Teaching About Evolution
and the Nature of Science
What
ideas about evolution should be taught ?
For a Multicultural Science Education
Benoît
Urgelli
last
up-date :
20-Oct-2021
[...]
the fortunes of a nation rest on the ability of its citizens to understand
and use information about the world around them.[...]
Our future demands a citizenry able to use many of the same skills
that scientists use in their work : close observation, careful reasoning,
and creative thinking based on what is known about the world. (NAS,
1998, Preface)
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L'enseignement
de l'évolution en Turquie
L'étude
de cette question vive permet de mettre en évidence les
mouvements de sécularisation et de désécularisation
de l'enseignement des sciences, accompagnés de campagnes
de propagande créationniste, sur le territoire français
également depuis les années 2006. Ces campagnes s'inspirent
de l’évolution du créationnisme qui s'est développé
au-delà de l’Atlantique : les fondations religieuses musulmanes
et coraniques turques trouvent dans les doctrines enseignées et
diffusées aux États-Unis, un appui intéressant.
Dernière
épisode, au mois de juin 2017, avec le retrait par le ministre
turc du chapitre sur l'enseignement de l'évolution de la classe
de biologie de 3eme, considéré comme une question controversée,
débattue et trop compliquée pour les étudiants. Il
annonce également le retrait de l'étude des travaux historiques
du fondateur de la laïcité en Turquie Mustafa
Kemal Ataturk, fondateur et premier président de la République
de Turquie de 1923 à 1938, au profit de l'augmentation des heures
d'enseignement de la religion. Cet épisode politique est également
accompagné d'un mouverment de propagande créationniste lancée
à nouveau par le turc Harun Yahya. Pour Ambrosio
(2017) son aspiration à une diffusion au-delà
des frontières de la Turquie s’appuie sur un sentiment commun
d’émerveillement devant le « mystère »
de la création. Sur cette stupeur, il fonde son enseignement du
créationnisme en pur style américain. Diffuser, enseigner,
propager ces idées, aujourd’hui, peut signifier affaiblir
le sens d’une rationalité scientifique qui semble gouverner
le monde ; [...] son enseignement est fondé à la
fois sur la théorie du complot et sur un créationnisme extrême
[...] Une fois
la rationalité scientifique mise ainsi en question,
l’entrée en matière religieuse est simple à
promouvoir. Cependant, nous sommes loin d’avoir un monde divisé
entre religion et laïcité, entre foi et sécularisation,
d’un coté comme de l’autre de l’Atlantique.
- Ambrosio,
A. F. (2017). Créationnisme
et évolutionnisme en Turquie. The conversation,
9 janvier 2017.
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P. (2011). La
Turquie s’attaque de nouveau à Darwin. Blog Passeur
de Science, Le Monde, 23 décembre 2011.
- Turkish
schools to stop teaching evolution, official says. The Guardian du
vendredi 23 juin 2017.
- Turquie
: La théorie de l'évolution ne sera plus enseignée,
Café pédagogique du 26 juin 2017.
|
1.
L''affaire de l'Atlas
de la Création (février 2007) à travers
l'analyse du traitement médiatique dans la presse écrite.
2. L'affaire
des fascicules créationnistes distribués dans la rue
et à proximité de plusieurs établissements
scolaires de Saint-Tropez, Toulon et Six Fours, dans le Var (octobre
2017) :
- Des
livres obscurantistes distribués dans des boîtes aux
lettres du Var, Var-Matin, 09 octobre 2017.
- Distribution
de livres obscurantistes aussi dans l'Est-Var. Var-Matin, 11
octobre 2017.
- Des livres obscurantistes distribués à des collégiens,
les parents choqués.
Var-Matin, 11 octobre 2017.
- Var:
Le livre d'un créationniste musulman distribué devant
plusieurs collèges, 20 minutes, 11 octobre 2017.
- Des
fascicules créationnistes musulmans distribués à
la sortie de collèges du Var, La Croix, 12 octobre
2017.
- Des
livres créationnistes distribués dans le Sud de la
France. Edito de France Inter du jeudi 12 octobre 2017.
- Note de l'Inspection
académique du Var sur cette affaire. |

Harun Yahya a
diffusé sur son Facebook, en date du 8 octobre 2017, la photo
de deux diffuseurs de fascicules, posant devant le tribunal de Toulon

Public acceptance
of evolution
(Miller
& al., 2006)
|
Différentes
formes de créationnisme et le créationnisme turc
Selon
Ambrosio (2017), le créationnisme
est apparu après la seconde guerre mondiale, jusqu'à devenir
une théorie scientifique exclue par la suite de l'enseignement
public. Il s'est alors recyclé dans la théorie de l'Intelligent
Design, arrivé en Turquie dans les années 1980, et qui
commence à apparaître dans les manuels scolaires turcs,
notamment parce que les hommes politiques de l’époque étaient
préoccupés parce qu’ils estimaient que l’on
donnait trop d’importance à l’évolutionnisme
et au darwinisme.
