968

49. LEPICHON X, 1968, J GEOPHYS RES, V73, P3661
50.
ISACKS B, 1968, J GEOPHYS RES, V73, P5855
ongoing research
1971
Morgan 1971
Elsaesser 1971

51.
52.


Forerunners

At the end of the nineteenth century, Austrian geologist Eduard Suess discussed for the first time the specific similarity between geological formations in Africa and Brazil and postulated the supercontinent ‘‘Gondwanaland’’. Suess published a summary of his ideas in Das Antlitz der Erde in 1883.

Wegener's well known book was published in 1915, with revised editions in 1920, 1922 and 1929, and an English translation in 1924. [...] Although Wegener’s works had some important key aspects or conditions for scientific success [...], they did not fulfill many other prerequisites of a scientific breakthrough according to the AKP: There was only relatively little evidence supporting the theory, technical options for verification were still underdeveloped (there was not yet any sea research as we know it today, and there were no geophysical probes), and most of all, there was no convincing mechanism, no well-founded notion of the driving force, in sight. Wegener’s theory stood at first on shaky ground. It also did not help that Wegener was not by training a geologist; he was a meteorologist, and in the eyes of the geological community, the fervor of the ‘‘outsider’’ seemed suspect.(see another explanation, in the context of World War I, by Le Vigouroux, 2012).

Criticism came from England and mainly from the United States after publication of The Origins of Continents and Oceans in English (1924). [...] Not until the 1960s were discoveries made that delivered unambiguous and convincing evidence that continents do in fact move. The resulting paradigm of plate tectonics goes beyond Wegener’s original theory in many respects, however.

As early as in the 1920s Irish physicist John Joly postulated a drift theory that was based on convection currents caused by the Earth’s internal heat generated by radioactive decay (Joly 1923a, b, c). Still during Wegener’s lifetime (Wegener died in 1930 on an expedition in Greenland), Alpine geologists Otto Ampferer and Robert Schwinner developed a theory of mountain formation that was based on convective heat transport in the Earth’s interior (Ampferer 1925). In America, Reginald A. Daly (a professor at Harvard University) published Our Mobile Earth in 1926. Arthur Holmes of Scotland was the first earth scientist to grasp the implications of mantle convection, which was a major contribution already in the 1920s to the modern view of the mechanism of continental drift (Holmes 1928a, b, c; 1929). The close resemblance of geological phenomena and fossil plants and animals on the continents in the Southern Hemisphere led South African geologist Alexander Du Toit to accept and follow up Wegener’s theory of continental drift (Du Toit 1929, 1945), and after Wegener’s death Du Toit published Our Wandering Continents in 1937.

Magnetism in ancient rocks (Runcorn’s land-based data)

In the early 1950s English researcher Patrick Blackett (Imperial College London) and his student Keith Runcorn (Cambridge University and Newcastle University) became interested in remanent magnetization in rock. [...] Blackett and Runcorn discovered that the orientation of the remanent magnetization of many rocks did not correspond to the current orientation of the Earth’s magnetic field (Runcorn 1955; Creer et al. 1957; Collinson and Runcorn 1960). The orientation of magnetization in dependency upon the age of rocks yielded coherent polar wandering curves. The question was now whether the Earth’s magnetic poles had wandered relative to the Earth’s crust or the continents had moved relative to one another. [...] Runcorn’s studies showed that England, or Europe, and America must have changed their orientation and position relative to one another greatly (Creer et al. 1957). By the end of the 1950s at the latest, Runcorn was convinced that the paleomagnetic data was evidence of continental drift. In 1962 Runcorn published two works on convection currents as the possible mechanism of continental drift as well as a book, Continental Drift, summarizing the findings (Runcorn 1962a, b, c).

However, the evidence was questionable, for there was room for different interpretations. The different magnetic orientation of rocks could have other causes, such as chemical and structural changes in the time after their formation. Some rocks reversed their polarity after heating. It was therefore not certain whether the Earth’s magnetic field had in fact reversed its polarity and also whether rocks in fact retained their record of the direction of the Earth’s magnetic field across millions of years. There was also a certain problem of one-sidedness with the magnetic measurements: all the data came from one group of researchers and were produced using one measurement method and were all land-based. The technical options for further verification were limited and there was still no convincing mechanism or notion of the driving force that moved the continents.

A turn to the ocean

In the early 1950s the U.S. Navy became interested in locating submarines and thus in underwater geomagnetism. British geophysicist Ronald Mason was invited to participate in a joint research expedition of Scripps Institution of Oceanography and the U.S. Navy and Atomic Energy Commission. In the summer of 1955 Mason and his assistant Arthur Raff began measuring the magnetism of the sea ?oor off the coast of the Pacific Northwest. To his surprise, Mason found a zebra-striped pattern, running north/south, of normal magnetism (pointing north) und magnetic anomalies of the sea floor. [...] In August 1961 Mason and Raff (both of them at the time at Scripps Institution of Oceanography) published the final map of their zebra-striped magnetic pattern (Raff and Mason 1961) (they had published initial findings in 1958). There existed no plausible explanations as to why the magnetic striping existed. [...] Even though their discovery was the first decisive piece of evidence of movement of the ocean floor and thus of large-scale horizontal movements, according to the AKP a key prerequisite for the scientific success of their papers was lacking: the interpretation of the data based on a satisfactory and convincingly formulated issue or theory.

Hess’s model - Spreading of the sea floor

The formulation of the paradigm of a mobile crust of the Earth was introduced in the 1950s and is closely connected with American geologist Harry Hess (at Princeton University). Hess used the echo sounder for scientific investigations and became amazed at the marked structuring of the ocean floor in the area of the mid-oceanic ridges (also called the mid-oceanic crests), which belong to an enormous, single, global mid-oceanic ridge system. Instead of thick sediment layers similar to those in the coastal areas, Hess found trenches and gorges covered with volcanic craters. In this area the ocean floor was apparently astonishingly young. Hess eventually found an explanation of his observations: new oceanic crust is formed continuously on either side of the mid-oceanic ridges,
spreading away from the ridge in opposite directions like on two conveyor belts as it is pushed to the side by new material rising from chambers below. Hess assumed that the entire crust of the Earth moves, not just the continents, and estimated the rate of motion to be approximately the same as the rate of fingernail growth (a few centimeters per year).
As early as 1939 Hess had already speculated that the driving force of this spreading of the sea floor could be the convection cells in the Earth’s mantle (considering, among other things, the discovery of sea floor gravity anomalies in Pacific deep-sea ditches by Felix Vening-Meinesz of the Netherlands). In the mid 1950s, British geophysicist Sir Edward Bullard (Cambridge University) showed that there is much higher than expected heat flow along the mid-oceanic crests (Bullard 1954; Bullard et al. 1956). Both of these points gave excellent support to Hess’s model.

In 1944 British geologist Arthur Holmes had presented a theory of continental drift based on this mechanism in Principles of Physical Geology. In 1960 Hess then wrote a report based on his findings [Report to the Office of Naval Research; as this report was supported by contract, it did not appear in the open literature. [...] it was published in 1961 only as a preprint and then published in 1962 as a book chapter [...] The total impact of Hess’s ‘‘History of Ocean Basins’’ (1962) is high [...]

According to Hess (1962), the ocean ?oor does not come from volcanoes but instead is formed on a large scale and constantly at the mid-oceanic ridges (evidence: earthquakes, heat flow, central arrangement) and falls back into the deep-sea trenches. As the mechan ism for this, Hess proposed convection cells in the Earth’s mantle. The model explains: (1) the uniform thickness of the basalt layer under the ocean, (2) the young age of the ocean
floor (thin sedimentation, few volcanoes), (3) the mountain formation; folding as a consequence of the horizontal movement, and (4) the approximate current amount of water in the seas. With the rate of formation of 1 cm per year, the sea ?oor would nowhere be any older than 250 million years old. This was a verifiable prediction that was later confirmed.

Independently of Hess, Robert Dietz (at Scripps Institution of Oceanography) developed a very similar model and in the title of a paper in 1961 coined the pertinent term ‘‘sea-floor spreading’’, which came into frequent use in the literature. The paper by Dietz (1961) was cited by only 10 % of the later works [...] Simplicity and elegance play an important role in the acceptance of theories. However, these features of the model initially aroused suspicion. But the ground for discussion of continental drift had been prepared once again. Hess (1962) had put forward a satisfying and elegant explanatory model for answering important fundamental questions in the geosciences. But it was still being rejected in the early 1960s by the vast majority of the community of geoscientists. This was because only relatively few independent measurements existed that also pointed to large-scale movement of the Earth’s crust.

Synthesis as hypothesis

One year later, British geophysicist Drummond Matthews (Cambridge University) discovered magnetic anomalies in the Indian Ocean, this time across part of a mid-oceanic ridge. In 1962 Fred Vine met Matthews, who became his PhD supervisor. After analyzing Matthew’s raw data, Vine discovered a striped pattern similar to that found by Mason and Raff (1961; Mason 1958; Raff and Mason 1961). As a result of this, Vine made the crucial step, seeing a direct causal connection between the zebra-striped pattern of normal and reversed magnetism and the spreading of the sea ?oor: at the mid-oceanic ridges, as the rising hot magnum formed new crust and cooled, the magnetite in the rock aligned itself with the prevailing magnetic field at the time. As the crust formed and moved away from the ridges, periodic reversals in the Earth’s magnetic polarity would result in just precisely this striped pattern of magnetism.

Vine had previously attended a lecture by O. J. Jones (at Cambridge University in January 1962) on the formation of the North Atlantic basin. One of the core points of the lecture was that rock from a quarry in Wales was exactly like rock from a quarry in the Appalachian Mountains. At the same conference, Vine attended a lecture by Hess, who reported on (1) findings on in his hypothesis on crustal motions, and (2) the strange striped magnetic pattern in the northeastern Pacific.
Vine now combined Hess’s (1962) model of sea floor spreading with the magnetic polarity reversals: the result was the Vine–Matthews hypothesis (VMH). The VMH was based on three hypotheses, each of which was still doubted, however: remanent magnetism, geomagnetic field reversal, and sea floor spreading. In addition, the timescale of the geomagnetic reversal was still uncertain. There was also the question as to whether the different widths of the striping were caused by a non constant rate of spreading or a changing rhythm of the magnetic reversals. Vine and Matthews published their hypothesis in the fall of 1963 in Nature. At first, the VMH met with a low response. Later, however, [...] this paper was cited extremely frequently [...]. The very high interconnected-ness in connection with the also high total impact indicates that the paper is one of the central works for the paradigm shift

Canadian geophysicist Lawrence Morley (Geological Survey of Canada, Ottawa) independently arrived at the same hypothesis as Vine und Matthews (1963) (Morley referred to land-based data but also knew of Masons’ sea-based data). Here, remembering the paper by Dietz (1961) played a crucial role. Morley submitted his paper to Nature in February 1963 and received a rejection 2 months later; the reason stated for the rejection was that the paper was too long. In April Morley submitted the paper to the Journal of Geophysical Research and waited a long time for an answer. In August he received a rejection letter, in which the editor wrote that an anonymous reviewer had stated: ‘‘Such speculation makes interesting talk at cocktail parties, but it is not the sort of thing that ought to be published in the Journal of Geophysical Research’’. Morley was frustrated in September when the Vine and Matthews paper (1963) came into his hands, for now he could not submit his own paper without appearing to plagiarize their work.

At almost the same time and independently of one another, Hess (and also Dietz) had combined convection in the Earth’s mantle with sea floor spreading, and Vine and Matthews (and also Morley) had combined sea floor magnetic stripes with sea floor spreading. With this, previously separate lines of research became connected in the interplay of theory and experiment. This prepared the way for fruitful discussion and the later paradigm shift. Regarding the ability for synthesis, there is a strong analogy here to Wegener: Wegener’s strength was not his profound geological knowledge but rather his scientific comprehension. Vine, too, did not need to have been a long active and experienced researcher in order to arrive at his pioneering outcome.

But the facts available were still inconsistent. The significant elements of the new theory—sea floor spreading and the global magnetic polarity reversals—were not generally recognized at the time, as they were not conclusively indisputable. [...] The majority of American scientists were supporters of fixism. Some researchers gradually began to doubt the fixist point of view, but that did not yet suffice for a change in perspectives.

Confirmation

In 1965, with no knowledge of Vine and Matthews, James Heirtzler (Lamont Geological Observatory, Columbia University) conducted aeromagnetic surveys and found a symmetrical striped pattern on either side of the mid-Atlantic ridge between England and Greenland (Heirtzler and LePichon 1965; Heirtzler et al. 1966).

In the meantime, magnetic polarity reversal had been proved and a geomagnetic polarity time scale (GPTS) constructed on the basis of age determination. What is more, the time sequences of spreading and polarity reversals matched astonishingly well. The time points of the reversals at different locations were in agreement and now produced a consistent picture. In 1963, determining the age of rock using the potassium-argon dating method, Cox et al. 1963 (United States Geological Survey in Menlo Park, California) constructed a polarity time scale going back *4 million years (land-based). They named the main epochs after the pioneers of geomagnetism (Brunhes, Matuyama, Gauss, Gilbert). They called the shorter periods of several 10,000 of years to several 100,000 of years ‘‘events’’ and named them after the locations on land where the rock samples were found.

In 1965 and 1966, the ocean floor spreading hypothesis received con?rmation through another independent piece of evidence: core samples of ocean sediments, which provide a record, as a vertical pattern, of the sequence of the different magnetic polarity at different times. The horizontal and vertical magnetic patterns match exactly.

[...] In a paper published in Science in 1966, Vine put all the new findings together in a convincing way.

In a dissertation (1965/1966) Xavier Le Pichon supported convection without sea ?oor spreading, although in his research area sea ?oor spreading was already coming to be accepted. At the time it was still dangerous for young researchers to base their careers on a new theory. But in 1968 Le Pichon wrote one of the most highly cited papers in the area of sea floor spreading, drawing upon many important works mainly from the 1960s.

Confirmation and corroboration through independent data, methods, sub-disciplines, and researchers dramatically increased the probability that continental drift was a valid theory. In this situation a sense of excitement arose, a scientific gold rush, that accelerated the development enormously. The new comprehensive theory delivered a simple and elegant explanation for the many previously unresolved basic questions in the geosciences. It answered more questions than it raised, which is very important for scienti?c advancement.

Nevertheless, the scientific community was still opposed to it or undecided; what was missing was the final crucial step that leads to the definitive breakthrough and the establishment of a new paradigm.

Canadian geophysicist J. Tuzo Wilson (University of Toronto) had suspected that the age of the Hawaii Islands increases the further the islands are from the mid-oceanic ridge called the East Pacific Rise. A stationary hot spot produced magma that had apparently risen to produce one volcanic island after another; continuing plate movement eventually shifts the islands away from the hotspot, cutting them off from the magma source, and volcanism ceases. Wilson’s hypothesis was confirmed entirely by radiometric dating of the rocks. In addition to the magnetic data, this was further, independent evidence of the spreading of the ocean floor. Wilson (a, b) published his findings in 1963 in the Canadian Journal of Physics and as a summary in Nature.

