La
pratique de démarches historiques dans l'enseignement des sciences
Pour une éducation à la nature des sciences
Master 2 ESVT
- IUFM de Bourgogne - Module UE1
Enseigner les SVT : transposition didactique, épistémologie
et histoire des sciences
Master 1 EEEP
- IUFM de Bourgogne - Module UE1
Seminaire de recherche : Epistémologie et didactique des sciences
Benoît
Urgelli
last
up-date :
11 novembre, 2014
Ce séminaire
porte la discussion sur les liens entre épistémologie
et didactique des sciences. Nombreux
sont les spécialistes qui défendent l'idée
suivante : L’épistémologie,
c'est à dire la manière dont les connaissances
scientifiques
sont construites, peut s’avérer féconde
pour l'enseignement des sciences dans l'optique d'une compréhension
de la nature de l'activité des scientifiques. Enseignants
et élèves gagneraient à être initiés
à la perspective d'une épistémologie réflexive.
Vient
alors la question des stratégies de mise en scène
didactique de cette épistémologie. En lien avec
la psychologie du développement cognitif, la didactique
se tourne souvent vers l'histoire des sciences pour comprendre
les activités scientifiques mais aussi faire évoluer,en
même temps, les représentations des élèves.
Nous discuterons la pertinence et les limites de cette
vision constructiviste. Nous tenterons d'identifier
et de catégoriser les enjeux éducatifs associés
à la mise en scène de l'histoire des sciences.
-
-
Maurines,
L. & Mayrargue, A. (2003). Regards croisés de l'histoire
des sciences et de la didactique de la physique sur le concept
d'onde. In La pluridisiciplinarité dans l'enseignement
scientifique. Tome 1 : histoire des sciences. Les Actes
de la DESCO. pp. 111-129.
-
Maurines,
L. & Beaufils, D. (2011). Un enjeu de l’histoire
des sciences dans l’enseignement : l’image de
la nature des sciences et de l’activité scientifique.
Recherche en Didactique des sciences et des technologies
n°3, pp.271-304.
- Maurines,
L et al. (2013). La nature des sciences dans les programmes
de seconde de physique-chimie et de sciences de la vie et de
la Terre.
-
Thouin,
L. (2007).
Enseigner les sciences et les techniques selon une perspective
historique. In Regards multiples sur l'enseignement des
sciences, Editions Multimondes, pp.443-458.
-
|
What
‘‘Ideas-about-Science’’ Should Be Taught in
School Science?
"Teaching the nature of science
needs to become a core rather than a marginal part of the science curriculum"
[...]
through sets of well-chosen case studies
of either a historical or contemporary nature and by more explicit reflection
and discussion of the nature of science
[...]
source :
Objectifs
spécifiques du séminaire
-
Catégoriser
et discuter l'utilisation de l'histoire des sciences et des techniques
dans l'enseignement, à partir de l'analyse de séquences
d'enseignement pré-existantes, analyse fondée sur des
grilles issues de recherches en sciences de l'éducation.
-
Proposer
une séquence, une séance ou un épisode d'enseignement
inscrit dans la perspective d'une épistémologie scolaire
réflexive.
Compétences
professionnelles visées
Maîtriser
les disciplines et avoir une bonne culture générale
: le professeur situe sa ou ses disciplines, à travers son
histoire, ses enjeux épistémologiques, ses problèmes
didactiques et les débats qui la traversent (Compétence
3 - Bulletin officiel n° 29 du 22 juillet
2010).
Objectifs
généraux du séminaire
•
Présenter aux étudiants un état de la recherche
sur une question interdisciplinaire susceptible de croiser les apports
dans les domaines des sciences de l’éducation, de la
communication, de la sociologie et de la philosophie de l’éducation.
• Initier les étudiants à la recherche documentaire
et bibliographique, à la lecture, l’analyse et la synthèse
d'une littérature scientifique.
• Aider les étudiants à tirer parti des apports
de la recherche et des innovations pédagogiques et institutionnelles
pour leur future pratique professionnelle.
Grille
d'évaluation de la présentation orale (15 min)
-
Compréhension
et interprétation de l’exercice, dans la perspective
d’une pratique enseignante.
-
Article
de recherche : compréhension globale et synthétique,
et identification des implications pour l’enseignement des
sciences.
-
Mise
en relation de l’article de recherche, des séquences
choisies et de la séquence proposée.
-
Conclusion,
discussion critique, Implications et recommandations professionnelles
-
Utilisations
des ressources sélectionnées
-
Originalité
et créativité didactique
-
Qualité
de l’expression à l’oral – à l’écrit
Ressources
pédagogiques mettant (ou pas !) en scène l'histoire
de sciences
|
|
On pourra
choisir des séquences, des séances ou des épisodes
extraits des manuels
Tavernier, du Guide
du Maître Sciences
(Magnard), du site
La Main à la pâte, du site Lutin Bazar,
des ouvrages de la collection Atouts
Disciplines 15 séquences de sciences en CE2,
CM1, CM2, ou encore des séquences extraites de manuels
scolaires du primaire et/ou du collège (Hachette, Bordas,
Belin, Magnard,....).
|
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|
Identification
de travaux de recherche sur l'utilisation de l'histoire des sciences
dans l'enseignement
Articles
de recherche sélectionnés par les étudiants (session
2013)
Auteurs
et Titre de l'article |
Numéro
de la revue |
Résumé
de l'article |
Auteur: KASSOU, Souad; SOUCHON, Christian
Utilisation
des aspects historiques dans l'enseignement de la photosynthèse
p.
55-73 |
ASTER
- n° 15 -1992
Lumières
sur les végétaux verts |
On
invoque souvent l'utilisation de l'histoire des sciences dans
l'enseignement des sciences en général, de la biologie
en particulier. Cet article propose d'étudier la relation
à l'histoire des sciences dans l'enseignement de la photosynthèse
; ceci essentiellement à travers l'analyse d'ouvrages universitaires
et scolaires. Quelle présentation est faite de cette histoire
? Quelle transformation subissent certaines expériences
historiques à travers la transposition didactique ? Quel
statut est donné à ces expériences ? Quelle
démarche expérimentale est présentée
aux élèves ? |
KERLAN, Alain
Didactique
et épistémologie : éclairages bachelardiens
p.
71-85 |
Aster
n° 5, 1987
Didactique
et histoire des sciences |
C'est
autour de la notion de représentation que s'organise une
bonne part des convergences de la didactique des sciences et de
l'épistémologie bachelardienne. La place et l'importance
de cette notion en didactique des sciences sont aujourd'hui telles
qu'il faut s'interroger sur son sens et sa valeur. Les considérations
pédagogiques qui traversent l'épistémologie
de G. Bachelard doivent être examinées dans cette
perspective. Elles relèvent d'une conception de la culture
et de l'éducation scientifique qui doit faire l'objet d'une
élucidation philosophique, et à laquelle l'entreprise
didactique peut confronter ses propres valeurs. |
DAROT, Eliane
Enseignement
de l'énergie : une recherche pluridisciplinaire de l'INRP
p.
105-132
|
Aster
n° 2, 1986
Éclairages
sur l'énergie |
Cette
recherche demandée à l'INRP par différents
organismes œuvrant dans le domaine énergétique
s'est surtout axée sur une approche pluridisciplinaire
cohérente du " savoir-énergie ". Elle
a donné lieu à la réalisation, dans plusieurs
collèges et lycées, de progressions pluridisciplinaires
importantes par leur durée et l'intérêt suscité
auprès des élèves. Elle a conduit ses concepteurs
à élaborer des dossiers pédagogiques qui
devraient aider les enseignants désireux de s'engager dans
un travail pluridisciplinaire à propos de l'énergie |
|
Aster
n° 5, 1987
Didactique
et histoire des sciences |
Si
la place officielle de l'histoire de la biologie dans l'enseignement
du second cycle est dérisoire, il est toujours possible,
lorsqu'on est convaincu de son intérêt, de saisir
les occasions de l'introduire, fût-ce de façon furtive.
Les quelques exemples présentés ici correspondent
à des essais échelonnés dans le temps conduits
par des professeurs de plusieurs disciplines du lycée de
Saint-Gaudens| le plus souvent lancés sur un coup de coeur,
ils ont permis de " dévorer " des documents,
de partager les connaissances, de confronter les points de vue.
Lieu d'interdisciplinarité, l'histoire des sciences est
pour chacun de nous source de culture. Sans doute, la pratique
de l'A., inscrite dans les contraintes de l'institution n'est-elle
qu'un patchwork de tentatives partielles et parfois ridiculement
ambitieuses. Conscients de privilégier une seule facette
de l'histoire de la biologie, il pense avoir toutefois aidé
ses élèves (en particulier les " littéraires
") à mieux comprendre et à mieux aimer la biologie |
|
Didaskalia
n ° 20, 2002
Recherches
sur la communication et l'apprentissage des sciences et techniques
: Apport de l'épistémologie et de l'histoire des
sciences |
Une
séquence d'enseignement innovante inspirée de l'histoire
des sciences a été testée dans une classe
de cours moyen avec des élèves de 9 à 10
ans. Ceux-ci ont été confrontés, dans un
planétarium, à la découverte de nouvelles
étoiles lors de voyages simulés vers le sud, découverte
rapportée par les grecs et qui leur a permis de montrer
la rotondité de la Terre. La confrontation de cette découverte
avec les modèles d'une Terre plate ou sphérique
permet aux élèves une construction argumentée
de la sphéricité de la Terre. Au cours de ce travail
les élèves construisent les notions de champ visuel
et d'horizon, mais également une image du fonctionnement
de la science proche de !'epistémologie contemporaine. |
BERNARD,
H.& FAGNANT, A.
Intégration
d’une approche historique
dans les cours de sciences
p.
37-45
|
Bulletin
d’informations pédagogiques n ° 57
Février
2005
|
Le
présent article est issu d’une recherche intitulée
«Conception d’outils didactiques pour l’intégration
et le développement d’une composante historique à
l’éducation scientifique». Cette recherche
poursuit comme objectifs de travaillerles conceptions des élèves
relatives aux systèmes respiratoire, circulatoire, digestif
et excréteur et d’introduire un enseignement d’histoire
des sciences dans les cours de sciences. Elle se situe dans une
optique de transition primaire-secondaire, les systèmes
faisant l’objet d’un enseignement à ces deux
niveaux, tout en poursuivant des objectifs différents et
complémentaires. Dans cet article, nous nous centrerons
sur la question de l’introduction de l’histoire des
sciences dans les cours de sciences. Nous présenterons
tout d’abord l’intérêt d’un tel
enseignement ; nous décrirons ensuite deux perspectives
classiquement distinguées pour envisager l’histoire
des sciences ; nous expliquerons alors l’approche développée
en deuxième secondaire dans le cadre de la recherche susmentionnée.
Enfin, nous terminerons cet article en s’interrogeant sur
les résultats de l’approche développée
et en discutant ses prolongements possibles. |
FLAMMANG,
C.et VLASSIS, J.
La
respiration : Comparaison entre les représentations des
élèves
et l’évolution historique du concept
p.19-39
|
Bulletin
d’informations pédagogiques n ° 55
Janvier
2004 |
[...]
sur le terrain, les enseignants du fondamental ou du secondaire
sont trop souvent démunis pour enseigner [...] l’histoire
des sciences. L’enquête réalisée dans
le cadre de la recherche «Amélioration de l’enseignement
des sciences au premier degré de l’enseignement secondaire»
(Burton, R. et Flammang, C., 1999) a clairement mis en évidence
que sur les 197 enseignants dispensant des cours de sciences au
premier degré en Communauté française et
ayant répondu au questionnaire, 46.2% se sentent inaptes
à enseigner l’histoire de la vie et des sciences
au premier degré. De plus, c’est le domaine le plus
sollicité en terme de besoin en formation continuée,
puisqu’ils sont plus de 80% à estimer en avoir besoin
pour enseigner cette dimensionhistorique. Notre recherche-action
se propose donc de les aider en leur fournissant les outils nécessaires
à l’intégration, dans leur enseignement des
sciences, d’une facette historique. |
|
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Choix
thématique des étudiants et bibliographie recommandée
(année 2013)
Histoire
du concept |
Bibliographie
associée |
ENERGIE |
|
CHALEUR |
- Astolfi,
J.-P. & Develay, M. (2005). La didactique des sciences.
L'exemple de la notion de chaleur. Editions Que Sais-je,
pp.16-20.
|
ATOME |
- Scheidecker-Chevallier,
M. (2003). Le débat sur les atomes au XIXe siècle.
In Pluridisciplinarité dans les enseignements scientifiques.
Histoire des sciences, Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie.
pp.87-110.
|
ONDE |
- Maurines,
L. & Mayrargue, A. (2003). Regards croisées de
l'histoire des sciences et de la physique sur le concept
d'onde. In Pluridisciplinarité dans les enseignements
scientifiques. Tome 1 : Histoire des sciences. Actes
de la DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.111-129.
|
ASTRONOMIE |
- Benard,
B. (2003). Les miroirs de Galilée. In Pluridisciplinarité
dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences,
Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.27-42.
|
RESPIRATION |
- Duris,
P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de
la vie. Chapitre 9 : Du poumon à la mitochondrie.
Editions Nathan, pp. 249-281
|
ALIMENTATION |
|
MEDICATION |
|
REPRODUCTION |
- Duris,
P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de
la vie. Chapitre 5: De la conception à la naissance.
Editions Nathan, pp. 125-156
- Astolfi,
J.-P. & Develay, M. (2005). La didactique des sciences.
L'exemple de la fécondation. Editions Que Sais-je,
pp. 10-15
- Giodan,
A. Host, V., Tesi, D. et Gagliardi, R. (1987). Histoire
de la biologie. Tome 2. Chapitre 2 : Le concept de fécondation.
Editions Technique et Documentation - Lavoisier, pp.65-130.
|
|
|
EVOLUTION |
-
Fischer,
J;-L. (2003). Buffon et les théories de la génération
au XVIIIe siècle. In Pluridisciplinarité
dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences,
Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.45-68.
-
Giodan,
A. Host, V., Tesi, D. et Gagliardi, R. (1987). Histoire
de la biologie. Tome 2. Chapitre 2 : Le concept de fécondation.
Editions Technique et Documentation - Lavoisier, pp.217-279.
-
Duris,
P. & Gohau, G. (1997). Histoire des sciences de
la vie. Première Partie : Continuité et discontinuité
de la nature. Editions Nathan, pp. 19-98.
|
|
-
Deparis,
V. (2003). De la géographie antique à la géophysique
actuelle, une histoire des idées. In Pluridisciplinarité
dans les enseignements scientifiques. Histoire des sciences,
Tome 1. DESCO - CRDP Basse-Normandie. pp.13-26.
-
Savaton,
P. (2011). Histoire des sciences et enseignement du
modèle de la tectonique des plaques. Revue RDST
n° 3 : Didactique des sciences et histoire des sciences,
p. 107-126
-
Marx,
W. & Bornmann, L. (2013). The emergence of plate
tectonics and the Kuhnian model of paradigm shift: a bibliometric
case study based on the Anna Karenina principle. Scientometrics
94:595–614.
|
Tentative
de catégorisation empirique des usages didactiques de l'histoire
des sciences
-
expliquer
la dynamique des sciences (controverses et débats entre pairs)
-
montrer comment se construisent les concepts
-
montrer
la nature des sciences
-
expliquer
le lien entre sciences et techniques
-
montrer
le lien entre pratiques et représentations scientifiques
et sociopolitiques
-
éduquer
à la santé à travers l'histoire des normes,
des pratiques et règles d'hygiène
-
développer
la culture enseignante
-
accompagner
la pratique enseignante (en lien avec une théorie de la connaissance
liant ontogène et phylogenèse scientifique (Piaget,
1970))
-
développer
des approches didactiques interdisciplinaires
Introduction
Selon
Thouin, M.
(2007), la perspective historique est peu présente
dans l'éducation scientifique, et parfois même rejetée,
comme en témoigne le fait que, dans les manuels scolaires, l'histoire
des sciences et des techniques, quand elle est présente, se limite
souvent à de brefs encadrés accessoires, presque décoratifs
(voir aussi Savaton, 2011; Urgelli, 2012).
Pour
cet auteur, l'approche historique serait un outil didactique permettant
une évolution des conceptions individuelles dans une
perspective constructiviste, mais également permettant
de saisir la nature des sciences et des techniques et de développer
une culture humaniste. Plus précisement, l'histoire des sciences
pourrait :
-
permettre
d'anticiper les difficultés conceptuelles des élèves
et des enseignants
-
leur
faire réaliser
que les idées et les représentations qu'ils doivent
remettre en cause sont souvent les mêmes que celles que les
scientifiques d'autrefois
durent eux aussi remettre en question
- établir
des liens entre plusieurs matières scolaires, notamment celles
qui relèvent de l'univers social
- enrichir
la culture générale des élèves et des enseignants
- faire réflechir sur
la nature de l'activité scientifique et technique
- tenir compte du contexte
et de l'origine de la production de concepts, de lois et de théories
pour mieux les comprendre et en saisir l'intéret et la nécessité
socioscientifique
- établir des liens
entre l'histoire des découvertes et inventions et la
vie de tous les jours
- tenir compte des
pratiques sociales de référence (recherche appliquée,
ingénierie, production industrielle ou artisanale, activités
domestiques, conflits armés, etc...) dans le développement
historique des sciences
- questionner les valeurs
sur lesquels s'appuient les sciences et les techniques et s'arrêter
sur les questions éthiques qui jalonnent leur développement
aux cours des siècles.
- saisir les impacts
et les limites des sciences et des techniques
- montrer que les sciences
sont une pratique humaine contextualisée.
Une
théorie de la connaissance liant ontogène et phylogenèse
?
De nombreux
didacticiens font un parallèle entre les représentations
et logiques de raisonnement des élèves et une théorie
scientifique d'une époque historique particulière. S'il
n'y a aucun sens à chercher un parallèle de ce type, en
raison de la différence des contextes culturels et matériels,
et à affirmer que la pensée des élèves évolue
en suivant un cheminement historique, il est néanmoins possible
de dégager des difficultés récurrentes et de montrer
que durant les apprentissages, les élèves butent sur des
obstacles analogues à ceux rencontrés autrefois par les
scientifiques lors de l'élaboration d'une théorie scientfique
(Maurines, 2003, p.111-112). Selon Maurines
(2003), la connaissance de ce parallèle pourrait guider
l'utilisation des textes historiques en classe.
Quelle(s)
histoire(s) des sciences ?
Il est souvent
révélateur de comparer une histoire des sciences écrite
par un historien français avec celle écrite par un historien
britannique, allemand ou américain (voir à ce titre l'histoire
de la tectonique des plaques, vue par Deparis
(2003) ou par Marx et Bornmann
(2013)) : les découvertes et les inventions sur lesquelles
on insiste, de même que les scientifiques auxquels on les attribue,
ne sont pas toujours les mêmes ! L'histoire des sciences est élaborée
par l'esprit humain et n'est en aucune façon objective, universelle
ou intemporelle (Thouin, 2007, p.446).
Les
stratégies proposées dans l'enseignement des sciences
Pour
Thouin (2007, p.447), les
activités didactiques centrées sur l'utilisation
de l'histoire des sciences consistent souvent à examiner un schéma,
une photographie, ou un document vidéo, à effectuer une
visite, à observer des objets ou des êtres vivants et à
effectuer une manipulation avec du matériel ou une simulation avec
un ordinateur. Habituellement, certains
exercices consistent à se documenter pour répondre
à une question et une recherche sur une "bonne encyclopédie"
ou sur un site web. D'autres exercices consistent aussi à discuter
d'une question en groupe-classe et à répondre à une
question ouverte qui implique la recherche des meilleures solutions ou
approches possibles en fonction d'un matériel le plus souvent suggéré.
On pourrait proposer un enseignement permettant l'intégration de
plusieurs matières scolaires et centrée sur la biographie
d'un personnage historique. Pour Thouin, Il serait alors intéressant
de montrer aux élèves que les sciences et les arts
sont intimement liés à certaines époques,
comme en témoigne le souci de beauté et d'esthétique
de certains instruments de mesure. On remarquera les qualités artisitiques
d'anciens instruments tels que les cadrans solaires, les astrolabes, les
globes terrestres, les horloges, les microscopes ou les téléscopes.
On pourra alors proposer aux élèves de fabriquer un instrument
de leur choix (balance, girouette, sismographe, etc...) en leur demandant
de respecter les critères scientifiques et techniques, mais aussi
des critères artistiques et esthétiques, en s'inspirant
par exemple d'un style gothique ou baroque, en vogue à certaines
époques (Thouin, 2007, p.457).
Histoire
des sciences et enseignement scientifique
Depuis
plus de 150 ans, l'histoire des sciences, des savants et de leurs découvertes
est revendiquée comme un auxiliaire pour l'enseignement scientifique.
Dès 1850, l'étude de cette histoire est présentée
commun un moyen de développer l'esprit d'invention des jeunes,
leur culture générale et de collaborer avec d'autres disciplines
scolaires à l'histoire des humanités. A partir de la réforme
de 1902, les concepteurs de programme soutiennent que l'histoire des
sciences permet d'illustrer la méthode scientifique et possède
une valeur morale contre l'ignorance et le fanatisme. Dans les manuels
scolaires, pour atteindre ces objectifs, on propose d'utiliser comme
support pédagogique des expériences historiques par exemple
sur les thèmes de la digestion ou de la circulation.
Entre 1950 et 1960, les réformes proposent d'utiliser le cheminement
des savants pour développer un enseignement scientifique fondé
sur la méthode de la redécouverte de ce cheminement (voir,
Gohau, G., 1987). Dès 1977, avec
l'introduction d'un enseignement scientifique par problèmes et
investigations, avec la formulation de questions à résoudre
par l'observation et l'expérimentation, l'histoire des sciences
se retrouve en annexe des approches didactiques et pédagogiques,
comme un complément culturel : des noms de savants illustres
et des expériences historiques (les premiers ayant parfois donné
leur nom aux secondes), quelques vignettes et quelques lignes, parfois
un document dans un exercice, mais toujours des textes sans contexte.
Quelqu'un a un moment donné a fait telle ou telle expérience.
Pourquoi ? Comment ? Ce n'est pas le propos (Savaton,
2011, p.120 ; voir aussi Urgelli, 2012
autour de l'enseignement de l'évolution en classe de troisième
(MEN, 2008) et en classe de seconde (MEN, 2010)).
Comme
le précisent Maurines et Beaufils (2011,
p.275), dans les manuels scolaires, les éléments historiques
sont peu nombreux et se présentent sous deux formes : des vignettes
légendées par une date et présentant un savant
célèbre comme un esprit hors norme ayant eu une intuition
géniale, et des textes historiques associés à
un questionnement portant sur la compréhension des contenus scientifiques
en lien avec les connaissances notionnelles du programme. La complexité
des activités scientifiques, leur dimension sociale et culturelle,
n'est pas l'enjeu didactique. Même lorsque des controverses entre
experts à propos de l'interprétation de certains phénomènes
sont mises en scène, la dimension
épistémologique de l'apprentissage des sciences est occultée
par des enjeux d'apprentissage de connaissances associés à
des démarches empirico-inductive et réaliste naïve
des sciences même dans le cas où la dimension socilae du
processus de construction des savoirs scientifiques est envisagée
(Maurines et al. 2013). Une telle
démarche risque soit de démotiver les élèves
pour les carrières scientifiques en leur donnant l'impression
que cette profession est inaccessible, soit de les conduire à
de fortes désillusions lorsqu'ils rencontreront réellement
l'activité scientifique.
Comme
Maurines et al. (2011, 2013) et les représentants
du courant anglo-saxon des NoS, je pense que faire acquérir aux
élèves une image de la nature des sciences et des techniques
comme un processus et une entreprise à
dimension sociale et humaine, inscrite dans le contexte socioculturel
d'une époque donnée, et obéissant à des
normes et des procédures démonstratives et argumentatives
définies collectivement et soumises à l'épreuve
des faits empiriques (ce qui permet de démarquer
la pensée scientifique d'autres domaines de pensée), est
une enjeu d'éducation aux choix citoyens responsables.
L'épistémologie est donc comprise ici
comme un champ pluridisciplinaire d'étude des sciences, qui s'appuie
sur l'histoire des sciences, mais aussi la sociologie, la philosophie
et la psychologie des sciences. En considérant que les savoirs
scientifiques sont le résultat d'activités réalisées
au sein d'une communauté d'individus vivant dans un contexte
socioculturel et temporel donné (Maurines
et al., 2013), la vision des sciences que nous défendons
est donc de type socioépistémologique.
En
s'accordant sur ces enjeux d'éducation scientifique citoyenne,
nous souhaitons dépasser la querelle entre une vision internaliste
et rationnaliste d'une part, et une vision externaliste et relativiste
d'autre part des sciences et de leurs avancées. Nous pensons
également qu'une telle image de la nature des sciences peut contribuer
à remotiver les élèves pour les sciences, à
travers la dimension épistémologique de l'apprentissage
des sciences, au delà de l'acquisition de concepts et de contenus
scientifiques.