Le
coup d’État de 1997 qui renversa Erbakan, tenta de rétablir
la prééminence laïque dans un certain nombre de domaines,
y compris l’enseignement public. Mais la doctrine du créationnisme
se diffusa, en particulier, grâce à un « savant musulman
», Adnan Oktar, né en 1956 à Ankara. Il construira
autour de cette théorie et de sa personne un mouvement digne
d’être remarqué. En 2010 le Royal Islamic Strategic
Studies Center en Jordanie mentionnera Oktar parmi les 500 personnalités
musulmanes les plus marquantes d’aujourd’hui. Harun Yayhya
est d’une certaine manière le symbole de l’alliance
entre religion et doctrine pseudoscientifique. Le nationalisme poussé
sous-jacent à son enseignement pourrait expliquer l’antidarwinisme,
en Turquie. D’autant que Darwin
a bel et bien, dans un écrit en 1881, dénigré le
peuple turc.
"I
could show fight on natural selection having done and doing more for
the progress of civilization than you seem inclined to admit,"
Darwin wrote to William Graham in 1881. "The more civilized so-called
Caucasian races have beaten the Turkish all hollow in the straggle for
existence. Looking to the world at no very distant date, what an endless
number of the lower races will have been eliminated by the higher civilized
races throughout the world." For Darwin natural selection, aided
and abetted by the inherited effects of mental and moral training, had
become the guarantor of human progress, the hope of mankind.
Selon
Lecointre (2006, 2009), il existe différentes
formes de créationnisme allant de la négation de la science
à son enrolement au service d'une preuve de la création.
On peut se référer également à la catégorisation
des courants créationnistes de
Scott (2004),
selon le degré de lecture littérale des textes bibliques.
Le
point de convergence de toutes ces mouvements créationnistes
est l'opposition au modèle darwinien.
L’illustration
provient du livre de Scott (2004,
p.57)
Cette
présentation des différentes façons de
comprendre la vie sur Terre, omet une autre vision : un
créationnisme technologique, défendu
en particulier par les raëliens et fondé, lui, sur
une interprétation évhémériste du
livre de la Genèse. Dans cette perspective, la vie terrestre
est le résultat d’une création scientifique,
en laboratoire, par des êtres extra-terrestres. La plupart
des données de la science sont admises, excepté
celles relatives à l’évolution des espèces,
celles-ci étant le résultat de clonages et de
transgénèses réalisés par les scientifiques
extra-terrestres. Les récits bibliques sont interprétés
dans une perspective technologique : régulièrement,
les savants extra-terrestres créateurs de la vie sur
Terre sont intervenus et ont favorisé l’apparition
et le développement de la culture au sein de l’espèce
humaine.
|
|
Dans
son ouvrage Evolution vs. creationism : An introduction
(University of California Press, 2004) – ), Eugenie C. Scott,
directrice du National Center for Science Education, propose une
répartition continue des positions entre créationnisme
et évolution (Le
Vigouroux, P (2008). De la création à l’évolution.
SPS n° 281, avril 2008). Dans
le continuum entre la croyance en la création et l’acceptation
de l’évolution du vivant, les partisans
de l’INTELLIGENT DESIGN peuvent adhérer
à l’une ou l’autre de ces différentes
versions du créationnisme.
Au
degré le plus fondamentaliste de lecture du livre de la
Genèse, on trouve les partisans d’une Terre plate
(FLAT EARTHERISM) puis ceux du GEOCENTRISME
(en France, l'association CESHE défend cette position).
Puis, pouvant accepter l’héliocentrisme, on rencontre
les créationnistes de la Terre jeune (YOUNG EARTH
CREATIONISM) : ils défendent le récit d'une
création divine de l’Univers, de la Terre puis, lors
d’un acte unique, des êtres vivants, en 6 jours, selon
le récit de la Genèse. Pour eux, la Terre n’a
que 6 000 à 10 000 ans et les êtres vivants ont été
créés tels qu’ils existent aujourd’hui.
Les hommes, les dinosaures et tous les êtres vivants ont
toujours vécu en même temps, jusqu’à
ce que certains disparaissent. C’est la position d’un
organisme américain, l’Institute for Creation Research
(ICR), qui rejette les données actuelles de l’astrophysique,
de la géologie et de la biologie. En France, le CEP, issu
du CESHE, défend aussi cette position.