In the meantime, deep sea soundings had revealed that the mid-oceanic ridge was cut through with deep fracture zones. Wilson saw in these a new form of geological faults— which he called transform faults—that explain exactly what happens at the mid-oceanic ridge during seafloor spreading (Wilson 1965). Already in 1967, 2 years after the publication of Wilson’s theory (1965), seismological data confirmed conclusively that the great faults in the area of the mid-oceanic ridge are transform faults as described by Wilson. Wilson was right on target for the second time. The theory of transform faults provided further confirmation of the Vine and Matthews Hypothesis (VMH).

Wilson identified an oceanic ridge off Vancouver Island from which the sea floor spread in either direction. His concept of the transform faults had predicted the existence of a ridge in this location. Wilson named it the Juan de Fuca Ridge (Wilson 1965). This paper delivered crucial pieces of evidence providing a firm foundation for the VMH.

Wilson delivered new evidence, completely independently of the magnetic data, and expanded the scope of the theory considerably. Land and sea-based data now fit together without any problems. Together with the magnetic surveys, the ?ndings from volcanism in connection with the age determination as well as the supported model of the transform faults yielded a comprehensive picture. Vine and Wilson published a model of sea floor spreading in the north Pacific in October of 1965. Already in 1963 Wilson had also brought the convection currents into it (Vine and Wilson 1965), and in 1966 Wilson discussed the history of the development of the Atlantic.

When Wilson published his paper on transform faults in 1965, he was the first to call the masses of rock moving in relation to one another and meeting at boundaries ‘‘plates’’. Wilson divided the Earth’s surface into at the minimum six large and several smaller movable plates, which are kept in motion by the convection currents in the Earth’s mantle. It was in this paper (Wilson 1965) that the new paradigm got a new and easy to remember name. Wilson became the father of plate tectonics.

The shift to the plate tectonics paradigm did not occur due to one paper or one person at a specific point in time but instead over the course of a long process and at first in different lines of research (quite similar to the development of the Big Bang theory in modern cosmology (Marx and Bornmann 2010)). The paradigm shift could only take place after all essential prerequisites were given. Due to the long and complex prehistory, which following Kuhn (1962) can be called a phase of normal science (up to 1962), and its great importance for the paradigm shift, we can not only focus on the main phase starting in 1962 but also must view the two phases in close connection. In the phase up to the end of the 1950s, serious doubts about fixism had already been raised. Then in the early 1960s, extraordinary science was conducted, and in this phase the new paradigm emerged in the
geosciences and replaced the old paradigm.

Final breakthrough

After the Second World War, seismology was promoted, as it was important for the monitoring of atomic test ban treaties. And so it was not long before extensive testing of the plate tectonics paradigm was conducted. It was soon shown that (as expected) the earthquake zones are concentrated along the seams of the Earth’s mantle, which provided final and convincing evidence for the new paradigm. Three American seismologists (Bryan Isacks, Jack Oliver, and Lynn R. Sykes) published a summary of findings in 1968, in which plate tectonics and seismology became joined in marriage, so to speak. About 2 years after publication of the paper by Isacks et al. (1968) the term subduction was coined.

Seismology delivered further independent evidence and expanded the scope of the paradigm. For the first time, there was a complete picture of the processes and forces shaping the earth. Putting seismology together with the geophysical sub-disciplines previously important for the new model brought about the final, definitive, and irrefutable establishment of plate tectonics. One could not expect to find more and better evidence to support the new paradigm. And with this, all prerequisites for paradigm shift as outlined by the AKP were fulfilled.

If we consider 1965 to be the year in which plate tectonics was born [when Wilson coined the term ‘‘plates’’ Wilson (1965)], then it took at least another 2 years for the paradigm shift to be completed and for plate tectonics to become accepted by the research community. In the interplay of theory and experiment, which marks the advancement of knowledge in the natural sciences, what ultimately matters is clear and convincing proof. Once there was proof, in the form of paleomagnetic and seismological data in connection with age determination, the majority of scientists accepted the new paradigm in an astonishingly short time: ‘‘In 1930 perhaps 2 % of all geologists believed in continental drift; by 1967 the figure was more like 50 %, with more converts joining every day’’ (Anderson 1971, p. 154); ‘‘Despite the fuurry of new finds during the early and mid-1960’s, most people knew virtually nothing of what was happening. Not until the end of the decade did the enormousness of what was happening begin to filter through to the general public’’ (Anderson 1971, p. 181).

Although many researchers took part in collecting the data that delivered the most important pieces of the mosaic for the new paradigm, the crucial concepts came from a modest number of researchers. In their accounts, the crucial prerequisites for the paradigm shift were the good scientific supervision, the enthusiastic work environments at Cambridge University and Princeton University, and not least the overarching, wider interests of the successful participants. However, as many of the researchers were not equally well-versed in geology and physics and viewed the connections from too narrow a perspective, some decisive publications were at first hardly noted: ‘‘The many other disciplines properly associated with the study of the earth—geomagnetism, seismology, petrology, geophysics—had always been fragmented. The new theory of continental drift has brought them together’’ (Anderson 1971, p. 187).

Working independently, McKenzie and Parker (1967) (at Scripps Institution) and Morgan (1968) (at Princeton University) developed a plate tectonic model based on geometry in 1967/1968. [...] McKenzie (Oreskes 2003, p. 169) wrote later: ‘‘But this sociological side of scientific discovery has (rightly) become recognized as of great importance by those, such as Thomas Kuhn, who write about the history of science, even though the formalism that they have generated seems to me at least strange and somewhat artificial.’’

The expeditions of the research ship Glomar Challenger starting in 1968 securely established the evidence from drilling core samples conclusively and irrefutably. During expedition Leg 3, from Dakar to Rio de Janeiro, the age profile of the ocean floor along the Mid-Atlantic Ridge was determined systematically and fully using core samples. The results showed that the age of the sea floor increased symmetrically with distance away from the ridge to the west and east, in the expected manner [...].


The transition from a fixist to a dynamic view of the earth : Many french visions, many different versions ?


in Deparis, V. & Legros, H. (2000). Voyage à l'intérieur de la Terre. Une histoire des idées. CNRS Editions.

La période de 1830 à 1900 est marquée par une confrontation entre les implications de la géologie et des phénomènes de mécanique terrestre. Le volcanisme, la formation des montagnes, l'équilibre isostatique de la croute suggéré par les mesures gravimétriques, nécessitent [...] une fusion interne sous une croute de faible épaisseur. Les travaux de mécanique sur la rotation de la Terre [...], sur les déformations élastiques du globe [...], sur les déformations plastiques de la Terre [...] et sur la figure d'équilibre de la Terre favorisent au contraire un globe solide.


Le modèle de Terre consensuel
des années 1870-1880


Modèle de Terre en densité proposé en 1897
pour retrouver la densité moyenne et l'aplatissement de la Terre.

Pour les géologues [...], la fluidité interne est prouvée d'une manière irréfutable par les éruptions volcaniques, par les phénomènes isostatiques [...]. Pour les mécaniciens, le seul argument de la très grande rigidité indiquée par les marées suffit à impliquer une Terre globalement solide. Chacun dans sa discipline possède une méthode particulière (basée sur l'observation ou sur des calculs théoriques), et garde à l'esprit des points précis (volcans, marées,...) qui imposent une certaine idée sur l'intérieur de la Terre. Chacun a ses images mentales, des présupposées, une culture et une intuition d'où découlent certains modèles de Terre. Cela indique [...] l'importance des a priori dans l'interprétation des phénomènes, et surtout la difficulté de tenir compte de l'ensemble des faits en ne s'appuyant pas exclusivement sur une seule catégorie de phénomènes. Entre les positions extrêmes du camp des fluidistes et de celui des solidistes, des géologues et des physiciens cherchent à concilier les impératifs de la géologie et les implications de la mécanique terrestre. Le modèle qui vers les années 1870-1880 réalise alors un certain consensus est celui d'une Terre composée d'une croûte solide de faible épaisseur, d'une couche intermédiaire plus ou moins fludie et d'un noyau solide (p.376).

Cordier, en 1827, en s'appuyant sur l'observation des météorites dont certaines montraient une composition riche en fer, supposait que le fer à l'état métallique, allié au nickel, pouvait [...] entrer abondamment dans la composition interne de la Terre et que le globe pouvait renfermer un noyau de fer. L'analogie entre les météorites et la Terre est poursuivie [...]. Les valeurs de Roche en 1881 et de Wiechert en 1897 sont [...] les premières estimations de la densité et du rayon du noyau terrestre. (p.386-389).
En 1909, dans la quatrième partie du tome III de son livre La Face de la Terre, Suess rappelle que les météorites peuvent être considérées comme des débris d'une planète "anonyme" qui circulait jadis entre Mars et Jupiter. Cette planète hypothétique, formée par l'ensemble des météorites, permet d'imaginer par analogie la composition de la Terre. Suess propose trois zones ou enveloppes : au centre, la barysphère ou le nife, composée essentiellement de fer et de nickel ; ensuite, la couche de sima dont les minéraux sont principalement constitués de silicium et de magnésium, et enfin la couche de sial dont les minéraux sont principalement constitués de silicium et d'aluminium (roches feldspathiques) [...] Ce modèle de Terre restera longtemps la référence dans le milieu des géologues même si les profondeurs des interfaces seront repositionnées par la sismologie (p. 391).

Pendant toute la première partie du XXe siècle, il s'agira de trouver des modélisations rhéologiques des couches de la planète qui permettent de rendre compte à la fois de la propagation des ondes sismiques, des déformations dues aux marées ou aux perturbations de la rotation et des phénomènes géologiques. Il s'agira en particulier de comprendre la notion de viscosité et le rôle du temps dans le comportement du globe, et de chercher à rapprocher la modélisation physique d'une vision réaliste de la Terre (p.403).

2. La période qui débute en 1900 et s'arrête vers les années 1960 [...] est marquée par les progrès rapides et importants dans tous les domaines et proviennent de la multiplication des mesures physiques : mesures sismologiques, géodésiques, magnétiques, de déformations élastiques du sol, du mouvement du pôle de rotation, des paramètrs physiques des roches. Les recherches sur la dynamique terrestre se développent avec des travaux sur les mouvements isostatiques, sur la dérive des continents et sur les mouvements convectifs. Au cours de cette période, les études se spécialisent et aboutissent à différents modèles de Terre : modèles élastique, sismologique, thermique, gravimétrique, magnétique et tectonique, sans toutefois qu'une synthèse globale puisse s'imposer. (p.19-21).

Parmi les découvertes importantes faites aux alentours des années 1900 et qui ont marqué l'étude de la Terre, notons principalement celle de la radioactivité naturelle de certains corps. Le développement final de la mécanique classique des milieux continus a également une importance considérable pour l'étude de la dynamique du globe [...] Elle comble de façon phénoménologique le hiatus entre la mécanique des solides et la mécanique des fluides en permettant de modéliser le fluage plastique et visqueux des corps. (p. 405-406). Au cours de la période, le cumul de plus en plus important des informations peut s'effectuer au sein d'organisations internationales. Après l'Association internationale de géodésie en 1863 et le Service international des latitudes vers 1885, la sismologie se regroupe vers 1903 et l'Union géodésique et géophysique internationale est créée en 1922. Les nombreuses observations géophysiques amènent le développement d'une grande diversité de moélisations. (p.406).

Les mesures thermiques
ne se développent qu'à la fin de la période avec celles pratiquées sur le flux de chaleur en surface aussi bien sur Terre qu'en mer. Les études thermiques sont toutefois entièrement renouvelées par la découverte de la radioactivité qui remet en cause l'idée d'un refroidissement inéluctable de la planète [...]
Les mesures magnétiques [...] mettent en évidence l'inversion globale du champ magnétique et suggèrent une piste pour tester les dérives continentales [...] La génération du champ magnétique terrestre est expliquée par l'idée de la théorie dynamo [...] qui suggère que le noyau fluide est animé de courants de matière.

Dans le domaine de la géologie, on se situe dans le prolongement de la grande synthèse de Suess. Cependant, le contexte évolue avec le développement de la radiochronologie qui permet une datation absolue des roches et des époques, ainsi qu'une détermination de l'âge de la Terre (p.407). La géologie du début de XXe siècle est soumise à de nouvelles contraintes apportées par l'exploration océanique et la physique. Alors qu'elle expliquait l'histoire et les structures des continents par l'étude des strates et des montagnes, elle se voit obligée d'expliquer ce qui se passe dans les bassins océaniques où des nouveaux problèmes apparaissent. En outre, les deux grandes idées qui structuraient la géologie à la fin du XIXè siècle, la théorie de Laplace de la formation chaude de la planète à partir d'une nébuleuse primitive et la théorie du reforidissement séculaire se trouvent remises en question. Enfin, le problème géologique se modifie dans la mesure où il doit s'intégrer dans l'immense durée révélée par la radiochronologie et prendre en compte les informations apportées par la sismologie [...], la gravimétrie et la prospection géophysique [...] Elles permettent le développement de très nombreux modèles relatifs à la tectonique, de la même manière qu'on avait observé un foisonnement de modèles géophysiques. [...].

Un concept essentiel émerge qui privilégie le mobilisme relativement au fixisme ou au permanentisme. Le mobilisme se manisfete aussi bien par l'image des dérives continentales que par la mécanique des mouvements de convection. L'introduction de ce nouveau concept sera l'occasion de débats et de polémiques houleuses [...] pour les uns, la planète, bien que solide peut se déformer comme un fluide aux longues échelles de temps et être animé de mouvements superficiels et profonds d'une grande amplitude ; pour les autres, la Terre solide garde un comportement rigide même à travers les longues échelles de temps et ne permet que des mouvements horizontaux et verticaux de faible ampleur [...] Il s'agit maintenant de comprendre comment une Terre rigide peut permettre des phénomènes de fluages plastiques ou visqueux, et ainsi d'essayer d'expliquer conjointement les observables géologiques, physiques et mécaniques. (p.475-476).

L'aventure océanographique commence dans les années 1920, grace à la mise au point des sondages par la méthode des ultrasons. La topographie accidentée des fonds sous-marins ainsi révélée se présente avec des montagnes et surtout des fosses en bordure du Pacifique et dans les Antilles. L'exploration s'intensifiera au lendemain de la Seconde Guerre mondiale grâce au développement de l'océanographie et des techniques de reconnaissance sous-marine (échosondeur, écoute sismique, détection magnétique,...). Mais c'est à la fin des années 1950 que les différentes structures océaniques seront identifiés, avec en particulier la découverte des rides [...] dans les océans du globe [...] et de zones de fractures particulièrement remarquables.(p.477).