Pour
Maurines et Beaufils (2011, p.281), l'activité
scientifique peut être décrite autour de huit caractéristiques,
dont certaines rappelant la vision des philosophes et historiens des
sciences comme Merton et Kuhn. Et les auteurs proposent d'en travailler
quelques unes à chaque niveau de la scolarité d'un élève,
l'objectif étant de les aborder toutes au final pour contribuer
à une image plus authentique de l'activité scientifique.
La question de la généralisation de ces caractéristiques
au cours des temps historiques doit être posée, sachant
par exemple que l'interaction entre scientifiques au XVIIe siècle
et actuellement n'est pas comparable, ou encore que le régime
des sciences en société a évolué comme
le montre Pestre (2006) ou Dominique Vinck.
l'activité
scientifique est un lieu de controverses |
1 |
les connaissances
scientifiques obésissent à des critères de
confrontation avec les faits d'observation et d'expérimentation,
de cohérence interne, de simplicité et de puissance
universelle et prédictive. |
2 |
un scientifique
ne travaille pas seul mais au sein d'une communauté qui contribue
au controle des savoirs et des pratiques
scientifiques construites |
3 |
il
y a une relation entre les questions techniques et l'évolution
des idées |
4 |
les connaissances
scientifiques ont évolué au cours du temps par continuité
et ruptures |
5 |
des difficultés
conceptuelles ont été rencontrées à
une époque donnée |
6 |
il y a interdépendance
entre sciences et sociétés |
7 |
il y a des
relations entre sciences et croyances, entre
savoirs, valeurs et actions |
8 |
Huit caractéristiques
de la nature des sciences, d'après
Maurines et Beaufils (2011),
en rouge des ajouts personnels
L'exemple de l'émergence du modèle de la tectonique des
plaques depuis le XIXe et jusqu'au XXe siècle, permet d'illustrer
bon nombre de ces caractéristiques
Selon
nous, de tels choix didactiques et les objectifs éducatifs associés
complètent ceux centrés sur les apprentissages notionnels
et les pratiques strictement disciplinaires, même s'il reste à
discuter la diversité
des représentations des sciences véhiculées par
les enseignants eux-mêmes à travers leurs pratiques didactiques
: les enseignants ne sont pas conscients que
l'un des enjeux de l'enseignement des sciences est de nature épistémologique
et qu'ils transmettent inconsciemment
une certaine image des sciences aux apprenants par leurs pratiques (par
la façon d'articuler l'expérience et la théorie,
de formuler les questions et les résultats, etc.) (Maurines
et al. 2013). Dans l'enseignement des sciences, il faudrait donc
distinguer des objectifs d'enseignement de connaissances
de sciences et des objectifs d'enseignement
sur (ou à propos)
des sciences (Léna et al, . 2011
; Maurines et al., 2013).
Pour
Maurines et Beaufils (2011), la place donnée
à l'HDS dans les pratiques enseignantes est minime et les éléments
historiques introduits, notamment dans les ouvrages scolaires, renvoient
à une image réductrice des sciences. Un tiers des enseignants
de physique chimie du secondaire (Beaufils et
al., 2010) sont favorables à l'introduction de l'histoire
des sciences dans leurs cours et demandent qu'on les accompagne avec
des documents pédagogiques (pour leurs élèves et
pour leur propre formation) et des pistes de stratégies pédagogiques.
D'après Maurines et Beaufils (2011,
p.288), certains enseignants sont réticents estimant que le "niveau
des élèves" ne leur permet pas de se livrer à
des activités documentaires imposant une lecture critique et
interdisciplinaire. Comme probablement dans le cas de l'enseignement
de l'effet de serre, cette réticence est selon moi associée
à un vision réductrice des capacités de réception
et de compréhension des publics, et à un modèle
d'enseignement plutôt positiviste, qui conduit parfois certains
scientifiques à estimer qu'une telle approche dans l'enseignement
des sciences peut polluer un cours moderne en introduisant des idées
obsolètes, tout à fait inutile et même dangereuses
pour l'élève (R. Feynman cité par Hulin,
1996, p.1230). Cette réticence se retrouve également
chez certains climatologues (Michel Petit) ou évolutionnistes
(Pascal Picq), mais aussi chez certains "médiateurs de sciences"
(Yann Arthus Bertrand) réticents à introduire dans l'enseignement
des sciences des controverses récentes ou passées liées
à l'évolution des idées scientifiques, par crainte
de semer le doute dans l'esprit des jeunes. Cette crainte repose sur
une vision singulière et homogène des publics scolaires,
incapables de comprendre, de se positionner et hautement influençables.
Pour
les concepteurs de programmes, le choix d'introduire l'HDS dans l'enseignement
peut faciliter l'apprentissage de connaissances scientifiques. L'évaluation
de la pertinence de ce choix reste encore en cours d'exploration. Maurines
et Beaufils (2011) estiment que la place de l'HDS dans l'enseignement
est liée à deux enjeux éducatifs :
-
donner
gout aux sciences et aux métiers scientifiques, pour lutter
contre la désaffection des filières scientifiques (p.273)
;
-
acquérir
une culture humaniste permettant de travailler l'image de la nature
de l'activité scientifique et une vision du développement
des sciences et des techniques, dans le cadre d'une interdisciplinarité
scolaire. ;
-
appuyer
des démarches didactiques constructivistes permettant de comprendre
ce que sont les sciences, notamment les démarches inductives
ou hypothético-déductives de modélisation.
Dans
les programmes 2010 de la classe de seconde, en sciences physiques et
chimiques, et en sciences de la vie et de la Terre, Maurines
et al. (2013) ont construit une grille d'analyse qualititative
des représentations de la nature des sciences dans les prescriptions
officielles et les préambules des programmes. En se référant
à la fois aux travaux français sur les pratiques sociales
de rétérence (Martinand, 1986)
et aux travaux anglosaxons sur la nature des sciences (Mc
Comas et Olson, 1998 ; Irzik et Nola, 2011 ; Lederman, 2007), cette
grille comporte 9 critères définissant a priori la nature
des sciences, de manière socioépistémologique,
en s'intéressant notamment à la manière dont sont
évoqués :
- les
objets d'étude des sciences (le réel, la nature,...)
- les
visées et les valeurs des sciences
(décrire la nature, accéder à la beauté
des lois, élever l'esprit humain, etc...)
- les ressources
utilisées par les sciences (utilisation des TIC,...)
- les produits
des sciences (des questionnements, des connaissances,...)
- les processus
de l'élaboration scientifique (activité expérimentale,
le laboratoire, les mesures, la modélisation numérique,...)
- le fonctionnement
de la communauté scientifique (collaboration entre des hommes
et des femmes, travail d'équipe pluridisciplinaire, controverses,....)
- les interactions
entre sciences et société (question d'éthique,
expertise, lien avec les pratiques artistiques,....)
- les attitudes
scientifiques
(composante affective : curiosité, humilité, composante
cognitive : esprit critique,....)
- la temporalité
de l'activité scientifique (évolution avec le temps,
dans un contexte sociohistorique donné,....)
Les quatres
grands aspects de la nature des sciences présentés par Mc
Comas et Olson, 1998 sont d'ordre :
- philosophique
: la science ne finira jamais, vise l'objectivité, à
des limites inhérentes à son activité,...
- historique
: le temps social de la recherche, avec les controverses et les
paradigmes, les écoles de pensée affectées par
les contextes sociopolitiques,....
- sociologique
(internaliste avec une vision communautaire des sciences, ou externaliste
avec une vision socioscientifique) : la science est une activité
culturelle, elle prend des décisions éthiques, ....
- psychologique
: honnéteté, créativité,...
L'analyse
de Maurines et al, 2013 montre que l'image
des sciences dans les tableaux des contenus d'enseignement se limite à
certaines dimensions de la grille, alors que les préambules renvoient
à une image plus riche de la nature des sciences. Ils estiment
que sans directives précises dans les contenus d'enseignement,
il y a un risque d'absence de prise en charge de toutes les dimensions
de la nature des sciences dans les pratiques, comme le montre Pelissier
(2011). Si l'on souhaite que les représentations des élèves
sur la nature des sciences évoluent et qu'elles leur permettent
de penser et de discuter les pratiques scientifiques actuelles, il y a
nécessité d'expliciter les connaissances attendues sur la
nature des sciences, et ne pas considérer qu'elles seront simplement
des retombées secondaires des activités mises en oeuvre
lors de l'enseignement scientifique classique.
D'un
point de vue des stratégies d'enseignement, on pourrait par exemple
coupler des expériences en classe et un travail sur des textes,
mettant par exemple l'acccent sur le processus
de validation d'un modèle par la confrontation de la réalité
avec les faits d'observations et d'expérimentations.
Il s'agirait d'aboutir à une phase d'institutionnalisation à
la fois des concepts et de la nature des sciences et des pratiques (Maurines
et Beaufils, 2011, p.284).
On
pourrait également, sur l'exemple du réchauffement climatique,
s'intéresser à l'histoire
des modèles liés à la compréhension des
risques climatiques (Urgelli, 2005). Comme dans l'exemple
de l'histoire de la tectonique des plaques, on peut également
utiliser les travaux historiographiques (Marx &
Bornmann, 2013), en prenant en compte le fait que la juxtaposition
de figures modernes et passées est criticable, dans la mesure
où elle peut laisser penser que les préoccupations scientifiques
n'ont pas évolué et sont indépendantes des contextes
sociaux. L'enjeu ici est de lutter contre l'image du scientifique isolé
ayant eu une idée géniale, comme c'est souvent le cas
dans les ouvrages à visée didactique, à propos
de Wegener ou de Darwin (Urgelli,
2012). L'élaboration d'un modèle scientifique n'est
pas un phénomène ponctuel mais un épisode historique
étendu dans le temps et mettant en scène différents
acteurs et contextes. On montre également les interactions entre
avancées techniques et évolution des idées et des
connaissances, mais également la place des pratiques scientifiques
dans les contextes géopolitiques d'une époque donnée.
Comme
le précise Savaton (2011), en 1996,
dans l'enseignement de sciences physiques et chmiques, puis en 2000
pour les sciences de la vie et de la Terre, l'utilisation de l'histoire
des sciences réapparait en annexe des instructions officielles,
pour son rôle culturel. On invite les enseignants à proposer
l'étude de documents historiques. Dans le programme de collège
de l'année 2005, la pratique de démarches historiques
dans l'enseignement des sciences est clairement explicitée comme
support de la démarche d'investigation, Les approches didactiques
se centrent sur l'étude de la digestion,
la circulation sanguine mais aussi de l'évolution, de la découverte
des antibiotiques ou du modèle de la tectonique des plaques.
La réforme 2010 de l'enseignement scientifique en classe de seconde
puis classe de première S, confirmera la volonté d'utilisation
de l'histoire des sciences pour construire ou illustrer la démarche
d'investigation.
L'histoire des sciences a souvent été revendiquée
comme un outil pour faire de l'épistémologie des sciences
et expliquer la nature et la dynamique des sciences, mais sans succès.
Savaton (2011, p.108-109 et 123)
pense qu'il est nécessaire de rapprocher la didactique
des sciences de la démarche historique pour s'éloigner
d'une approche historique jugée
au service d'une épistémologie scolaire discutable. En
effet, l'instrumentalisation de l'histoire des sciences comme auxiliaire
à l'enseignement scientifique apparait dans la sélection
de certains étapes de cette histoire, des étapes jugés
a posteriori comme significatives, et utilisées pour
soutenir une théorie, le plus souvent sans mise en contexte socioscientifique
et politique de cette histoire. Dans ce cas, c'est une vision linéaire
et progressive de l'histoire des sciences qui s'exprime dans les instructions
officielles. Par exemple, en classe de première S (programme
2011), en partant du modèle actuel de la tectonique des plaques,
les concepteurs du programme ont déterminé des étapes
conceptuelles qu'ils ont ensuite recherchées historiquement.
C'est une reconstruction de l'histoire qui est proposée,
au service d'une démonstration [...] d'une narration de la science.
L'histoire des sciences permettrait dans ce cas de montrer qu'un
modèle scientifique est une construction qui s'affine et se précise
au cours du temps. Par sa valeur prédictive, le modèle
accompagnerait la découverte de faits nouveaux, souvent conditionnée
par les progrès techniques. En retour, ces faits nouveaux permettraient
l'évolution du modèle et son perfectionnement. L'histoire
des sciences devient ici un outil au service de cette épistémologie
scolaire particulière.
Mais
comment faire autrement ?....
Quelle
épistémologie scolaire dans l'utilisation de l'histoire
des sciences ?
Pour Dorier
(2000, cité par Cariou, 2011, p.84),
l'analyse des mécanismes de l'élaboration scientifique
par les épistémologues repose sur des études d'histoire
des sciences qui peuvent constituer une assise pour la recherche en
didactique. L'épistémologie peut donc faire le lien entre
le travail historique et le travail didactique.
Bacon (1605,
cité par Cariou, 2011, p.83) fut
un des premiers à recommander un rapprochement entre histoire
des découvertes et enseignement, pour aider à comprendre
comment les savoirs ont été découverts. Par la
voie inductive, il estime que le professeur doit suivre la voie du savant
et monter progressivement, à partir d'expériences et d'observations,
vers les axiomes élevés pour lesquels un saut intellectuel
final demeure cependant nécessaire. Pour Descartes, la voie partant
de l'expérience est souvent trompeuse et il préfère
la voie de la déduction à partir de l'enchainement de
faits et de causes imaginées. La troisième voie rationnelle
serait celle de l'hypothético-déductif, soutenue par Hooke
et Rohault (1670-1680). Mais avec Newton, les hypothèses seront
bannies des proclamations des savants (mais pas dans la recherche) et
on ne parlera plus que d'induction, tellement assuré par ce que
Newton prétend « déduire des faits ». La troisième
voie sera barrer pendant près de deux siècles. Mais en
1835, la méthode des hypothèses reviendra dans l'histoire
des sciences avec Comte qui estime qu'elles sont strictement indispensables
pour arriver à la vérité. Pourtant Cuvier (1843),
qui dit respecter les faits, déclare qu'une des qualités
les plus précieuses pour un savant est sa haine des hypothèses.
Il s'oppose alors aux suppostions de Geoffroy Saint Hilaire et de Lamarck
sur le plan d'organisation des animaux et sur le transformisme.
En 1840,
Whewell anticipera les vues de Popper au XXème sicèle
(1934) en affirmant que former des hypothèses, puis se donner
beaucoup de peine et déployer beaucoup d'habilité pour
les réfuter [...] est la règle chez ceux qui ont le génie
de la découverte (Whewell, 1840, p.221, cité par
Cariou, 2011, p.90). L'idée
scientifique est une idée directrice et non une idée fixe
(Canguilhem, 1968, p.233).
Claude Bernard,
pourtant nettement en faveur des hypothèses, sera compris comme
un défenseur de l'observation, alors qu'il considère qu'une
recherche expérimentale a pour point de départ ou bien
une hypothèse (ou une théorie), ou bien des observations
qui n'entrent pas dans les idées admises (des observations polémiques).
Pour Canghuilhem (1942), l'épistémologie contemporaine
ne connait ni les sciences inductives, ni les sciences déductives
[...] Elle ne connait que des sciences hypothético-déductives
[...] Il faut la raison pour faire une expérience et il faut
l'expérience pour se faire une raison.
Pourtant,
si la nuit des hypothèses
a pris fin dans l'histoire des sciences, dans l'enseignement des sciences
expérimentales,
la mise en histoire des découvertes s'accompagne encore d'une
vision inductiviste et empiriste des sciences et de leur pratique. Cette
épistémologie spontanée, comme le précise
Bachelard (1932), conduit à une étrange pédagogie
selon laquelle il suffirait de voir pour comprendre. La vision
empiriste et inductive suppose que la découverte partirait des
faits perceptibles independamment d'idées préconcues et/ou
de théories et de tels faits permettraient de générer
des concepts. Dans l'enseignement scientifique, selon le présupposé
inductiviste (Joshua et Dupin, 1993), que certains qualifient d'épistémologie
spontanée (Demounem et Astolfi, 1996), de pédagogie
de l'évidence (Rumelhard, 2000) ou encore de norme scolaire
(Astolfi, 2002), des observations et des expérimentations
découleraient les notions scientifiques.
C'est probablement
avec Cuvier, puis avec le chimiste Dumas (1836) que la méthode
inductiviste a été transposée en classe, avec une
déclaration de confiance sans bornes accordée à
l'expérience, et de soumission aveugle à la puissance
des faits. En 1902, les réformateurs sont des promoteurs de l’induction,
ce que déplore Duhem, et cette tension se fera sentir jusqu'aux
temps présents (Hulin, 2000). En sciences naturelles, dans les
années 1950, les inspecteurs généraux comme Obré
et Campan s'opposeront sur la place des hypothèses dans les apprentissages
de sciences, comme au XVIIe siècle, alors qu'apparaissent les
problèmes à résoudre et la recommandation d'un
style d'enquête ou de redécouverte (circulaire sur les
méthodes de l'enseignement du Second degré, 6 octobre
1952). De son côté, Canguilhem affirmera que le seul savoir
authentique est une rectification de l'erreur.
En didactique
des sciences, Gohau (1965), élève de Canguilhem, s'élève
contre la pédagogie de la redécouverte et de l'inductivisme
qui, à partir d'expériences présentées à
des élèves, entend les conduire à la lumière
d'une théorie qu'on ne peut appréhender par l'expérience
que si on connait cette théorie. Dans le cas contraire, les risques
de dogmatisme et de faux dialogue sont forts, Et Gohau (1987) insiste
sur la nécessité de prise d'initiative authentique par
l'élève. Alors que parait la logique de la découverte
scientifique de Popper (1973), Astolfi, Giordan et Rumelhard déclarent
que l'histoire des sciences montre bien qu'il n'existe pas de connaissance
réelle si un problème ne s'est pas posé. Ces auteurs
préconisent un débat de nature épistémologique
avec les élèves. La démarche expérimentale
OHERIC est dénoncée pour son aspect stéréotypée,
et les didacticiens proposent de prendre appui sur l'histoire des découvertes
scientifiques pour le démontrer et mettre en place une autre
épistémologie scolaire dans les classes de sciences. Astolfi
(1990) et Rumelhard (2000) feront pourtant le constat de la prédominance
d'un enseignement scientifique essentiellement opératoire et
manipulatoire, observation-problème-activité-conclusion
(OPAC, selon Cariou, 2011, encore pire
qu’OHERIC car il n’y a même plus le H !), qui traduit
une extension de la nuit des hypothèses
dans l'enseignement, probablement liée à la peur (ou le
manque d'intérêt) qu'ont certains enseignants face à
la diversité et à la complexité des hypothèses
des élèves. La tradition épistémologique
rappelle donc une histoire séculaire.
Les parallèles
entre les conceptions des savants du passé et celles des élèves
ont conduit à des débats sur la notion de récapitulation,
avec un parallèle entre développement historique et développement
individuel de la connaissance. En didactique des sciecnes, cette récapitulation
fonctionne dans certains cas, à condition de ne pas la prendre
trop au sens strict. Il faut reconnaitre qu'elle peut contribuer à
préparer les enseignants à l'expression et l'identification
de conceptions spontannées chez les élèves, à
ne pas les réprimer ou les éviter, par peur ou par mépris.
Donner aux
élèves une image plus authentique de la nature des sciences
devient donc un objectif primordial, à travers le dépassement
de la position empirico-inductiviste dominante chez les enseignants
de sciences. Comme le précise Gray &
Bryce (2006, p. 186) :
We
can no longer accept that science education is treated as if it is only
a body of facts or formulae to be delivered, or even artificially discovered
through laboratory-based practical experiments and experiences. This
awareness […] requires greater emphasis on discussion and appreciation
of values, risks and uncertainties in relation to those aspects of science
which have the greatest potential impact on society, culture and environment.
School science must reflect modern thinking about nature of science
and it should give young people confidence to engage in political debate
about SSI and related ethical reasoning.
Pour Cariou
(2011), il faudrait utiliser des textes historiques pour analyser
et éclairer les démarches scientifiques tortueuses, plutôt
que les découvertes présentées comme résultant
d'une approche empirique, souvent réarrangée et sans rapport
avec leur contexte sociohistorique. L'histoire d'une science ne
saurait etre une simple collection de biographies [...] Elle doit être
une histoire de la formation, de la déformation et de la rectification
des concepts scientifiques (Canguilhem, 1968, p.235). Il faudrait
également s'intéresser à l'élaboration de
séquences favorisant le jeu des hypothèses
et de leur contrôle, en insistant non sur l'exactitude a priori
de l'hypothèse, mais plutot sur sa recevabilité et sa
cohérence. L'enjeu est encore le même : faire pénétrer
les élèves dans les rouages révélateurs
de la nature des sciences.
Dans sa recherche,
Cariou (2011, p.99) propose ainsi, en s'inspirant
de Schwab (1962), une grille d'évaluation
de l'authenticité d'une démarche d'investigation scientifique
autour de 10 critères, dont plusieurs sont associés
à des phases de débats argumentés entre les élèves
à propos par exemple du problème à résoudre
(C1), de l'examen des hypothèses (C4) et des activités
proposées (observations, expériences, documents, etc...)
(C7), puis de la discussion des interprétations (C9) et de l'établissement
de conclusions (C10). L'enjeu est selon lui d'éviter les travers
habituels des démarches d'investigation en classe. Durant les
phases C1 ou C4, des documents historiques pourraient être introduits
pour discuter des hypothèses ou des expériences proposées
par certains élèves, ou pour en fournir d’autres
sur lesquelles réfléchir.
Mais,
selon moi, cette utilisation
de l'histoire des sciences proposée par Cariou, qui vise à
vivre en classe des cheminements semblables à ceux des chercheurs
(à travers des idées recevables à tester), toutes
proportions gardées, doit se
méfier d'une vision trop internaliste de l'investigation scientifique
et d'une théorie récapitulative
de la connaissance. Les
stratégies proposées dans le cadre de cette démarche
d'investigation doivent aussi faire le lien avec les contextes socioculturelles
d'une époque, permettant d'expliquer le fait que les démarches
scientifiques sont parfois tortueuses et que le jeu des hypothèses
est parfois empreint d'idéologies et de valeurs.
Cariou estime que ce n’est pas à l’occasion d’une
démarche d’investigation en classe que cela pourra aisément
être abordé avec les élèves mais plutôt
lors de démarches historiques qui leur permettent, à partir
de textes historiques, de repérer à la fois les facteurs
internes et externes en jeu – par exemple les idéologies
et la religion en jeu lors de la « querelle du vide » au
XVIIe siècle (communication personnelle, mai 2013). Selon
moi, c'est un point qui reste à discuter...
L'épistémologie
des sciences vue par les scientifiques....
Dans l'ouvrage 10 notions
clés pour enseigner les sciences (2010),
la fondation La Main à la pâte propose d'enseigner
4 idées sur la science, que l'on peut comparer
avec celles définies par le courant anglo-saxon qui travaille
sur l'enseignement de la nature des sciences :
1.
La science présume que chaque effet observé possède
une ou plusieurs causes.
2.
Les explications scientifiques, les théories et les modèles
constituent la meilleure représentation possible des faits qui
sont connus à un moment donné.
3.
Les connaissances produites par la science sont utilisées dans
les techonlogies afin de créer des produits qui servent des buts
définis par l'homme
4. Les applications de la science ont, bien souvent, des implications
éthiques, sociales, économiques et politiques.
THEMES
about the nature of science |
Educational
aims :
Students should be taught that... |
Science
and Questioning |
an
important aspect of the work of a scientist is the continual and
cyclical process of asking questions and seeking answers, which
then lead to new questions. This process leads to the emergence
of new scientific theories and techniques which are then tested
empirically. |
Status
of Scientific Knowledge
|
scientific
knowledge produces reliable knowledge of the physical world [...],
general and universal [...].
Scientific explanations are based on models and representations
of reality. |
Hypothesis
and Prediction
|
scientists
develop hypotheses and predictions about natural phenomena. This
process is essential to the development of new knowledge claims. |
Science
and Creativity |
science
is an activity that involves creativity and imagination as much
as many other human activities, and that some scientific ideas
are enormous intellectual achievements. Scientists, as much as
any other profession, are passionate and involved humans whose
work relies on inspiration and imagination. |
Science
and Certainty
|
why
much scientific knowledge, particularly that taught in school
science [and school texts], is well-established and beyond reasonable
doubt, and why other scientific knowledge is more open to legitimate
doubt. Current scientific knowledge is the best we have but may
be subject to change in the future, given new evidence or new
interpretations of old evidence. |
Observation
and Measurement
|
observation
and measurement are core activities of scientists; most measurements
are subject to some uncertainty but there may be ways of increasing
our confidence in a measurement. |
Analysis
and Interpretation of Data
|
the
practice of science involves skilful analysis and interpretation
of data. Scientific knowledge claims do not emerge simply from
the data but through a process of interpretation and theory building
[...]. It is possible for scientists legitimately to come to different
interpretations of the same data, and therefore, to disagree. |
Diversity
of Scientific Thinking
|
science
uses a range of methods and approaches and that there is no one
scientific method or approach. |
Science
and Technology
|
although
there is a distinction between science and technology, the two
are increasingly interdependent as new scientific discoveries
are reliant on new technology and new science enables new technology |
Cooperation
and Collaboration in the Development of Scientific Knowledge
|
scientific
work is a communal and competitive activity. Whilst individuals
may make significant contributions, scientific work is often carried
out in groups, frequently of a multidisciplinary and international
nature. New knowledge claims are generally shared and, to be accepted
by the community, must survive a process of critical peer review.
developments in scientific knowledge are not undertaken in isolation,
but may be shaped by particular contexts.
|
Constraints
on Development of Scientific Knowledge
|
scientific
knowledge is developed within the context of a range of constraints
that may shape it and its uses. scientific research is undertaken
in a variety of institutions by individuals who have differing
social status within the scientific community. Scientists generally
have expertise only in one specific subdiscipline of science |
Urgelli
(2013), d'après Bartholomew, H., Osborne, J.F., Ratcliffe,
M. (2002) et Osborne J., Collins S, Ratcliffe M., Millar
R., Duschl R. (2003).