Viennent
ensuite, avec un degré moins littéral de lecture
de la Genèse et acceptant l’essentiel des résultats
de la physique et de la géologie, les créationnistes
de la Terre âgée. Depuis le XIXe siècle, ce
créationnisme s’est décliné en plusieurs
versions.
L’une d’entre-elles suppose, entre les versets 1 et
2 de la Genèse, l’existence d’une période
pré-adamique disparue, dont il ne reste plus de trace,
un « gap », avant une re-création en six jours
comme l’indique la Genèse (GAP CREATIONISM).
Une seconde version interprète
les journées de la création comme des périodes
longues, d’une durée supérieure à 24
heures (DAY-AGE CREATIONISM). Cette version est cohérente
globalement avec les données géologiques et l’origine
des fossiles, même si dans le détail, les données
paléontologiques ne correspondent pas, dans leur chronologie,
au récit biblique. Les Témoins de Jéhovah
se rattachent à cette version du créationnisme de
la Terre âgée. Le fondamentaliste
musulman Harun Yahya s’inscrit aussi dans cette interprétation
: il reconnaît l’existence des fossiles, qui, selon
lui, ne présenteraient aucune différence avec les
espèces actuelles. Une
autre interprétation de la Genèse (PROGRESSIVE
CREATIONISM), supposent que les êtres vivants ont
été créés à plusieurs reprises,
successivement au cours du temps. Les adeptes de cette version
n’accordent aucune crédibilité aux données
biologiques concernant l’évolution et la formation
des espèces. Il existe enfin une version évolutionniste
du créationnisme (EVOLUTIONARY CREATIONISM)
dans laquelle l'intervention divine se retrouve dans tous les
instants dans l’évolution de la vie : c’est
un point de vue que l’on rencontre dans les milieux évangélistes
les plus conservateurs.
Les
EVOLUTIONNISTES THEISTES acceptent toutes les
données de la science, tant dans les domaines de la physique,
de la chimie, de la géologie que dans celui des sciences
du vivant. Dieu intervient sur l’évolution du vivant
à travers les lois de la nature qu’il a créées.
C’est une position défendue par la plupart des protestants
et par l’Église Catholique. voir Jean-Paul
II (1996), déclaration du Vatican, le 22 octobre
1996, aux membres de l'Académie Pontificale des sciences
, à l’occasion de l’Assemblée plénière
Réflexion sur la science à l’aube du troisième
millénaire - Thème : l’origine de la vie et
l’évolution.
D’autres
EVOLUTIONNISTES AGNOSTIQUES n’accordent
aucune importance à la question de savoir si un dieu intervient
et comment il interviendrait. Pour eux, les lois de la nature
sont telles qu’elles permettent au monde d’être
ce qu’il est aujourd’hui. Enfin, la dernière
catégorie d’évolutionnistes regroupe ceux
qui sont non-croyants : ils sont rattachés au MATERALISME
philosophique, tel le biologiste Richard Dawkins. Les présupposés
matérialistes sont une des accusations adressées
par les antiévolutionnistes aux scientifiques évolutionnistes
: or, si tous les évolutionnistes ont une démarche
scientifique matérialiste (matérialisme méthodologique)
tous, cependant, n’ont pas une approche philosophique matérialiste
(on parle alors de matérialisme ontologique).
|
Les
difficultés liées à l'enseignement de l'évolution
Dans une
revue de littérature concernant les difficultés liées
à l'enseignement de l'évolution (réalisée
dans Aster, Didaskalia, International Journal of Science Education
et Science and Education), Aroua, S.,
Coquidé, M. & Abbes, S. (2012) identifient deux difficultés
majeures dans l'enseignement scientifique de l'évolution : la
conceptualisation du modèle de l'évolution avec la place
du hasard, de la varialibilité, de la contingence et de la sélection
naturelle et l'existence de facteurs socioculturelles multiples qui
rend difficile l'acceptation et la comprehénsion de l'argumentation
scientifique. L'évolution est donc
une question socialement vive. Comme toute question
socialement vive, elle interroge les modèles d'éducation
et de communication scientifiques (Urgelli, 2012
; 2014), car elle mobilise une diversité de représentations
des sciences, des croyances et de leurs places en société,
mais aussi des publics scolaires et des finalités éducatives
d'un enseignement de sciences et des faits religieux.
L'évolution
: une question scientifique contre les opinions religieuses ?
Selon l'épistémologie
de Bachelard (1938), la
science se construit contre l'opinion et procède donc par rupture.