Les études géologiques de la première partie du XXe siècle se situent dans le prolongement de celles du siècle précédent. Il s'agit essentiellement d'établir des cartes détaillées de la géologie des continents et de préciser les processus géométriques, géographiques et génétiques des chaines de montagnes. [...] L'idée de cycles orogéniques, développée au XIXe siècle, avec des périodes d'activité tectonique, de construction de montagnes et des périodes de repos est fortement réaffirmée [...] (p.478). La géologie continentale du XXè siècle [...] ne montre pas d'aspects réellement novateurs.

Ce sont plutot les observations géophysiques, en particulier de la sismicité et des anomalies de champ de gravité qui ouvrent de nouvelles perspectives de recherche. [...] Deux familles de séismes, dans les montagnes actuelles et sur le fond des océans, se complétent pour dessiner des lignes qui encadrent des aires stables de l'écorce terrestre. Ce fait conforte les idées de Haug sur la répartition des géosynclinaux [...] les phénomènes tectoniques ne concerneraient que des ceintures étroites entourant des unités continentales ou océaniques stables (p.479).

Carte des épicentres des grands séismes de 1913 à 1933
In Coulomb J. (1952).


Carte des aires continentales. In É. Haug, Les géosynclinaux et les aires continentales

Une théorie, inaugurée par Reid en 1910, et connue sous le nom de théorie du rebond élastique [...] relie pour la première fois [...] la notion de tremblement de Terre à celle de mouvement tectonique. Elle met en évidence l'importance du concept de faille et permet le développement de la notion de mouvement cohérent de parties de la croute.
Une autre observation géophysique [...] est celle des anomalies de gravité, principalement en mer. Ces anomalies [...] occupent une place essentielle dans les conceptions tectoniques [...] les observations sismiques et gravimétriques [...] apportées par une communauté de chercheurs qui n'étaient pas géologues de formation, vont compliquer les schémas explicatifs de la tectonique classique et permettre un autre regard sur les structures géologiques de la Terre. (p.479-480).

La théorie de la contraction thermique et la formation des chaines de montagnes

L'idée de la contraction du globe due à son refroidissement progressif a joué [...] un role très important tout au long du XIXe siècle pour expliquer la formation des montagnes [...] Ces études sont poursuivies au début du XXe siècle par Holmes et son changement de position et surtout par Jeffreys. Les difficultés nouvelles résultent de la production de chaleur par les désintégrations radioactives. Pour Jeffreys, cette production interne n'empêche pas le refroidissement de la Terre au cours des temps [...] la compression externe due à la contraction thermique reste la principale cause de l'orogenèse [...] Dès 1920, la constestation vient de considérations sur l'ampleur des mouvements horizontaux observés dans les chaines de montagne et de doutes sur la notion même du refroidissement progressif de la Terre au cours des temps [...] Les mouvements tangentiels de large envergure, nécessaires pour expliquer la formation des montagnes, apparaissent incompatibles avec la théorie de la contraction thermique [...] l'hypothèse de base de la contraction thermique qui est le refroidissement du globe est elle-même réfutée par un certain nombre d'auteurs dont Joly et Holmes [...] des auteurs considèrent l'état thermique du globe comme un état d'équilibre entre la production de chaleur par la radioactivité interne et son émission vers l'espace (p. 480-482).

La dérive des continents

Contrairement aux études sur la contraction thermique, la théorie de la dérive des continents ne cherche pas seulement à expliquer la formation des montagnes. [...] Elle introduit l'idée essentielle du mobilisme, où des mouvements de très grandes ampleurs sont envisagés [...] Wegener n'est pas le premier à imaginer une translation continentale [...] mais il est le premier à étayer son hyopthèse par un nombre considérable de preuves émanant de sources très diverses, élaborant ainsi une théorie scientifique cohérente [...]. Les arguments paléontologiques de liaisons intercontinentales ne manquaient pas [...] Suess et Neumayr s'en servaient déjà pour réunir les continents actuels en d'anciennes unités continentales qui se seraient ensuite effondrées [...] la théorie concurrente à celle de Suess, soit celle de la permanence des océans et des continents (théorie de Dana), et qui est renforcée par l'isostasie et par toute preuve de différence de nature entre les fonds océaniques et les socles continentaux, est contraire aux preuves paléontologiques et biologiques de liaisons intercontinentales. Les deux théories de la fin du XIXe siècle, celle de Suess et celle de Dana, sont donc toutes les deux en contraction avec les faits nouveaux ; Wegener [...] montre comment les translations peuvent réconcilier à la fois les preuves paléontologiques et les exigences de l'isostasie [...] Il cherche à conforter son idée par toute une série d'indices nouveaux [...] il avance des arguments géologiques, paléoclimatiques et géodésiques [...] C'est cette globalité, cette possibilité de rendre compte d'une multitude de phénomènes, de regrouper les arguments des différentes disciplines des sciences de la Terre (paléontologie, paléoclimatologie, stratigraphie, géologie, géodésie, géophysique) qui donne à l'idée de la dérive son originalité, son intérêt et sa force, et qui met en évidence sa très grande fécondité. Wegener poursuit en quelque sorte la démarche de Suess [...] en approfondissant la géologie comparée et en précisant les rapports entre les différentes parties du globe, et, d'autre part, en développant une vue générale de la surface de la Terre [...] regroupant les différentes approches possibles (p.484-491).

Les forces de la dérive

L'hypothèse de la dérive n'est donc envisageable que par la possibilité d'un comportement fluide de la couche simatique sous jacente. [...] les forces postulées sont [...] la force vers l'équateur, les forces de précession, les frictions des marées et l'attraction directe entre les continents [...] Wegener, avec d'autres auteurs, estime que ces différentes forces, bien que très faibles, peuvent produire un déplacement appréciable des continents car elles agissent constamment dans la même direction et avec la même intensité pendant tous les temps géologiques [...] Cette affirmation [...] constitue le point le plus controversée de la théorie [...] Toute la difficulté réside donc encore une fois, comme pour les problèmes isostatiques, dans la compréhension du comportement rhéologique de la Terre. Les couches externes du globe possèdent-elles [...] un seuil de plasticité ? Est-il possible qu'elles se laissent déformer par des forces extremement faibles mais agissant pendant de très longues durées, ou faut-il qu'un seuil soit dépassé ? [...] Au cours des discussions sur la théorie de Wegener, [...] le mécanisme invoqué pour expliquer la dérive ne peut pas être pleinement satisfaisant [...]

Bull, en 1921, [...] propose l'idée remarquable de mouvements convectifs résultant [...] d'un chauffage différentiel du à une distribution non uniforme des éléments radioactifs. [...] Les hypothèses de Bull [...] très proches de celle de Holmes [...] posent l'idée que les mouvements des continents peuvent être la manifestation en surface de mouvements profonds et que le mécanisme responsable du déplacement des continents est l'évacuation thermique contenue dans la Terre (p.492-500).

En 1930, l'année de la mort de Wegener, [...] la théorie de la dérive ne s'impose pas [...] Les objections au mécanisme causal sont [...] légitimes [...] l'absence presque totale de connaissances dans la géologie des océans limitait les tentatives d'appréhension générale du globe et a certainement beaucoup joué dans le refus des vues de Wegener : sa synthèse était trop précoce, les connaissances sur le globe trop partielles [...] les années 1930-1950 sont caractérisées par une absence assez nette de confrontation [...] que ce soit chez les partisans comme chez les négateurs [...] Il faut dire qu'un certain nombre de géologues et de géophysiciens ne sont que très peu préoccupés par cette théorie. Elle ne leur parait d'aucune utilité dans leurs investigations personnelles, que ce soit par exemple pour l'étude de la structure géologique de régions continentales précises ou pour la détermination d'un modèle de Terre en densité et en composition chimique. Chaque spécialité semble plus concernée par l'approfondissement de son domaine d'étude que par le développement d'une vue générale sur la Terre, et peut sans difficulté aucune se passer d'une théorie sur les translations continentales. (p.502-504).

Les études paléomagnétiques permettent donc la confirmation des idées de Wegener. Malgré tout, ces nouveaux arguments n'apparaissent pas suffisamment concluants pour remporter l'adhésion. Les doutes sur la qualité des mesures sont trop importants et on reproche aux paléomagnéticiens d'avoir trop négligé les possibilités d'altération des aimantations anciennes, soit par disparition, soit par addition d'aimantations parasites. Jeffreys (1959) demande même si le marteau nécessaire pour briser les roches transportées au laboratoire n'affecte pas leur magnétisme. [...] Malgré les données paléomagnétiques, la théorie des translations continentales ne s'impose toujours pas [...] la plupart des arguments pro ou anti-wegenériens restent sensiblement les mêmes en 1960 qu'en 1930 : ils ne reposent toujours que sur la géologie continentale et n'incorporent pas la géologie des fonds océaniques (p.507).

L'opposition mobiliste-fixiste par rapport aux déplacements superficiels de blocs continentaux n'a donc pas connu de développement significatif entre 1930 et 1960. elle s'est cependant développé dans une autre direction [...] avec la confrontation soulevée par l'hypothèse des courants de convection d'origine thermique. Le mobilisme n'est plus superficiel mais interne. Les théories convectionnistes [...] ne sont pas (si l'on excepte Holmes) reliées à la théorie de Wegener, ni invoqués pour donner les forces de la dérive, mais plutot pour fournir les forces de l'orogenèse (p.507).

Bilan de la période 1900-1960

L'idée marquante est l'introduction de la notion de mobilisme, d'une part grâce à la théorie de la dérive des continents par Wegener en 1912 puis, d'autre part, sur la base de l'hypothèse des courants de convection. Les études mécaniques cherchant à prouver ou à réfuter ces idées sont extrêmement nombreuses [...] Toutefois, malgré la richesse et la multiplicité des idées émises à l'époque, une vision globale de la Terre ne s'impose pas. Il faudra attendre les années 1960, à la suite de l'exploration systématique des fonds des océans, pour qu'une synthèse des différentes connaissances acquises au cours du siècle soit possible (p.407).
L'absence d'une théorie unificatrice est troublante lorsqu'on sait que la situation va évoluer très rapidement au cours des années 1960 et que la théorie tectonique globale qui va s'imposer aura pour base les idées de dérives continentales et de convection mantellique émises très tot par Wegener et Holmes. A la fin des années 1950, les deux théories de la dérive et de la convection restent toutefois deux théories séparées. On ne saisit pas comment les courants de convection pourraient être le moteur du mouvement des continents. L'idée manque pour réunir les idées dispersées et ce n'est que lorsqu'on trouvera l'articulation entre les mouvements internes et les mouvements superficiels qu'une vision unifiée des phénomènes de surface pourra advenir. (p.550)

3. L'époque actuelle

L'année géophysique internationale (1er juillet 1957 - décembre 1958) et le lancement des premiers satellites articificiels pourraient marquer le début de l'époque actuelle. Cette dernière période, par le nombre et l'actualité des travaux, ne peut pas encore faire l'objet d'une étude historique. Nous nous contenterons d'en donner les traits essentiels [...]. Suite à l'évolution des découvertes géophysiques et surtout à l'exploration généralisée des fonds océaniques, Hess (1962) émet l'hypothèse que les dorsales océaniques représentent la trace des courants ascendants de cellules de convection et que la ceinture volcanique circum-pacifique est la manifestation en surface des courants descendants (p.551). [...] L'idée de Hess est confortée par Morley, Vine et Matthews en 1963 qui interprétent les anomalies magnétiques découvertes sur le plancher océanique comme des marqueurs de l'expansion [...] En outre, l'échelle des inversions établie par les paléomagnéticiens permet de quantifier les vitesses d'expansion des océans, en associant les linéations magnétiques aux inversions correspondantes. Les indices de la dérive ne sont donc plus uniquement continentaux mais également océaniques et, puisqu'il est reconnu que les océans se sont ouverts, il n'est plus possible de nier que les continents ont dérivé ! [...] En 1967, on développe le concept de zones de subduction en interprétant les séismes profonds sous les fosses océaniques comme la trace du retour de la lithosphère océanique dans le manteau. Ces différentes approches seront synthétisées en 1967-1968 par Morgan, Mac Kenzie et Le Pichon qui formulent la théorie de la tectonique des plaques (p.552).

Cette nouvelle approche de la Terre a également bénéficié d'une autre évolution importante, liée à l'exploration planétaire. Les voyages lunaires des années 1969-1970, puis l'envoi de sondes vers les autres corps du système solaire, montrent des planètes géologiquement différentes de la Terre. La comparaison entre les divers corps du système solaire suscite la naissance d'une véritable science des planètes (p.553).

L'afflux extraordinaire d'informations apportées par les observations satellitaires, les expéditions océanographiques, les campagnes de prospection gravimétrique et sismique, les mesures sismologiques et les expériences de laboratoire aux hautes pressions et hautes températures. De plus, les moyens de calculs permettent de multiples modélisations à partir des solutions numériques des équations de la mécanique [...] Outre des précisions importantes apportées dans la modélisation thermique et dans les conceptions ds changements de phase dans le manteau, les développements majeurs concernent la prise en compte des variations latérales des paramètres physiques et le renouvellement des études géomagnétiques à partir de l'idée de dynamo auto-excitée (p.553-554).

Le modèle de Terre actuel et l'avènement d'une théorie fédératrice (la théorie de la tectonique des plaques et de la convection mantellique) apportent des réponses simples et convaincantes aux questions posées par les observations et les mesures de surface. (p.19-21).
La formulation d'un nouveau schéma explicatif général a été possible, où les différentes morphologies de la surface ont pu prendre sens. Un point important est la considération des phénomènes physico-chimiques (la différenciation magmatique et le métamorphisme) qui surviennent aux frontières de plaques et qui permettent de comprendre la formation de la croute océanique et de la croute continentale (p.557).

CONCLUSION :
Les conceptions actuelles reprennent le plus souvent d'anciennes idées contradictoires afin d'en montrer la complémentarité. De nombreuses controverses du passé ont ainsi été résolues par l'apparation d'un niveau plus profond de compréhension, qui a permis l'abandon d'une explication unique au profit de la diversité et la complexité : la Terre est à la fois à symétrie sphérique et à hétérogénéités latérales, à la fois fluide et solide, à la fois façonnée par des processus uniformitaristes et catastrophistes. La diversité des manifestations peut malgré tout être expliquée à l'aide d'un principe unificateur simple : le moteur thermique dû au refroidissement du globe. Il entraine la déchirure des plaques, la subduction de la matière froide et l'expansion des fonds océaniques, induit les mouvements lithosphériques fournissant les forces nécessaires à l'édification des structures géologiques et permet, aux frontières des plaques, des processus physico-chimiques à l'origine de la croute océanique et de la croute continentale. La compréhension actuelle de notre planète résulte ainsi à la fois de la reconnaissance de la variété des phénomènes et de la possibilité de son interprétation par une mécanisme thermique simple. [...] Dans cette longue exploration [...] soulignerons-nous assez l'intéret, la pertinence et la "beauté" des théories de chaque époque qui ont toutes le mérite de chercher une explication intelligente à la réalité, et de montrer l'ingéniosité et la créativité de la démarche scientifique (p.569).