Dans
l'ouvrage La didactique des sciences (Astolfi
et Develay, 2005, p.27), la question du lien entre épistémologie
et didactique est présentée sous la forme d'un tableau
qui récapitule douze caractéristiques d'une épistémologie
contemporaine des sciences et le questionnement didactique
correspondant. J'ai retenu 10 de ces caractéritiques (colonne
de droite). Le recours à l'histoire des sciences, sur le long
et le court terme (actualité scientifique), semble être
une piste didactique privilégiée :
Epistémologie
contemporaine des sciences |
Questionnement
didactique correspondant dans l'enseignement des sciences |
La
démarche scientifique de type OHERIC n'est
pas la méthode de la recherche scientifique. C'est une
version simplifiée qui ne rend pas compte du caractère
foisonnant et imprévisible de la démarche. |
|
Les
faits en sciences prennent leur sens par rapport
à un système de pensée
préexistant. |
|
La
construction des concepts s'effectue par rectifications
successives et dépassements d'obstacles
épistémologiques. |
|
La
production scientifique ne se limite pas à sa version actuelle
et elle n'est pas finie. |
- Comment
montrer les enjeux et les voies
de recherche actuels des concepts enseignés
?
|
La
construction scientifique ne correspond pas à la recherche
d'un idéal de vérité, sans
lien avec le fonctionnement des sociétés humaines
(Giere, 1999) |
- Comment
montrer les enjeux actuels et
passés des recherches scientifiques ?
|
Les
concepts scientifiques sont des
réponses à des problèmes. |
|
Un
concept scientifique a un pouvoir
explicatif et prédictif |
- Comment
montrer la fonction prédictive d'un concept scientifique
?
|
Le
pouvoir explicatif et prédictif d'un concept scientifique
s'exprime à l'intérieur de domaine
de validité borné |
- Comment
montrer les bornes de validité d'un concept scientifique
?
|
Les
lois scientifiques ne considèrent souvent que la
cause la plus importante pour expliquer une situation
donnée. |
- Comment
introduire le doute dans les explications scientifiques ?
|
|
- Comment
introduire dans l'apprentissage des sciences les mécanismes
d'élaboration d'un modèle, les limites de ce modèle,
ce qu'il permet d'expliquer et ce qu'il n'explique pas ?
|
A partir
de l'approche historique du concept de fécondation (pp. 10-15),
Astolfi
et Develay (2005)
précisent que l'historie des idées, plus que l'histoire
des hommes, renseigne sur la production des savoirs savants. Pour Canguilhem
(1968), "cette histoire ne peut plus être une collection
de biographies ni un tableau des doctrines, à la manière
d'une histoire naturelle. Ce doit être une histoire des filiations
conceptuelles. [...] cette filiation a un statut de discontinuité
[...] A vouloir obtenir des filiations sans rupture, on confondrait
toutes les valeurs, les rêves et les programmes, les pressentiments
et les anticipations ; on trouverait partout des anticipateurs de tout".
Mais
comment enseigner une telle épistémologie ?
Pour Astolfi
et Develay (2005),
l'épistémologie scolaire proposée dans l'apprentissage
des sciences doit etre remise en question, sur plusieurs points :
1. La méthode de la recherche scientifique qui s'appuie sur le
schéma OHERIC, schéma qui fonde la démarche
d'exposition des sciences expérimentales, est un raccourci et
une reconstruction intellectuelle
a posteriori. Le BOEN spécial
n° 4 du 29 avril 2010 (p.3) commente la méthode d'investigation
en ces termes : "Il est d’usage de décrire une
démarche d’investigation comme la succession d’un
certain nombre d’étapes types :
-
une situation motivante suscitant la curiosité,
|
Observations |
- la formulation
d’une problématique précise,
|
|
- l’énoncé
d’hypothèses explicatives,
|
Hypothèses |
- la conception
d’une stratégie pour éprouver ces hypothèses,
|
Experimentations |
- la mise
en œuvre du projet ainsi élaboré,
|
|
- la confrontation
des résultats obtenus et des hypothèses,
|
Resultats
- Interpréstations |
- l’élaboration
d’un savoir mémorisable,
|
Conclusions |
- l’identification
éventuelle de conséquences pratiques de ce savoir.
|
|
Ce canevas
est la conceptualisation d’une démarche type. Le plus souvent,
pour des raisons variées, il convient d’en choisir quelques
aspects pour la conception des séances [...] Cette démarche
constitue le cadre intellectuel approprié pour la mise en œuvre
d’activités de laboratoires, notamment manipulatoires et
expérimentales, indispensables à la construction des savoirs
de la discipline."
2. En référence
à Bachelard, Canguilhem et Dadognet, il apparait que le
progrès scientifique et la construction de concepts
ne s'élabore pas de manière continue, par accumulation
progressive de connaissances et de contributions personnelles, allant
toutes dans le même sens d'une clarification d'un réel
préexistant, qu'un manque de méthodes ou de techniques
empêcheraient de découvrir. Des
ruptures et des obstacles épistémologiques
sont révélés par l'étude de l'histoire des
sciences (voir les travaux de Kuhn (1975) par exemple sur les révolutions
scientifiques et les changements de paradigme, qu'il
considère comme des modèles communs à tout un ensemble
de disciplines, à un moment donné de leur histoire). Bachelard
propose ainsi une véritable psychanalyse de la connaissance pour
mettre à jour ces obstacles. La connaissance scientifique est
ainsi pensée en terme de rupture avec la pensée subjective
et commune. C'est cette vision qui oriente d'ailleurs les approches
didactiques inspirées par les travaux de
Giordan visant à dépasser les représentations
des élèves que l'on considère ta priori comme éloignées
de toute rationnalité (modèle allostérique de l'apprentissage
: faire avec pour aller contre), .
3. La notion de fait doit également être réinterrogée
: le but des sciences est une description aussi exacte que possible
des faits observés ou produits
expérimentalement. Mais les faits n'ont de sens
que par rapport à un système de pensée, un paradigme,
une théorie préexistante. Un fait peut etre ainsi considéré
et interprété différemment suivant les contextes
socioscientifiques et les époques, tout comme
l'importance qu'on lui apporte. Pour qu'un fait soit accessible et intégré
à l'analyse, il ne suffit pas de l'observer : il faut qu'une
théorie soit prête à l'accueillir (voir ici par
exemple l'évolution
des idées sur l'ophiolite du Chenaillet, Urgelli, 2010).
4. Les concepts scientifiques sont associés
et opérationnels en relation avec un problème et un contexte
donné. Ils prennent des sens différents
et sont associés à des niveaux de formulation différente
en fonction des contextes. Par exemple, dans le contexte d'une formation
de secouristes par exemple, ou dans le langage courant, la respiration
est considérée et formulée comme un mécanisme
de ventilation (inspiration-expiration) et les autres niveaux de formulation
(échange gazeux pulmonaire, oxydation cellulaire ou encore oxydo-réductions
mitochondriales) ne sont pas opérationnels dans ce contexte.
(R)évolution
scientifique ?
Pour la seconde
moitié de XIXe siècle, Pestre (2006)
considère que la chimie, la télégraphie,
l'électricité, la radio sont des cas d'école.
Par exemple, Kelvin, philosophe de la nature au Royaume Uni,
et Maxwell contribueront directement, techniquement et théoriquement,
au projet impérial de réseau de cables télégraphiques
transatlantiques, via l'Association britannique pour l'avancement des
sciences. En relation avec les compagnies qui posent ces cables, leur
but était de faire progresser les savoirs mais dans le même
mouvement de développer des techniques permettant de gagner de
l'argent et de contribuer à la puissance de l'empire dans sa
lutte commerciale et militaire contre les autres nations. Les
mêmes acteurs circulent donc entre plusieurs mondes.
Pour Pestre, ce moment
qu'on a appelé révolution scientifique
est un moment de fondation et d'invention d'une science moderne
marquée par le souci de l'opérationnalité
et de la maitrise, via l'expérience controlée et la mathématisation.
Dès lors, il n'est plus de science pure qui vive séparée
du monde et la dynamique devient principalement socioscientifique.
On pourrait
également décrire cette
dynamique socioscientifique à partir de l'exemple
des géophysiciens américains impliqués dans l'exploration
de fonds océaniques dans les années 1960. En pleine guerre
froide et à la suite de la troisième année polaire
internationale (Année Internationale
de la Géophysique, 1957-1958), la théorie
de l'expansion des fonds océaniques obtiendra rapidement la robustesse
qu'on lui connait actuellement....
Quelle(s)
histoire(s) des sciences ?
ETUDE
D'UN EXEMPLE : LA MODELISATION DE LA DYNAMIQUE DES PLAQUES
Benoît
Urgelli
last
up-date : 29 janvier, 2013
Il est souvent
révélateur de comparer une histoire des sciences écrite
par un historien français avec celle écrite par un historien
britannique, allemand ou américain (voir à ce titre l'histoire
de la tectonique des plaques, vue par Deparis
(2003) ou par Marx et Bornmann
(2013)) : les découvertes et les inventions sur lesquelles
on insiste, de même que les scientifiques auxquels on les attribue,
ne sont pas toujours les mêmes ! L'histoire des sciences est élaborée
par l'esprit humain et n'est en aucune façon objective, universelle
ou intemporelle (Thouin, 2007, p.446).
EXERCICE
: En s'inspirant des documents ci-dessous, proposez une
suite logique de mises en scène didactique (2 à 4 séances
de classe pour des élèves de première S) de
l'histoire des idées mobilistes et de la tectonique des plaques
au cours des XIXe et XXe siècle. Ces mises en scène,
tant que possible interdisciplinaires, viseront
à montrer quelques aspects de la nature des sciences et de
leur dynamique, en relation avec les contextes socioscientifiques
et politiques de l'époque.
Les thèmes d'éducation scientifique citoyenne à
développer dans vos séances sont indiqués dans
le tableau ci-desssus (Urgelli, 2013).
Vous préciserez clairement à quel(s) thème(s)
se rapportent chacune de vos séances. Vous
n'hésiterez pas à évoquer l'utilisation d'autres
documents scientifiques et pédagogiques de votre choix, qui
sembleraient utiles à ce projet didactique.
AVERTISSEMENT
: votre approche doit permettre de penser les sciences en terme de savoir
mais aussi de pratiques sociales (Martinand, 1982).
Elle évitera une lecture temporelle et linéaire de l'histoire
qui décontextualise le récit scientifique et permet uniquement
de dresser une liste des grandes premières scientifiques. Une
telle lecture, qualifiée d'histoire jugée, n'aide
pas à comprendre la nature des sciences, leurs dynamiques et
les choix des scientifiques au moment où ils sont en train de
faire la science. Même s'il est pourtant difficile de ne pas être
aussi un partisan de l'histoire jugée, un tel récit gére
difficilement la dynamique multiforme et en rhizomes des sciences. D'après
Pestre, D. (2006).
Document
1 : Instructions officielles
Programmes
de l’enseignement de sciences de la vie et de la Terre
au collège - Introduction commune
Bulletin officiel spécial n° 6 du 28 août 2008,
p.1.
La perspective historique donne une vision cohérente
des sciences et des techniques et de leur développement
conjoint. Elle permet de présenter les connaissances
scientifiques comme une construction humaine progressive et
non comme un ensemble de vérités révélées.
Elle éclaire par des exemples le caractère réciproque
des interactions entre sciences et techniques.
Programmes
de l’enseignement de sciences de la vie et de la Terre
au lycée
Bulletin officiel spécial n° 4 du 29 avril 2010,
p.2-4.
Si les connaissances scientifiques à mémoriser
sont raisonnables, c’est pour permettre aux enseignants
de consacrer du temps à faire comprendre ce qu’est
le savoir scientifique, son mode de construction et son évolution
au cours de l’histoire des sciences [...].
L'approche historique d'une question scientifique peut être
une manière originale de construire une démarche
d'investigation. L'histoire de l'élaboration d'une connaissance
scientifique, celle de sa modification au cours du temps, sont
des moyens utiles pour comprendre la nature de la connaissance
scientifique et son mode de construction, avec ses avancées
et éventuelles régressions. Il conviendra de veiller
à ce que cette approche ne conduise pas à la simple
évocation d'une succession événementielle
et à ne pas caricaturer cette histoire au point de donner
une fausse idée de la démonstration scientifique :
si certains arguments ont une importance historique majeure,
il est rare qu'un seul d'entre eux suffise à entraîner
une évolution décisive des connaissances scientifiques ;
de même, il serait vain de prétendre faire « réinventer »
par les élèves, en une ou deux séances,
ce qui a nécessité le travail de plusieurs générations
de chercheurs. |
Capacités
et attitudes développées tout au long du programme
de sciences de la vie et de la Terre au lycée
d'après le Bulletin officiel spécial
n° 4 du 29 avril 2010, p.7.
-
Pratiquer
une démarche scientifique (observer, questionner,
formuler une hypothèse, expérimenter, raisonner
avec rigueur, modéliser).
-
Recenser,
extraire et organiser des informations.
-
Comprendre
le lien entre les phénomènes naturels et le
langage mathématique.
-
Manipuler
et expérimenter.
-
Comprendre
qu’un effet peut avoir plusieurs causes.
-
Exprimer
et exploiter des résultats, à l’écrit,
à l’oral, en utilisant les technologies de
l’information et de la communication.
-
Communiquer
dans un langage scientifiquement approprié : oral,
écrit, graphique, numérique.
-
Percevoir
le lien entre sciences et techniques.
-
Manifester
sens de l’observation, curiosité, esprit critique.
- Être
capable d’attitude critique face aux ressources documentaires.
-
Montrer
de l’intérêt pour les progrès
scientifiques et techniques.
-
Être
conscient de sa responsabilité face à l’environnement,
la santé, le monde vivant.
- Avoir
une bonne maîtrise de son corps.
- Être
conscient de l’existence d’implications éthiques
de la science.
- Respecter
les règles de sécurité.
- Comprendre
la nature provisoire, en devenir, du savoir scientifique.
- Manifester
de l’intérêt pour la vie publique et les
grands enjeux de la société.
- Savoir
choisir un parcours de formation.
|
Classe
de Première S
La tectonique des plaques : l’histoire d’un modèle
Bulletin
officiel spécial n° 9 du 30 septembre 2010, p.4-6.
|
Extraits
des capacités et attitudes associées à
cette partie du programme |
Les grandes
lignes de la tectonique des plaques ont été
présentées au collège. Il s’agit,
en s’appuyant sur une démarche historique, de
comprendre comment ce modèle a peu à peu été
construit au cours de l’histoire des sciences et de
le compléter. On se limite à quelques étapes
significatives de l’histoire de ce modèle. L’exemple
de la tectonique des plaques donne l’occasion de comprendre
la notion de modèle scientifique et son mode d’élaboration.
Il s’agit d’une construction intellectuelle hypothétique
et modifiable. Au cours du temps, la communauté scientifique
l’affine et le précise en le confrontant en permanence
au réel. Il a une valeur
prédictive et c’est souvent l’une
de ces prédictions qui conduit à la recherche
d’un fait nouveau qui, suivant qu’il est ou non
découvert, conduit à étayer ou modifier
le modèle. La solidité
du modèle est peu à peu acquise par l’accumulation
d’observations en accord avec lui. Les progrès
techniques accompagnent le perfectionnement du modèle
tout autant que les débats et controverses.
NB - À
partir de l’exemple de la tectonique des plaques, les
élèves seront conduits à comprendre quelques
caractéristiques du mode de construction des théories
scientifiques.
|
-
Comprendre
les difficultés d’acceptation des premières
idées de mobilité […]
-
Comprendre
comment des observations fondées sur des techniques
nouvelles ont permis de dépasser les obstacles du
bon sens apparent […]
-
Comprendre
comment la convergence des observations océanographiques
avec les mesures de flux thermique a permis d’avancer
l’hypothèse d’une expansion océanique
réactualisant l’idée d’une dérive
des continents
-
Comprendre
comment la corrélation entre les anomalies magnétiques
découvertes sur le plancher océanique et la
connaissance plus ancienne de l’existence d’inversion
des pôles magnétiques confirma l’hypothèse
de l’expansion océanique […]
-
Comprendre
comment désormais des faits ne s’intégrant
pas a priori avec le modèle initial (volcanisme intraplaque)
permettent un enrichissement du modèle (théorie
des points chauds) et non son rejet.
-
Corréler
les directions et les vitesses de déplacements des
plaques tirées des données paléomagnétiques
avec celles déduites de l’orientation et des
âges des alignements volcaniques intraplaques.
|
Autres documents
:
voir
le sujet proposé aux master d'enseignement secondaire de l'Université
de Dijon (janvier
2013)
: ci-joint au format pdf
How
a new paradigm can be successful ?
The transition from a fixist to a dynamic
view of the earth : english vision
Marx, W. & Bornmann, L. (2013). The emergence
of plate tectonics and the Kuhnian model of paradigm shift:
a bibliometric case study based on the Anna Karenina principle.
Scientometrics 94:595–614.
Shortly
before his death, Albert Einstein wrote the foreword to a book
by Hapgood (1958) that was published in 1958. In the foreword,
Einstein dismissed the notion of continental drift—the
movement of Earth’s continents relative to each other—as
a naive idea. As would be shown soon afterwards, Einstein had
this time backed the wrong horse.
As a principle
supplementing Kuhn’s theory, Marx & Bornmann (2013)
proposed the Anna Karenina principle:
a new paradigm can be successful only when several key prerequisites
are fulfilled (e.g., verified by means of independent data
and methods). If any one of these prerequisites is not fulfilled,
the paradigm will not be successful.
Marx
& Bornmann (2013) wanted to refine the method
of historiography, so as to investigate scientific
progress that can be called a scientific revolution
following Kuhn (1962), empirically,
based on publication and citation data.
In
a paper titles, ‘‘What kind of revolution occurred
in geology?,’’ Michael Ruse (1978, p. 259) stated
: ‘‘My claim is that the revolution in
geology was less abrupt than a Kuhnian would have it; more
so than an evolutionist would have it". On the
basis of a historiograph, Marx & Bornmann (2013)
showed
that the entire network of papers that were decisive for the
paradigm shift was published over the course of a century.
But the main occurrences are concentrated in the 1960s
and 1970s. The very early works are connected
with the later, most decisive papers,
whereby mainly two books, by Wegener (1915) and Du
Toit (1937), played an important role in the later research.
The
high interconnectedness of the papers by Hess (1962) on sea
floor spreading, by Vine and Matthews (1963) on the VMH, and
by Wilson (1963) on the age of the Hawaiian Islands
and on the transform faults Wilson (1965) with introduction
of the term ‘‘plate tectonics’’ indicates
that they had a central role in the paradigm shift from
fixism to plate tectonics. The phase prior
to the paradigm shift, during which these papers were published,
could also be called Armageddon in the geosciences. According
to the Book of Revelations in the Bible, Armageddon is the (symbolic)
site of a battle during the end times before the beginning of
a new world. In the geosciences, it was the last great
debate, in which extraordinary science was conducted and in
which it was decided that the new paradigm would gain acceptance,
replacing the old.
With the papers by Le Pichon (1968) and Isacks
et al. (1968), the debate was concluded and the new paradigm
established once and for all: the papers not only fully
confirmed plate tectonics based on seismology but also contained
a summary of many central, earlier works in the network.
For
the paradigm shift in the geosciences, there were many
starts and attempts and various lines of research that were
brought together step by step. The initial starts (1.
forerunners) were not taken up by the scientific community at
first, since, for one, the consequences for the foundations
of the geosciences were far-reaching and revolutionary, and,
for another, the indications stood on shaky ground. It took
the courage of unbiased, young researchers and support
from some older leading figures in the geosciences
(such as Bullard, Hess, and Matthews) to get broad discussion
of the existing and the new paradigms going.
The
fragmentation of fields in the geosciences
made it difficult to be aware of all of the relevant factors
that spoke for the new paradigm. There were too few
researchers working across the sub-disciplines or having overarching
interests.
It
took a critical mass of convincing data in combination
with the synthesis of the pieces in a satisfactory overall picture,
which was finally accepted by
the scientific community in the geosciences.
[...]
Accidental discovery.
The discovery of the magnetic striping by Mason and Raff (1961;
Mason 1958; Raff and Mason 1961) was unexpected. No one had
been looking systematically for the striped pattern in connection
with the discussion on whether the Earth’s crust was fixed
or moving. And the impetus from Hess and Vine pointing towards
the connection between the convection in the Earth’s mantle
(Hess), the magnetic striping (Vine) and the spreading
of the sea floor resulted from chance encounters at
various conferences. But the coincidences happened,
and it then took open-mindedness in the face of the unexpected.
There is an old saying the lucky coincidences come to those
who work hard. Science cannot be planned down to the
last detail, but it also does not advance purely by chance.
The
knowledge gained arises in the interplay of hypothesis/theory
and experiment. The individual events in the course
of this process are not foreseeable but are not by chance
in the sense that any other constellation of the circumstances
would also have been conceivable and would have led to the same
success.
This
study thus has importance not only for bibliometrics and history
of science but also has implications for science policy:
science requires a certain amount of freedom so as to
provide room for accidental discoveries.
Detailed
analysis by Marx and Bornmann
(2013)

Historiograph
on the paradigm shift from fixism to plate tectonics
in the geosciences based on 52 selected key papers.
In
Marx, W. & Bornmann, L. (2013).
The emergence of plate tectonics and the Kuhnian model
of paradigm shift: a bibliometric case study based on
the Anna Karenina principle. Scientometrics
94:595–614.
|
Differents
steps related to the paradigm evolution |
Time
period |
Key
bibliometric scientists |
Significant
articles mentioned in Marx and Bornmann's discussion
(from 52 key papers they selected from books reviews that
described important contributions to the paradigm shift,
Anderson (1971) ; Oreskes (2003) ; Frisch and Meschede
(2005)) |
forerunners |
1883-1910 |
Suess
and Waagen 1883
Taylor 1910 |
1.
SUESS E, 1883, DAS ANTLITZ DER ERDE
2. |
multiple
evidence
without convincing mechanims |
1912-1915 |
Wegener
1912a, b, 1915 |
3
4
5. WEGENER A, 1915, DIE ENTSTEHUNG DER
KONTINENTE |
discussion
of convection currents
in mantle material |
1923-1929 |
Joly
1923a, b, c
Ampferer 1925
Daly 1926
Holmes 1928a, b, c; 1929
Du Toit 1929, 1937, 1945 |
6-15.
14.
DUTOIT AL, 1929, AM J SCI, V17, P179 |
ambiguous
evidence from paleomagnetic
data |
1955-1960 |
Runcorn
1955
Creer et al. 1957
Collinson and Runcorn 1960 |
19.
21.
23. |
futher
evidence from heat flow
data |
1954-1961 |
Bullard
1954
Bullard et al. 1956
Bullard and Day 1961
Gaskell et al. 1961;
|
18.
20. |
futher
evidence from magnetic stripes |
1958-1961 |
Mason
1958
Mason and Raff 1961
Raff and Mason 1961 |
22.MASON
RG, 1958, GEOPHYS J ROY ASTRON SOC, V1, P320
24. MASON RG, 1961, GEOL SOC AMER BULL, V72, P1259
25. RAFF AD, 1961, GEOL SOC AMER BULL, V72, P1267 |
concept
of sea floor spreading
based on convection currents |
1962 |
Dietz
1961
Hess 1962
Runcorn 1962a, b, c
|
30.
HESS HH, 1962, HISTORY OF OCEAN BASINS |
Vine-Matthews
hypothesis |
1963 |
Vine
and Matthews 1963 |
37.
VINE FJ, 1963, NATURE, V199, P947 |
independent
confirmation and breakthrough |
1963-1967 |
Wilson
1963a, b, c
Cox et al. 1963
Heirtzler and LePichon 1965
Wilson 1965a, b, 1966
Vine and Wilson 1965
Heirtzler et al. 1966
Opdyke et al. 1966
Pitman and Heirtzler 1966
Vine 1966
McKenzie and Parker 1967 |
33.
WILSON JT, 1963, CAN J PHYS, V41, P863
39. WILSON JT, 1965, NATURE, V207, P343
46.
47.
|
final
confirmation and establishment |
1968 |
Le
Pichon 1968
Isacks et al. 1968
Morgan 1968 |
49.
LEPICHON X, 1968, J GEOPHYS RES, V73, P3661
50. ISACKS B, 1968, J GEOPHYS RES, V73,
P5855 |
ongoing
research |
1971 |
Morgan
1971
Elsaesser 1971 |
51.