Enseigner l'évolution revient donc à éliminer des
propositions métaphysiques qui ne peuvent se déduire de
faits par un procédé logique légitime (Stengers,
1993, p.35). Pour Gould (1999),
science et religion rejoignent deux préoccupations différentes.
Elles ne se posent par les mêmes questions, et de ce fait, il
faut procéder à une séparation nette entre les
deux visées, par le NOMA : la science s'efforce de rendre compte
des faits du monde naturel et de construire des théories pour
les relier et les expliquer ; la religion s'occupe d'une autre domaine,
celui de nos buts et de nos valeurs. Pour cause de divergences argumentatives,
on ne peut donc aboutir à un compromis entre science et religion.
Wolfs (2013) montre que les rapports entre
sciences et réligions, au cours de l'histoire antique, médiévale
et moderne, ont été plus complexes, avec des tentatives
de rejet ou de conciliation entre raison scientifique et raison religieuse
(Avon et Pelletier, 2016).
Exclusive
or balanced treatment in Science education ?
Dans certains
contextes socioculturels (aux Etats Unis, dans certains pays musulmans
ou européens), les populations revendiquent un enseignement équitable
de l'évolution, du créationnisme et/ou du dessein intelligent
(balanced treatment). Dans les années 1990,
on
est passé d'une volonté d'interdire l'enseignement de
l'évolution dans les écoles publiques américaines
à celle plus récente d'introduire dans les programmes
scolaires une "science de la création" ayant une valeur
scientifique équivalente à celle de l'évolution.
C'est dans ce contexte qu'en 2005, le procès de Dover jugera
l'Intelligent Design comme non scientifique et véhiculant un
discours anti-constitutionnel.
En Turquie,
un mouvement anti-évolutionniste influence la politique, l'opinion
publique et les pratiques éducatives. Dans les manuels scolaires,
évolution et création sont mis sur le même plan.
En 2006 et 2007, les tentatives de déplacement de ce mouvement
vers l'Europe a suscité l'inquiétude. Le conseil européen
a demandé de s'opposer à l'enseignement du créationnisme
en tant que discipline scientifique. Si dans certains contextes, ces
campagnes créationnistes médiatisées peuvent entretenir
une confusion et des tensions à propos de l'enseignement de l'évolution,
dans les sociétés laïques où Etat et religion
sont séparés, elles semblent politiquement contenues (Secularism
as a social protection against creationnism ?, Urgelli,
MEI n°38, 2014 ; Picq, 2007).
Sans
opposition entre science et religion, dans certaines sociétés
musulmanes, des formes de concordisme s'affirment,
la science ne faisant que retrouver et illustrer les vérités
citées dans le Coran. La possibilité d'extrapoler une
explication scientifique au domaine théologique est possible
et réciproquement.
Enfin, dans
d'autres états, les pouvoirs politiques militent pour un enseignement
exclusif, soit de l'évolution (dans la majorité
des etats européens), soit du créationnisme (comme en
Italie, Liban, Irak, Turquie, Arabie Saoudite).
Pour
les étudiants, des difficultés didactiques et des attitudes
diverses...
En
fonction des contextes socioculturels, l'enseignement de l'évolution
peut suciter des difficultés chez les étudiants, entre
acceptation, hésitation ou encore rejet de l'évolution.
Ces deux dernières tendances peuvent résulter d'un scepticisme
envers les preuves scientifiques, et elles peuvent également
être mises en relation avec le degré de croyance religieuse.
Plusieurs auteurs considèrent que ces difficultés, et
les tensions entre science et croyance, pourraient être surmontées
par une meilleure compréhension de la nature des sciences et
des limites des modèles scientifiques (Lecointre,
2009 ; Rumelhard, 2007), puisqu'il existerait une correlation
forte entre acceptation de l'évolution et compréhension
de la nature des sciences (modèle du déficit
de Irwin et Wynne, 1996). Dans le milieu
de l'édcuation et de la communication scientifique, de nombreux
dispositifs ont été ainsi expérimentés pour
favoriser le développement de la compréhension de la nature
des sciences de l'évolution.
La
solution : développer l'enseignement
de la nature des sciences ?...
Autour
de la question de l'origine des espèces et de la biodiversité,
les stratégies
didactiques qui s'orientent vers l'intégration de la
nature des sciences dans l'enseignement de l'évolution
doivent permettre aux élèves de repérer la différence
entre le registre des sciences et celui des croyances. Il s'agirait
donc d'intégrer à l'enseignement de l'évolution
des réflexions épistémologiques sur les caractéristiques
de l'entreprise scientifique et les spécificités méthodiques
de la biologie évolutionniste.