Ellenberger, F. Hsitoire de la Géologie, Encyclopédie Universalis.

La géologie s'est constituée en une science organisée avec une étonnante rapidité, au début du XIX e siècle. Depuis lors, elle s'est progressivement développée, enrichie et diversifiée. […] lors de sa grande éclosion, cette science a bouleversé les rapports entre l'homme et le monde, en révélant la durée prodigieuse des temps qui ont précédé l'humanité, et en ressuscitant les mondes vivants innombrables qui, avant elle, s'étaient succédé sur la surface de la Terre. Ce faisant, elle empiétait forcément sur le domaine des enseignements des Églises. Certains ont volontiers allégué que la géologie moderne était née d'une victoire de la raison sur l'obscurantisme religieux, favorisée en outre par la révolution industrielle. […] les choses n'apparaissent pas aussi simples.

[...] entre 1810 et 1830, un prodigieux bond en avant se produit, exemple remarquable d'une révolution créatrice ; une communauté géologique internationale se crée ; les échanges et rencontres se multiplient. En 1807 est fondée la Geological Society of London. En 1830, ce sera le tour de la Société géologique de France ; dès lors, la géologie est une science adulte. Répugnant aux théories hâtives, elle se veut « positive », pressée de décrire méthodiquement la constitution géologique de territoires petits ou grands [...] C'est désormais une histoire de la surface terrestre, reconstituée pas à pas, qui est l'objectif essentiel.[...] Bornons-nous à quelques jalons.

On propose enfin une explication rationnelle de la formation des montagnes [...] Léonce Élie de Beaumont (1798-1874) relie logiquement l'orogenèse au refroidissement lent du globe, dogme admis durant tout le siècle (la première « tectonique globale », a-t-on écrit). Il montre que des « soulèvements » répétés ont affecté la France et les territoires voisins, soulèvements marqués par des discordances angulaires d'âges différents selon les lieux et, à distance, par des ruptures dans la sédimentation tranquille, accompagnées d'un changement de faune. Il y voit des catastrophes dues au brutal réajustement de la croûte terrestre devenue trop grande pour l'intérieur qui se contracte du fait de son refroidissement continu. [...]

L'orogenèse est révolutionnée, dans les années 1885-1900, par la découverte inattendue des grandes nappes de charriage, principalement dans les Alpes (Marcel Bertrand, 1847-1907, etc.). La seule contraction du globe par refroidissement devient inadéquate. Le fait des nappes implique un minimum de mobilité des continents. En 1924, Émile Argand (1879-1940), professeur de géologie à l'université de Neuchâtel, adopte de ce fait avec enthousiasme l'essentiel des idées d'Alfred Wegener (1880-1930). Notons que l'exploration de l'Ouest américain met en vedette les vastes mouvements verticaux lents [...] spontanés [...] ou par réajustement isostatique [...]. Le tectonicien Eduard Suess publie, entre 1883 et 1909, la première synthèse complète de la géologie structurale de la Terre mais refuse les mouvements ascensionnels de sa surface. La paléontologie et la micropaléontologie [...] ont fait des progrès vertigineux, au point d'obliger les spécialistes à limiter de plus en plus leur champ d'activité. Les fossiles restent l'instrument privilégié de datation des couches mais, désormais, au côté de méthodes physiques, au premier rang desquelles la radiochronologie, dont l'initiateur fut le physicien Ernest Rutherford et le pionnier en géologie Arthur Holmes [...]. Dès 1905, on suppute des âges de 2 milliards d'années, à la grande colère de lord Kelvin [...].

La géologie actuelle est l'aboutissement d'un développement historique qu'il faut connaître pour comprendre l'articulation logique des innombrables spécialisations où elle a tendance à s'éparpiller : c'est la conséquence de l'énorme accroissement, depuis les années soixante, du nombre de chercheurs et de publications. Cette situation n'a pas de précédent. [...] L'histoire nous tend un miroir ; elle nous montre notamment le danger des systèmes si bien construits que l'on a tendance à s'y enfermer, en se contentant de les enrichir frileusement du dedans. Les progrès futurs sont en général inattendus, voire dérangeants ([...] les nappes et la radioactivité brisent le consensus de la contraction, Wegener s'insurge contre les continents immuables, etc.). Les conduites humaines changent peu ; il est bon d'étudier la logique des erreurs passées : elles peuvent éclairer les voies de notre science actuelle, en nous incitant à ne pas nous enliser, à poursuivre avec esprit critique, indépendance et audace la quête séculaire, jamais achevée.


Hallam, A. (1976). Une révolution dans les sciences de la Terre. Editions Seuil.

On eut donc pu s'attendre, une fois passées les premières réactions de scepticisme, à ce que des équipes de chercheurs soient suffisamment stimulées par cette théorie pour tenter de la mettre à l'épreuve de diverses façons. Tel ne fut pourtant pas le cas avant la guerre, ni même immédiatement après. La plupart des chercheurs, au contraire, et surtout en Amérique du Nord, soit rejeterent purement et simplement l'hypothèse de la dérive des continents comme un tissu d'absurdités, soit conservèrent à son égard le plus grand scepticisme.

Holmes souffrit peut etre du peu de renommée de la revue qui l'avait publié [...]. Toujours est-il que la grande majorité des géologues et des géophysiciens pensaient pouvoir reléguer les théories générales comme celle de la dérive des continents au ban de leurs préocupations, et se cantonner dans leurs diverses spécialités. Il fallut l'irruption explosive de données et d'idées nouvelles, qui, dans les deux décennies qui suivirent 1950, résultat du très grand élargissement de la communauté scientifique pour que l'on prenne conscience de l'état de stagnation intellectuelle qui avait caractérisé l'histoire des sciences de la Terre dans les décades précédents. (p.60).

L'une des principales raisons pour lesquelles la controverse d'avant-guerre s'était montrée si peu féconde était notre ignorance totale de la constitutions des fonds océaniques qui, compte tenu des mers intérieures, ne couvrent pas moins de 70% de la surface de la planète. Nos connaissances en ce domaine devaient s'accroitre considérablement à partir des années cinquante et beaucoup d'idées se trouvaient modifiées par suite des nouveaux travaux océaniques. Cependant, c'est dans un autre domaine relativement récent, celui de l'aimantation des roches que la conception encore régnante de continents fixes fut pour la première fois sérieusement ébranlée (p.61).

Dans le cadre d'un programme connu sous le nom de JOIDES (programme d'échantillonnage profond commun aux instituts océanographiques), et financé par la National Science Fundation des Etats-Unis, le batiment de forage Glomar Challenger entreprit une série d'expéditions en prenant à son bord successivement différentes équipes scientifiques internationales. Un système unique de postionnement dynamique, controlé par ordinateur, maintenait le navire immobile dans des eaux trop rofondes pour qu'on put y jeter l'ancre. Il fut ainsi possible d'obtenir, par des fonds supérieurs à 6000 mètres, des carottes de sédiments de plus de 1000 mètres, ce qui constituait un extraordinaire exploit technologique. (p.99)

Réflexions sur une révolution scientifique
in
Hallam, A. (1976). Une révolution dans les sciences de la Terre. Editions du Seuil, pp. 151-165.

Kuhn s'oppose à l'idée traditionnelle selon laquelle le progrès scientifique consisterait en l'accumulation progressive de découvertes et d'inventions. Kuhn considère que les révolutions scientifiques se font par la substitution d'un paradigme, c'est-à-dire d'une conception du monde, à un autre. (p.153) [...] L'acquisition d'un paradigme est un signe de maturité dans le développement d'une science. Faute de cette acquisition, les faits sont rassemblés au gré du hasard et les preuves ne peuvent avoir qu'un très faible poids. Dans ces conditions, la simple accumulation de données ne produit souvent rien de plus qu'un chaos informe. [...] En ce qui concerne les sciences de la Terre, il est clair que c'est la tectonique des plaques qui constitue, à l'heure actuelle, le paradigme dominant. Si l'on veut caractériser cette révolution conformèment à la définition de Kuhn, il est nécessaire de déterminer à quel paradigme la tectonique des plaques est venue se substituer [...]

Considérons par exemple la question de l'orogenèse. Au début du siècle, les chercheurs hostiles à l'hypothèse de la dérive des continents adoptaient sur cette question des points de vue divers et inconciliables entre eux. (p.154) [...] Le seul point commun qui ressort de ce salmigondis d'opinions est une conception de la Terre "stabiliste" et non mobiliste, qui attribue aux continents une position relativement immuable. Dans la mesure où c'est Wegener [...] qui le premier mit en doute le bien-fondé de cette hypothèse, on est en droit de considérer que cette révolution comença au tout début de ce siècle. Cependant, cinquante ans devaient s'écouler avant que de nouvelles preuves et de nouvelles idées amènent la communauté scientifique à opter pour le point de vue mobiliste et permettent la pleine formulation du nouveau paradigme (p.155).

[...] On peut certes s'interroger sur la signification de "révolutions" qui mettent parfois un demi-siècle à aboutir, guère plus rapides donc que d'autres modes, plus modestes, de transformation de la pensée et de la technique (p.156). [...] Ferme partisan d'une étude pluridisciplinaire de la Terre, Wegener soutenait que, vu l'impossibilité de soumettre les hypothèses géophysiques à des expériences déterminantes ainsi qu'on le fait en physique, il convenait d'accumuler des preuves glanées dans les domaines les plus divers, et dont aucune à elle seule n'autrait été concluante. (p.157-158). [...] Un des obstacles les plus sérieux fut sans doute l'absence, surtout en ce qui concerne les océans, de certaines preuves qui d'une manière ou d'une autre, cela est apparu clairement ces dix dernières années, étaient propres à lever les derniers doutes sur l'interprétation de Wegener. C'est ainsi que certains régions parmi les plus importantes, telles que l'Afrique du Sud ou l'Amérique du Sud, étaient inaccessibles à la majorité des géologues, à une époque où les crédits de mission étaient infiniment moins importants qu'aujourd'hui ; les chercheurs étaient donc contraints d'accepter de confiance bon nombre d'affirmations.

Cela ne saurait pourtant suffire à expliquer l'accueil hostile que rencontra sur le champ l'hypothèse de la dérive des continents [...] Aussi convient-il d'aller plus au fond des choses et de reconnaitre que le véritable obstacle au triomphe de Wegener n'était pas tant l'insuffisance des données qu'une certaine Gestalt de la Terre : le paradgime stabiliste. En effet, les données les plus immédiates, par exemple la forme des continents, peuvent être équivoques suivant le point de vue, statique ou mobiliste, que l'on adopte.

[...] les arguments géophysiques avancées par Jeffreys pour rejeter la dérive des continents étaient étayés par des observations quantitatives et par une connaissance en apparence supérieure des propriétés physiques de la Terre. On ne peut manquer d'être frappé par l'analogie entre cette situation et la controverse sur l'âge de la Terre qui opposa Lord Kelvin et les géologues de la fin du siècle dernier et dans laquelle le prestigieux physicien continua à avoir le dessus jusqu'à la découverte de la radioactivité des roches. [...] la théorie de Kelvin, selon laquelle la Terre devrait nécessairement se refroidir du fait qu'elle rayonne de la chaleur [...] fut finalement réfuté par l'importante découverte d'un autre physicien de premier rang [...] Rayleigh fit état, en 1906, de la découverte du radium dans un grand nombre de roches provenant des parties les plus variées de la planète. Une morale possible de cette histoire est que seul un physicien peut réfuter un autre physicien, parce qu'ils parlent le même langage (p.160). [...] En l'absence d'un mécanisme plausible de la dérive des continents, peu de géophysiciens pouvaient accepter de renoncer à leur Gestalt stabiliste, si fragile fut la base empirique sur laquelle ils la faisaient reposer. [...]

Une raison supplémentaire de l'hostilité que rencontra Wegener provient du caractère pariel des critiques que lui adressaient ses collègues, qui ne s'occupaient en général que de ce qui touchait à leur propre spécialité. A lire la littérature d'entre-deux-guerres, on s'aperçoit imédiatement qu'il n'existait pratiquement aucune communication, par exemple, entre les géophysiciens et les biologistes (y compris paléontologues). Seul un étranger à ce dernier domaine, tel que Wegener, pouvait observer que l'idée des passerelles continentales, chère à ces derniers, était indéfendable, mais qu'il fallait néanmoins trouver le moyen d'expliquer les ressemblances de la faune et de la flore d'un continent à l'autre.

Deux conceptions différentes de la nature de la pensée scientifique ont prévalu successivement au cours du temps. La conception la plus traditionnelle [...] représente la science comme une démarche essentiellement inductive, qui part des faits pour aboutir à des théories générales [...] une conception de la science comme activité de rassemblement et de classification des faits. Bien au contraire, une science est d'autant moins encombrée de faits qu'elle a atteint un plus grand degré de maturité. A mesure qu'une science progresse, les faits s'intégrent de mieux en mieux à des principes généraux d'une plus grande portée explicative [...] il n'est plus besoin d'enregistrer la chute de chaque pomme. D'où la seconde conception [...] qui considère la science comme fondamentalement hypothético-déductive. A partir des insuffisances de telle théorie traditionnelle; le scientifique formulerait une autre hypothèse pour expliquer les données existantes et en déduirait des conséquences qui seraient alors soumises à vérification. Cette conception rend certes beaucoup mieux compte de la nature effective du progrès scientifique et se rapproche étroitement de la méthode de Wegener lui-même [...] L'image véritable de ce qu'est la pensée scientifique est moins simple, mais plus intéressante ; elle est liée à la transformation de [...] paradigmes par la constitution de modèles théoriques, soumis à diverses conditions de "plausibilité", et ne peut etre considéréee hors du rapport qu'elle entretient avec toutes sortes de facteurs sociaux. [...] l'une des principales difficultés rencontrées par Wegener tient certainement au fait qu'il n'était pas reconnu comme faisant partie de la communauté des géologues professionnels [...] La théorie de la tectonique des plaques, fondée sur l'hypothèse de la dérive des continents, a remarquablement réussi à donner une explication cohérente de nombreux phénomènes géologiques et à offrir une représentation de l'évolution de la Terre plus intelligible que toutes celles dont on disposait jusque là. Il faut voir en elle le plus important progrès qui ait eu lieu dans le domaine des sciences de la Terre depuis qu'au début du XIXè siècle, le paradigme de l'évolution uniforme et celui de la corrélation stratigraphique fondée sur l'étude des fossiles avient donné à la géologie le rang de science véritable. Selon les critères habituels de précision, de généralité, de valeur explicative et de vérifiabilité, la tectonique des plaques apparait comme une théorie scientifique de très haute valeur [...] (p.163-165)

Article précurseur de Holmes (1929).