52. |
Forerunners
At
the end of the nineteenth century, Austrian geologist
Eduard Suess discussed for the first
time the specific similarity between geological formations
in Africa and Brazil and postulated the supercontinent
‘‘Gondwanaland’’. Suess published
a summary of his ideas in Das Antlitz der Erde
in 1883.
Wegener's well known book was published in 1915, with
revised editions in 1920, 1922 and 1929, and an English
translation in 1924. [...] Although Wegener’s works
had some important key aspects or conditions for scientific
success [...], they did
not fulfill many other prerequisites of a scientific breakthrough
according to the AKP: There was only relatively
little evidence supporting the theory, technical
options for verification were still underdeveloped
(there was not yet any sea research as we know it today,
and there were no geophysical probes), and most of all,
there was no convincing mechanism, no
well-founded notion of the driving force, in sight. Wegener’s
theory stood at first on shaky ground. It also did not
help that Wegener was not by training a geologist;
he was a meteorologist, and in the eyes of the geological
community, the fervor of the ‘‘outsider’’
seemed suspect.(see another
explanation, in the context of World War I, by Le
Vigouroux, 2012).
Criticism
came from England and mainly from the United States after
publication of The Origins of Continents and Oceans
in English (1924). [...] Not until the 1960s were discoveries
made that delivered unambiguous and convincing evidence
that continents do in fact move. The resulting paradigm
of plate tectonics goes beyond Wegener’s original
theory in many respects, however.
As
early as in the 1920s Irish physicist John Joly
postulated a drift theory that was based on convection
currents caused by the Earth’s internal heat generated
by radioactive decay (Joly 1923a, b, c). Still during
Wegener’s lifetime (Wegener died in 1930 on an expedition
in Greenland), Alpine geologists Otto Ampferer and Robert
Schwinner developed a theory of mountain formation that
was based on convective heat transport in the Earth’s
interior (Ampferer 1925). In America, Reginald A. Daly
(a professor at Harvard University) published Our Mobile
Earth in 1926. Arthur Holmes of Scotland
was the first earth scientist to grasp the implications
of mantle convection, which was a major contribution already
in the 1920s to the modern view of the mechanism of continental
drift (Holmes 1928a, b, c; 1929). The close resemblance
of geological phenomena and fossil plants and animals
on the continents in the Southern Hemisphere led South
African geologist Alexander Du Toit to accept and follow
up Wegener’s theory of continental drift (Du Toit
1929, 1945), and after Wegener’s death Du Toit published
Our Wandering Continents in 1937.
Magnetism
in ancient rocks (Runcorn’s land-based data)
In the early 1950s English researcher Patrick
Blackett (Imperial College London) and his student
Keith Runcorn (Cambridge University and
Newcastle University) became interested in remanent magnetization
in rock. [...] Blackett and Runcorn discovered that the
orientation of the remanent magnetization of many rocks
did not correspond to the current orientation of the Earth’s
magnetic field (Runcorn 1955; Creer et al. 1957; Collinson
and Runcorn 1960). The orientation of magnetization in
dependency upon the age of rocks yielded coherent polar
wandering curves. The question was now whether the Earth’s
magnetic poles had wandered relative to the Earth’s
crust or the continents had moved relative to one another.
[...]
Runcorn’s studies showed that England, or Europe,
and America must have changed their orientation and position
relative to one another greatly (Creer et al. 1957). By
the end of the 1950s at the latest, Runcorn was convinced
that the paleomagnetic data was evidence of continental
drift. In 1962 Runcorn published two works on convection
currents as the possible mechanism of continental drift
as well as a book, Continental Drift, summarizing
the findings (Runcorn 1962a, b, c).
However,
the evidence was questionable, for there
was room for different interpretations. The different
magnetic orientation of rocks could have other causes,
such as chemical and structural changes in the time after
their formation. Some rocks reversed their polarity after
heating. It was therefore not certain whether the Earth’s
magnetic field had in fact reversed its polarity and also
whether rocks in fact retained their record of the direction
of the Earth’s magnetic field across millions of
years. There was also a certain problem of one-sidedness
with the magnetic measurements: all the data came from
one group of researchers and were produced using one measurement
method and were all land-based. The technical options
for further verification were limited and there was still
no convincing mechanism or notion of the driving force
that moved the continents.
A
turn to the ocean
In
the early 1950s the U.S. Navy became interested in locating
submarines and thus in underwater geomagnetism.
British geophysicist Ronald Mason was invited to participate
in a joint research expedition of Scripps Institution
of Oceanography and the U.S. Navy and Atomic Energy Commission.
In the summer of 1955 Mason and his assistant Arthur Raff
began measuring the magnetism of the sea ?oor off the
coast of the Pacific Northwest. To his surprise, Mason
found a zebra-striped pattern, running north/south, of
normal magnetism (pointing north) und magnetic anomalies
of the sea floor. [...] In August 1961 Mason and Raff
(both of them at the time at Scripps Institution of Oceanography)
published the final map of their zebra-striped magnetic
pattern (Raff and Mason 1961) (they had published initial
findings in 1958). There
existed no plausible explanations as to
why the magnetic striping existed. [...] Even though their
discovery was the first decisive piece of evidence of
movement of the ocean floor and thus of large-scale horizontal
movements, according to the AKP a key prerequisite for
the scientific success of their papers was lacking: the
interpretation of the data based on a satisfactory and
convincingly formulated issue or theory.
Hess’s
model - Spreading of the sea floor
The
formulation of the paradigm of a mobile crust of the Earth
was introduced in the 1950s and is closely connected with
American geologist Harry Hess (at Princeton University).
Hess used the echo sounder
for scientific investigations and became
amazed at the marked structuring of the ocean floor in
the area of the mid-oceanic ridges (also called the mid-oceanic
crests), which belong to an enormous, single, global mid-oceanic
ridge system. Instead of thick sediment layers similar
to those in the coastal areas, Hess found trenches and
gorges covered with volcanic craters. In this area the
ocean floor was apparently astonishingly young. Hess eventually
found an explanation of his observations: new oceanic
crust is formed continuously on either side of the mid-oceanic
ridges,
spreading away from the ridge in opposite directions like
on two conveyor belts as it is pushed to the side by new
material rising from chambers below. Hess assumed that
the entire crust of the Earth moves, not just the continents,
and estimated the rate of motion to be approximately the
same as the rate of fingernail growth (a few centimeters
per year).
As early as 1939 Hess had already speculated that the
driving force of this spreading of the sea floor could
be the convection cells in the Earth’s mantle (considering,
among other things, the discovery of sea
floor gravity anomalies in Pacific deep-sea
ditches by Felix Vening-Meinesz of the Netherlands). In
the mid 1950s, British geophysicist Sir Edward Bullard
(Cambridge University) showed that there is much higher
than expected heat flow
along the mid-oceanic crests (Bullard
1954; Bullard et al. 1956). Both of these points gave
excellent support to Hess’s model.
In
1944 British geologist Arthur Holmes had presented a theory
of continental drift based on this mechanism in Principles
of Physical Geology. In 1960 Hess then wrote a report
based on his findings [Report to the Office of Naval Research;
as this report was supported
by contract, it did not appear in the open literature.
[...] it was published in 1961 only as a preprint and
then published in 1962 as a book chapter [...] The total
impact of Hess’s ‘‘History of Ocean
Basins’’ (1962) is high [...]
According
to Hess (1962), the ocean ?oor does not come from volcanoes
but instead is formed on a large scale and constantly
at the mid-oceanic ridges (evidence:
earthquakes, heat flow, central arrangement)
and falls back into the deep-sea trenches. As the mechan
ism for this, Hess proposed convection cells in the Earth’s
mantle. The model explains: (1) the uniform thickness
of the basalt layer under the ocean, (2) the young age
of the ocean
floor (thin sedimentation, few volcanoes), (3) the mountain
formation; folding as a consequence of the horizontal
movement, and (4) the approximate current amount of water
in the seas. With the rate of formation of 1 cm per year,
the sea ?oor would nowhere be any older than 250 million
years old. This was a verifiable prediction that was later
confirmed.
Independently
of Hess, Robert Dietz (at Scripps Institution of Oceanography)
developed a very similar model and in the title of a paper
in 1961 coined the pertinent term ‘‘sea-floor
spreading’’, which came into frequent use
in the literature. The paper
by Dietz (1961) was cited by only 10 % of
the later works [...] Simplicity
and elegance play an important role in the acceptance
of theories. However, these features of
the model initially aroused suspicion. But the ground
for discussion of continental drift had been prepared
once again. Hess (1962) had put forward a satisfying and
elegant explanatory model for answering important fundamental
questions in the geosciences. But it was still being rejected
in the early 1960s by the vast majority of the community
of geoscientists. This was because only
relatively few independent measurements existed that
also pointed to large-scale movement of the Earth’s
crust.
Synthesis
as hypothesis
One
year later, British geophysicist Drummond Matthews (Cambridge
University) discovered magnetic anomalies in the Indian
Ocean, this time across part of a mid-oceanic ridge. In
1962 Fred Vine met Matthews, who became his PhD supervisor.
After analyzing Matthew’s raw data, Vine discovered
a striped pattern similar to that found by Mason and Raff
(1961; Mason 1958; Raff and Mason 1961). As a result of
this, Vine made the crucial step, seeing a direct causal
connection between the zebra-striped pattern of normal
and reversed magnetism and the spreading of the sea ?oor:
at the mid-oceanic ridges, as the rising hot magnum formed
new crust and cooled, the magnetite in the rock aligned
itself with the prevailing magnetic field at the time.
As the crust formed and moved away from the ridges, periodic
reversals in the Earth’s magnetic polarity would
result in just precisely this striped pattern of magnetism.
Vine
had previously attended a lecture by O. J. Jones (at Cambridge
University in January 1962) on the formation of the North
Atlantic basin. One of the core points
of the lecture was that rock from a quarry in Wales was
exactly like rock from a quarry in the Appalachian Mountains.
At the same conference, Vine
attended a lecture by Hess, who reported
on (1) findings on in his hypothesis on crustal motions,
and (2) the strange striped magnetic pattern in the northeastern
Pacific.
Vine now combined Hess’s
(1962) model of sea floor spreading with the magnetic
polarity reversals: the result was the
Vine–Matthews hypothesis (VMH). The VMH was based
on three hypotheses, each of which was still doubted,
however: remanent magnetism, geomagnetic field reversal,
and sea floor spreading. In addition, the timescale of
the geomagnetic reversal was still uncertain. There was
also the question as to whether the different widths of
the striping were caused by a non constant rate of spreading
or a changing rhythm of the magnetic reversals. Vine and
Matthews published their hypothesis in the fall of 1963
in Nature. At first, the VMH met with a low response.
Later, however, [...] this paper was cited extremely frequently
[...]. The very high interconnected-ness in connection
with the also high total impact indicates that the
paper is one of the central works for the paradigm shift
Canadian
geophysicist Lawrence Morley (Geological Survey of Canada,
Ottawa) independently arrived at the same hypothesis as
Vine und Matthews (1963) (Morley referred to land-based
data but also knew of Masons’ sea-based data). Here,
remembering the paper by Dietz (1961) played a crucial
role. Morley submitted his paper to Nature in February
1963 and received a rejection 2 months later;
the reason stated for the rejection was that the
paper was too long. In April Morley submitted
the paper to the Journal of Geophysical Research and waited
a long time for an answer. In August he received a rejection
letter, in which the editor wrote that an anonymous reviewer
had stated: ‘‘Such
speculation makes interesting talk at cocktail parties,
but it is not the sort of thing that ought to be published
in the Journal of Geophysical Research’’.
Morley was frustrated in September when the Vine and Matthews
paper (1963) came into his hands, for now he
could not submit his own paper without appearing to plagiarize
their work.
At
almost the same time and independently of one another,
Hess (and also Dietz) had combined convection in the Earth’s
mantle with sea floor spreading, and Vine and Matthews
(and also Morley) had combined sea floor magnetic stripes
with sea floor spreading. With this, previously
separate lines of research became connected in the interplay
of theory and experiment. This prepared
the way for fruitful discussion and the later paradigm
shift. Regarding the ability for synthesis, there is a
strong analogy here to Wegener: Wegener’s
strength was not his profound geological knowledge but
rather his scientific comprehension. Vine,
too, did not need to have been a long active and experienced
researcher in order to arrive at his pioneering outcome.
But
the facts available were still inconsistent. The significant
elements of the new theory—sea floor spreading and
the global magnetic polarity reversals—were not
generally recognized at the time, as they were not conclusively
indisputable. [...] The
majority of American scientists were supporters of fixism.
Some researchers gradually began to doubt the fixist point
of view, but that did not yet suffice for a change in
perspectives.
Confirmation
In
1965, with no knowledge of Vine and Matthews, James Heirtzler
(Lamont Geological Observatory, Columbia University) conducted
aeromagnetic surveys and found a symmetrical striped pattern
on either side of the mid-Atlantic ridge between England
and Greenland (Heirtzler and LePichon 1965; Heirtzler
et al. 1966).
In
the meantime, magnetic polarity reversal had been proved
and a geomagnetic polarity time scale (GPTS) constructed
on the basis of age determination. What is more, the time
sequences of spreading and polarity reversals matched
astonishingly well. The time points of the reversals at
different locations were in agreement and now produced
a consistent picture. In 1963, determining the age of
rock using the potassium-argon dating method, Cox et al.
1963 (United States Geological Survey in Menlo Park, California)
constructed a polarity time scale going back *4 million
years (land-based). They named the main epochs after the
pioneers of geomagnetism (Brunhes, Matuyama, Gauss, Gilbert).
They called the shorter periods of several 10,000 of years
to several 100,000 of years ‘‘events’’
and named them after the locations on land where the rock
samples were found.
In
1965 and 1966, the ocean floor spreading hypothesis received
con?rmation through another
independent piece of evidence: core samples of ocean sediments,
which provide a record, as a vertical pattern, of the
sequence of the different magnetic polarity at different
times. The horizontal and vertical magnetic patterns match
exactly.
[...]
In a paper published in Science in 1966, Vine
put all the new findings
together in a convincing way.
In
a dissertation (1965/1966) Xavier Le Pichon supported
convection without sea ?oor spreading, although in his
research area sea ?oor spreading was already coming to
be accepted. At the time
it was still dangerous for young researchers to base their
careers on a new theory. But in 1968 Le
Pichon wrote one of the most highly cited papers in the
area of sea floor spreading, drawing upon many important
works mainly from the 1960s.
Confirmation
and corroboration through independent data, methods, sub-disciplines,
and researchers dramatically increased the probability
that continental drift was a valid theory. In this situation
a sense of excitement arose, a scientific gold rush, that
accelerated the development enormously. The new comprehensive
theory delivered a simple and elegant explanation for
the many previously unresolved basic questions in the
geosciences. It answered more questions than it raised,
which is very important for scienti?c advancement.
Nevertheless,
the scientific community
was still opposed to it or undecided;
what was missing was the final crucial step that leads
to the definitive breakthrough and the establishment of
a new paradigm.
Canadian
geophysicist J. Tuzo Wilson (University of Toronto) had
suspected that the age of the Hawaii Islands increases
the further the islands are from the mid-oceanic ridge
called the East Pacific Rise. A stationary hot spot produced
magma that had apparently risen to produce one volcanic
island after another; continuing plate movement eventually
shifts the islands away from the hotspot, cutting them
off from the magma source, and volcanism ceases. Wilson’s
hypothesis was confirmed entirely by radiometric
dating of the rocks.
In addition to the magnetic data, this was further,
independent evidence of the spreading of the ocean floor.
Wilson (a, b) published his findings in 1963 in the Canadian
Journal of Physics and as a summary in Nature.
In
the meantime, deep sea soundings
had revealed that the mid-oceanic ridge was cut through
with deep fracture zones.
Wilson saw in these a new form of geological faults—
which he called transform faults—that explain exactly
what happens at the mid-oceanic ridge during seafloor
spreading (Wilson 1965). Already in 1967, 2 years after
the publication of Wilson’s theory (1965), seismological
data confirmed conclusively that the great
faults in the area of the mid-oceanic ridge are transform
faults as described by Wilson. Wilson was right on target
for the second time. The theory of transform faults provided
further confirmation of the Vine and Matthews Hypothesis
(VMH).
Wilson
identified an oceanic ridge off Vancouver Island from
which the sea floor spread in either direction. His
concept of the transform faults had predicted the existence
of a ridge in this location. Wilson named
it the Juan de Fuca Ridge (Wilson 1965). This paper delivered
crucial pieces of evidence providing a firm foundation
for the VMH.
Wilson
delivered new evidence,
completely independently of the magnetic data, and expanded
the scope of the theory considerably.
Land and sea-based data now fit together without any problems.
Together with the magnetic surveys, the ?ndings from volcanism
in connection with the age determination as well as the
supported model of the transform faults yielded a comprehensive
picture. Vine and Wilson
published a model of sea floor spreading in the north
Pacific in October of 1965. Already in
1963 Wilson had also brought the convection currents into
it (Vine and Wilson 1965), and in 1966 Wilson discussed
the history of the development of the Atlantic.
When
Wilson published his paper on transform faults in 1965,
he was the first to call the masses of rock moving in
relation to one another and meeting at boundaries ‘‘plates’’.
Wilson divided the Earth’s surface into at the minimum
six large and several smaller movable plates, which are
kept in motion by the convection currents in the Earth’s
mantle. It was in this paper
(Wilson 1965) that the new paradigm got a new and easy
to remember name. Wilson became the father of plate tectonics.
The
shift to the plate tectonics paradigm did not occur due
to one paper or one person at a specific point in time
but instead over the course of a long process and at first
in different lines of research (quite similar to the development
of the Big Bang theory in modern cosmology (Marx and Bornmann
2010)). The paradigm shift could only take place after
all essential prerequisites were given. Due to the long
and complex prehistory, which following Kuhn (1962) can
be called a phase of normal science (up to 1962), and
its great importance for the paradigm shift, we can not
only focus on the main phase starting in 1962 but also
must view the two phases in close connection. In the phase
up to the end of the 1950s, serious doubts about fixism
had already been raised. Then in the early 1960s, extraordinary
science was conducted, and in this phase the new paradigm
emerged in the
geosciences and replaced the old paradigm.
Final
breakthrough
After
the Second World War, seismology
was promoted, as it was important for the monitoring of
atomic test ban treaties. And so it was
not long before extensive
testing of the plate tectonics paradigm was
conducted. It was soon shown that (as expected) the earthquake
zones are concentrated along the seams of the Earth’s
mantle, which provided final
and convincing evidence for the new paradigm.
Three American seismologists (Bryan Isacks, Jack Oliver,
and Lynn R. Sykes) published a summary of findings in
1968, in which plate tectonics and seismology became joined
in marriage, so to speak. About 2 years after publication
of the paper by Isacks et al. (1968) the term subduction
was coined.
Seismology
delivered further independent
evidence and expanded the scope of the
paradigm. For the first time, there was a complete picture
of the processes and forces shaping the earth. Putting
seismology together with the geophysical sub-disciplines
previously important for the new model brought about the
final, definitive, and irrefutable establishment of plate
tectonics. One could not expect to find
more and better evidence to support the new paradigm.
And with this, all prerequisites
for paradigm shift as outlined by the AKP were fulfilled.
If
we consider 1965 to be the year in which plate tectonics
was born [when Wilson coined the term ‘‘plates’’
Wilson (1965)], then it
took at least another 2 years for the paradigm shift to
be completed and for plate tectonics to become accepted
by the research community. In the interplay
of theory and experiment, which marks
the advancement of knowledge in the natural sciences,
what ultimately matters is clear and convincing proof.
Once there was proof, in the form of paleomagnetic
and seismological data in connection with age determination,
the majority of scientists accepted the new paradigm in
an astonishingly short time: ‘‘In 1930 perhaps
2 % of all geologists believed in continental drift; by
1967 the figure was more like 50 %, with more converts
joining every day’’ (Anderson
1971, p. 154); ‘‘Despite the
fuurry of new finds during the early and mid-1960’s,
most people knew virtually nothing of what was happening.
Not until the end of the decade did the enormousness of
what was happening begin
to filter through to the general public’’
(Anderson 1971,
p. 181).
Although
many researchers took part in collecting the data that
delivered the most important pieces of the mosaic for
the new paradigm, the crucial
concepts came from a modest number of researchers.
In their accounts, the crucial prerequisites for the paradigm
shift were the good scientific
supervision, the enthusiastic work environments at Cambridge
University and Princeton University, and not least the
overarching, wider interests of the successful participants.
However, as many of the
researchers were not equally well-versed in geology and
physics and viewed the connections from too narrow a perspective,
some decisive publications were at first hardly noted:
‘‘The many other
disciplines properly associated with the study of the
earth—geomagnetism, seismology, petrology, geophysics—had
always been fragmented. The
new theory of continental drift has brought them together’’
(Anderson 1971,
p. 187).
Working
independently, McKenzie and Parker (1967) (at Scripps
Institution) and Morgan (1968) (at Princeton University)
developed a plate tectonic model based on geometry in
1967/1968. [...] McKenzie (Oreskes 2003, p. 169) wrote
later: ‘‘But
this sociological side of scientific discovery has (rightly)
become recognized as of great importance by those, such
as Thomas Kuhn, who write about the history
of science, even though the formalism that they have generated
seems to me at least strange and somewhat artificial.’’
The
expeditions of the research
ship Glomar Challenger starting
in 1968 securely established the evidence from drilling
core samples conclusively and irrefutably.
During expedition Leg 3, from Dakar to Rio de Janeiro,
the age profile of the ocean floor along the Mid-Atlantic
Ridge was determined systematically and fully using core
samples. The results showed that the age of the sea floor
increased symmetrically with distance away from the ridge
to the west and east, in the expected manner [...]. |
|
|
The
transition from a fixist to a dynamic view of the earth : Many french
visions, many different versions ?
in
Deparis, V. & Legros, H. (2000).
Voyage à l'intérieur de la Terre. Une histoire
des idées. CNRS Editions.
La
période de 1830 à 1900 est marquée
par une confrontation entre les implications de la géologie
et des phénomènes de mécanique terrestre.
Le volcanisme, la formation des montagnes, l'équilibre
isostatique de la croute suggéré par les mesures
gravimétriques, nécessitent [...] une fusion interne
sous une croute de faible épaisseur. Les travaux de mécanique
sur la rotation de la Terre [...], sur les déformations
élastiques du globe [...], sur les déformations
plastiques de la Terre [...] et sur la figure d'équilibre
de la Terre favorisent au contraire un globe solide.

Le
modèle de Terre consensuel
des années 1870-1880

Modèle de Terre en densité proposé
en 1897
pour retrouver la densité moyenne et l'aplatissement
de la Terre.
|
Pour les géologues
[...], la fluidité interne est prouvée d'une
manière irréfutable par les
éruptions volcaniques, par les phénomènes
isostatiques [...]. Pour les mécaniciens,
le seul argument de la très grande rigidité
indiquée par les
marées suffit à impliquer
une Terre globalement solide. Chacun dans sa discipline
possède une méthode particulière
(basée sur l'observation ou sur des calculs théoriques),
et garde à l'esprit des points précis (volcans,
marées,...) qui imposent une certaine idée
sur l'intérieur de la Terre. Chacun
a ses images mentales, des présupposées,
une culture et une intuition d'où découlent
certains modèles de Terre. Cela
indique [...] l'importance des a priori dans
l'interprétation des phénomènes,
et surtout la difficulté de tenir compte de l'ensemble
des faits en ne s'appuyant pas exclusivement sur une seule
catégorie de phénomènes. Entre les
positions extrêmes du camp des fluidistes et de
celui des solidistes, des géologues et des physiciens
cherchent à concilier les impératifs de
la géologie et les implications de la mécanique
terrestre. Le modèle qui vers les années
1870-1880 réalise alors un certain consensus est
celui d'une Terre composée d'une croûte solide
de faible épaisseur, d'une couche intermédiaire
plus ou moins fludie et d'un noyau solide (p.376).
Cordier,
en 1827, en s'appuyant sur l'observation
des météorites dont certaines
montraient une composition riche en fer, supposait que
le fer à l'état métallique, allié
au nickel, pouvait [...] entrer abondamment dans la composition
interne de la Terre et que le globe pouvait renfermer
un noyau de fer. L'analogie entre les météorites
et la Terre est poursuivie [...]. Les valeurs de Roche
en 1881 et de Wiechert en 1897 sont [...] les premières
estimations de la densité et du rayon du noyau
terrestre. (p.386-389).
En
1909, dans la quatrième partie du tome
III de son livre La Face de la Terre, Suess
rappelle que les météorites
peuvent être considérées comme des
débris d'une planète "anonyme"
qui circulait jadis entre Mars et Jupiter. Cette planète
hypothétique, formée par l'ensemble des
météorites, permet d'imaginer par analogie
la composition de la Terre. Suess propose trois zones
ou enveloppes : au centre, la barysphère ou le
nife, composée essentiellement de fer et de nickel
; ensuite, la couche de sima dont les minéraux
sont principalement constitués de silicium et de
magnésium, et enfin la couche de sial dont les
minéraux sont principalement constitués
de silicium et d'aluminium (roches feldspathiques) [...]