Pour cela,
certains chercheurs
(Aroua, 2006) recommandent la mise
en place de débats interactifs entre des petits groupes
d'élèves, les invitant à discuter, argumenter et
justifier au sujet des différences entre sciences et croyances.
Le corpus didactique, accompagné de questions, est constitué
de textes historiques et de textes contemporains de controverses, à
comparer, et de travaux de recherche scientifique relatifs à
la biodiversité. Cette stratégie permettrait aux étudiants
de prendre conscience de la spécificité des explications
et des argumentations relatives à la diversité du vivant,
et de caractériser ce qui distingue le référentiel
scientifique (démarche empirique, de validation scientifique,
et probabiliste) des autres référentiels socioculturels.
...
des résultats mitigés...
Dans cette
stratégie, comme dans d'autres, les résultats sont souvent
les mêmes : les étudiants arrivent à distinguer
les registres scientifiques et théologiques, à identifier
l'écart entre leurs conceptions et celles des scientifiques,
tout en exprimant leur attachement à une conviction religieuse.
On constate également que, quelque soit la stratégie adoptée,
les croyances persistent et l'enseignement de la nature des
sciences n'a pas d'influence sur les étudiants qui initialement
étaient strictement évolutionnistes ou créationnistes
(Simonneaux, 2005, Cahiers pédagogiques
n°434, p.15). Des changements d'attitudes se manifestent chez les
étudiants indécis au départ. A noter que les étudiants
créationnistes réussissent parfaitement les évaluations
portant sur la théorie de l'évolution, manifestant ainsi
une capacité d'adaptation de leur discours au contexte éducatif
et à la demande sociale. Les deux registres peuvent donc coexister
(Hildering et al., 2012), notamment dans
le cadre d'une forme d'adhésion instrumentale à
la théorie de l'évolution (Hrairi
et Coquidé, 2002). Un
enseignement complémentaire sur la nature des sciences aiderait
donc les étudiants indécis à devenir moins sceptiques
qu'en à l'acceptation de la théorie scientifique de l'évolution,
tout en gardant la possibilité de réfléchir à
leur conviction spirituelle.
A noter que
dans certaines stratégies, en classe de science, seule la nature
des sciences est en général explicitement traitée
et pas la tension entre science et croyance. Pourtant l'enseignement
de la nature des sciences semble plus fructueux si, dans le cas de l'évolution,
la distinction entre science et croyance est abordée explicitement.
En effet, Khourey-Bowers (2006) a constaté
que les étudiants ayant reçu un enseignement de type NOS
explicitant la distinction entre science et croyance, penchaient vers
une relation d'indépendance entre science et religion et se regroupaient
autour de l'idée d'enseigner uniquement les sciences en classe
de science, tout en respectant les autres visions du monde (cf Picq,
2007 qui défend également cette stratégie).
Il existe donc un point d'acchoppement à l'introduction d'une
distinction entre science et croyance en classe de science, comme le
révèle également les stratégies adoptées
par les enseignants.
|
Relationship
between religion and science
Barbour
(2000) a proposé une typologie de 4 relations entre
sciences et religions : conflit, indépendance, dialogue
et intégration. L'approche historique de Wolfs
(2013) permet de distinguer également des des tentatives
d'évitement, de rejet ou de concordismes des magistères
des sciences et des religions.
The
center third of "Education" (1890), a stained glass
window by Louis Comfort Tiffany and Tiffany Studios, located in
Linsly-Chittenden Hall at Yale University.
It
depicts Science (personified by Devotion, Labor, Truth,
Research and Intuition) and Religion (personified
by Purity, Faith, Hope, Reverence and Inspiration) in
harmony, presided over by the central personification of "Light·Love·Life". |
Le
constat d'une diversité de postures éducatives face à
la controverse science/croyance
Hildebrand
et al. (2008), en se référant aux
études de représentations de
Bilica K. & Skoog, G. (2004) construites
à partir des réponses de 189 enseignants de biologie de
l'Ohio, et en
utilisant
le triangle pédagogique de Schwab (1973, 1983), distingue
4 types d'approches dans le traitement de la question de l'évolution
:
5
Different pedagogical approaches for teaching evolution in the
classroom |
Omettre
d'enseigner l'évolution
Quand
la gestion de la classe l'emporte sur la culture scientifique
control behavior by altering content
teachers
can avoid introducing controversy into the classroom if they
omit evolution from their biology curriculum; leave evolution
until the end of the year, when time may limit students’
exposure; or teach only the non controversial topics within
evolution, thus avoiding the potential conflict
that may arise by teaching about human evolution or origins
of life. In the short-term, avoidant strategies effectively
deflect conflict because the teacher carefully controls the
content that is permitted into the curriculum; however, according
to a pragmatic examination of this strategy, it does not meet
the educational aim to prepare students for participation in
a democratic society. By avoiding particular topics, especially
topics that are as fundamental to understanding science, the
teacher has controlled a student’s exposure to controversy
for now, but not for the future.