L'histoire des idées mobilistes et du modèle de la tectonique des plaques.
D'après Savaton, P. (2011). Histoire des sciences et enseignement du modèle de la tectonique des plaques. Revue RDST n° 3 : Didactique des sciences et histoire des sciences, p. 107-126

La filiation n'est pas directe entre le modèle de déplacement des continents à la surface des océans construit par Wegener et le modèle de la tectonique des plaques qui ne prend corps qu'une fois la surface du globe pensée en terme de plaques lithosphériques mobiles. Ce rapprochement peut etre source de confusions et de difficultés didactiques. L'histoire de la mobilité des continents ne peut être présentée en faisant l'impasse sur le XIXe siècle, et sur les modèles tectoniques d'Elie de Beaumont puis d'Edward Suess (1897) auquel se référe explicitement Wegener. Le modèle de Suess fait donc partie du contexte et il s'inscrit dans le cadre paradigmatique de la géologie d'alors et notamment celui de la théorie du refroidissement séculaire. Wegener s'inscrit dans une histoire des idées, dans la continuité des discussions de la communauté géologique sur l'origine des montagnes mais il s'y inscrit de manière originale par sa démarche.

Le modèle de Suess rajoute à la tectonique verticale développée par Elie de Beaumont, une tectonique tangentielle, secondaire, mais génératrice de plissements et responsable de la formation des chaines de montagnes. Il définie le terme de Gondwana comme un super continent carbonifère, une unité géographique ancienne sur des critères paléontologiques et divise verticalement le globe en trois couches concentriques (sial, sima et nife). Suess voyait dans la séparation actuelle des continents l'expression des effondrements continentaux déjà proposés par Elie de Beaumont, en relation avec le refroidissement séculaire et la contraction thermique.

Le modèle de Suess est donc incompatible avec celui de l'isostasie de Dutton selon lequel la contraction thermique est insuffisante pour créer les reliefs observés à la surface du globe. Fisher développera un modèle d'équilibre isostatique où les continents allégés par érosion remonteraient tandis que les bassins océaniques comblés par les sédiments s'enfondreraient. La théorie de l'isostasie de Dutton prétendait unifier la géologie et la géophysique et permet de maintenir la permanence des océans et des continents, en réduisant le théorie de la contraction au moins dans la communauté anglo-saxonne qui y était déjà peu favorable.

Wegener va poser la mobilité horizontale comme une nécessité explicative et unificatrice d'un ensemble d'observations convergentes, parfois anciennes, parfois récentes.Il met en avant l'existence d'unités géologiques continentales qui semblent interrompus par la mer et cherche à démontrer qu'il ne peut s'agir d'un hasard. Il expose sa théorie contre celle des continents submergés, acccepté durablement selon lui uniquement parce qu'elle s'opposait à la théorie de la permanence des océans.

Ses deux communications de janvier 1912, publiés quelques mois plus tard dans des revues allemandes de rang international, sont prolongées par son ouvrage de 1915. L'ouvrage traduit en français en anglais, en russe, en suédois, largement lu et discuté, surtour à partir de 1924 par la large diffusion de la traduction anglaise et par sa présentations dans les revues Nature, Science et Geological Magazine. Son rejet, surtout par la communauté géologique et géophysique américaine, est l'expression d'une oppostion paradigmatique et épistémologique fondamentale et pas seulement la conséquence d'un argumentaire insuffisant (Oreskes, 1999). Il n'y a pas selon lui de permanence des océans et des continents comme le défend la communauté des géologues américains depuis le milieu de XIXe siècle selon les thèses de Dana.

Wegener réconcilie dans son modèle la théorie de l'isostasie de Dutton et le modèle de super-continent et de contraction thermique de Suess :
Si nous prenons comme base la théorie des translations, nous répondons à toutes les exigences justifiées, tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ? Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires affaissés, mais à des socles continentaux jadis contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan pris individuellement, mais permanence de la surface océanique totale et de la surface continentale totale prises en bloc (Wegener, La genèse des contients et des océans, p.21)

Son modèle n'est donc pas totalement nouveau (Oreskes, 1999). Ce qui est tout à fait original et en rupture, c'est la réconciliation de deux théories. Le Gondwana de Wegener se fracture et les blocs divergent, là où Suess faisait s'effondrer des masses continentales à l'emplacement des océans actuels. Dans le cadre des théories marquées par la permanence des océans et des continents du coté américain, et par la théorie de la contraction du coté européen, la seule explication aux distributions de faunes et de flore ne pouvait venir que de l'existence de continuités continentales.

La découverte de la radioactivité, en reconsidérant le paradigme du refroidissement séculaire, va poser un sérieux problème aux paléontologues. Wegener va opposer l'isostasie aux ponts continentaux pour laisser la place aux translations continentales, tout en réduisant la théorie de la permanence incompatible avec les observations paléontologiques et le cadre évolutionniste. Si la naissance d'une idée nouvelle est difficile, c'est aussi parce qu'elle n'est pas seule et qu'elle doit faire avec ou contre un héritage et d'autres possibles, qui viennent la contester et tenter de la réduire.

L'idée d'une terre solide et rigide est une idée dominante du XIXe siècle, défendu notamment par Thomson (1862) en lien avec l'absence de marées crustales. L'astronomie physique imposait une rigidité terrestre. Fisher en 1881 contesta cette idée car si la croute était rigide parce que froide et la noyau solide pour cause de pression, entre les deux, il pouvait exister une couche fluide, permettant d'expliquer l'isostasie grace à un substratum crustal plastique. La communauté géophysique est donc partagée sur le modèle de Terre plus ou moins rigide lorsque Wegener présente sa théorie.

L'idée de la mobilité horizontale de Wegener va s'appuyer sur l'idée d'une isostasie et d'une Terre pas entièrement solide. Wegener en fera le processus central de sa théorie, avec un déplacement conceptuel des mouvements continentaux verticaux (isostasie) vers des mouvements horizontaux. Ce déplacement n'est pourtant pas acceptable car il viole les conditions de validité du modèle isostatique : les mouvements horizontaux opposaient aux déplacements de la croute rigide, une croute océanique adjacente également rigide. Wegener contournera le problème en calculant sur des arguments gravitaires que la croute continentale était plus épaisse que la croute océanique adjacente et de ce fait, pouvait se déplacer à 95% face au substratum plastique de la croute océanique. Malgré cet argumentaire, si les mouvements verticaux renvoyaient aux forces gravitaires, il restait à trouver les forces responsables de la dérive horizontale. Pour nombre de géophysiciens, l'absence de cause identifiée avec assurance conduit à rejeter le modèle des translations.

La théorie de Wegener arrive à l'époque où le modèle sismique de Terre est en construction. Jeffreys défend une Terre solide au motif qu'une rupture n'est possible qu'au sein d'un corps rigide et qu'il en est de même pour la transmission des ondes de cisaillement. L'existence de séismes impose donc une rigidité terrestre, fait que ne partage pas Gutenberg qui met en évidence en 1927 une zone de faible vitesse sismique vers 100 km de profondeur et propose l'existence de courants de convection au sein d'un manteau plastique. Mais le modèle de Jeffreys (1924) bénéfice d'une diffusion très large grâce au statut de son auteur, professeur à Cambridge, et au succès universitaire de son traité de géophysique, publié en 1924, réédité pendant près de 50 ans comme un ouvrage de référence .


D'après Philippe LE VIGOUROUX sur l'incidence de la Première Guerre mondiale sur la réception de la théorie de Wegener en France

Résumé de la thèse en cours : La théorie de la dérive des continents est exposée par le géophysicien allemand Alfred Wegener dès 1912, dans deux revues scientifiques allemandes, l’une de géologie, l’autre de géographie. Un ouvrage est ensuite publié en 1915 et réédité en 1920 puis en 1922. Ce n’est qu’en 1922 que la théorie est exposée aux scientifiques français, par un géologue suisse, Elie Gagnebin.
A partir de 1923, la théorie est discutée dans la communauté des géologues français qui lui réservent un accueil prudent, sans hostilité excessive, contrairement à ce qui se passe en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, en particulier.
A la même époque, au-delà du cercle des géologues, la théorie est rapidement diffusée vers le « grand public » par la presse et grâce aux efforts de vulgarisation des géologues eux-mêmes.
Cependant, après la période des discussions, la théorie formulée par Wegener est abandonnée par les géologues français et ne sera réhabilitée que dans les années 1960, dans le cadre du nouveau paradigme de la géologie que constitue la tectonique des plaques.
L’objectif de notre travail de thèse est, d’une part, d’identifier les arguments développés par les géologues français en faveur ou en critique de la théorie de Wegener au cours des années 1920-1930 afin de comprendre son abandon et, d’autre part, d’identifier les déterminants de la diffusion de cette thèse hors du strict cercle de la géologie
.

Quelques extraits de : Le Vigouroux, P. (2012). Résonances de guerres dans le monde contemporain. Communication à la Journée d'études pluridisciplinaire des doctorants en SHS (EDSCE) de l'Université d'Angers, 25 avril 2012.

voir aussi : Le Vigouroux, P. (2011). La Premiere Guerre mondiale et ses consequences sur la réception de la theorie de Wegener en France. Travaux du Comite francais d'Histoire de la Geologie, COFRHIGEO, 2011, 3eme serie (tome 25, 8), pp.187-206.

[...] L’objectif de cet article est de montrer les marques que la confrontation armée imprime durablement dans un corps social spécifique, celui des géologues français, au risque de perturber l’élaboration progressive des connaissances. [...] après les affrontements, loin de raviver la vocation universaliste des sciences de la nature qui commençait à émerger avant-guerre, les scientifiques poursuivent leur engagement au-delà de l’armistice par la mise en place d’une nouvelle organisation de la coopération scientifique internationale qui vise explicitement à empêcher le retour des savants allemands dans le concert des échanges internationaux. [...] alors qu’elle est loin ou qu’elle est passée, la Grande Guerre est un élément, parmi d’autres, qui a influencé l’histoire de la compréhension de l’organisation de notre planète. L’état d’esprit qui imprègne les scientifiques français du premier quart du XXème siècle ne leur permet pas de se saisir rapidement d’une nouvelle conception, originale et argumentée, proposée peu avant la guerre. Cette théorie, la dérive des continents, ébauchée par un météorologue allemand, Alfred Wegener, ne commence à être discutée dans les pays alliés, dont la France, que dix ans plus tard, à partir de 1922.[...]

[...] Marcelin Boule, occupe la chaire de paléontologie au Muséum : fondateur des Annales de paléontologie en 1906, il y publie la première étude détaillée du squelette de l’homme néandertalien découvert en 1908 à La Chapelleaux-Saints en Corrèze. C’est sur ce terrain de la paléontologie et de l’évolution des espèces qu’il développe son argumentation pour Petit et Leudet afin d’expliquer les conditions du déclenchement du conflit. En effet, selon lui, la responsabilité de la guerre ne doit pas être imputée aux seuls impérialisme et militarisme prussiens. D’autres causes, plus profondes, permettent d’expliquer ce « phénomène de véritable régression » : ce sont, les "lois générales de la biologie auxquelles l’évolution d’un être ou d’un groupe d’êtres organisés quelconques ne sauraient [sic] se soustraire, les lois biologiques étant souveraines" [...]

[...] Stanislas Meunier occupe la fonction de directeur-adjoint du Muséum de 1910 jusqu’à sa retraite en 1919. C’est donc une personnalité importante de la géologie française du début du vingtième siècle qui collabore à la « gerbe aux couleurs françaises »17 de Petit et Leudet. Comparant les deux géologies, Meunier commence par relever que la géologie française serait perdante en recherchant son inspiration au sein de la géologie allemande [...] Il Il illustre cette épidémie de philo-germanisme d’abord en contestant les qualités de la grande oeuvre du géologue viennois Edward Suess, Das Antlitz der Erde (La face de la Terre), qui a commencé à paraitre à partir de 1883, puis en dénonçant l’influence d’Émile Haug, dont il met en avant les origines alsaciennes, professeur à la Sorbonne et auteur d’un Traité de géologie (en quatre volumes parus entre 1907 et 1911) [...]

[...] Comme le souligne Anne Rasmussen (2004), « la représentation traditionnellement attachée au discours scientifique, par ses praticiens comme par le public, lui impute une forme de neutralité, vouée à l’administration de la preuve hors d’atteinte des contingences extérieures». On vient de le voir, cette neutralité chez les géologues n’est pas de mise en la circonstance. La mobilisation des scientifiques au cours de cette guerre, au-delà de celle des savoirs spécifiques sur le champ de bataille comme la géologie et les disciplines associées telle la géodésie, s’inscrit aussi dans un engagement personnel et militant. Les discours des géologues pris en exemple ici, ne traduisent sans doute pas toute la diversité des degrés d’engagement des géologues français. Ils traduisent cependant un état d’esprit qui imprègne l’ensemble des savants de la nation, dont les géologues.[...]

[...] Avec la fin du conflit, est revenu le temps des échanges internationaux, scientifiques en particulier. L’organisation de la coopération internationale de l’après-guerre a été envisagée dès 1917 par le tout nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, le mathématicien Émile Picard, pour qui « il importe de déclarer bien haut que toutes relations personnelles seront impossibles pendant bien des années entre les savants français et les savants allemands».Plusieurs conférences des Académies des sciences interalliées, tenues en fin d’année 1918, débouchent sur la constitution, en juillet 1919, d’un Conseil international de recherches (CIR) duquel est exclue toute institution savante des pays ennemis. Absent lors de la réunion constitutive, Picard y est suppléé par le géologue et minéralogiste Alfred Lacroix, second secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. L’un des objectifs de ce Conseil est de veiller au boycott des savants allemands lors des réunions et congrès scientifiques internationaux.[...]

En 1921, c’est la Belgique, dont l’invitation avait été acceptée par le précédent Congrès en 1913, qui convoque une nouvelle session du Congrès pour l’été 1922. Préparée dès juillet 1919, cette XIIIème session est résolument fermée aux « ressortissants des pays qui ont fait la guerre à la Belgique, au mépris des traités». Au cours des mois qui précèdent la réunion, les Sociétés géologiques du Danemark, de Suède et de Norvège, pays neutres et germanophiles, ont protesté contre une « admission limitée par des principes non scientifiques». Ces « manoeuvres » sont évoquées dans une lettre datée du 18 février 1922, adressée par le géologue Emmanuel de Margerie, directeur du Service de la Carte géologique d’Alsace et de Lorraine, au secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, Alfred Lacroix (Archives de l’Académie des sciences, fonds Alfred Lacroix, Dossier de Margerie). Des géologues néerlandais auraient également fait pression pour que les géologues d’autres pays neutres, telle la Suisse, boycottent le Congrès.

[...] Quatre ans après les hostilités, les géologues gardent une très vive rancoeur et, pourtant indépendants du Conseil international de recherches, appliquent le même ostracisme vis-à-vis de leurs collègues allemands. [...] C’est finalement sous la pression des pays neutres, mais aussi anglo-saxons, que reprennent les échanges internationaux auxquels sont conviés les savants allemands. La méfiance des géologues vis-à-vis du CIR permettra d’envisager ce retour dès 1926 alors que plusieurs autres disciplines subiront encore les règles rigides du CIR jusqu’au début des années 1930.[...]