Ce modèle de Terre restera longtemps la référence
dans le milieu des géologues même si les
profondeurs des interfaces seront repositionnées
par la sismologie (p. 391).
Pendant
toute la première partie du XXe siècle,
il s'agira de trouver des modélisations rhéologiques
des couches de la planète qui permettent de rendre
compte à la fois de la propagation des ondes sismiques,
des déformations dues aux marées ou aux
perturbations de la rotation et des phénomènes
géologiques. Il s'agira en particulier de comprendre
la notion de viscosité et le rôle du temps
dans le comportement du globe, et de chercher à
rapprocher la modélisation physique d'une vision
réaliste de la Terre (p.403).
|
2.
La période qui débute en 1900 et s'arrête
vers les années 1960 [...] est marquée
par les progrès rapides et importants dans tous les domaines
et proviennent de la multiplication des mesures physiques : mesures
sismologiques, géodésiques, magnétiques,
de déformations élastiques du sol, du mouvement
du pôle de rotation, des paramètrs physiques des
roches. Les recherches sur la dynamique terrestre se développent
avec des travaux sur les mouvements isostatiques, sur la dérive
des continents et sur les mouvements convectifs. Au cours de cette
période, les études se spécialisent et aboutissent
à différents modèles de Terre : modèles
élastique, sismologique, thermique, gravimétrique,
magnétique et tectonique, sans toutefois qu'une synthèse
globale puisse s'imposer. (p.19-21).
Parmi les découvertes importantes faites aux alentours
des années 1900 et qui ont marqué l'étude
de la Terre, notons principalement celle de la radioactivité
naturelle de certains corps. Le développement
final de la mécanique classique des milieux continus a
également une importance considérable pour l'étude
de la dynamique du globe [...] Elle comble de façon phénoménologique
le hiatus entre la mécanique des solides et la mécanique
des fluides en permettant de modéliser le fluage plastique
et visqueux des corps. (p. 405-406). Au cours de la période,
le cumul de plus en plus important des informations peut s'effectuer
au sein d'organisations internationales.
Après l'Association internationale de géodésie
en 1863 et le Service international des latitudes vers 1885, la
sismologie se regroupe vers 1903 et l'Union géodésique
et géophysique internationale est créée en
1922. Les nombreuses observations géophysiques amènent
le développement d'une grande diversité de moélisations.
(p.406).
Les mesures thermiques ne se développent
qu'à la fin de la période avec celles pratiquées
sur le flux de chaleur en surface aussi bien sur Terre qu'en mer.
Les études thermiques sont toutefois entièrement
renouvelées par la découverte
de la radioactivité
qui remet en cause l'idée d'un refroidissement
inéluctable de la planète [...]
Les mesures magnétiques
[...] mettent en évidence l'inversion globale du champ
magnétique et suggèrent une piste pour tester les
dérives continentales [...] La génération
du champ magnétique terrestre est expliquée par
l'idée de la théorie dynamo [...] qui suggère
que le noyau fluide est animé de courants de matière.
Dans
le domaine de la géologie, on se situe dans le prolongement
de la grande synthèse de Suess. Cependant,
le contexte évolue avec le développement de la
radiochronologie qui permet une datation absolue
des roches et des époques, ainsi qu'une détermination
de l'âge de la Terre (p.407). La
géologie du début de XXe siècle est soumise
à de nouvelles contraintes apportées par l'exploration
océanique et la physique. Alors qu'elle
expliquait l'histoire et les structures des continents par l'étude
des strates et des montagnes, elle se voit obligée
d'expliquer ce qui se passe dans les bassins océaniques
où des nouveaux problèmes apparaissent. En outre,
les deux grandes idées qui
structuraient la géologie à la fin du XIXè
siècle, la théorie de Laplace de
la formation chaude de la planète à partir d'une
nébuleuse primitive et la théorie du reforidissement
séculaire se trouvent remises en question. Enfin, le problème
géologique se modifie dans la mesure où il doit
s'intégrer dans l'immense durée révélée
par la radiochronologie et
prendre en compte les informations apportées par la
sismologie [...], la gravimétrie et la prospection géophysique
[...] Elles permettent le développement de très
nombreux modèles relatifs à la tectonique, de la
même manière qu'on avait observé un foisonnement
de modèles géophysiques. [...].
Un concept essentiel émerge
qui privilégie le mobilisme relativement au fixisme ou
au permanentisme. Le
mobilisme se manisfete aussi bien par l'image des dérives
continentales que par la mécanique des mouvements de convection.
L'introduction de ce nouveau concept sera l'occasion de débats
et de polémiques houleuses [...] pour les uns, la planète,
bien que solide peut se déformer comme un fluide aux longues
échelles de temps et être animé de mouvements
superficiels et profonds d'une grande amplitude ; pour les autres,
la Terre solide garde un comportement rigide même à
travers les longues échelles de temps et ne permet que
des mouvements horizontaux et verticaux de faible ampleur [...]
Il s'agit maintenant de comprendre comment une Terre rigide peut
permettre des phénomènes de fluages plastiques ou
visqueux, et ainsi d'essayer d'expliquer conjointement les observables
géologiques, physiques et mécaniques. (p.475-476).
L'aventure
océanographique commence dans les années
1920, grace à la mise au point des
sondages par la méthode des ultrasons.
La topographie accidentée des fonds sous-marins ainsi révélée
se présente avec des montagnes et surtout des fosses en
bordure du Pacifique et dans les Antilles. L'exploration
s'intensifiera au lendemain de la Seconde Guerre mondiale grâce
au développement de l'océanographie et des techniques
de reconnaissance sous-marine (échosondeur,
écoute sismique, détection magnétique,...).
Mais c'est à la fin des années 1950 que les différentes
structures océaniques seront identifiés, avec en
particulier la découverte des rides [...] dans les océans
du globe [...] et de zones de fractures particulièrement
remarquables.(p.477).
Les
études géologiques de la première partie
du XXe siècle se situent dans le prolongement de celles
du siècle précédent. Il s'agit essentiellement
d'établir des cartes détaillées
de la géologie des continents et de préciser
les processus géométriques, géographiques
et génétiques des chaines de montagnes. [...] L'idée
de cycles orogéniques, développée au XIXe
siècle, avec des périodes d'activité tectonique,
de construction de montagnes et des périodes de repos est
fortement réaffirmée [...] (p.478). La géologie
continentale du XXè siècle [...] ne montre pas d'aspects
réellement novateurs.
Ce
sont plutot les observations géophysiques, en particulier
de la sismicité et des anomalies
de champ de gravité qui ouvrent de nouvelles
perspectives de recherche. [...] Deux familles de séismes,
dans les montagnes actuelles et sur le fond des océans,
se complétent pour dessiner des lignes qui encadrent des
aires stables de l'écorce terrestre. Ce fait conforte les
idées de Haug sur la répartition
des géosynclinaux [...] les phénomènes tectoniques
ne concerneraient que des ceintures étroites entourant
des unités continentales ou océaniques stables (p.479).
Carte
des épicentres des grands séismes de 1913
à 1933
In Coulomb J. (1952). |

Carte des aires continentales. In É. Haug, Les
géosynclinaux et les aires continentales |
Une
théorie, inaugurée par Reid en
1910, et connue sous le nom de théorie du rebond élastique
[...] relie pour la première fois [...] la notion de tremblement
de Terre à celle de mouvement tectonique. Elle met en évidence
l'importance du concept de faille et permet le développement
de la notion de mouvement cohérent de parties de la croute.
Une autre observation géophysique [...] est celle des anomalies
de gravité, principalement en mer. Ces
anomalies [...] occupent une place essentielle dans les conceptions
tectoniques [...] les observations
sismiques et gravimétriques [...] apportées
par une communauté de chercheurs qui n'étaient pas
géologues de formation, vont compliquer les schémas
explicatifs de la tectonique classique et permettre un autre regard
sur les structures géologiques de la Terre. (p.479-480).
La
théorie de la contraction thermique et la formation des
chaines de montagnes
L'idée
de la contraction du globe due à son refroidissement progressif
a joué [...] un role très important tout au long
du XIXe siècle pour expliquer la formation des montagnes
[...] Ces études sont poursuivies au début du XXe
siècle par Holmes et son changement de
position et surtout par Jeffreys. Les difficultés
nouvelles résultent de la production de chaleur par les
désintégrations radioactives.
Pour Jeffreys, cette production interne n'empêche pas le
refroidissement de la Terre au cours des temps [...] la compression
externe due à la contraction thermique reste la principale
cause de l'orogenèse [...] Dès 1920, la constestation
vient de considérations sur l'ampleur des mouvements horizontaux
observés dans les chaines de montagne et de doutes sur
la notion même du refroidissement progressif de la Terre
au cours des temps [...] Les mouvements tangentiels de large envergure,
nécessaires pour expliquer la formation des montagnes,
apparaissent incompatibles avec la théorie de la contraction
thermique [...] l'hypothèse de base de la contraction thermique
qui est le refroidissement du globe est elle-même réfutée
par un certain nombre d'auteurs dont Joly et Holmes
[...] des auteurs considèrent l'état thermique du
globe comme un état d'équilibre entre la production
de chaleur par la radioactivité interne et son émission
vers l'espace (p. 480-482).
La
dérive des continents
Contrairement
aux études sur la contraction thermique, la théorie
de la dérive des continents ne cherche pas seulement à
expliquer la formation des montagnes. [...] Elle introduit l'idée
essentielle du mobilisme, où des mouvements de très
grandes ampleurs sont envisagés [...] Wegener n'est pas
le premier à imaginer une translation continentale [...]
mais il est le premier à étayer son hyopthèse
par un nombre considérable de preuves émanant de
sources très diverses, élaborant ainsi une théorie
scientifique cohérente [...]. Les arguments paléontologiques
de liaisons intercontinentales ne manquaient pas [...] Suess
et Neumayr s'en servaient déjà pour réunir
les continents actuels en d'anciennes unités continentales
qui se seraient ensuite effondrées [...] la théorie
concurrente à celle de Suess, soit celle de la permanence
des océans et des continents (théorie de
Dana), et qui est renforcée par l'isostasie et
par toute preuve de différence de nature entre les fonds
océaniques et les socles continentaux, est contraire aux
preuves paléontologiques et biologiques de liaisons intercontinentales.
Les deux théories de la fin du XIXe siècle, celle
de Suess et celle de Dana, sont donc toutes les
deux en contraction avec les faits nouveaux ; Wegener [...] montre
comment les translations peuvent réconcilier à la
fois les preuves paléontologiques et les exigences de l'isostasie
[...] Il cherche à conforter son idée par toute
une série d'indices nouveaux [...] il avance des arguments
géologiques, paléoclimatiques et géodésiques
[...] C'est cette globalité, cette possibilité de
rendre compte d'une multitude de phénomènes, de
regrouper les arguments des différentes disciplines des
sciences de la Terre (paléontologie, paléoclimatologie,
stratigraphie, géologie, géodésie, géophysique)
qui donne à l'idée de la dérive son originalité,
son intérêt et sa force, et qui met en évidence
sa très grande fécondité. Wegener poursuit
en quelque sorte la démarche de Suess [...] en approfondissant
la géologie comparée et en précisant les
rapports entre les différentes parties du globe, et, d'autre
part, en développant une vue générale de
la surface de la Terre [...] regroupant les différentes
approches possibles (p.484-491).
Les
forces de la dérive
L'hypothèse
de la dérive n'est donc envisageable que par la possibilité
d'un comportement fluide de la couche simatique sous jacente.
[...] les forces postulées sont [...] la force vers l'équateur,
les forces de précession, les frictions des marées
et l'attraction directe entre les continents [...] Wegener, avec
d'autres auteurs, estime que ces différentes forces, bien
que très faibles, peuvent produire un déplacement
appréciable des continents car elles agissent constamment
dans la même direction et avec la même intensité
pendant tous les temps géologiques [...] Cette affirmation
[...] constitue le point le plus
controversée de la théorie [...]
Toute la difficulté réside donc encore une fois,
comme pour les problèmes isostatiques, dans la compréhension
du comportement rhéologique de la Terre. Les couches externes
du globe possèdent-elles [...] un seuil de plasticité
? Est-il possible qu'elles se laissent déformer par des
forces extremement faibles mais agissant pendant de très
longues durées, ou faut-il qu'un seuil soit dépassé
? [...] Au cours des discussions sur la théorie de Wegener,
[...] le mécanisme invoqué pour expliquer la dérive
ne peut pas être pleinement satisfaisant [...]
Bull,
en 1921, [...] propose l'idée remarquable de mouvements
convectifs résultant [...] d'un chauffage différentiel
du à une distribution non uniforme des éléments
radioactifs. [...] Les hypothèses de Bull [...] très
proches de celle de Holmes [...] posent l'idée
que les mouvements des continents peuvent être la manifestation
en surface de mouvements profonds et que le mécanisme responsable
du déplacement des continents est l'évacuation thermique
contenue dans la Terre (p.492-500).
En
1930, l'année de la mort de Wegener, [...] la théorie
de la dérive ne s'impose pas [...] Les objections au mécanisme
causal sont [...] légitimes [...] l'absence presque totale
de connaissances dans la géologie des océans limitait
les tentatives d'appréhension générale du
globe et a certainement beaucoup joué dans le refus des
vues de Wegener : sa synthèse était trop précoce,
les connaissances sur le globe trop partielles [...] les années
1930-1950 sont caractérisées par une absence assez
nette de confrontation [...] que ce soit chez les partisans comme
chez les négateurs [...] Il faut dire qu'un certain nombre
de géologues et de géophysiciens ne sont que très
peu préoccupés par cette théorie. Elle ne
leur parait d'aucune utilité dans leurs investigations
personnelles, que ce soit par exemple pour l'étude de la
structure géologique de régions continentales précises
ou pour la détermination d'un modèle de Terre en
densité et en composition chimique. Chaque
spécialité semble plus concernée par l'approfondissement
de son domaine d'étude que par le développement
d'une vue générale sur la Terre, et peut sans difficulté
aucune se passer d'une théorie sur les translations continentales.
(p.502-504).
Les
études paléomagnétiques
permettent donc la confirmation des idées de Wegener. Malgré
tout, ces nouveaux arguments n'apparaissent pas suffisamment concluants
pour remporter l'adhésion. Les doutes sur la qualité
des mesures sont trop importants et on reproche aux paléomagnéticiens
d'avoir trop négligé les possibilités d'altération
des aimantations anciennes, soit par disparition, soit par addition
d'aimantations parasites. Jeffreys (1959) demande
même si le marteau nécessaire pour briser les roches
transportées au laboratoire n'affecte pas leur magnétisme.
[...] Malgré les données paléomagnétiques,
la théorie des translations continentales ne s'impose toujours
pas [...] la plupart des arguments pro ou anti-wegenériens
restent sensiblement les mêmes en 1960 qu'en 1930 : ils
ne reposent toujours que sur la géologie continentale et
n'incorporent pas la géologie des fonds océaniques
(p.507).
L'opposition
mobiliste-fixiste par rapport aux déplacements
superficiels de blocs continentaux n'a donc pas connu de développement
significatif entre 1930 et 1960. elle s'est cependant développé
dans une autre direction [...] avec la confrontation soulevée
par l'hypothèse des courants de convection d'origine thermique.
Le mobilisme n'est plus superficiel
mais interne. Les théories convectionnistes
[...] ne sont pas (si l'on excepte Holmes) reliées
à la théorie de Wegener, ni invoqués pour
donner les forces de la dérive, mais plutot pour fournir
les forces de l'orogenèse (p.507).
Bilan
de la période 1900-1960
L'idée
marquante est l'introduction de
la notion de mobilisme, d'une part grâce
à la théorie de la dérive des continents
par Wegener en 1912 puis, d'autre part, sur la base de l'hypothèse
des courants de convection. Les études mécaniques
cherchant à prouver ou à réfuter ces idées
sont extrêmement nombreuses [...] Toutefois, malgré
la richesse et la multiplicité des idées émises
à l'époque, une vision globale de la Terre ne s'impose
pas. Il faudra attendre les années 1960, à la suite
de l'exploration systématique
des fonds des océans, pour qu'une synthèse
des différentes connaissances acquises au cours du siècle
soit possible (p.407).
L'absence d'une
théorie unificatrice est troublante lorsqu'on sait que
la situation va évoluer très rapidement au cours
des années 1960 et que la théorie tectonique globale
qui va s'imposer aura pour base les idées de dérives
continentales et de convection mantellique émises très
tot par Wegener et Holmes. A
la fin des années 1950, les deux théories de la
dérive et de la convection restent toutefois deux théories
séparées. On ne saisit pas comment
les courants de convection pourraient être le moteur du
mouvement des continents. L'idée manque pour réunir
les idées dispersées et ce n'est que lorsqu'on trouvera
l'articulation entre les mouvements internes et les mouvements
superficiels qu'une vision unifiée des phénomènes
de surface pourra advenir. (p.550)
3.
L'époque actuelle
L'année
géophysique internationale (1er juillet 1957 - décembre
1958) et le lancement des premiers satellites
articificiels pourraient marquer le début
de l'époque actuelle. Cette dernière période,
par le nombre et l'actualité des travaux, ne peut pas encore
faire l'objet d'une étude historique. Nous nous contenterons
d'en donner les traits essentiels [...]. Suite à l'évolution
des découvertes géophysiques et surtout à
l'exploration généralisée
des fonds océaniques, Hess (1962)
émet l'hypothèse que les dorsales océaniques
représentent la trace des courants ascendants de cellules
de convection et que la ceinture volcanique circum-pacifique est
la manifestation en surface des courants descendants (p.551).
[...] L'idée de Hess est confortée par Morley,
Vine et Matthews en 1963 qui interprétent
les anomalies magnétiques découvertes
sur le plancher océanique comme des marqueurs de l'expansion
[...] En outre, l'échelle des inversions établie
par les paléomagnéticiens permet de quantifier les
vitesses d'expansion des océans, en associant les linéations
magnétiques aux inversions correspondantes. Les indices
de la dérive ne sont donc plus uniquement continentaux
mais également océaniques et, puisqu'il est reconnu
que les océans se sont ouverts, il n'est plus possible
de nier que les continents ont dérivé ! [...] En
1967, on développe le concept de zones de subduction en
interprétant les séismes profonds sous les fosses
océaniques comme la trace du retour de la lithosphère
océanique dans le manteau. Ces différentes approches
seront synthétisées en 1967-1968 par Morgan,
Mac Kenzie et Le Pichon qui formulent la théorie
de la tectonique des plaques (p.552).
Cette nouvelle approche de la Terre a également bénéficié
d'une autre évolution importante, liée à
l'exploration planétaire.
Les voyages lunaires des années 1969-1970, puis l'envoi
de sondes vers les autres corps du système solaire, montrent
des planètes géologiquement différentes de
la Terre. La comparaison entre les divers corps du système
solaire suscite la naissance d'une véritable science des
planètes (p.553).
L'afflux extraordinaire d'informations apportées par les
observations satellitaires, les expéditions océanographiques,
les campagnes de prospection gravimétrique et sismique,
les mesures sismologiques et les expériences de laboratoire
aux hautes pressions et hautes températures.
De plus, les moyens de calculs permettent
de multiples modélisations à partir
des solutions numériques des équations de la mécanique
[...] Outre des précisions importantes apportées
dans la modélisation thermique et dans les conceptions
ds changements de phase dans le manteau, les développements
majeurs concernent la prise en compte des variations latérales
des paramètres physiques et le renouvellement des études
géomagnétiques à partir de l'idée
de dynamo auto-excitée (p.553-554).
Le
modèle de Terre actuel et l'avènement
d'une théorie fédératrice (la théorie
de la tectonique des plaques et de la convection mantellique)
apportent des réponses simples et convaincantes aux questions
posées par les observations et les mesures de surface.
(p.19-21).
La formulation d'un nouveau schéma explicatif général
a été possible, où les différentes
morphologies de la surface ont pu prendre sens. Un point important
est la considération des phénomènes
physico-chimiques (la différenciation magmatique et le
métamorphisme) qui surviennent aux frontières
de plaques et qui permettent de comprendre la formation de la
croute océanique et de la croute continentale (p.557).
CONCLUSION
:
Les conceptions actuelles reprennent le plus souvent d'anciennes
idées contradictoires afin d'en montrer la complémentarité.
De nombreuses controverses du passé ont ainsi été
résolues par l'apparation d'un niveau plus profond de compréhension,
qui a permis l'abandon d'une explication
unique au profit de la diversité et la complexité
: la Terre est à la fois à symétrie sphérique
et à hétérogénéités
latérales, à la fois fluide et solide, à
la fois façonnée par des processus uniformitaristes
et catastrophistes. La diversité des manifestations peut
malgré tout être expliquée à l'aide
d'un principe unificateur simple
: le moteur thermique dû au refroidissement du globe.
Il entraine la déchirure des plaques, la subduction de
la matière froide et l'expansion des fonds océaniques,
induit les mouvements lithosphériques fournissant les forces
nécessaires à l'édification des structures
géologiques et permet, aux frontières des plaques,
des processus physico-chimiques à l'origine de la croute
océanique et de la croute continentale. La
compréhension actuelle de notre planète résulte
ainsi à la fois de la reconnaissance de la variété
des phénomènes et de la possibilité de son
interprétation par une mécanisme thermique simple.
[...] Dans cette longue exploration [...] soulignerons-nous assez
l'intéret, la pertinence et la "beauté"
des théories de chaque époque qui ont toutes le
mérite de chercher une explication intelligente à
la réalité, et de montrer l'ingéniosité
et la créativité de la démarche scientifique
(p.569).
|
Ellenberger,
F. Hsitoire de la Géologie, Encyclopédie
Universalis.
La
géologie s'est constituée en une science organisée
avec une étonnante rapidité, au début du
XIX e siècle. Depuis lors, elle s'est progressivement développée,
enrichie et diversifiée. […] lors de sa grande éclosion,
cette science a bouleversé les rapports entre l'homme et
le monde, en révélant la durée prodigieuse
des temps qui ont précédé l'humanité,
et en ressuscitant les mondes vivants innombrables qui, avant
elle, s'étaient succédé sur la surface de
la Terre. Ce faisant, elle empiétait forcément sur
le domaine des enseignements des Églises. Certains ont
volontiers allégué que la géologie moderne
était née d'une victoire de la raison sur l'obscurantisme
religieux, favorisée en outre par la révolution
industrielle. […] les choses n'apparaissent pas aussi simples.
[...]
entre 1810 et 1830, un prodigieux bond en avant se produit, exemple
remarquable d'une révolution créatrice
; une communauté géologique internationale se crée
; les échanges et rencontres se multiplient. En 1807 est
fondée la Geological Society
of London. En 1830, ce sera le tour de la Société
géologique de France ; dès lors,
la géologie est une science adulte. Répugnant aux
théories hâtives, elle se veut « positive »,
pressée de décrire méthodiquement la constitution
géologique de territoires petits ou grands [...] C'est
désormais une histoire de la surface terrestre, reconstituée
pas à pas, qui est l'objectif essentiel.[...] Bornons-nous
à quelques jalons.
On
propose enfin une explication rationnelle de la formation des
montagnes [...] Léonce Élie de Beaumont
(1798-1874) relie logiquement l'orogenèse au refroidissement
lent du globe, dogme admis durant tout le siècle (la première
« tectonique globale », a-t-on écrit). Il montre
que des « soulèvements » répétés
ont affecté la France et les territoires voisins, soulèvements
marqués par des discordances angulaires d'âges différents
selon les lieux et, à distance, par des ruptures dans la
sédimentation tranquille, accompagnées d'un changement
de faune. Il y voit des catastrophes dues au brutal réajustement
de la croûte terrestre devenue trop grande pour l'intérieur
qui se contracte du fait de son refroidissement continu. [...]
L'orogenèse
est révolutionnée, dans les années 1885-1900,
par la découverte inattendue des grandes nappes de charriage,
principalement dans les Alpes (Marcel Bertrand, 1847-1907, etc.).
La seule contraction du globe par refroidissement devient inadéquate.
Le fait des nappes implique un minimum de mobilité des
continents. En 1924, Émile Argand (1879-1940),
professeur de géologie à l'université de
Neuchâtel, adopte de ce fait avec enthousiasme l'essentiel
des idées d'Alfred Wegener (1880-1930).
Notons que l'exploration de l'Ouest américain met en vedette
les vastes mouvements verticaux lents [...] spontanés [...]
ou par réajustement isostatique [...]. Le tectonicien Eduard
Suess publie, entre 1883 et 1909, la première
synthèse complète de la géologie structurale
de la Terre mais refuse les mouvements ascensionnels de sa surface.
La paléontologie et la micropaléontologie
[...] ont fait des progrès vertigineux, au point d'obliger
les spécialistes à limiter de plus en plus leur
champ d'activité. Les fossiles restent l'instrument privilégié
de datation des couches mais, désormais, au côté
de méthodes physiques, au premier rang desquelles la radiochronologie,
dont l'initiateur fut le physicien Ernest Rutherford et le pionnier
en géologie Arthur Holmes [...]. Dès
1905, on suppute des âges de 2 milliards d'années,
à la grande colère de lord Kelvin
[...].