[...]
the avoidant approach is possibly the most detrimental, as it
denies a student the opportunity to learn science,
not by their own choice, but by the choice of the teacher.
[...]
If the teacher made a choice to avoid evolution because of personal
beliefs—that evolution is against the teacher’s
personal religious beliefs—then this would be an illegal
act. If the decision was based on a rationale that by avoiding
evolution, the teacher consequently avoids conflict, the teacher
permitted classroom management to trump science literacy.
|
|
Dogmatisme
scientifique (dogmatic approach)
control ideas by advancing a narrowly
defined conception of truth
In
a dogmatic-corrosive classroom, teachers will tend to teach
evolution as ‘‘absolute truth,’’ regardless
of the possibility that some students may perceive scientific
truth as existing in opposition to their personal religious
truth. Teachers who employ dogmatic-corrosive methods will not
just avoid controversy, as with the avoidant approach, but will
deny the existence of controversy entirely.
[...]
has the unfortunate effect of polarizing a classroom and degrading
the student–teacher relationship. Dogmatic teachers can
become targets of conflict related to controversial issue
Passive
approach : You
don’t have to ‘‘believe’’ evolution
it
corrodes the student–subject matter relationship. When
teachers tell students that they ‘‘have to know
evolution but don’t have to believe it,’’
they have, inadvertently or not, reduced the role of biological
evolution from a central, unifying theme and cornerstone of
biology to a sound-bite of non-essential information to store
away. This passive-corrosive approach implies to students that
science is an unsound way to inquire into the natural world.
[...]
the goal of science education is scientific understanding, not
belief.
|
‘‘teach
about controversy’’ and proactive approach
: both encourage a strong focus upon NOS as integral to science
learning.
The two approach types diverge, though, in what counts as exclusion
criteria :
- The
study of personal, non-scientific beliefs is acceptable, even
encouraged, in the ‘‘teach about controversy’’
approach;
- The
proactive approach described here would highlight science and
its limitations by positioning science as one among many ways
of knowing, but special in its ability to know the natural world.
|
Teaching
about controversy
a student-centered risky approach
?
(impartialité et neutralité)
This
approach is research-derived and intended to engage students
in an exploration of their personal feelings, thoughts, and
beliefs in relationship to the controversy associated with
biological evolution.
[...]
students respond to questions such as:
-
Consider
what you have read or been taught about evolution and summarize
your understanding.
-
Are you personally aware of any explanation(s) that may differ
with evolution
theory in interpreting the present diversity that we see in
nature?
-
Is there anything about evolution theory that causes you personal
concern?
[...]
gives students the chance to voice their opinions on the matter;
however, this approach has a strong potential to backfire on good
instructional intentions. By taking classroom time to introduce
non-scientific ideas into the science classroom, such as would
likely be the case with the questions presented above, the teacher
has created an environment where science and non-science ideas
are placed into a form of competition [...] The typical science
classroom is full of restrictions - lack of time, too much content,
increasing testing pressures - and does not offer sufficient opportunity
to explore, compare, and come to understand the deep meaningfulness
of the controversy.
[...]
One potential positive outcome of a short-term unit on controversy
and evolution may be that students will be engaged and motivated
and may remember the lesson later in life.
[...]
The net effect of a ‘‘teach about controversy’’
approach could be what we currently see in contemporary society—a
dichotomization of science and religion. Debates and lessons intended
to ‘‘teach about controversy’’ may perpetuate
conflict between these two domains of knowing. [...] But creationism
could no longer be presented as a viable scientific explanation
for life’s origins in public classrooms [...]
A
‘‘teach about controversy’’ approach,
while seemingly a student-centered choice, could perpetuate student
misconceptions and even lead to situations in which a teacher’s
professional credentials are questioned. |
|
Une
approche proactive
(impartialité engagée)
promoted
by professional organizations in science and science education
(AAAS
1990, 1993; NRC 1996; NSTA 2003)
[...]
teacher is aware and acknowledges the social controversy as
part of the curricular and instructional planning, but does
not actually teach the controversy as part of the classroom
experience. Instead, the teacher purposefully designs the curriculum
so that it places a special focus upon the special qualities
of science, not in opposition to other ways of knowing, but
in a manner that helps students to discern scientific and non-scientific
methods of inquiry and questioning. The proactive approach encourages
an ongoing, long-term distinguishing between natural and supernatural
explanations. The goal is to help students to understand science
by studying what makes science unique as a field of research.