[...] Alors qu’elle déclenche des débats intenses dans les pays germanophiles au cours de la seconde moitié des années 1910, qu’elle est mûrie et précisée par son auteur, la théorie de la dérive des continents reste ignorée des géologues alliés, français en particulier. Et ce n’est qu’à partir de 1922, lorsqu’un géologue suisse, Elie Gagnebin, assistant de Maurice Lugeon à l’Université de Lausanne, la présente aux savants français, leur faisant le reproche de l’ignorer encore et de la passer sous silence. Imprégnés d’une culture antigermanique entretenue depuis la guerre francoprussienne de 1870 et ravivée par la Grande Guerre, les géologues français n’étaient pas prêts, de toute évidence, à débattre de la théorie allemande. Pourtant, à la suite de la publication de Gagnebin, le débat s’enracine pour quelques années, et la jeune génération des géologues français (Maurice Gignoux (1881-1955), Charles Jacob (1878-1962), Edmond Rothé (1873-1942), Léonce Joleaud (1880-1938)) voit d’un oeil plutôt intéressé la nouvelle conception du globe proposée par Wegener. Intérêt mais pas pour autant adhésion : les insuffisances intrinsèques de la théorie, par rapport aux connaissances de l’époque, ont raison de sa persistance dans les cercles scientifiques. Alors que l’année 1922 marque, pour les géologues, la reprise des riches échanges internationaux à l’occasion du Congrès de Bruxelles, Alfred Wegener publie une troisième édition de son ouvrage, édition mise à jour par les données récentes de la géologie et les débats suscités par sa théorie dans les pays germanophiles.

Dans les Comptes rendus du Congrès, publiés seulement en 1924, la théorie de la dérive des continents n’est discutée que par Émile Argand, professeur de géologie à l’Université de Neuchâtel. Celui-ci considère dès 1916 qu’elle explique beaucoup mieux que l’ancienne conception, celle des géosynclinaux, les similitudes de faune et de flore dans des régions aujourd’hui séparées par de vastes océans ainsi que la répartition des marqueurs d’une glaciation permo-carbonifère. Aucune autre mention de la théorie wegenérienne n’apparait dans les communications et les débats bruxellois. [...] on peut d’ailleurs s’interroger sur la place réellement donnée à la théorie de Wegener par Argand lors de sa conférence inaugurale en 1922 au Congrès, car si son soutien à la théorie wegenérienne est envisageable dans le manuscrit remis en 1924 quand les géologues en débattent dans leurs instances, on envisage difficilement la même référence soutenue à une thèse allemande, dans le contexte émotionnel de 1922 où chaque discours ravivait la mémoire des jours sombres.
Quelques années plus tard, en 1926, alors que l’Association américaine des géologues du pétrole organise un colloque entièrement consacré à la théorie de la dérive continentale, le Congrès géologique international de Madrid ne comporte qu’une communication faisant allusion à la thèse wegenérienne. Elle continue pourtant de faire l’objet de discussions dans quelques publications et commence à diffuser hors du cercle des scientifiques par les ouvrages de vulgarisation.[...]

  • Congrès géologique international, XIIIe session – Belgique 1922 (Première Circulaire), novembre 1921, p. 1.
  • Congrès géologique international, Comptes rendus de la XIIIe session, en Belgique 1922. Liège, 1924, p. 154.
  • PETIT, Gabriel ; LEUDET, Maurice. Les Allemands et la Science. Paris : Librairie Félix Alcan, 1916, 376 p.
  • PICARD Émile. Les relations scientifiques internationales après la guerre. Journal des débats politiques et littéraires, 17 octobre 1917, p.1.
  • RÉVIL Joseph, 1917. Revue annuelle de géologie. Revue générale des sciences pures et appliquées, 15 janvier 1917, 28 (1) : 17-26.
  • RASMUSSEN Anne, 2004. La « science française » dans la guerre des manifestes, 1914-1918. Mots. Les langages du politique, 76 : 9-23

Revue générale des Sciences pures et appliquées
PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS

Fondateur : Louis OLIVIER, Docteur es Sciences
Directeur : J.-P. LANGLOIS, Docteur es Sciences, Professeur au Conservatoire national des Arts et Métiers, Chargé de Cours à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de l'Académie de Médecine.

COMITÉ DE RÉDACTION
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Secrétaire de la Rédaction : Louis BRUNET.
PARIS - Gaston DOIN, Editeur - 8, place de l'Odéon, 8

La Géologie, depuis la synthèse générale qu'en fit Edouard Suess, depuis la découverte, par Marcel Bertrand, Schardt, Lugeon, Termier, des grandes nappes alpines de charriage, ne s'est enrichie d'aucune idée plus importante, ni plus nouvelle que la théorie de Wegener. Alfred Wegener, de Marbourg en Hesse, n'est  point un géologue; il est géophysicien. Mais c'est devant les géologues allemands, réunis à  Francfort le 6 janvier 1912, qu'il vint pour la  première fois exposer son hypothèse. Et celle-ci,  en effet, concerne beaucoup plus l'histoire de la Terre, ses changements d'autrefois, que l'état d'équilibre relatif où nous la voyons aujourd'hui.Depuis 1912, Wegener a mûri et précisé sa théorie. Elle fut critiquée, dans ses principes et dans ses conséquences, par de nombreux savants allemands, hollandais, Scandinaves; lui-même l'a fortifiée d'arguments nouveaux. En 1920, il en publia un nouvel exposé, qu'il considère à peu près comme définitif; dès lors, les géologues se passionnent pour ou contre, et cette discussion encombre les revues d'outre-Rhin.

En France, où les théories d'Einstein et la psychanalyse de Freud sont si furieusement à la mode, on ignore presque entièrement l'hypothèse de Wegener; je ne crois pas qu'aucune revue spéciale en ait encore parlé. Le programme du Congrès international de Géologie qui se tiendra l'été prochain à Bruxelles n'en fait aucune mention. C'est là une lacune fâcheuse. Car si l'idée de Wegener est critiquable à plus d'un point de vue, si les réserves à son égard s'imposent, on ne peut plus actuellement l'ignorer ni la passer sous silence. Il est évidemment impossible, dans les limites d'un article tel que celui-ci, de traiter en  détails et complètement la théorie de la dérive des masses continentales. Il ne peut s'agir que  d'en tracer les grandes lignes. Cependant, nous nous attacherons ici à donner une idée juste de  cette hypothèse, en suivant avec fidélité la pensée de l'auteur, quitte à abréger nos réflexions personnelles. Il importe d'abord que les géologues français soient mis au courant; les critiques naîtront d'elles-mêmes. Mais j'insiste encore sur le fait que Wegener n'est qu'un géologue d'occasion ; il faut accepter sa gaucherie, et se tenir de pousser leshauts cris  lorsqu'elle se manifeste. Les absurdités apparentes de sa théorie, il n'est pas certain qu'elles condamment l'idée fondamentale, ni même qu'elles aient grande importance. Cuvier s'est mal trouvé d'avoir dédaigné, sur leur raideur formelle et sur leurs contradictions, les écrits de Lamarck.


Association française pour l’avancement des Sciences (AFAS)
Sa devise initiale « Par la science, pour la patrie »
de 1872 à 1914

Créée aux lendemains de la défaite française dans le conflit franco-prussien de 1870, par l’action conjointe de savants, de banquiers, d’industriels, l’Association française pour l’avancement des sciences tient, à partir de 1872, des congrès annuels dans des villes de province auxquels sont conviés sous sa bannière « Par la science, pour la patrie » tout à la fois les savants les plus prestigieux, français comme étrangers, « les amateurs de sciences », mais aussi, côté public, « les classes riches et oisives » ainsi que « les clases laborieuses ». Entre 1872 et 1914, l’AFAS édite annuellement les actes de ses congrès qui représentent un corpus de 40 000 pages regroupant plus de 16 000 communications de 5500 intervenants.

L'AFAS Aujourd'hui
Sa devise : " Répondre aux interrogations face aux avancées des connaissances et à leurs conséquences
par le biais d'un véritable dialogue entre la communauté scientifique et le public
"

A l'aube du troisième millénaire, les progrès de la science, de la médecine, et de la technique dominent l'évolution de notre société. Les scientifiques se doivent aujourd'hui de répondre aux interrogations de leurs concitoyens car la perception du progrès se teinte parfois d'inquiétude devant certaines conséquences du développement scientifique.
L'AFAS entend répondre à cette attente du public curieux des avancées des connaissances et de leurs conséquences économiques et sociales, en le mettant en relation avec les spécialistes les plus qualifiés. Il ne s'agit pas seulement de vulgarisation, de diffusion des connaissances, mais d'un véritable dialogue entre la communauté scientifique et le public, dans le cadre des grands débats sur l'évolution de la société d'aujourd'hui.

Quelle mission aujourd’hui ? Répondre aux interrogations de nos concitoyens face aux avancées des connaissances et à leurs conséquences par le biais d’un véritable dialogue entre la communauté scientifique et le public. Dans un contexte de défiance du public face à la science et de désaffection des jeunes pour les études scientifiques, c’est une condition nécessaire pour que le public soit favorable au développement des activités de recherche et d’innovation dont nos sociétés ont le plus urgent besoin.

Liste des présidents de l'AFAS de 1872 à nos jours

Modèle contractionniste, modèle permanentiste... et modèle translationniste
Histoire du contexte épistémologique dans lequel s'inscrit l'hypothèse de la dérive des continents
D'après Deparis, V. & Thomas, P. (2011). La dérive des continents de Wegener. Site Planet-Terre, ENS Lyon.


Source : livre de Géologie de classe de 4ème, V. BOULET, 1925, modifié
Dans la théorie d'Elie de Beaumont (1829), le refroidissement séculaire de la Terre entraînerait sa contraction thermique, la diminution de son rayon et de son volume, d'où le plissement de sa surface.
Remarque de G. Gohau, G. (1990). Une historie de la géologie. Editions du Seuil, p.175 :
Dans l'exposé que l'on fait aujourd'hui de cette ancienne théorie, on aime, pour des raisons pédagogiques, à comparer la contraction de l'intérieur du globe au déssechement de la pomme qui se flétrit, et le ridement de l'écorce à celui de la pelure du fruit. Cela suggère que les "systèmes de montagnes" se forment au hasard, comme les rides de la pomme. Hors, il n'en est rien dans la théorie d'Elie de Beaumont. C'est même tout le contraire, au point qu'un de ses contemporains utilisait l'analogie avec le flétrissement de la pomme... pour montrer qu'une sphère qui se contracte se ride de façon aléaotaoire et non suivant des directions déterminées. Elie de Beaumont, en effet, attache une impoorantce primordiale à la direction des chaines de montagne. Il va même progressivement élaborer un schéma très complexe connu sous le nom de réseau pentagonal [...].


Carte des aires continentales. In É. Haug, Les géosynclinaux et les aires continentales,
Bulletin de la Société géologique de France, 3e série, 28, 617-711, 1900, p.642.

Y avait-il à l'époque des ponts, ou bien les continents étaient-ils séparés comme de nos jours par de larges océans ? Il est impossible d'écarter la nécessité de l'existence des anciennes jonctions terrestres, si nous ne voulons pas renoncer complètement à comprendre le développement de la vie sur le globe, et il est également impossible de se dérober aux arguments contraires à l'existence des continents intermédiaires émis par les partisans de la loi de la permanence. Il n'y a évidemment qu'une issue : Les hypothèses admises comme évidentes doivent être viciées par des erreurs cachées ». Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans, op. cit., p.16-17.

"Si nous prenons comme base la théorie des translations, nous répondons à toutes les exigences justifiées, tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ? Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires affaissés, mais à des socles continentaux jadis contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan pris individuellement, mais permanence de la surface océanique totale et de la surface continentale totales prises en bloc"
Alfred Wegener, La genèse des continents et des océans, 1928 ; réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, p.21).


Fig. 2 : « Die Entstehung der Kontinente », Geologische Rundschau, 3, 1912, p. 279.
Les continents de sal (ou sial) reposent sur une couche plus dense de sima.
La Terre contient un noyau de nife.

Entre 1883 et 1909, le géologue viennois Edward Suess fait entrer les sciences de la Terre dans une ère nouvelle en développant une vision globale de la tectonique de surface. Il s'appuie sur une grande quantité d'observations et cherche à faire ressortir les traits fondamentaux de la planète, prise dans son ensemble. "M. Suess a su s'élever assez haut pour voir les traits fondamentaux de l'ensemble s'accuser au milieu de la complexité des détails » (in E. Suess, La Face de la Terre, Préface de Marcel Bertrand, tome I, 1883 ; traduction française, Paris, Armand Colin, 1905, p.vi).

L'étude des chaînes de montagnes permet à Suess d'affirmer l'existence de mouvements verticaux et horizontaux importants. Dès 1875, il reconnaît que la chaîne alpine est déversé sur un « avant-pays » et il postule l'existence d'une poussée venue du Sud ou du Sud-Est avec des déplacements tangentiels importants. En 1883, il écrit : « Les dislocations visibles dans l'écorce terrestre sont le produit de mouvements qui résultent de la diminution du volume de notre planète. Les efforts développés par l'effet de ce phénomène tendent à se décomposer en efforts tangentiels et en efforts radiaux, et par suite en mouvements horizontaux (c'est-à-dire en poussée et en plissements) et en mouvements verticaux (c'est-à-dire en affaissements) ".(E. Suess, La Face de la Terre, op. cit., p.139). Le moteur des mouvements superficiels reste la contraction thermique (comme pour Elie de Beaumont) qui n'empêche pas des mouvements latéraux importants.

Suess compare également les séries stratigraphiques et les faunes et les flores fossiles d'un continent à l'autre. Certaines régions aujourd'hui séparées par des océans possédent une faune fossile commune. Ces similitudes entre des manifestations anciennes de la vie sont impossibles à expliquer selon la théorie darwinienne de l'évolution si on n'admet pas l'existence de liaisons intercontinentales aujourd'hui effondrées. Les mers intérieures et les vastes océans se sont formés puis agrandis par des affaissements successifs. Cette idée lui permet également d'expliquer les transgressions et régressions marines. Lorsque l'écorce s'effondre brutalement, la mer fait de même (régressions). Le comblement progressif des mers amène les transgressions.

En 1900, le géologue français d'origine alsacienne Emile Haug (professeur à la sorbonne et auteur d'un Traité de géologie en quatre volumes parus entre 1907 et 1911) donne des arguments géologiques et paléontologiques qui militent en faveur de l'existence d'anciennes unités continentales. Les chaînes de montagnes se forment uniquement le long de bandes étroites (les géosynclinaux) intercalées entre des unités continentales stables. "Chaque unité continentale a eu sa faune propre tant qu'elle est restée isolée, que des migrations se produisent chaque fois que des communications par terre s'établissent avec une unité voisine et que la faune la mieux organisée dans la lutte pour l'existence arrive à s'implanter et à refouler la faune autochtone dans les parties plus reculées du continent. Si plus tard l'unité continentale est morcelée par un effondrement partiel, les résidus de faunes permettront de rétablir par la pensée l'ancienne connexion. On voit quels services précieux peut nous rendre l'étude des faunes terrestres dans les essais de reconstitution des continents morcelés »

[...] le modèle contractionniste mis en avant par Suess [...] explique les analogies de faunes et de flores et les ressemblances géologiques entre des continents aujourd'hui séparés par des océans par l'effondrement de ponts continentaux. D'un autre côté, notamment au États-Unis, les géologues privilégient le modèle permanentiste, développé à partir de 1846 par Dana. Ils considèrent que les océans et les continents constituent des figures permanentes de la surface du globe depuis son origine et insistent sur les différences de nature entre les deux structures.