La
géologie actuelle est l'aboutissement d'un développement
historique qu'il faut connaître pour comprendre l'articulation
logique des innombrables spécialisations
où elle a tendance à s'éparpiller : c'est
la conséquence de l'énorme
accroissement, depuis les années soixante,
du nombre de chercheurs et de publications. Cette situation n'a
pas de précédent. [...] L'histoire nous tend un
miroir ; elle nous montre notamment le danger des systèmes
si bien construits que l'on a tendance à s'y enfermer,
en se contentant de les enrichir frileusement du dedans. Les progrès
futurs sont en général inattendus, voire dérangeants
([...] les nappes et la radioactivité
brisent le consensus de la contraction,
Wegener s'insurge contre les continents immuables, etc.). Les
conduites humaines changent peu ; il est bon d'étudier
la logique des erreurs passées : elles peuvent éclairer
les voies de notre science actuelle, en nous incitant à
ne pas nous enliser, à poursuivre avec esprit critique,
indépendance et audace la quête séculaire,
jamais achevée. |
Hallam,
A. (1976). Une révolution dans les sciences
de la Terre. Editions Seuil.
On
eut donc pu s'attendre, une fois passées les premières
réactions de scepticisme, à ce que des équipes
de chercheurs soient suffisamment stimulées par cette théorie
pour tenter de la mettre à l'épreuve de diverses
façons. Tel ne fut pourtant pas le cas avant la guerre,
ni même immédiatement après. La plupart des
chercheurs, au contraire, et surtout en Amérique du Nord,
soit rejeterent purement et simplement l'hypothèse de la
dérive des continents comme un tissu d'absurdités,
soit conservèrent à son égard le plus grand
scepticisme.
Holmes
souffrit peut etre du peu de renommée
de la revue qui l'avait publié [...]. Toujours
est-il que la grande majorité des géologues et des
géophysiciens pensaient pouvoir reléguer les théories
générales comme celle de la dérive des continents
au ban de leurs préocupations, et se
cantonner dans leurs diverses spécialités.
Il fallut l'irruption explosive de données et d'idées
nouvelles, qui, dans les deux décennies
qui suivirent 1950, résultat du très grand élargissement
de la communauté scientifique pour que
l'on prenne conscience de l'état de stagnation intellectuelle
qui avait caractérisé l'histoire des sciences de
la Terre dans les décades précédents. (p.60).
L'une
des principales raisons pour lesquelles la controverse d'avant-guerre
s'était montrée si peu féconde était
notre ignorance totale de la constitutions
des fonds océaniques qui, compte tenu des
mers intérieures, ne couvrent pas moins de 70% de la surface
de la planète. Nos connaissances en ce domaine devaient
s'accroitre considérablement à partir des années
cinquante et beaucoup d'idées se trouvaient modifiées
par suite des nouveaux travaux océaniques. Cependant, c'est
dans un autre domaine relativement récent, celui de l'aimantation
des roches que la conception encore régnante
de continents fixes fut pour la première fois sérieusement
ébranlée (p.61).
Dans
le cadre d'un programme connu sous le nom de JOIDES
(programme d'échantillonnage profond commun aux instituts
océanographiques), et financé par la National Science
Fundation des Etats-Unis, le batiment de forage
Glomar Challenger entreprit une série d'expéditions
en prenant à son bord successivement différentes
équipes scientifiques internationales. Un système
unique de postionnement dynamique, controlé par ordinateur,
maintenait le navire immobile dans des eaux trop rofondes pour
qu'on put y jeter l'ancre. Il fut ainsi possible d'obtenir, par
des fonds supérieurs à 6000 mètres, des carottes
de sédiments de plus de 1000 mètres, ce qui constituait
un extraordinaire exploit technologique.
(p.99)
Réflexions
sur une révolution scientifique
in Hallam,
A. (1976). Une révolution dans les sciences
de la Terre. Editions du Seuil, pp. 151-165.
Kuhn
s'oppose à l'idée traditionnelle selon laquelle
le progrès scientifique
consisterait en l'accumulation progressive de découvertes
et d'inventions. Kuhn considère que les révolutions
scientifiques se font par la substitution d'un paradigme,
c'est-à-dire d'une conception du monde, à un autre.
(p.153) [...] L'acquisition d'un paradigme est
un signe de maturité dans le développement d'une
science. Faute de cette acquisition, les faits sont rassemblés
au gré du hasard et les preuves ne peuvent avoir qu'un
très faible poids. Dans ces conditions, la simple accumulation
de données ne produit souvent rien de plus qu'un chaos
informe. [...] En ce qui concerne les sciences de la Terre, il
est clair que c'est la tectonique des plaques qui constitue, à
l'heure actuelle, le paradigme dominant.
Si l'on veut caractériser cette révolution conformèment
à la définition de Kuhn, il est nécessaire
de déterminer à quel paradigme la tectonique des
plaques est venue se substituer [...]
Considérons
par exemple la question de l'orogenèse. Au début
du siècle, les chercheurs hostiles à l'hypothèse
de la dérive des continents adoptaient sur cette question
des points de vue divers et inconciliables entre eux. (p.154)
[...] Le seul point commun qui ressort de ce salmigondis d'opinions
est une conception de la Terre "stabiliste"
et non mobiliste, qui attribue aux continents
une position relativement immuable. Dans la mesure où c'est
Wegener [...] qui le premier mit en doute le bien-fondé
de cette hypothèse, on est en droit de considérer
que cette révolution comença au tout début
de ce siècle. Cependant, cinquante ans devaient s'écouler
avant que de nouvelles preuves et de nouvelles idées amènent
la communauté scientifique à opter pour le point
de vue mobiliste et permettent la pleine formulation du nouveau
paradigme (p.155).
[...]
On peut certes s'interroger sur la signification de "révolutions"
qui mettent parfois un demi-siècle à aboutir, guère
plus rapides donc que d'autres modes, plus modestes, de transformation
de la pensée et de la technique (p.156). [...] Ferme partisan
d'une étude pluridisciplinaire de la Terre, Wegener soutenait
que, vu l'impossibilité de soumettre les hypothèses
géophysiques à des expériences déterminantes
ainsi qu'on le fait en physique, il convenait d'accumuler des
preuves glanées dans les domaines les plus divers, et dont
aucune à elle seule n'autrait été concluante.
(p.157-158). [...] Un des obstacles les plus sérieux fut
sans doute l'absence, surtout en ce qui concerne les océans,
de certaines preuves qui d'une manière ou d'une autre,
cela est apparu clairement ces dix dernières années,
étaient propres à lever les derniers doutes sur
l'interprétation de Wegener. C'est ainsi que certains régions
parmi les plus importantes, telles que l'Afrique du Sud ou l'Amérique
du Sud, étaient inaccessibles à la majorité
des géologues, à une
époque où les crédits de mission étaient
infiniment moins importants qu'aujourd'hui ; les
chercheurs étaient donc contraints d'accepter de confiance
bon nombre d'affirmations.
Cela
ne saurait pourtant suffire à expliquer l'accueil hostile
que rencontra sur le champ l'hypothèse de la dérive
des continents [...] Aussi convient-il d'aller plus au fond des
choses et de reconnaitre que le véritable obstacle au triomphe
de Wegener n'était pas tant l'insuffisance des données
qu'une certaine Gestalt de la Terre : le paradgime stabiliste.
En effet, les
données les plus immédiates, par exemple la forme
des continents, peuvent être équivoques suivant
le point de vue, statique ou mobiliste, que l'on adopte.
[...]
les arguments géophysiques avancées par Jeffreys
pour rejeter la dérive des continents étaient
étayés par des observations quantitatives et par
une connaissance en apparence supérieure des propriétés
physiques de la Terre. On ne peut manquer d'être frappé
par l'analogie entre cette situation et la controverse sur l'âge
de la Terre qui opposa Lord Kelvin et les géologues de
la fin du siècle dernier et dans laquelle le prestigieux
physicien continua à avoir le dessus jusqu'à la
découverte de la radioactivité des roches. [...]
la théorie de Kelvin, selon laquelle la Terre devrait nécessairement
se refroidir du fait qu'elle rayonne de la chaleur [...] fut finalement
réfuté par l'importante découverte d'un autre
physicien de premier rang [...] Rayleigh fit état, en 1906,
de la découverte du radium
dans un grand nombre de roches provenant des parties
les plus variées de la planète. Une morale possible
de cette histoire est que seul un
physicien peut réfuter un autre physicien,
parce qu'ils parlent le même langage (p.160). [...] En l'absence
d'un mécanisme plausible de la dérive des continents,
peu de géophysiciens pouvaient accepter de renoncer à
leur Gestalt stabiliste, si fragile fut la base empirique sur
laquelle ils la faisaient reposer. [...]
Une
raison supplémentaire de l'hostilité que rencontra
Wegener provient du caractère pariel des critiques que
lui adressaient ses collègues, qui ne s'occupaient en général
que de ce qui touchait à leur propre spécialité.
A lire la littérature d'entre-deux-guerres, on s'aperçoit
imédiatement qu'il n'existait
pratiquement aucune communication, par exemple, entre les géophysiciens
et les biologistes (y compris paléontologues).
Seul un étranger à ce dernier domaine, tel que Wegener,
pouvait observer que l'idée des passerelles continentales,
chère à ces derniers, était indéfendable,
mais qu'il fallait néanmoins trouver le moyen d'expliquer
les ressemblances de la faune et
de la flore d'un continent à l'autre.
Deux
conceptions différentes
de la nature de la pensée scientifique
ont prévalu successivement au cours du temps. La conception
la plus traditionnelle [...] représente la science comme
une démarche essentiellement
inductive, qui part des faits pour aboutir à
des théories générales [...] une conception
de la science comme activité de rassemblement et de classification
des faits. Bien au contraire, une science est d'autant moins encombrée
de faits qu'elle a atteint un plus grand degré de maturité.
A mesure qu'une science progresse, les faits s'intégrent
de mieux en mieux à des principes généraux
d'une plus grande portée explicative [...] il n'est plus
besoin d'enregistrer la chute de chaque pomme. D'où la
seconde conception [...] qui considère la science comme
fondamentalement hypothético-déductive.
A partir des insuffisances de telle théorie traditionnelle;
le scientifique formulerait une autre hypothèse pour expliquer
les données existantes et en déduirait des conséquences
qui seraient alors soumises à vérification. Cette
conception rend certes beaucoup mieux compte de la nature effective
du progrès scientifique et se rapproche étroitement
de la méthode de Wegener lui-même [...] L'image véritable
de ce qu'est la pensée scientifique est moins simple, mais
plus intéressante ; elle est liée à la
transformation de [...] paradigmes par la constitution de modèles
théoriques, soumis à diverses conditions de "plausibilité",
et ne peut etre considéréee hors du rapport qu'elle
entretient avec toutes sortes de facteurs sociaux.
[...] l'une des principales difficultés rencontrées
par Wegener tient certainement au fait qu'il n'était pas
reconnu comme faisant partie de la communauté des géologues
professionnels [...] La théorie de la tectonique des plaques,
fondée sur l'hypothèse de la dérive des continents,
a remarquablement réussi à donner une explication
cohérente de nombreux phénomènes géologiques
et à offrir une représentation de l'évolution
de la Terre plus intelligible que toutes celles dont on disposait
jusque là. Il faut voir en elle le plus important progrès
qui ait eu lieu dans le domaine des sciences de la Terre depuis
qu'au début du XIXè siècle, le paradigme
de l'évolution uniforme et celui de la corrélation
stratigraphique fondée sur l'étude des fossiles
avient donné à la géologie le rang de science
véritable. Selon les critères habituels de précision,
de généralité, de valeur explicative et de
vérifiabilité, la tectonique des plaques apparait
comme une théorie scientifique de très haute valeur
[...] (p.163-165) |
Article précurseur
de Holmes (1929).
L'histoire
des idées mobilistes et du modèle de la tectonique
des plaques.
D'après Savaton, P. (2011). Histoire
des sciences et enseignement du modèle de la tectonique
des plaques. Revue RDST n° 3 : Didactique des sciences
et histoire des sciences, p. 107-126
La filiation n'est
pas directe entre le modèle de déplacement des
continents à la surface des océans construit par
Wegener et le modèle de la tectonique des plaques qui
ne prend corps qu'une fois la surface du globe pensée
en terme de plaques lithosphériques mobiles. Ce rapprochement
peut etre source de confusions et de difficultés didactiques.
L'histoire de la mobilité des continents ne peut être
présentée en faisant l'impasse sur le XIXe siècle,
et sur les modèles tectoniques d'Elie de Beaumont
puis d'Edward Suess (1897) auquel se référe
explicitement Wegener. Le modèle de Suess fait
donc partie du contexte et il s'inscrit dans le cadre paradigmatique
de la géologie d'alors et notamment celui de la théorie
du refroidissement séculaire. Wegener s'inscrit dans
une histoire des idées, dans la continuité des
discussions de la communauté géologique sur l'origine
des montagnes mais il s'y inscrit de manière originale
par sa démarche.
Le modèle
de Suess rajoute à la tectonique verticale développée
par Elie de Beaumont, une tectonique tangentielle, secondaire,
mais génératrice de plissements et responsable
de la formation des chaines de montagnes. Il définie
le terme de Gondwana comme un super continent carbonifère,
une unité géographique ancienne sur des critères
paléontologiques et divise verticalement le globe en
trois couches concentriques (sial, sima et nife). Suess voyait
dans la séparation actuelle des continents l'expression
des effondrements continentaux déjà proposés
par Elie de Beaumont, en relation avec le refroidissement séculaire
et la contraction thermique.
Le
modèle de Suess est donc incompatible avec celui de l'isostasie
de Dutton
selon lequel la contraction thermique est insuffisante pour
créer les reliefs observés à la surface
du globe. Fisher développera un modèle d'équilibre
isostatique où les continents allégés par
érosion remonteraient tandis que les bassins océaniques
comblés par les sédiments s'enfondreraient. La
théorie de l'isostasie de Dutton prétendait unifier
la géologie et la géophysique et permet de maintenir
la permanence des océans et des continents, en réduisant
le théorie de la contraction au moins dans la communauté
anglo-saxonne qui y était déjà peu favorable.
Wegener va poser
la mobilité horizontale comme une nécessité
explicative et unificatrice d'un ensemble d'observations convergentes,
parfois anciennes, parfois récentes.Il met en avant l'existence
d'unités géologiques continentales qui semblent
interrompus par la mer et cherche à démontrer
qu'il ne peut s'agir d'un hasard. Il expose sa théorie
contre celle des continents submergés, acccepté
durablement selon lui uniquement parce qu'elle s'opposait à
la théorie de la permanence des océans.
Ses deux communications
de janvier 1912, publiés quelques mois plus tard dans
des revues allemandes de rang
international, sont prolongées par son
ouvrage de 1915. L'ouvrage traduit en français en anglais,
en russe, en suédois, largement lu et discuté,
surtour à partir de 1924 par la large diffusion de la
traduction anglaise et par sa présentations dans les
revues Nature, Science et Geological Magazine.
Son rejet, surtout par la communauté géologique
et géophysique américaine, est l'expression d'une
oppostion paradigmatique et épistémologique fondamentale
et pas seulement la conséquence d'un argumentaire insuffisant
(Oreskes, 1999). Il n'y a pas selon lui de permanence des
océans et des continents comme le défend
la communauté des géologues américains
depuis le milieu de XIXe siècle selon les thèses
de Dana.
Wegener réconcilie
dans son modèle la théorie de l'isostasie de Dutton
et le modèle de super-continent et de contraction thermique
de Suess :
Si
nous prenons comme base la théorie des translations,
nous répondons à toutes les exigences justifiées,
tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales
qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à
énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ?
Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires
affaissés, mais à des socles continentaux jadis
contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan
pris individuellement, mais permanence de la surface océanique
totale et de la surface continentale totale prises en bloc
(Wegener, La genèse des contients et des océans,
p.21)
Son modèle
n'est donc pas totalement nouveau (Oreskes, 1999). Ce qui est
tout à fait original et en rupture, c'est la
réconciliation de deux théories.
Le Gondwana de Wegener se fracture et les blocs divergent, là
où Suess faisait s'effondrer des masses continentales
à l'emplacement des océans actuels. Dans le cadre
des théories marquées par
la permanence des océans et des continents du coté
américain, et par la
théorie de la contraction du coté européen,
la seule explication aux distributions
de faunes et de flore ne pouvait venir que de
l'existence de continuités continentales.
La
découverte de la radioactivité,
en reconsidérant le paradigme du refroidissement séculaire,
va poser un sérieux problème aux paléontologues.
Wegener va opposer l'isostasie aux ponts continentaux pour laisser
la place aux translations continentales, tout en réduisant
la théorie de la permanence incompatible avec les observations
paléontologiques et le cadre évolutionniste. Si
la naissance d'une idée nouvelle est difficile, c'est
aussi parce qu'elle n'est pas seule et qu'elle doit faire avec
ou contre un héritage et d'autres possibles, qui viennent
la contester et tenter de la réduire.
L'idée d'une
terre solide et rigide est une idée dominante du XIXe
siècle, défendu notamment par Thomson
(1862) en lien avec l'absence de marées crustales. L'astronomie
physique imposait une rigidité terrestre. Fisher
en 1881 contesta cette idée car si la croute était
rigide parce que froide et la noyau solide pour cause de pression,
entre les deux, il pouvait exister une couche fluide, permettant
d'expliquer l'isostasie grace à un substratum crustal
plastique. La communauté géophysique est donc
partagée sur le modèle de Terre plus ou moins
rigide lorsque Wegener présente sa théorie.
L'idée de
la mobilité horizontale de Wegener va s'appuyer sur l'idée
d'une isostasie et d'une Terre pas entièrement solide.
Wegener en fera le processus central de sa théorie, avec
un déplacement conceptuel des mouvements continentaux
verticaux (isostasie) vers des mouvements horizontaux. Ce déplacement
n'est pourtant pas acceptable car il viole les
conditions de validité du modèle isostatique
: les mouvements horizontaux opposaient aux déplacements
de la croute rigide, une croute océanique adjacente également
rigide. Wegener contournera le problème en calculant
sur des arguments gravitaires que la croute continentale était
plus épaisse que la croute océanique adjacente
et de ce fait, pouvait se déplacer à 95% face
au substratum plastique de la croute océanique. Malgré
cet argumentaire, si les mouvements verticaux renvoyaient aux
forces gravitaires, il restait à trouver les forces responsables
de la dérive horizontale. Pour nombre de géophysiciens,
l'absence de cause identifiée
avec assurance conduit à rejeter le modèle des
translations.
La théorie
de Wegener arrive à l'époque où le modèle
sismique de Terre est en construction. Jeffreys
défend une Terre solide au motif qu'une rupture n'est
possible qu'au sein d'un corps rigide et qu'il en est de même
pour la transmission des ondes de cisaillement. L'existence
de séismes impose donc une rigidité terrestre,
fait que ne partage pas Gutenberg qui met en
évidence en 1927 une zone de faible vitesse sismique
vers 100 km de profondeur et propose l'existence de courants
de convection au sein d'un manteau plastique. Mais le modèle
de Jeffreys (1924) bénéfice d'une
diffusion très large grâce au statut de
son auteur, professeur à Cambridge, et
au succès universitaire de son traité de géophysique,
publié en 1924, réédité pendant
près de 50 ans comme un ouvrage de référence
.
|
D'après Philippe LE VIGOUROUX sur
l'incidence
de la Première Guerre mondiale sur la réception de la
théorie de Wegener en France
Résumé
de la thèse en cours :
La théorie de la dérive des continents est exposée
par le géophysicien allemand Alfred Wegener dès 1912,
dans deux revues scientifiques allemandes, l’une de géologie,
l’autre de géographie. Un ouvrage est ensuite publié
en 1915 et réédité en 1920 puis en 1922. Ce n’est
qu’en 1922 que la théorie est exposée aux scientifiques
français, par un géologue suisse, Elie Gagnebin.
A partir de 1923, la théorie est discutée dans la communauté
des géologues français qui lui réservent un accueil
prudent, sans hostilité excessive, contrairement à ce
qui se passe en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, en particulier.
A la même époque, au-delà du cercle des
géologues, la théorie est rapidement diffusée vers
le « grand public » par la presse et grâce aux efforts
de vulgarisation des géologues eux-mêmes.
Cependant, après la période des discussions, la théorie
formulée par Wegener est abandonnée par les géologues
français et ne sera réhabilitée que dans les années
1960, dans le cadre du nouveau paradigme de la géologie que constitue
la tectonique des plaques.
L’objectif de notre travail de thèse est, d’une part,
d’identifier les arguments développés par les géologues
français en faveur ou en critique de la théorie de Wegener
au cours des années 1920-1930 afin de comprendre son abandon
et, d’autre part, d’identifier les déterminants
de la diffusion de cette thèse hors du strict cercle de la géologie.
Quelques
extraits de : Le Vigouroux, P. (2012). Résonances
de guerres dans le monde contemporain. Communication à la
Journée d'études pluridisciplinaire des doctorants en
SHS (EDSCE) de l'Université d'Angers, 25 avril 2012.
voir aussi
: Le
Vigouroux, P. (2011). La Premiere Guerre mondiale et ses consequences
sur la réception de la theorie de Wegener en France. Travaux
du Comite francais d'Histoire de la Geologie, COFRHIGEO, 2011, 3eme
serie (tome 25, 8), pp.187-206.
[...]
L’objectif de cet article est de montrer les marques que la confrontation
armée imprime durablement dans un corps social spécifique,
celui des géologues français, au risque de perturber l’élaboration
progressive des connaissances. [...]
après les affrontements, loin de raviver la vocation universaliste
des sciences de la nature qui commençait à émerger
avant-guerre, les scientifiques poursuivent leur engagement au-delà
de l’armistice par la mise en place d’une nouvelle organisation
de la coopération scientifique internationale qui vise explicitement
à empêcher le retour des savants allemands dans le concert
des échanges internationaux. [...] alors qu’elle est loin
ou qu’elle est passée, la Grande Guerre est un élément,
parmi d’autres, qui a influencé l’histoire de la
compréhension de l’organisation de notre planète.
L’état d’esprit qui imprègne les scientifiques
français du premier quart du XXème siècle ne leur
permet pas de se saisir rapidement d’une nouvelle conception,
originale et argumentée, proposée peu avant la guerre.
Cette théorie, la dérive des continents, ébauchée
par un météorologue allemand, Alfred Wegener, ne commence
à être discutée dans les pays alliés, dont
la France, que dix ans plus tard, à partir de 1922.[...]
[...]
Marcelin Boule, occupe la chaire de paléontologie au Muséum
: fondateur des Annales de paléontologie en 1906, il y publie
la première étude détaillée du squelette
de l’homme néandertalien découvert en 1908 à
La Chapelleaux-Saints en Corrèze. C’est sur ce terrain
de la paléontologie et de l’évolution des espèces
qu’il développe son argumentation pour Petit et Leudet
afin d’expliquer les conditions du déclenchement du conflit.
En effet, selon lui, la responsabilité de la guerre ne doit pas
être imputée aux seuls impérialisme et militarisme
prussiens. D’autres causes, plus profondes, permettent d’expliquer
ce « phénomène de véritable régression
» : ce sont, les "lois générales de la biologie
auxquelles l’évolution d’un être ou d’un
groupe d’êtres organisés quelconques ne sauraient
[sic] se soustraire, les lois biologiques étant souveraines"
[...]
[...]
Stanislas Meunier occupe la fonction de directeur-adjoint du Muséum
de 1910 jusqu’à sa retraite en 1919. C’est donc une
personnalité importante de la géologie française
du début du vingtième siècle qui collabore à
la « gerbe aux couleurs françaises »17 de Petit et
Leudet. Comparant les deux géologies, Meunier commence par relever
que la géologie française serait perdante en recherchant
son inspiration au sein de la géologie allemande [...] Il Il
illustre cette épidémie de philo-germanisme d’abord
en contestant les qualités de la grande oeuvre du géologue
viennois Edward Suess, Das Antlitz der Erde (La face
de la Terre), qui a commencé à paraitre à partir
de 1883, puis en dénonçant l’influence d’Émile
Haug, dont il met en avant les origines alsaciennes, professeur
à la Sorbonne et auteur d’un Traité de géologie
(en quatre volumes parus entre 1907 et 1911) [...]
[...]
Comme le souligne Anne Rasmussen (2004), « la représentation
traditionnellement attachée au discours scientifique, par ses
praticiens comme par le public, lui impute une forme de neutralité,
vouée à l’administration de la preuve hors d’atteinte
des contingences extérieures». On vient de le voir, cette
neutralité chez les géologues n’est pas
de mise en la circonstance. La mobilisation des scientifiques au cours
de cette guerre, au-delà de celle des savoirs spécifiques
sur le champ de bataille comme la géologie et les disciplines
associées telle la géodésie, s’inscrit aussi
dans un engagement personnel et militant. Les discours des géologues
pris en exemple ici, ne traduisent sans doute pas toute la diversité
des degrés d’engagement des géologues français.
Ils traduisent cependant un état d’esprit qui imprègne
l’ensemble des savants de la nation, dont les géologues.[...]
[...]