It does not advocate any exploration of nonscientific
ideas beyond highlighting the fact that there are many ways
of knowing, but that science is the way that we study
the natural world. This approach is in close alignment
with the NOS recommendations for improved science literacy (Abd-El-Khalick
and Lederman 2000).
[...]
the teacher will also encourage students to identify the types
of questions that can be answered by science, thus distinguishing
science from other ways of knowing
[...]
A proactive approach does not deny the value, import, or usefulness
of other ways to explore the world (philosophically, theologically,
aesthetically, historically), but it does assist the
student to develop an appreciation for all types of knowing.
|
En
France, le rapport Obin (2004) précise que la variété
des réactions des professeurs dénote à la fois
une détermination sans doute inégale, des expériences
différentes et la place, plus ou moins claire ou confuse, où
ils situent leur enseignement - et plus largement la science - par rapport
aux conceptions religieuses. Rapport
Jean-Pierre Obin – MEN - Juin 2004.
-
L’autocensure existe aussi dans cette discipline
(SVT), elle concerne notamment la reproduction, que des enseignants
nous ont avoué ne plus aborder avec les classes difficiles.
-
[…] d’autres professeurs nous ont parus solidement assurés
face aux tentatives de certains élèves de les entraîner
sur le terrain religieux. Ils répondent aux contestataires
que la religion n’étant pas leur domaine, ils n’ont
rien à en dire, que l’établissement de la vérité
scientifique n’est jamais révélée ou imposée,
qu’elle est le résultat de la démarche expérimentale
et que c’est précisément l’un des objets
de l’enseignement des SVT.
-
[…] d’autres enseignants semblent désemparés
par l’attitude des élèves et l’opposition
dans laquelle ils placent la religion et la science. Combien de jeunes
enseignants notamment nous ont déclaré, candidement
là encore, promouvoir ou se réfugier dans un
relativisme qui leur paraît juste, ou simplement efficace
puisqu’il semble satisfaire les élèves, en présentant
la science comme une croyance parmi d’autres (« une hypothèse
parmi d’autres », nous dit ce professeur), celle de l’école,
ou du professeur, face à celle de la religion, ou des élèves
; entre Adam et Darwin, à chacun de choisir en quelque sorte.
Cette dérive n’est pas sans rappeler celle qui, par ailleurs,
présente la laïcité comme une option spirituelle
parmi d’autres.
Hermann
(2008),
reprenant Reiss (1992),
distingue quant à lui 4 approches de prise en charge didactique
la controverse au sujet de l'évolution, qui s'apparente à
celle identifiés par Kelly, en 1986.
Il précise dans Hermann (2013) : Advocacy occurs
when the teacher argues for the position he or she holds. Affirmative
neutrality occurs when the teacher presents multiple sides
of the controversy without revealing which side he or she supports.
Procedural neutrality occurs when information about
the controversy and different points of view are elicited from students
and from resource material [...] the procedural neutrality
approach may help students understand how they can maintain their religious
beliefs while developing a stronger understanding of the scientific
evidence for evolution.
Evitement
de la controverse
(exclusive neutrality, selon Kelly,
1986)
L'enseignant
omet l'enseignement de la controverse, pour minimiser les problèmes
de maintien de la discipline, pour pallier à un deficit
de formation, etc..
|
Advocacy
(parti pris)
(exclusive partiality, selon Kelly,
1986)
L'enseignant
soutient l'évolution, sans offrir aux élèves
l'occasion de discuter la controverse. L'évolution est
présentée comme une explication bien établie
dans le milieu scientifique. Elle n'est mis en lien ni avec
les autres alternatives, ni avec les controverses dont elle
peut faire l'objet.
|
Affirmative
neutrality
(impartial neutrality, selon Kelly,
1986)
l'enseignant
présente les multiples facettes de la controverse, sans
mettre l'accent sur la facette qu'il soutient. C'est une posture
idéale, et donc quasi inexistante, dans la mesure où
les enseignants ont toujours un parti pris.
|
Procedural
neutrality (neutralité procédurale)
(impartial involvement, selon Kelly,
1986)
L'enseignant
amène les étudiants à discuter les différents
points de vue et à les explorer. On reconnait l'existence
de tensions dans certains contextes, tout en faciliant la compréhension
des dimensions scientifiques.
|
Voir
aussi : Hermann, R.S. (2013).