Au début du XXe siècle, les études sur l'équilibre isostatique des continents montrent que ceux-ci peuvent être considérés comme des blocs légers d'un composé nommé alors sial (car composés essentiellement de silicium et d'aluminium) en équilibre sur une couche plus dense d'un composé nommé alors sima (roches composées essentiellement de silicium et de magnésium) qui affleure au niveau des océans. Ces travaux favorisent le modèle permanentiste aux dépens du modèle contractionniste. Comment en effet pourrait-on postuler que des parties continentales légères puissent s'enfoncer au niveau des fonds océaniques plus denses ? Mais chaque nouvelle donnée paléontologique devient une preuve de l'existence d'une liaison intercontinentale, et renforce le modèle de Suess au détriment de celui de Dana.

[...] La théorie de Wegener découle [...] des incohérences des théories précédentes, qui apparaissent [...] lorsqu'on réunit les différentes disciplines des sciences de la Terre. [...]
[...] Les continents, autrefois réunis en une seule masse continentale nommée Pangée, se sont dispersés pour atteindre leur position actuelle en fendant le sima qui les entoure. Il lie l'orogenèse au déplacement des continents, ce qui lui permet de donner une explication unifiée du relief terrestre. D'une part, il affirme que les chaînes de montagnes intracontinentales [...] naissent de la collision entre deux socles continentaux et, d'autre part, il expose [...] que la dérive des continents à travers le sima forme par compression des chaînes de montagne à leur « proue » (les Rocheuses ou la Cordillère des Andes) et laisse derrière eux (à leur « poupe ») des fragments à l'origine des guirlandes d'îles (Antilles, archipels japonais, Ouest-Pacifique...).

[...] La démonstration [...] résulte d'une accumulation d'indices provenant d'observations diverses.


Quelles différences entre dérive des continents et tectonique des plaques ?
D’après Deparis, V. & Thomas, P. (2011). La dérive des continents de Wegener. Article en ligne sur le site Planet-Terre, ENS Lyon.


Dans le modèle de la dérive des continents
Dans le modèle de la tectonique des plaques lithosphériques
Continent ou Lithosphère
les continents sont assimilés à des bateaux (constitués de sial) dérivant sur un océan (constitué de sima)

la notion de sial demeure, même si son nom a changé : c'est la croûte continentale. La notion de sima, roche riche en silicium et magnésium est devenue plus complexe, puisqu'elle recouvre croûte océanique et manteau dans son ensemble.

les continents peuvent toujours être considérés comme des bateaux pris dans (ou plutôt posés sur) une banquise de glace, banquise qui dérive sur l'océan en entraînant avec elle les bateaux.

les bateaux sont constitués de la lithosphère continentale (et non plus de la simple croûte), la banquise est constitué de la lithosphère océanique (et non pas de la seule croûte), et l'océan correspond à l'asthénosphère et au manteau inférieur.

Moteurs
les forces proposées pour expliquer la dérive sont extérieures aux continents, appliquées sur le continent, que ce soient la force d'Eötvös, les courants de convection dans le sima.
la force qui met en mouvement la lithosphère est à rechercher dans la lithosphère elle-même (son refroidissement est à l'origine de sa plongée et est donc le moteur de la convection mantellique).
Pangée primordial ou transitoire
les continents actuels dérivent de la fragmentation d'une Pangée, supposée (au moins implicitement) primordiale, ayant toujours existé.
la Pangée permo- carbonifère résulte du rassemblement de nombreuses masses continentales qui se séparent et se rassemblent au grès de ruptures et de subductions/collisions, les traces des collisions ayant fabriqué la Pangée permo-carbonifère étant les chaînes hercynienne et ouralienne.

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Research Program
What should be taught about the nature of science ?

Benoît Urgelli
last up-date : 29 janvier, 2013

  • See also How science works from Osborne, J. & Dillon, J. (2010). Good Practice in Science Teaching: What research has to say. Open University Press, 2nd Revised edition, 256 pages.
  • Bartholomew, H., Osborne, J.F., & Ratcliffe, M. (2002, April). Teaching pupils ‘‘ideas-about-science’’: Case studies from the classroom. Paper presented at the 75th International Conference of the National Association for Research in Science Teaching (NARST), New Orleans. April 7-10 2002. Available on-line here.
  • Osborne J., Collins S, Ratcliffe M., Millar R., Duschl R. (2003). What ‘‘Ideas-about-Science’’ Should Be Taught in School Science? A Delphi Study of the Expert Community. Journal of Research in Science Teachnig, Vol. 40, No. 7, pp. 692–720.

This study has shown that within the broad community with an interest or engagement in science and science education, there exists a consensus about the core features of an account of the nature of science. It therefore suggests that one common obstacle to teaching about science is without foundation. Hence, we see this work as providing another body of empirical evidence to buttress the case for placing the nature of science and its processes at the core rather than the margins of science education. The detailed responses of the participants provide, in addition, valuable pointers to the content of such teaching. Although some may object that teaching a vulgarized account of science runs the risk of misrepresenting the essential elements of scientific practice and the values of the scientific community, we prefer to stress the positive aspect of such an account: that it can provide a basic understanding of the processes and practices of science and of the nature of the knowledge that these produce. Not only will such an account help young people make sense of the science that impinges on them in their daily lives, it may also lay the grounds from which a more sophisticated account may be developed in later life.


METHODS of SCIENCE
Scientific Methods and Critical Testing*
Pupils should be taught that science uses the experimental method to test ideas, and, in particular, about certain basic techniques such as the use of controls. It should be made clear that the outcome of a single experiment is rarely sufficient to establish a knowledge claim.
Analysis and Interpretation of Data*
Pupils should be taught that the practice of science involves skilful analysis and interpretation of data. Scientific knowledge claims do not emerge simply from the data but through a process of interpretation and theory building that can require sophisticated skills. It is possible for scientists legitimately to come to different interpretations of the same data, and therefore, to disagree.
Hypothesis and Prediction*
Pupils should be taught that scientists develop hypotheses and predictions about natural phenomena. This process is essential to the development of new knowledge claims.
Diversity of Scientific Thinking*
Pupils should be taught that science uses a range of methods and approaches and that there is no one scientific method or approach.
Creativity*
Pupils should appreciate that science is an activity that involves creativity and imagination as much as many other human activities, and that some scientific ideas are enormous intellectual achievements. Scientists, as much as any other profession, are passionate and involved humans whose work relies on inspiration and imagination.
Science and Questioning*
Pupils should be taught that an important aspect of the work of a scientist is the continual and cyclical process of asking questions and seeking answers, which then lead to new questions. This process leads to the emergence of new scientific theories and techniques which are then tested empirically.
Observation and Measurement
Students should be taught that observation and measurement are core activities of scientists; most measurements are subject to some uncertainty but there may be ways of increasing our confidence in a measurement
Specific Methods of Science
Students should be taught a range of techniques for data representation and analysis commonly used in the sciences, with particular emphasis on those necessary for interpreting reports about science, particularly those in the media
Science and Technology
Students should be taught that although there is a distinction between science and technology, the two are increasingly interdependent as new scientific discoveries are reliant on new technology and new science enables new technology
Cause and Correlation
Students should be taught that there are two types of distinctive relationship in science: causal, in which there is a known mechanism relating an effect to a cause, and a correlation, in which identified variables are associated statistically but for which there is no well-established causal link

SOCIAL PRACTICES IN SCIENCE
(Teachnig SSI)
Moral and Ethical Dimensions
in Development of Scientific Knowledge

Students should appreciate that choices about the application of scientific and technical knowledge are not value free; they may therefore conflict with moral and ethical values held by groups within society
Cooperation and Collaboration in the Development of Scientific Knowledge*
Pupils should be taught that scientific work is a communal and competitive activity. Whilst individuals may make significant contributions, scientific work is often carried out in groups, frequently of a multidisciplinary and international nature. New knowledge claims are generally shared and, to be accepted by the community, must survive a process of critical peer review.
(see Merton, 1973).
Peer Review
Students should be taught that developments In scientific knowledge are critically reviewed and may be authenticated and validated by members of the wider community
Contextual Nature of Science
Students should know that developments in scientific knowledge are not undertaken in isolation, but may be shaped by particular contexts
(see Pestre, 2006)
Constraints on Development of Scientific Knowledge
Students should know that scientific knowledge is developed within the context of a range of constraints that may shape it and its uses
Range of Fields in Which Scientific Knowledge Is Developed
Students should be taught that scientific research is undertaken in a variety of institutions by individuals who have differing social status within the scientific community. Scientists generally have expertise only in one specific subdiscipline of science
Accountability and Regulation of Scientific Practices
Students should be taught issues of accountability and regulatory procedures that relate to the development of scientific knowledge

This project [...] sought to provide empirical evidence of what the expert community engaged in practicing, communicating, and teaching science thought was important for average citizens to understand about socioscientific issue [...] by the end of their formal education.

Rationale and theoretical background

[...] the core status of science can be justified only if it offers something of universal value to all rather than academic science for the minority who will become the next generation of scientists. Science courses that give scant or tacit treatment of the nature, practices, and processes of science result in most students leaving school with naive or severely limited conceptions of science (Driver, Leach, Millar, & Scott, 1996). Yet it is an understanding of the nature of science which many have argued is essential for the education of the future citizen (Fuller, 1997; Irwin, 1995; Jenkins, 1997; Millar, 1996; Ziman, 2000), and which should be an integral and substantive element of any contemporary course in science.

In most societies, the normative view of what is significant and salient within a given domain is defined by the academic community.

[...] as Stanley and Brickhouse (2001, p. 47) pointed out, ‘‘although almost everyone agrees that we ought to teach students about the nature of science, there is considerable disagreement on what version of the nature of science ought to be taught.’’ Somewhat paradoxically, then, despite this obstacle, a range of curriculum documents [...] ostensibly seem to have achieved some agreement in defining what should be taught about the nature of science. But do these curriculum documents represent a consensus or, alternatively, the kind of compromise which is often the product of reports produced by committees? That is, do they represent the lowest common denominator around which it is possible to achieve agreement rather than any coherent account of the nature of science?

In the view of this uncertainty and the lack of empirical evidence for consensus, our essential research aim was to determine empirically the extent of agreement among scientists, science communicators, philosophers and sociologists of science, and science educators about those aspects of the nature of science that should be an essential feature of the school science curriculum: in essence, to make a contribution toward resolving this apparent dichotomy between the academic and educational community.

Conclusions

1. [...] where individuals have thought extensively about the nature of science, and about an account that should be offered to others, they have experienced considerable difficulty in its specification. [...] There has been little agreement about what is core or absolutely essential to an understanding of science. [...] In contrast, our findings provide empirical evidence of a consensus on salient features which are both significant and essential components of any basic knowledge and understanding about science and, in addition, uncontroversial within the relevant academic communities with an interest in science and science education. These data suggest, then, that these themes do have sufficient agreement to form the core of a simplified account of the nature of science suitable for the school science curriculum. Hence, our first conclusion is that there exists support and broad agreement for a set of nine clearly specified themes about aspects of the nature of science which school students should encounter by the end of compulsory schooling.

2. Our second conclusion, therefore, is that many of the aspects of the nature of science represented by the themes have features that are interrelated and cannot be taught independently of each other. This finding suggests that, although the research process has required the separation and resolution of these components to weight their significance and import, there is no agreement that they should be communicated and represented in that manner.

3. It is also important to recognize that the de?nition of consensus we have used has drawn an arbitrary line. Using the same criteria of a mean rating of 4 and a stability of <33% shift between the two rounds, over 50% of participants considered several other themes to warrant inclusion in the curriculum. Specifically, these were: Science and Technology (65%), Moral and Ethical Dimensions in the Development of Scientific Knowledge (61%), Empirical Base of Scientific Knowledge (61%), Cumulative and Revisionary Nature of Scientific Knowledge (61%), Observation and Measurement (56%), Characteristics of Scientific Knowledge (52%), and Specific Methods of Science (52%). This suggests that these data represent the participants’ gradation of importance of the themes [...] the nine themes represent the basic minimum that any simplified account of science should address. The other themes, although significant, are additional components to be included in more complex or more sophisticated accounts [...].

Discussion and Implications

A tentative comparison of the most prevalent ideas about science found in current National Curricula or National Standards (McComas & Olson, 1998), i.e., ideas found in six or more national curriculum documents, and those emerging from this study. In the table, themes emerging from McComas and Olson’s work that are similar to 10 themes emerging from this work have been juxtaposed.

Many of the themes emerging from our study fall under the umbrella of the Methods of
Science
: Experimental Methods and Critical Testing, Creativity, Science and Questioning, Diversity of Scientific Method, and Analysis and Interpretation of Data).
Two themes (Historical Development of Scientific Knowledge and Science and Certainty) are aspects of the Nature of Scientific Knowledge. There is only one under the heading of the Institutions and Social Practices of Science.

[...] why so many of the ideas of contemporary scholarship about the nature of science are absent. For instance, neither the themes emerging from this study nor those of the national curriculum documents place much emphasis on the role of theory, explanation, and models. They do not, for instance, represent a more contemporary view of science such as that offered by Giere (1991), who portrayed science as a multidimensional interaction among the models of scientists, empirical observation of the real world, and their predictions.

[...] We suggest that the omission of other components is simply owing to the fact that they were regarded as too complex or too contentious for inclusion.

[...] One challenge is how such themes can become part of the instructional sequence. To what extent, for instance, can these themes be taught directly as part of discrete lessons or should they permeate all science lessons.

Whereas inquiry-based approaches, investigations, or practical work will certainly address many of the themes in the Methods of Science category, unless there is some careful mediation on the part of the teacher across lessons to highlight the methodologic features of these activities and their generic nature explicitly, many aspects of a more accurate picture of the nature of science may be glimpsed only partially, if at all, by students.

see Kolsto's comments (2012) on links between IBSE and Teaching SSI

 


The 9 Themes from phase 1 of this study that form the components of a simplified or core account of the Nature of Science. In Bartholomew, Osborne, & Ratcliffe, 2002.