Avec la fin du conflit, est revenu le temps des échanges internationaux,
scientifiques en particulier. L’organisation de la coopération
internationale de l’après-guerre a été envisagée
dès 1917 par le tout nouveau secrétaire perpétuel
de l’Académie des sciences, le mathématicien Émile
Picard, pour qui « il importe de déclarer bien haut que
toutes relations personnelles seront impossibles pendant bien des années
entre les savants français et les savants allemands».Plusieurs
conférences des Académies des sciences interalliées,
tenues en fin d’année 1918, débouchent sur la constitution,
en juillet 1919, d’un Conseil international de recherches
(CIR) duquel est exclue toute institution savante des pays
ennemis. Absent lors de la réunion constitutive, Picard y est
suppléé par le géologue et minéralogiste
Alfred Lacroix, second secrétaire perpétuel de l’Académie
des sciences. L’un des objectifs de ce Conseil est de veiller
au boycott des savants allemands lors des réunions et congrès
scientifiques internationaux.[...]
En
1921, c’est la Belgique, dont l’invitation avait été
acceptée par le précédent Congrès en 1913,
qui convoque une nouvelle session du Congrès pour l’été
1922. Préparée dès juillet 1919, cette XIIIème
session est résolument fermée aux « ressortissants
des pays qui ont fait la guerre à la Belgique, au mépris
des traités». Au cours des mois qui précèdent
la réunion, les Sociétés géologiques du
Danemark, de Suède et de Norvège, pays neutres et germanophiles,
ont protesté contre une « admission limitée par
des principes non scientifiques». Ces « manoeuvres »
sont évoquées dans une lettre datée du 18 février
1922, adressée par le géologue Emmanuel de Margerie, directeur
du Service de la Carte géologique d’Alsace et de Lorraine,
au secrétaire perpétuel de l’Académie des
sciences, Alfred Lacroix (Archives de l’Académie des sciences,
fonds Alfred Lacroix, Dossier de Margerie). Des géologues néerlandais
auraient également fait pression pour que les géologues
d’autres pays neutres, telle la Suisse, boycottent le Congrès.
[...]
Quatre ans après les hostilités, les géologues
gardent une très vive rancoeur et, pourtant indépendants
du Conseil international de recherches, appliquent le même ostracisme
vis-à-vis de leurs collègues allemands. [...] C’est
finalement sous la pression des pays neutres, mais aussi anglo-saxons,
que reprennent les échanges internationaux auxquels sont conviés
les savants allemands. La méfiance des géologues vis-à-vis
du CIR permettra d’envisager ce retour dès 1926 alors que
plusieurs autres disciplines subiront encore les règles rigides
du CIR jusqu’au début des années 1930.[...]
[...]
Alors qu’elle déclenche des débats intenses dans
les pays germanophiles au cours de la seconde moitié des années
1910, qu’elle est mûrie et précisée par son
auteur, la théorie de la dérive des continents reste ignorée
des géologues alliés, français en particulier.
Et ce
n’est qu’à partir de 1922, lorsqu’un géologue
suisse, Elie Gagnebin, assistant de Maurice Lugeon à l’Université
de Lausanne, la présente aux savants français, leur faisant
le reproche de l’ignorer encore et de la passer sous silence.
Imprégnés d’une culture antigermanique entretenue
depuis la guerre francoprussienne de 1870 et ravivée par la Grande
Guerre, les géologues français n’étaient
pas prêts, de toute évidence, à débattre
de la théorie allemande. Pourtant, à la suite de la publication
de Gagnebin, le débat s’enracine pour quelques années,
et la jeune génération des géologues français
(Maurice Gignoux (1881-1955), Charles Jacob (1878-1962), Edmond Rothé
(1873-1942), Léonce Joleaud (1880-1938)) voit d’un oeil
plutôt intéressé la nouvelle conception du globe
proposée par Wegener. Intérêt mais pas pour autant
adhésion : les insuffisances intrinsèques de la théorie,
par rapport aux connaissances de l’époque, ont raison de
sa persistance dans les cercles scientifiques. Alors que l’année
1922 marque, pour les géologues, la reprise des riches
échanges internationaux à l’occasion du Congrès
de Bruxelles, Alfred Wegener publie une troisième édition
de son ouvrage, édition mise à jour par les données
récentes de la géologie et les débats suscités
par sa théorie dans les pays germanophiles.
Dans
les Comptes
rendus du Congrès, publiés seulement en 1924, la théorie
de la dérive des continents n’est discutée que par
Émile Argand, professeur de géologie à l’Université
de Neuchâtel. Celui-ci considère dès
1916 qu’elle explique beaucoup mieux que l’ancienne conception,
celle des géosynclinaux, les similitudes de faune et de flore
dans des régions aujourd’hui séparées par
de vastes océans ainsi que la répartition des marqueurs
d’une glaciation permo-carbonifère. Aucune autre mention
de la théorie wegenérienne n’apparait dans les communications
et les débats bruxellois. [...]
on peut d’ailleurs s’interroger sur la place réellement
donnée à la théorie de Wegener par Argand lors
de sa conférence inaugurale en 1922 au Congrès, car si
son soutien à la théorie wegenérienne est envisageable
dans le manuscrit remis en 1924 quand les géologues en débattent
dans leurs instances, on envisage difficilement la même référence
soutenue à une thèse allemande, dans le contexte émotionnel
de 1922 où chaque discours ravivait la mémoire des jours
sombres.
Quelques années plus tard, en 1926, alors que l’Association
américaine des géologues du pétrole organise un
colloque entièrement consacré à la théorie
de la dérive continentale, le Congrès géologique
international de Madrid ne comporte qu’une communication faisant
allusion à la thèse wegenérienne. Elle
continue pourtant de faire l’objet de discussions dans quelques
publications et commence à diffuser hors du cercle des scientifiques
par les ouvrages de vulgarisation.[...]
-
Congrès
géologique international, XIIIe session – Belgique 1922
(Première Circulaire), novembre 1921, p. 1.
-
Congrès géologique international, Comptes rendus de
la XIIIe session, en Belgique 1922. Liège, 1924, p. 154.
-
- PETIT, Gabriel
; LEUDET, Maurice. Les Allemands et la Science. Paris : Librairie Félix
Alcan, 1916, 376 p.
- PICARD Émile.
Les relations scientifiques internationales après la guerre.
Journal des débats politiques et littéraires, 17 octobre
1917, p.1.
-
RÉVIL Joseph, 1917. Revue annuelle de géologie. Revue
générale des sciences pures et appliquées, 15
janvier 1917, 28 (1) : 17-26.
-

Revue
générale des Sciences pures et appliquées
PARAISSANT LE 15 ET LE 30 DE CHAQUE MOIS
Fondateur
: Louis OLIVIER, Docteur es Sciences
Directeur
: J.-P. LANGLOIS, Docteur es Sciences, Professeur au Conservatoire
national des Arts et Métiers, Chargé de Cours
à la Faculté de Médecine de Paris, Membre
de l'Académie de Médecine.
COMITÉ
DE RÉDACTION
MM.
Paul APPELL, Membre de l'Institut, Recteur de l'Université
de Paris ;
E.-L. BOUVIER, Membre de l'Institut, Professeur au Muséum
d Histoire naturelle;
E. DEMENGE, Ingénieur civil;
E. QLiET, Professeur au Collège de France;
Ch.-Ed. GUILLAUME, Correspondant de l'Institut;
A. HALLER, Membre de l'Institut. Professeur à la Sorbonne;
E. HAUG, Membre de l'Institut, Professeur à la Sorbonne;
L. MANGIN, Membre de l'Institut, Directeur du Muséum
d'Histoire naturelle;
Vice-Amiral PHILIBERT;
Em. PICARD, Secrétaire perpétuel de l'Académie
des Sciences; Professeur à la Sorbonne,
Secrétaire
de la Rédaction : Louis BRUNET.
PARIS
- Gaston DOIN, Editeur - 8, place de l'Odéon, 8
|
La Géologie,
depuis la synthèse générale qu'en fit Edouard
Suess, depuis la découverte, par Marcel Bertrand,
Schardt, Lugeon, Termier, des grandes nappes alpines de charriage,
ne s'est enrichie d'aucune idée plus importante, ni plus
nouvelle que la théorie de Wegener. Alfred Wegener, de
Marbourg en Hesse, n'est point un géologue; il
est géophysicien. Mais c'est devant les géologues
allemands, réunis à Francfort le 6 janvier
1912, qu'il vint pour la première fois exposer
son hypothèse. Et celle-ci, en effet, concerne
beaucoup plus l'histoire de la Terre, ses changements d'autrefois,
que l'état d'équilibre relatif où nous
la voyons aujourd'hui.Depuis
1912, Wegener a mûri et précisé sa théorie.
Elle fut critiquée, dans ses principes et dans ses conséquences,
par de nombreux savants allemands, hollandais, Scandinaves;
lui-même l'a fortifiée d'arguments nouveaux. En
1920, il en publia un nouvel exposé, qu'il considère
à peu près comme définitif; dès
lors, les géologues se passionnent pour ou contre, et
cette discussion encombre les revues d'outre-Rhin.
En France,
où les théories d'Einstein et
la psychanalyse de Freud sont si furieusement
à la mode, on ignore presque entièrement l'hypothèse
de Wegener; je ne crois pas qu'aucune revue spéciale
en ait encore parlé. Le programme du Congrès international
de Géologie qui se tiendra l'été prochain
à Bruxelles n'en fait aucune mention. C'est là
une lacune fâcheuse. Car si l'idée de Wegener est
critiquable à plus d'un point de vue, si les réserves
à son égard s'imposent, on ne peut plus actuellement
l'ignorer ni la passer sous silence. Il est évidemment
impossible, dans les limites d'un article tel que celui-ci,
de traiter en détails et complètement la
théorie de la dérive des masses continentales.
Il ne peut s'agir que d'en tracer les grandes lignes.
Cependant, nous nous attacherons ici à donner une idée
juste de cette hypothèse, en suivant avec fidélité
la pensée de l'auteur, quitte à abréger
nos réflexions personnelles. Il importe d'abord
que les géologues français soient mis au courant;
les critiques naîtront d'elles-mêmes. Mais j'insiste
encore sur le fait que Wegener n'est qu'un géologue d'occasion
; il faut accepter sa gaucherie, et se tenir de pousser leshauts
cris lorsqu'elle se manifeste. Les absurdités apparentes
de sa théorie, il n'est pas certain qu'elles condamment
l'idée fondamentale, ni même qu'elles aient grande
importance. Cuvier s'est mal trouvé
d'avoir dédaigné, sur leur raideur formelle et
sur leurs contradictions, les écrits de Lamarck.
|
|
Association
française pour l’avancement des Sciences (AFAS)
Sa devise initiale « Par la science, pour la patrie
»
de 1872 à 1914
Créée
aux lendemains de la défaite française dans le
conflit franco-prussien de 1870, par l’action conjointe
de savants, de banquiers, d’industriels, l’Association
française pour l’avancement des sciences tient,
à partir de 1872, des congrès annuels dans des
villes de province auxquels sont conviés sous sa bannière
« Par la science, pour la patrie » tout à
la fois les savants les plus prestigieux, français comme
étrangers, « les amateurs de sciences »,
mais aussi, côté public, « les classes riches
et oisives » ainsi que « les clases laborieuses
». Entre 1872 et 1914, l’AFAS édite annuellement
les actes de ses congrès qui représentent un corpus
de 40 000 pages regroupant plus de 16 000 communications de
5500 intervenants.
L'AFAS
Aujourd'hui
Sa devise : " Répondre aux interrogations
face aux avancées des connaissances et à leurs
conséquences
par le biais d'un véritable dialogue entre la communauté
scientifique et le public "
A l'aube
du troisième millénaire, les progrès de
la science, de la médecine, et de la technique dominent
l'évolution de notre société. Les scientifiques
se doivent aujourd'hui de répondre aux interrogations
de leurs concitoyens car la perception du progrès
se teinte parfois d'inquiétude devant certaines
conséquences du développement scientifique.
L'AFAS
entend répondre à cette attente du public curieux
des avancées des connaissances et de leurs conséquences
économiques et sociales, en le mettant en relation avec
les spécialistes les plus qualifiés. Il ne s'agit
pas seulement de vulgarisation, de diffusion des connaissances,
mais d'un véritable dialogue entre la communauté
scientifique et le public, dans le cadre des grands
débats sur l'évolution de la société
d'aujourd'hui.
Quelle
mission aujourd’hui ? Répondre aux interrogations
de nos concitoyens face aux avancées des connaissances
et à leurs conséquences par le biais d’un
véritable dialogue entre la communauté scientifique
et le public. Dans un contexte de défiance du
public face à la science et de désaffection des
jeunes pour les études scientifiques, c’est
une condition nécessaire pour que le public soit
favorable au développement des activités de recherche
et d’innovation dont nos sociétés
ont le plus urgent besoin.
Liste
des présidents de l'AFAS de 1872 à nos jours
|
Modèle
contractionniste,
modèle
permanentiste... et
modèle translationniste
Histoire du contexte épistémologique dans lequel s'inscrit
l'hypothèse de la dérive des continents
D'après
Deparis, V. & Thomas, P. (2011). La
dérive des continents de Wegener. Site Planet-Terre,
ENS Lyon.

Source : livre de Géologie de classe de 4ème,
V. BOULET, 1925, modifié |
Dans
la théorie d'Elie de Beaumont
(1829), le refroidissement séculaire de la Terre
entraînerait sa contraction thermique, la diminution
de son rayon et de son volume, d'où le plissement
de sa surface. |
|
Remarque
de G. Gohau, G. (1990). Une historie
de la géologie. Editions du Seuil, p.175 :
Dans l'exposé que l'on fait aujourd'hui de
cette ancienne théorie, on aime, pour des raisons
pédagogiques, à comparer la contraction
de l'intérieur du globe au déssechement
de la pomme qui se flétrit, et le ridement de l'écorce
à celui de la pelure du fruit. Cela suggère
que les "systèmes de montagnes" se forment
au hasard, comme les rides de la pomme. Hors, il n'en
est rien dans la théorie d'Elie de Beaumont.
C'est même tout le contraire, au point qu'un de
ses contemporains utilisait l'analogie avec le flétrissement
de la pomme... pour montrer qu'une sphère qui se
contracte se ride de façon aléaotaoire et
non suivant des directions déterminées.
Elie de Beaumont, en effet, attache une impoorantce primordiale
à la direction des chaines de montagne. Il va même
progressivement élaborer un schéma très
complexe connu sous le nom de réseau pentagonal
[...]. |

Carte des aires continentales. In É. Haug, Les géosynclinaux
et les aires continentales,
Bulletin de la Société géologique de France,
3e série, 28, 617-711, 1900, p.642.
Y avait-il
à l'époque des ponts, ou bien les continents étaient-ils
séparés comme de nos jours par de larges océans
? Il est impossible d'écarter la nécessité
de l'existence des anciennes jonctions terrestres, si nous ne
voulons pas renoncer complètement à comprendre
le développement de la vie sur le globe, et il est également
impossible de se dérober aux arguments contraires à
l'existence des continents intermédiaires émis
par les partisans de la loi de la permanence. Il n'y a évidemment
qu'une issue : Les hypothèses admises comme évidentes
doivent être viciées par des erreurs cachées
». Alfred
Wegener, La genèse des continents et des océans,
op. cit., p.16-17.
"Si
nous prenons comme base la théorie des translations,
nous répondons à toutes les exigences justifiées,
tant à celles de la loi des anciennes liaisons continentales
qu'à celles de la permanence. Nous n'avons qu'à
énoncer ces lois comme il suit : Ponts continentaux ?
Oui, non pas grâce à des continents intermédiaires
affaissés, mais à des socles continentaux jadis
contigus. Permanence ? Oui, pas de chaque continent ou océan
pris individuellement, mais permanence de la surface océanique
totale et de la surface continentale totales prises en bloc"
Alfred
Wegener, La genèse des continents et des océans,
1928 ; réédition, Paris, C. Bourgois, 1990, p.21).

Fig.
2 : « Die Entstehung der Kontinente », Geologische
Rundschau, 3, 1912, p. 279.
Les continents de sal (ou sial) reposent sur une couche plus
dense de sima.
La Terre contient un noyau de nife.
|
Entre
1883 et 1909, le géologue viennois Edward Suess
fait entrer les sciences de la Terre dans une ère nouvelle
en développant une vision globale de la tectonique de surface.
Il s'appuie sur une grande quantité d'observations et cherche
à faire ressortir les traits fondamentaux de la planète,
prise dans son ensemble. "M. Suess a su s'élever
assez haut pour voir les traits fondamentaux de l'ensemble s'accuser
au milieu de la complexité des détails »
(in E. Suess, La Face de la Terre, Préface de
Marcel Bertrand, tome I, 1883 ; traduction française, Paris,
Armand Colin, 1905, p.vi).
L'étude
des chaînes de montagnes permet à Suess d'affirmer
l'existence de mouvements verticaux et horizontaux importants.
Dès 1875, il reconnaît que la chaîne alpine
est déversé sur un « avant-pays » et
il postule l'existence d'une poussée venue du Sud ou du
Sud-Est avec des déplacements tangentiels importants. En
1883, il écrit : « Les dislocations visibles
dans l'écorce terrestre sont le produit de mouvements qui
résultent de la diminution du volume de notre planète.
Les efforts développés par l'effet de ce phénomène
tendent à se décomposer en efforts tangentiels et
en efforts radiaux, et par suite en mouvements horizontaux (c'est-à-dire
en poussée et en plissements) et en mouvements verticaux
(c'est-à-dire en affaissements) ".(E. Suess,
La Face de la Terre, op. cit., p.139). Le moteur des
mouvements superficiels reste la contraction thermique (comme
pour Elie de Beaumont) qui n'empêche pas
des mouvements latéraux importants.
Suess
compare également les séries
stratigraphiques et les faunes et les flores fossiles
d'un continent à l'autre. Certaines régions aujourd'hui
séparées par des océans possédent
une faune fossile commune. Ces similitudes entre des manifestations
anciennes de la vie sont impossibles à expliquer selon
la théorie darwinienne de l'évolution si on n'admet
pas l'existence de liaisons intercontinentales aujourd'hui effondrées.
Les mers intérieures et les vastes océans se sont
formés puis agrandis par des affaissements successifs.
Cette idée lui permet également d'expliquer les
transgressions et régressions marines. Lorsque l'écorce
s'effondre brutalement, la mer fait de même (régressions).
Le comblement progressif des mers amène les transgressions.
En
1900, le géologue français d'origine alsacienne
Emile Haug (professeur à la sorbonne et
auteur d'un Traité de géologie en quatre volumes
parus entre 1907 et 1911) donne des arguments
géologiques et paléontologiques
qui militent en faveur de l'existence d'anciennes unités
continentales. Les
chaînes de montagnes se forment uniquement le long de bandes
étroites (les géosynclinaux) intercalées
entre des unités continentales stables. "Chaque
unité continentale a eu sa faune propre tant qu'elle est
restée isolée, que des migrations se produisent
chaque fois que des communications par terre s'établissent
avec une unité voisine et que la faune la mieux organisée
dans la lutte pour l'existence arrive à s'implanter et
à refouler la faune autochtone dans les parties plus reculées
du continent. Si plus tard l'unité continentale est morcelée
par un effondrement partiel, les résidus de faunes permettront
de rétablir par la pensée l'ancienne connexion.
On voit quels services précieux peut nous rendre l'étude
des faunes terrestres dans les essais de reconstitution des continents
morcelés »
[...]
le modèle contractionniste
mis en avant par Suess [...] explique
les analogies de faunes et de flores et les ressemblances géologiques
entre des continents aujourd'hui séparés
par des océans par l'effondrement de ponts continentaux.
D'un autre côté, notamment au États-Unis,
les géologues privilégient le
modèle permanentiste, développé à
partir de 1846 par Dana. Ils considèrent
que les océans et les continents constituent des figures
permanentes de la surface du globe depuis son origine et insistent
sur les différences de nature entre les deux structures.
Au
début du XXe siècle, les
études sur l'équilibre isostatique des continents
montrent que ceux-ci peuvent être considérés
comme des blocs légers d'un composé nommé
alors sial (car composés essentiellement de silicium et
d'aluminium) en équilibre sur une couche plus dense d'un
composé nommé alors sima (roches composées
essentiellement de silicium et de magnésium) qui affleure
au niveau des océans. Ces travaux favorisent le modèle
permanentiste aux dépens du modèle contractionniste.
Comment en effet pourrait-on postuler que des parties continentales
légères puissent s'enfoncer au niveau des fonds
océaniques plus denses ? Mais chaque nouvelle donnée
paléontologique
devient une preuve de l'existence d'une liaison intercontinentale,
et renforce le modèle de Suess au détriment de celui
de Dana.
[...]
La théorie
de Wegener découle [...] des incohérences des théories
précédentes, qui apparaissent [...] lorsqu'on réunit
les différentes disciplines des sciences de la Terre. [...]
[...] Les continents, autrefois réunis en une seule masse
continentale nommée Pangée, se sont dispersés
pour atteindre leur position actuelle en fendant le sima qui les
entoure. Il lie l'orogenèse au déplacement des continents,
ce qui lui permet de donner une explication unifiée du
relief terrestre. D'une part, il affirme que les chaînes
de montagnes intracontinentales [...] naissent de la collision
entre deux socles continentaux et, d'autre part, il expose [...]
que la dérive des continents à travers le sima forme
par compression des chaînes de montagne à leur «
proue » (les Rocheuses ou la Cordillère des Andes)
et laisse derrière eux (à leur « poupe »)
des fragments à l'origine des guirlandes d'îles (Antilles,
archipels japonais, Ouest-Pacifique...).
[...]
La démonstration [...] résulte d'une accumulation
d'indices provenant d'observations diverses. |
Quelles
différences entre dérive des continents et tectonique des
plaques ?
D’après Deparis, V. & Thomas, P. (2011).
La dérive des continents de Wegener. Article en ligne
sur le site Planet-Terre, ENS Lyon.
|
Dans
le modèle de la dérive des continents |
Dans
le modèle de la tectonique des plaques lithosphériques |
Continent
ou Lithosphère |
les
continents sont assimilés à des bateaux (constitués
de sial) dérivant sur un océan (constitué
de sima) |
la
notion de sial demeure, même si son nom a changé
: c'est la croûte continentale. La notion de sima, roche
riche en silicium et magnésium est devenue plus complexe,
puisqu'elle recouvre croûte océanique et manteau
dans son ensemble.
les
continents peuvent toujours être considérés
comme des bateaux pris dans (ou plutôt posés sur)
une banquise de glace, banquise qui dérive sur l'océan
en entraînant avec elle les bateaux.
les
bateaux sont constitués de la lithosphère continentale
(et non plus de la simple croûte), la banquise est constitué
de la lithosphère océanique (et non pas de la seule
croûte), et l'océan correspond à l'asthénosphère
et au manteau inférieur. |
Moteurs |
les
forces proposées pour expliquer la dérive sont extérieures
aux continents, appliquées sur le continent, que ce soient
la force d'Eötvös, les courants de convection dans le
sima.
|
la
force qui met en mouvement la lithosphère est à
rechercher dans la lithosphère elle-même (son refroidissement
est à l'origine de sa plongée et est donc le moteur
de la convection mantellique). |
Pangée
primordial ou transitoire |
les
continents actuels dérivent de la fragmentation d'une Pangée,
supposée (au moins implicitement) primordiale, ayant toujours
existé.
|
la
Pangée permo- carbonifère résulte du rassemblement
de nombreuses masses continentales qui se séparent et se
rassemblent au grès de ruptures et de subductions/collisions,
les traces des collisions ayant fabriqué la Pangée
permo-carbonifère étant les chaînes hercynienne
et ouralienne. |
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Research
Program
What should be taught about the nature of science ?
Benoît
Urgelli
last
up-date : 29 janvier, 2013
-
-
Bartholomew,
H., Osborne, J.F., & Ratcliffe, M. (2002, April). Teaching
pupils ‘‘ideas-about-science’’: Case studies
from the classroom. Paper presented at the 75th International
Conference of the National Association for Research in Science Teaching
(NARST), New Orleans. April
7-10 2002. Available
on-line here.
-
Osborne
J., Collins S, Ratcliffe M., Millar R., Duschl R. (2003). What ‘‘Ideas-about-Science’’
Should Be Taught in School Science? A Delphi Study of the Expert
Community. Journal of Research in Science Teachnig,
Vol. 40, No. 7, pp. 692–720.
This study has
shown that within the broad community with an interest or engagement
in science and science education, there exists a consensus about the
core features of an account of the nature of science. It therefore
suggests that one common obstacle to teaching about science is without
foundation. Hence, we see this work as providing another body of empirical
evidence to buttress the case for placing the nature of science and
its processes at the core rather than the margins of science education.
The detailed responses of the participants provide, in addition, valuable
pointers to the content of such teaching. Although some may object
that teaching a vulgarized account of science runs the risk of misrepresenting
the essential elements of scientific practice and the values of the
scientific community, we prefer to stress the positive aspect of such
an account: that it can provide a basic understanding of the processes
and practices of science and of the nature of the knowledge that these
produce. Not only will such an account help young people make sense
of the science that impinges on them in their daily lives, it may
also lay the grounds from which a more sophisticated account may be
developed in later life.
METHODS of SCIENCE
|
Scientific
Methods and Critical Testing*
|
Pupils
should be taught that science uses the experimental method
to test ideas, and, in particular, about certain basic
techniques such as the use of controls. It should be made clear
that the outcome of a single experiment is rarely sufficient
to establish a knowledge claim. |
Analysis
and Interpretation of Data*
|
Pupils
should be taught that the practice of science involves
skilful analysis and interpretation of data. Scientific
knowledge claims do not emerge simply from the data but through
a process of interpretation and theory building
that can require sophisticated skills. It
is possible for scientists legitimately to come to different interpretations
of the same data, and therefore, to disagree. |
Hypothesis
and Prediction*
|
Pupils
should be taught that scientists
develop hypotheses and predictions about natural phenomena.
This process is essential to the development of new knowledge
claims. |
Diversity
of Scientific Thinking*
|
Pupils should
be taught that science uses a range of methods and approaches
and that there is no one scientific method or approach. |
Creativity* |
Pupils
should appreciate that science is an activity that involves creativity
and imagination as much as many other human activities,
and that some scientific ideas are enormous intellectual achievements.
Scientists, as much as any other profession, are passionate
and involved humans whose work relies on inspiration
and imagination. |
Science
and Questioning* |
Pupils
should be taught that an important aspect of the work of a scientist
is the continual and cyclical process of asking questions
and seeking answers, which then lead to new questions.
This process leads to the emergence of new scientific
theories and techniques which are then tested empirically. |
Observation and
Measurement
|
Students should be taught
that observation and measurement are core activities of scientists;
most measurements are subject to some uncertainty but there may
be ways of increasing our confidence in a measurement |
Specific Methods
of Science
|
Students should be taught
a range of techniques for data representation and analysis commonly
used in the sciences, with particular emphasis on those necessary
for interpreting reports about science, particularly those in
the media |
Science and Technology
|
Students should be taught
that although there is a distinction between science and technology,
the two are increasingly interdependent as new scientific discoveries
are reliant on new technology and new science enables new technology |
Cause and Correlation
|
Students should be taught
that there are two types of distinctive relationship in science:
causal, in which there is a known mechanism relating an effect
to a cause, and a correlation, in which identified variables are
associated statistically but for which there is no well-established
causal link |
SOCIAL PRACTICES IN SCIENCE
(Teachnig SSI)
|
Moral and Ethical
Dimensions
in Development of Scientific Knowledge
|
Students should appreciate
that choices about the application of scientific and technical
knowledge are not value free; they may therefore conflict with
moral and ethical values held by groups within society |
Cooperation
and Collaboration in the Development of Scientific Knowledge*
|
Pupils
should be taught that scientific work is a communal and
competitive activity. Whilst individuals may make significant
contributions, scientific work is often carried out in
groups, frequently of a multidisciplinary and international nature.
New knowledge claims are generally shared and, to be accepted
by the community, must survive a process of critical peer
review.
(see Merton, 1973). |
Peer Review |
Students should be taught
that developments In scientific knowledge are critically reviewed
and may be authenticated and validated by members of the wider
community |
Contextual Nature
of Science
|
Students should know that developments in scientific
knowledge are not undertaken in isolation, but may be shaped by
particular contexts
(see Pestre, 2006) |
Constraints on
Development of Scientific Knowledge
|
Students should know that scientific knowledge
is developed within the context of a range of constraints that may
shape it and its uses |
Range of Fields
in Which Scientific Knowledge Is Developed
|
Students should be taught
that scientific research is undertaken in a variety of institutions
by individuals who have differing social status within the scientific
community. Scientists generally have expertise only in one specific
subdiscipline of science |
Accountability
and Regulation of Scientific Practices |
Students should be taught
issues of accountability and regulatory procedures that relate
to the development of scientific knowledge |
This
project [...] sought to provide empirical evidence of what the expert
community engaged in practicing, communicating, and teaching science
thought was important for average citizens to understand about socioscientific
issue [...] by the end of their formal education.
Rationale
and theoretical background
[...] the
core status of science can be justified only if it offers something
of universal value to all rather than academic science for the minority
who will become the next generation of scientists. Science courses that
give scant or tacit treatment of the nature, practices, and processes
of science result in most students leaving school with naive or severely
limited conceptions of science (Driver, Leach, Millar, & Scott,
1996). Yet it is an understanding of the nature of science which many
have argued is essential for the education of the future citizen (Fuller,
1997; Irwin, 1995; Jenkins, 1997; Millar, 1996; Ziman, 2000), and which
should be an integral and substantive element of any contemporary course
in science.
In most societies,
the normative view of what is significant and salient within a given
domain is defined by the academic community.
[...] as
Stanley and Brickhouse (2001, p. 47) pointed out, ‘‘although
almost everyone agrees that we ought to teach students about the nature
of science, there is considerable disagreement on what version
of the nature of science ought to be taught.’’
Somewhat paradoxically, then, despite this obstacle, a range of curriculum
documents [...] ostensibly seem to have achieved some agreement in defining
what should be taught about the nature of science. But do these curriculum
documents represent a consensus or, alternatively,
the kind of compromise which is often the product of reports
produced by committees? That is, do they represent the lowest
common denominator around which it is possible to achieve agreement
rather than any coherent account of the nature of science?
In the view
of this uncertainty and the lack of empirical evidence for consensus,
our essential research aim was to determine empirically the extent of
agreement among scientists, science communicators, philosophers and
sociologists of science, and science educators about those aspects of
the nature of science that should be an essential feature of the school
science curriculum: in essence, to make
a contribution toward resolving this apparent dichotomy between the
academic and educational community.
Conclusions
1. [...]
where individuals have thought extensively about the nature of science,
and about an account that should be offered to others, they have experienced
considerable difficulty in its specification.
[...] There has been little agreement
about what is core or absolutely essential to an understanding of science.
[...] In contrast,
our findings provide empirical evidence
of a consensus on salient features which are both significant and essential
components of any basic knowledge and understanding about science
and, in addition, uncontroversial within the relevant academic communities
with an interest in science and science education. These data suggest,
then, that these themes do have sufficient agreement to form the core
of a simplified account of the nature of science suitable for the school
science curriculum. Hence, our first conclusion is that there exists
support and broad agreement for a set
of nine clearly specified themes about aspects of the nature of science
which school students should encounter by the end of compulsory schooling.
2. Our second
conclusion, therefore, is that many of the aspects of the nature of
science represented by the themes have features that are interrelated
and cannot be taught independently of each other. This
finding suggests that, although the research process has required the
separation and resolution of these components to weight their significance
and import, there is no agreement that they should be communicated and
represented in that manner.
3. It is
also important to recognize that the de?nition of consensus we have
used has drawn an arbitrary line. Using the same criteria of a mean
rating of 4 and a stability of <33% shift between the two rounds,
over 50% of participants considered several
other themes to warrant inclusion in the curriculum.
Specifically, these were: Science and Technology (65%),
Moral and Ethical Dimensions in the Development of Scientific
Knowledge (61%), Empirical Base of Scientific Knowledge
(61%), Cumulative and Revisionary Nature of Scientific Knowledge
(61%), Observation and Measurement (56%), Characteristics
of Scientific Knowledge (52%), and Specific Methods
of Science (52%). This suggests that these data represent the
participants’ gradation of importance of the themes [...] the
nine themes represent the basic minimum that any simplified account
of science should address. The other themes, although significant, are
additional components to be included in more complex or more sophisticated
accounts [...].
Discussion
and Implications

A
tentative comparison of the most prevalent ideas about science
found in current National Curricula or National Standards (McComas
& Olson, 1998), i.e., ideas found in six or
more national curriculum documents, and those emerging from this
study. In the table, themes emerging from McComas and Olson’s
work that are similar to 10 themes emerging from this
work have been juxtaposed. |
Many
of the themes emerging from our study fall under the umbrella
of the Methods of
Science : Experimental Methods and Critical
Testing, Creativity, Science and Questioning,
Diversity of Scientific Method, and Analysis and Interpretation
of Data). Two
themes (Historical Development of Scientific Knowledge
and Science and Certainty) are aspects of the
Nature of Scientific Knowledge.
There
is only one under the heading of the
Institutions and Social Practices of Science.
[...]
why so many of the ideas of contemporary
scholarship about the nature of science are absent.
For instance, neither the themes emerging from this study nor
those of the national curriculum documents place much emphasis
on the role of theory, explanation,
and models. They do not, for instance, represent
a more contemporary view of science such as that offered by Giere
(1991), who portrayed science as a multidimensional interaction
among the models of scientists, empirical observation of the real
world, and their predictions.
[...]
We suggest that the omission of other components is simply owing
to the fact that they were regarded as too complex or too contentious
for inclusion.
[...]
One challenge is how such themes can become part of the instructional
sequence. To what extent, for instance, can these themes be taught
directly as part of discrete lessons or should they permeate all
science lessons.
Whereas
inquiry-based approaches, investigations, or practical work will
certainly address many of the themes in the Methods
of Science category, unless there is some careful
mediation on the part of the teacher across lessons to highlight
the methodologic features of these activities and their generic
nature explicitly, many aspects of a more accurate picture of
the nature of science may be glimpsed only partially, if at all,
by students.
see
Kolsto's comments (2012) on links
between IBSE and Teaching SSI
|

The 9 Themes
from phase 1 of this study that form the components of a simplified
or core account of the Nature of
Science. In Bartholomew,
Osborne, & Ratcliffe, 2002.

Five
factors that afforded or inhibited the teachers’
pedagogic performance to teach effectively about science.
They serve as a valuable analytical tool for analysing and explaining
the success, or otherwise, that individual teachers have when
confronted with teaching components of the nature of science.
In addition, we argue that they are an important means of identifying
salient aspects of pedagogy for initial and inservice training
of teachers for curricula that require the teaching of SSI.
see also Urgelli, ESERA,
2011 and HEP
Lausanne, 2012
|
The
next phase of work with 12 teachers (3 Grade 6, 4 Grade 8, and
4 Grade 10) has sought to explore these problems. With these
teachers we have attempted to see how the themes can become
an integral part of their teaching and the difficulties that
emerge (Bartholomew, Osborne, & Ratcliffe, 2002).
In this
paper, we report work undertaken with a group of 11 teachers
over a period of a year to teach aspects of the nature of science.
The teachers, who taught science in a mix of elementary, junior
high, and high schools, were asked to teach components of the
nature of science for which consensus had been established using
a Delphi study in the first phase of the project. Data were
collected through field notes, videos, teachers’reflective
diaries, instruments that measured their understanding of the
nature of science and the role of discussion in the classroom.
In addition, data were collected of their pupils’ understanding
of the nature of science, pre- and post-intervention, and that
for a control.
In this paper, drawing on a sample of the data we explore the
factors that afforded or inhibited the teachers’ pedagogic
performance in this domain. Using these data, we argue that
there are 5 critical dimensions that distinguish and determine
a teacher’s ability to teach effectively about science.
Whilst these dimensions are neither mutually independent nor
equally important, they serve as a valuable analytical tool
for analysing and explaining the success, or otherwise, that
individual teachers have when confronted with teaching components
of the nature of science. In addition, we argue that they are
an important means of identifying salient aspects of pedagogy
for initial and inservice training of teachers for curricula
that require the teaching of the nature of science (In
Bartholomew,
Osborne, & Ratcliffe, 2002).
For
me, the next phase of work with a french community of experts
in science education will explore how communication and didactic
factors could explain involvement on mediating and/or teaching
SSI

see
also Stoll, L., Bolam, R., McMahon, A., Wallace, M., & Thomas,
S. (2006). Professional learning communities: A review of the
literature. Journal of Educational Change,
7(4), 221-258.
International
evidence suggests that educational reform’s progress depends
on teachers’ individual and collective capacity and its
link with school-wide capacity for promoting pupils’ learning.
Building capacity is therefore critical. Capacity is a complex
blend of motivation, skill, positive learning, organisational
conditions and culture, and infrastructure of support. Put together,
it gives individuals, groups, whole school communities and school
systems the power to get involved in and sustain learning over
time. Developing professional learning communities appears to
hold considerable promise for capacity building for sustainable
improvement. As such, it has become a ‘hot topic’
in many
countries.
|
This survey of a
panel of diverse experts has produced results that raise several
issues about curriculum design,
instruction, and implementation.
Our view is that
the importance of this study lies in the fact that it provides
a body of empirical data drawn from a panel of experts which
challenges the case made by Alters (1997) that no singular consensual
view exists. Therefore, we contend that the
nature of science can no longer be marginalized on the basis
that there is little academic consensus about what should be
taught.
[...] at least within
the English curriculum, there is no treatment of one of the
major themes from the Delphi study: the Diversity
of Scientific Thinking. Few curricula have recognized
the fundamental division Rudolph (2000) made between historical
reconstruction and empirical testing. The latter, which is largely
the domain of the physical, chemical, and molecular sciences,
stands in contrast to the process of historical reconstruction
in which the intellectual product is an explanatory mechanism
for the chronologic sequence of past natural occurrences.
[...] school science
is dominated by the empirical and exact sciences of physics,
chemistry, and biology. Notable
for its absence, for example, is a treatment of correlational
methods which
provide the basic methodology of medical trials and which are,
moreover, a common feature of media reports of science. Hence,
our data and those of McComas and Olson suggest that there are
significant elements of a minimal
account of the nature of science missing from most curricula.
[...] teaching students
about the nature of science is as important as developing a
knowledge of its content, if not more so, these findings lend
support to the view that teaching
the nature of science needs to become a core rather than a marginal
part of the science curriculum.
Our findings further
suggest that it might be a mistake to attempt to delineate a
curriculum in terms of a requirement to teach the components
of the nature of science separately. Rather, its
teaching can perhaps best be addressed through sets of well-chosen
case studies
of either a historical or contemporary nature
and by more explicit reflection
and discussion of science and its nature—an aspect that
should emerge naturally from the process of scientific inquiry
that is a normal feature of much classroom practice.
Thus, the principal value of these, or any set of themes, would
be to act as a curriculum checklist to see that the activities
in the curriculum provide sufficient opportunity to introduce,
elaborate on, explore, and develop
students’ understanding of these components of science
and its nature.
see three items of
French curriculum of SSI in secondary
school science education (2010)
|
Design,
methods : a three-stage Delphi study
The method
chosen for eliciting the expert community’s view was a three-stage
Delphi study. The Delphi method aims to improve group decision making
by seeking opinions without face-to-face interaction and is commonly
defined as ‘‘a method of systematic
solicitation and collection of judgements on a particular topic through
a set of carefully designed sequential questionnaires, interspersed
with summarised information and feedback of opinions derived from earlier
responses’’ (Delbecq, Van de Ven, &
Gustafson, 1975).
Three features
characterize the Delphi method and distinguish it from other group interrogative
methods: anonymous group interaction and responses, multiple
iteration of group responses with interspersed feedback, and the presentation
of statistical analysis.
The Delphi
technique has four principal advantages
thought to be important in gaining the considered opinions of experts:
It uses group decision-making techniques, involving experts
in the field, which have greater validity than those made by
an individual.
The anonymity of participants and the use of questionnaires avoid
the problems commonly associated with group interviews: for example,
specious persuasion or ‘‘deference to authority,
impact of oral facility, reluctance to modify publicised opinions and
band-wagon effects’’ (Martorella, 1991).
Consensus reached by the group reflects reasoned opinions because
the Delphi process forces group members to consider logically
the problem under study and to provide written responses (Murray
& Hammons, 1995).
Opinions using the Delphi method can be received from a group of experts.
The main
disadvantages of a Delphi study are seen as: the length
of the process, researcher influence on the
responses owing to particular question formulation, and difficulty
in assessing and fully using the expertise of the group because they
never meet.
The implementation
of this Delphi study therefore attempted to take full account of the
perceived advantages while recognizing the disadvantages. For example,
as science educators, we (the researchers) have views on the teaching
of the processes and practices of science. It was important that these
views not impinge on participants’ responses. Therefore, little
guidance was given as to the expected content of responses in the first
round of the Delphi study. In the second and third rounds, care was
taken to ensure, as far as possible, that participants’
own words were returned and that participants had ample
opportunity to comment on any interpretation in our
conflation of their responses.
The Delphi
procedure seeks to establish the extent
of consensus or stability in the community and typically
ends after either consensus or stability of responses has been achieved.
Brooks (1979) identified consensus
as ‘‘a gathering of individual evaluations around
a median response, with minimal divergence’’
and stability
or convergence is said to be reached when ‘‘it becomes apparent
that little, if any, further shifting of positions will occur’’
(p. 378).
Sampling
Commonly,
the minimum number for a Delphi panel is considered to be 10 with reduction
in error and improved reliability with increased group size. However,
Delbecq et al. (1975) maintained that few new ideas are generated in
a homogeneous group once the size exceeds 30 well-chosen participants.
For this study, 25 experts engaged in the study of science and its communication
were recruited, although the final sample
was 23 owing to attrition in Round 1. There was, however,
no further attrition in the group across the next two rounds, reflecting
the commitment of individuals to the
process.
In this context,
we chose to define experts as those with
acknowledged expertise in communicating, using, or researching the processes
and practices of science. The common element shared
by the group was an interest in communicating ideas about science in
their writing, teaching, or other work—all in essence having an
experience of acting as ‘‘knowledge intermediaries’’
(Irwin, 1995) between science and its publics. Thus, we sought views
from leading scientists (n = 5); historians, philosophers, and sociologists
of science (n = 5); science educators (n = 5); and those engaged in
the public understanding of science or science communication (n = 5).
Criteria used in selecting experts included for scientist were Fellowship
of the Royal Society, and for philosophers, sociologists, and science
educators, books and publications of international repute. For science
communicators it was a combination of publications of international
repute or the holding of an eminent post within the field. Initially
20 people were approached by letter,
and only 1 scientist and 1 science communicator declined. Two other
individuals were recruited to replace them.
In the case of teachers, the notion of expert is not commonly agreed
upon. The major value of their views was a sense not only of what was
important for children to learn, but also what might be pragmatically
attainable. Therefore, we recruited 5 teachers who had achieved some
public recognition for their work such as individuals who had won national
awards for the quality of their teaching or were authors of science
textbooks in widespread use in the United Kingdom. In the event, after
the first round, 1 teacher and 1 science communicator dropped out, leaving
a sample of 23 in total. As is standard
in all such Delphi studies, none of the participants was aware of the
identity the other participants.
Design
of the Delphi Study and data analysis
*
Round 1
The first
stage of the study, begun in January 20??, was an open-ended
brainstorming session. Opinions were sought about why, how and what
essential ideas about teaching socioscientific issue should be taught
in the school science curriculum through the use of an open-ended questionnaire
which asked:
-
What,
if anything, do you think should be taught about the methods of science?
-
What,
if anything, do you think should be taught about the nature of scientific
knowledge?
-
What,
if anything, do you think should be taught about the institutions
and social practices of science?
For each
response provided, participants were requested to give as clear a description
of each idea as possible; to indicate a particular context where they
thought a person might and the idea useful; and to state why such knowledge
would be important for an individual to know. This first round of the
Delphi study elicited extensive comments from most participants.
All these responses were coded reflexively and iteratively by
two members of the research team using a computer-based qualitative
data analysis package (NUDIST NVivo, QSR International Pty Ltd, Victoria,
Australia) until a reliability of >80% was obtained. Thirty themes
emerged from this analysis and a summary was composed for each emergent
theme, capturing the essence of participants’ statements. Discussion
among four members of the research team resulted in agreed categorization
of the responses and wording of theme summaries.
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Figure
1 shows a summary for one theme, The Tentative Nature of Scientific
Knowledge, and some of the justifications provided by the
participants. Early in the process, the decision was made to summarize
the themes using language of an academic nature which was understood
by the overwhelming majority of the participants. Such language
has the advantage of offering economy and precision of meaning
that was thought important for communicating ideas precisely with
a minimum of misnterpretation. However, we recognize that, as
currently articulated, the ideas embodied in the themes would
have to be unpacked and elaborated for a practitioner audience.
This process resulted in the production of 30 themes grouped under
three major categories: The Nature of Scientific Knowledge,
the Institutions and Social Practices of Science, and the Methods
of Science.
Table
1 shows the titles of the themes grouped under these heading and
the summary statements used in Round 3 to capture their
meaning using key phrases articulated by the Delphi panel.
It also shows the mean and modal ratings and the standard
deviations (SD) in Rounds 2 and 3. |
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Round 2

Figure
2. Nature of scientific knowledge: Revised version for Round 3
and participants’ comments from Round 2. |
The Round 2 questionnaire
presented the titles and summaries of the 30 themes, together
with representative anonymous comments obtained from individuals
in Round 1, an example of which is shown in Figure 1.
Participants
were requested to rate the importance of each theme to the compulsory
school science curriculum, as represented by the summary, on
a 5-point Likert scale, with a score of 5 representing
the highest degree of importance. In addition, they were then
asked to justify their rating and comment on how accurately
the title and wording of the theme reflected their understanding
of a specific feature of science. Participants were also invited
to comment and respond to the representative supporting statements.
Means, modes, and
standard deviations for each theme using the rating given on
the 5-point scale were calculated and are shown in Table 1.
A total of 8 themes had a mean
of >= 4, indicating at this early stage that they were viewed
by the panel as very important or important.
Of these 8 themes, 3 showed standard deviations of <1.0,
indicating a high level of consensus for these themes: Experimental
Methods and Critical Testing, The Tentative Nature of Scientific
Knowledge, and the Historical Development of Scientific Knowledge.
Many comments were
also made about the interrelated nature or similarities among
many of the themes. The outcome was a decision to merge three
pairs of themes, to split one theme and to modify the summary
statements of most themes to minimize overlap.
Figure 2 shows a
revised version of the theme presented in Figure 1.
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Round 3
For the third
and final round, we decided to reduce the number of themes for consideration
by the panel to only the most highly rated themes from Round 2. This
action was taken because research literature on the Delphi method suggests
that, in studies where participants were required to complete lengthy
and detailed questionnaires, responses
to questions toward the end of the questionnaire tend to be less fulsome
and informative (Judd, 1971). Therefore, the research
team was concerned that participant fatigue
would result if the complete set of 28 ideas-about-science were included
in Round 3 of the study, affecting the level of detail in responses
toward the end of the questionnaire. Thus, only the themes with a mean
rating of >3.6 and/or mode of 5 were used for the third round, reducing
the number of themes in this round to 18.
The final
questionnaire of the Delphi study, distributed in May 20??,
presented the titles, revised summaries, and representative anonymous
supporting statements from participants for the top rated 18 themes
from Round 2, together with the mean and standard deviation calculations
of the ratings for each theme. Participants
were requested to rate again each theme, based on the
premise that it should be taught explicitly, to
justify their rating, and to comment on ways in which
the wording of the summary might be improved to reflect the essence
of each idea-about-science. Mean scores and standard deviations were
again calculated using the 1–5 response categories and are shown
in Table 1 (themes for Round 2 of Delphi study, including ratings given
in Round 2) :
Design
and method
We will organise
delphi studies in order to put together different stakeholders such
as teachers, psychologists, engineers, doctors, representatives of industry
and so on, and fuse different voices, suggestions, values and ideologies
as a whole educational framework.
Methodic
Framework : Stepping stones should be based on various interest groups’
perspectives as well as available research literature. Hence, the project
will utilize both theoretical and empirical means to develop stepping
stones.
Task 1. Literature
Research about Learning and Teaching SSI
An extensive literature review will provide a theoretical basis (learning
goals, themes, effective teaching strategies, learning environments,
etc.) to develop stepping stones. The aim of this review is to reveal
what topics, themes, perspectives, learning goals, teaching methods,
materials are used and what best practices regarding contextualisation
of SSI into science education programmes exist. Further, this review
will contribute to the development of open-ended questions which will
be used in interviews with experts in the next stage.
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Example
questions:
- What are the main characteristics of a SSI like climate change,
GMO, stems cells, exoplanets,... ?
- What learning goals should we use for SSI education? (ask interviewee
to explain their ideas about goals)
- There are some frequently used teaching methods such as problem
based learning, learning cycle, etc. Do you think that these methods
can effectively be used for SSI education? What methods should be
used?
-What strategies for evaluating students do you imagine ? (knowledge,
values, competences, argumentation...)
- What posture could take teachers in facing controversial SSI? (balanced,
neutral, involved,etc)
Task 2. Delphi
Study - Round 1: Interviews with Experts
conduct semi-structured interviews with four expert groups such as science
teachers (2 persons), science educators (2 persons), scientists in SSI
(2 persons) and experts on science in society (2 persons) in their countries.
In selecting scientists, all of possible SSI will be listed. The queries
developed during the literature review stage will be used in these interviews.
Task 3. Development
of Questionnaires
The leaders will develop a questionnaire including close-ended items
based on Round 1 Delphi report.
Task 4. Delphi
Study Round 2: Administration of Questionnaires
The sample
would include policy makers, representatives of NGO’s, scientists,
members of youth organizations, representatives of industry, curriculum
developers, science educators, teachers and, students (9 categories,
5 persons for each category).
Task 5. Global
Delphi Report and Learning Theoritical Framework (LTF) for
Teaching SSI
National Delphi Round 2 reports would be discussed on current situation
of SSI education. This approach would lead to develop a "LTF for
teaching SSI".
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