Five factors that afforded or inhibited the teachers’ pedagogic performance to teach effectively about science. They serve as a valuable analytical tool for analysing and explaining the success, or otherwise, that individual teachers have when confronted with teaching components of the nature of science. In addition, we argue that they are an important means of identifying salient aspects of pedagogy for initial and inservice training of teachers for curricula that require the teaching of SSI.
see also Urgelli, ESERA, 2011 and HEP Lausanne, 2012

The next phase of work with 12 teachers (3 Grade 6, 4 Grade 8, and 4 Grade 10) has sought to explore these problems. With these teachers we have attempted to see how the themes can become an integral part of their teaching and the difficulties that emerge (Bartholomew, Osborne, & Ratcliffe, 2002).

In this paper, we report work undertaken with a group of 11 teachers over a period of a year to teach aspects of the nature of science. The teachers, who taught science in a mix of elementary, junior high, and high schools, were asked to teach components of the nature of science for which consensus had been established using a Delphi study in the first phase of the project. Data were collected through field notes, videos, teachers’reflective diaries, instruments that measured their understanding of the nature of science and the role of discussion in the classroom. In addition, data were collected of their pupils’ understanding of the nature of science, pre- and post-intervention, and that for a control.
In this paper, drawing on a sample of the data we explore the factors that afforded or inhibited the teachers’ pedagogic performance in this domain. Using these data, we argue that there are 5 critical dimensions that distinguish and determine a teacher’s ability to teach effectively about science. Whilst these dimensions are neither mutually independent nor equally important, they serve as a valuable analytical tool for analysing and explaining the success, or otherwise, that individual teachers have when confronted with teaching components of the nature of science. In addition, we argue that they are an important means of identifying salient aspects of pedagogy for initial and inservice training of teachers for curricula that require the teaching of the nature of science
(In
Bartholomew, Osborne, & Ratcliffe, 2002).

 

For me, the next phase of work with a french community of experts in science education will explore how communication and didactic factors could explain involvement on mediating and/or teaching SSI

 

see also Stoll, L., Bolam, R., McMahon, A., Wallace, M., & Thomas, S. (2006). Professional learning communities: A review of the literature. Journal of Educational Change, 7(4), 221-258.

International evidence suggests that educational reform’s progress depends on teachers’ individual and collective capacity and its link with school-wide capacity for promoting pupils’ learning. Building capacity is therefore critical. Capacity is a complex blend of motivation, skill, positive learning, organisational conditions and culture, and infrastructure of support. Put together, it gives individuals, groups, whole school communities and school systems the power to get involved in and sustain learning over time. Developing professional learning communities appears to hold considerable promise for capacity building for sustainable improvement. As such, it has become a ‘hot topic’ in many countries.

 

This survey of a panel of diverse experts has produced results that raise several issues about curriculum design, instruction, and implementation.

Our view is that the importance of this study lies in the fact that it provides a body of empirical data drawn from a panel of experts which challenges the case made by Alters (1997) that no singular consensual view exists. Therefore, we contend that the nature of science can no longer be marginalized on the basis that there is little academic consensus about what should be taught.

[...] at least within the English curriculum, there is no treatment of one of the major themes from the Delphi study: the Diversity of Scientific Thinking. Few curricula have recognized the fundamental division Rudolph (2000) made between historical reconstruction and empirical testing. The latter, which is largely the domain of the physical, chemical, and molecular sciences, stands in contrast to the process of historical reconstruction in which the intellectual product is an explanatory mechanism for the chronologic sequence of past natural occurrences.

[...] school science is dominated by the empirical and exact sciences of physics, chemistry, and biology. Notable for its absence, for example, is a treatment of correlational methods which provide the basic methodology of medical trials and which are, moreover, a common feature of media reports of science. Hence, our data and those of McComas and Olson suggest that there are significant elements of a minimal account of the nature of science missing from most curricula.

[...] teaching students about the nature of science is as important as developing a knowledge of its content, if not more so, these findings lend support to the view that teaching the nature of science needs to become a core rather than a marginal part of the science curriculum.

Our findings further suggest that it might be a mistake to attempt to delineate a curriculum in terms of a requirement to teach the components of the nature of science separately. Rather, its teaching can perhaps best be addressed through sets of well-chosen case studies of either a historical or contemporary nature and by more explicit reflection and discussion of science and its nature—an aspect that should emerge naturally from the process of scientific inquiry that is a normal feature of much classroom practice. Thus, the principal value of these, or any set of themes, would be to act as a curriculum checklist to see that the activities in the curriculum provide sufficient opportunity to introduce, elaborate on, explore, and develop students’ understanding of these components of science and its nature.

see three items of French curriculum of SSI in secondary school science education (2010)

Design, methods : a three-stage Delphi study

The method chosen for eliciting the expert community’s view was a three-stage Delphi study. The Delphi method aims to improve group decision making by seeking opinions without face-to-face interaction and is commonly defined as ‘‘a method of systematic solicitation and collection of judgements on a particular topic through a set of carefully designed sequential questionnaires, interspersed with summarised information and feedback of opinions derived from earlier responses’’ (Delbecq, Van de Ven, & Gustafson, 1975).

Three features characterize the Delphi method and distinguish it from other group interrogative methods: anonymous group interaction and responses, multiple iteration of group responses with interspersed feedback, and the presentation of statistical analysis.

The Delphi technique has four principal advantages thought to be important in gaining the considered opinions of experts:
 It uses group decision-making techniques, involving experts in the field, which have greater validity than those made by an individual.
 The anonymity of participants and the use of questionnaires avoid the problems commonly associated with group interviews: for example, specious persuasion or ‘‘deference to authority, impact of oral facility, reluctance to modify publicised opinions and band-wagon effects’’ (Martorella, 1991).
 Consensus reached by the group reflects reasoned opinions because the Delphi process forces group members to consider logically the problem under study and to provide written responses (Murray & Hammons, 1995).
 Opinions using the Delphi method can be received from a group of experts.

The main disadvantages of a Delphi study are seen as: the length of the process, researcher influence on the responses owing to particular question formulation, and difficulty in assessing and fully using the expertise of the group because they never meet.

The implementation of this Delphi study therefore attempted to take full account of the perceived advantages while recognizing the disadvantages. For example, as science educators, we (the researchers) have views on the teaching of the processes and practices of science. It was important that these views not impinge on participants’ responses. Therefore, little guidance was given as to the expected content of responses in the first round of the Delphi study. In the second and third rounds, care was taken to ensure, as far as possible, that participants’ own words were returned and that participants had ample opportunity to comment on any interpretation in our conflation of their responses.

The Delphi procedure seeks to establish the extent of consensus or stability in the community and typically ends after either consensus or stability of responses has been achieved. Brooks (1979) identified consensus as ‘‘a gathering of individual evaluations around a median response, with minimal divergence’’ and stability or convergence is said to be reached when ‘‘it becomes apparent that little, if any, further shifting of positions will occur’’ (p. 378).

Sampling

Commonly, the minimum number for a Delphi panel is considered to be 10 with reduction in error and improved reliability with increased group size. However, Delbecq et al. (1975) maintained that few new ideas are generated in a homogeneous group once the size exceeds 30 well-chosen participants. For this study, 25 experts engaged in the study of science and its communication were recruited, although the final sample was 23 owing to attrition in Round 1. There was, however, no further attrition in the group across the next two rounds, reflecting the commitment of individuals to the process.

In this context, we chose to define experts as those with acknowledged expertise in communicating, using, or researching the processes and practices of science. The common element shared by the group was an interest in communicating ideas about science in their writing, teaching, or other work—all in essence having an experience of acting as ‘‘knowledge intermediaries’’ (Irwin, 1995) between science and its publics. Thus, we sought views from leading scientists (n = 5); historians, philosophers, and sociologists of science (n = 5); science educators (n = 5); and those engaged in the public understanding of science or science communication (n = 5). Criteria used in selecting experts included for scientist were Fellowship of the Royal Society, and for philosophers, sociologists, and science educators, books and publications of international repute. For science communicators it was a combination of publications of international repute or the holding of an eminent post within the field. Initially 20 people were approached by letter, and only 1 scientist and 1 science communicator declined. Two other individuals were recruited to replace them.
In the case of teachers, the notion of expert is not commonly agreed upon. The major value of their views was a sense not only of what was important for children to learn, but also what might be pragmatically attainable. Therefore, we recruited 5 teachers who had achieved some public recognition for their work such as individuals who had won national awards for the quality of their teaching or were authors of science textbooks in widespread use in the United Kingdom. In the event, after the first round, 1 teacher and 1 science communicator dropped out, leaving a sample of 23 in total. As is standard in all such Delphi studies, none of the participants was aware of the identity the other participants.

Design of the Delphi Study and data analysis

* Round 1

The first stage of the study, begun in January 20??, was an open-ended brainstorming session. Opinions were sought about why, how and what essential ideas about teaching socioscientific issue should be taught in the school science curriculum through the use of an open-ended questionnaire which asked:

  • What, if anything, do you think should be taught about the methods of science?
  • What, if anything, do you think should be taught about the nature of scientific knowledge?
  • What, if anything, do you think should be taught about the institutions and social practices of science?

For each response provided, participants were requested to give as clear a description of each idea as possible; to indicate a particular context where they thought a person might and the idea useful; and to state why such knowledge would be important for an individual to know. This first round of the Delphi study elicited extensive comments from most participants.

All these responses were coded reflexively and iteratively by two members of the research team using a computer-based qualitative data analysis package (NUDIST NVivo, QSR International Pty Ltd, Victoria, Australia) until a reliability of >80% was obtained. Thirty themes emerged from this analysis and a summary was composed for each emergent theme, capturing the essence of participants’ statements. Discussion among four members of the research team resulted in agreed categorization of the responses and wording of theme summaries.

Figure 1 shows a summary for one theme, The Tentative Nature of Scientific Knowledge, and some of the justifications provided by the participants. Early in the process, the decision was made to summarize the themes using language of an academic nature which was understood by the overwhelming majority of the participants. Such language has the advantage of offering economy and precision of meaning that was thought important for communicating ideas precisely with a minimum of misnterpretation. However, we recognize that, as currently articulated, the ideas embodied in the themes would have to be unpacked and elaborated for a practitioner audience. This process resulted in the production of 30 themes grouped under three major categories: The Nature of Scientific Knowledge, the Institutions and Social Practices of Science, and the Methods of Science.

Table 1 shows the titles of the themes grouped under these heading and the summary statements used in Round 3 to capture their meaning using key phrases articulated by the Delphi panel. It also shows the mean and modal ratings and the standard deviations (SD) in Rounds 2 and 3.

* Round 2

Figure 2. Nature of scientific knowledge: Revised version for Round 3 and participants’ comments from Round 2.

The Round 2 questionnaire presented the titles and summaries of the 30 themes, together with representative anonymous comments obtained from individuals in Round 1, an example of which is shown in Figure 1.

Participants were requested to rate the importance of each theme to the compulsory school science curriculum, as represented by the summary, on a 5-point Likert scale, with a score of 5 representing the highest degree of importance. In addition, they were then asked to justify their rating and comment on how accurately the title and wording of the theme reflected their understanding of a specific feature of science. Participants were also invited to comment and respond to the representative supporting statements.

Means, modes, and standard deviations for each theme using the rating given on the 5-point scale were calculated and are shown in Table 1. A total of 8 themes had a mean of >= 4, indicating at this early stage that they were viewed by the panel as very important or important. Of these 8 themes, 3 showed standard deviations of <1.0, indicating a high level of consensus for these themes: Experimental Methods and Critical Testing, The Tentative Nature of Scientific Knowledge, and the Historical Development of Scientific Knowledge.

Many comments were also made about the interrelated nature or similarities among many of the themes. The outcome was a decision to merge three pairs of themes, to split one theme and to modify the summary statements of most themes to minimize overlap.

Figure 2 shows a revised version of the theme presented in Figure 1.


* Round 3

For the third and final round, we decided to reduce the number of themes for consideration by the panel to only the most highly rated themes from Round 2. This action was taken because research literature on the Delphi method suggests that, in studies where participants were required to complete lengthy and detailed questionnaires, responses to questions toward the end of the questionnaire tend to be less fulsome and informative (Judd, 1971). Therefore, the research team was concerned that participant fatigue would result if the complete set of 28 ideas-about-science were included in Round 3 of the study, affecting the level of detail in responses toward the end of the questionnaire. Thus, only the themes with a mean rating of >3.6 and/or mode of 5 were used for the third round, reducing the number of themes in this round to 18.

The final questionnaire of the Delphi study, distributed in May 20??, presented the titles, revised summaries, and representative anonymous supporting statements from participants for the top rated 18 themes from Round 2, together with the mean and standard deviation calculations of the ratings for each theme. Participants were requested to rate again each theme, based on the premise that it should be taught explicitly, to justify their rating, and to comment on ways in which the wording of the summary might be improved to reflect the essence of each idea-about-science. Mean scores and standard deviations were again calculated using the 1–5 response categories and are shown in Table 1 (themes for Round 2 of Delphi study, including ratings given in Round 2) :



Design and method

We will organise delphi studies in order to put together different stakeholders such as teachers, psychologists, engineers, doctors, representatives of industry and so on, and fuse different voices, suggestions, values and ideologies as a whole educational framework.

Methodic Framework : Stepping stones should be based on various interest groups’ perspectives as well as available research literature. Hence, the project will utilize both theoretical and empirical means to develop stepping stones.

Task 1. Literature Research about Learning and Teaching SSI
An extensive literature review will provide a theoretical basis (learning goals, themes, effective teaching strategies, learning environments, etc.) to develop stepping stones. The aim of this review is to reveal what topics, themes, perspectives, learning goals, teaching methods, materials are used and what best practices regarding contextualisation of SSI into science education programmes exist. Further, this review will contribute to the development of open-ended questions which will be used in interviews with experts in the next stage.

  • Example questions:
    - What are the main characteristics of a SSI like climate change, GMO, stems cells, exoplanets,... ?
    - What learning goals should we use for SSI education? (ask interviewee to explain their ideas about goals)
    - There are some frequently used teaching methods such as problem based learning, learning cycle, etc. Do you think that these methods can effectively be used for SSI education? What methods should be used?
    -What strategies for evaluating students do you imagine ? (knowledge, values, competences, argumentation...)
    - What posture could take teachers in facing controversial SSI? (balanced, neutral, involved,etc)

Task 2. Delphi Study - Round 1: Interviews with Experts
conduct semi-structured interviews with four expert groups such as science teachers (2 persons), science educators (2 persons), scientists in SSI (2 persons) and experts on science in society (2 persons) in their countries. In selecting scientists, all of possible SSI will be listed. The queries developed during the literature review stage will be used in these interviews.

Task 3. Development of Questionnaires
The leaders will develop a questionnaire including close-ended items based on Round 1 Delphi report.

Task 4. Delphi Study Round 2: Administration of Questionnaires

The sample would include policy makers, representatives of NGO’s, scientists, members of youth organizations, representatives of industry, curriculum developers, science educators, teachers and, students (9 categories, 5 persons for each category).

Task 5. Global Delphi Report and Learning Theoritical Framework (LTF) for Teaching SSI
National Delphi Round 2 reports would be discussed on current situation of SSI education. This approach would lead to develop a "LTF for teaching SSI".