On the Legal Issues of Teaching Evolution in Public Schools. The
American Biology Teacher, 75(8), 539–543.
les résultats de l'enquête de Quentin (2016), in Urgelli
et al., 2018 et Urgelli, 2022, et les travaux de Fortin
(2014).
les travaux du groupe de recherche Face
à la controverse : enjeux et stratégies. L’enseignement
des sujets controversés dans le cadre de l’éducation
à la citoyenneté démocratique et aux droits de
l’homme (ECD/EDH). Kit pédagogique à l’intention
des enseignants, Projet
pilote 2014 de l'Union européenne. p. 65-70, à
partir des travaux de Stradling et al. (1984); synthése
ici
L'existence
de cette diversité de postures révèle
probablement une controverse interne à la communauté
éducative concernant les enjeux de l'enseignement scientifique.
Cette controverse est liée à diverses considérations
sociales, poltiques, religieuses, pédagogiques, mais plus précisément,
d'après Urgelli (2009), à
une diversité de représentations des sciences, des enjeux
de l'éducation et des publics scolaires. Pour la résoudre,
un débat entre professionnels de la communauté éducative
semble nécessaire.
Les
postures, reflet des différentes logiques d'engagement ?
Pour
Ledrapier (2011), la combinaison de trois
grands facteurs conduit chaque enseignant de l’école
maternelle à une pratique globale qui est la sienne dans la conduite
d'activités scientifiques : sa conception de l’apprentissage
pour des élèves de maternelle, les priorités qu’il
pense devoir donner à son enseignement (logique éducative
spécifique à la maternelle) et sa représentation
des sciences et de leur enseignement-apprentissage. En
mettant en regard ce que la recherche a montré comme des «
possibles » pour une éducation scientifique à cet
âge et les pratiques réelles, C. Ledrapier ne peut que
constater que celles-ci restent très en retrait, ce qui renvoie,
selon elle, à la question de la formation de ces enseignants,
maos probablement aussi, selon moi, à leurs représentations
des capacités d'apprentissage des plus jeunes et de ce que faire
des sciences veut dire (la nature des sciences finalement).
Dans
mon étude sur les logiques d'engagement de huit enseignants de
lycée dans l'éducation au développement durable
(Urgelli,
2009),
je retrouve les facteurs d'engagement décrits par Ledrapier,
intereliés, mais avec une différence due à la prise
en compte des convictions personnelles de l'enseignant sur la question
scientifique traitée (ici les questions de santé et d'environnement).
Lorsque la question traitée est socialement vive (Sadler
et al. 2006), je constate que les croyances personnelles sont
actantes dans les logiques d'engagement de l'enseignant, au delà
des connaissances scientifiques, par exemple dans les pratiques d'éducation
au développement durable.
|
A
l'école maternelle
Ledrapier (2011) |
Au
lycée
Urgelli (2009) |
Facteurs
d'engagement des enseignants
dans une éducation scientifique citoyenne
Logiques d'engagement
selon Ledrapier (2011) et Urgelli (2009)
|
sa
conception de l’apprentissage |
ses
représentations des effets des discours scolaires
et médiatiques sur les publics
(communication et réception) |
sa
logique éducative |
ses représentations de la mission éducative |
sa
représentation des sciences
et de leur enseignement-apprentissage |
ses
représentations de la nature des sciences |
- - - |
ses
représentations de la responsabilité de l'homme
dans l'évolution du monde
(personal beliefs, Gray
et Bryce, 2006) |
Dans
ma thèse, c'est une approche
sociodidactique (ou didactique et communicationnelle) qui m'a permis
d'identifier et d'articuler l'ensemble de ces facteurs, pour tenter
de modéliser les postures éducatives
face à une question socialement vive (Urgelli,
2014) et de les relier à 3 modèles de communication
scientifique définies par Trench (2008)
:

Dans
les logiques d'engagement et les postures associées, les
croyances personnelles interviennent
dans les représentations de la question socialement vive mais
également dans la vision des effets de la communication, de la
nature des sciences, des enjeux de l'éducation et de la formation.
Ces représentations et ces croyances orientent les pratiques,
qui, à leur tour, impactent les croyances.
|
Pour
reprendre Gray et Bryce (2006,
p.186) : because beliefs play a central role in organizing
knowledge and defining behaviour [...] because beliefs and knowledge
are closely interwoven [...] because they provide a filter through
which knowledge are interpreted and subsequently integrated into
the conceptual frame-works [...] We can no longer accept that
science education is treated as if it is only a body of facts
or formulae to be delivered, or even artificially discovered through
laboratory-based practical experiments and experiences. This awareness
[…] requires greater emphasis on discussion and appreciation
of values, risks and uncertainties in relation to those aspects
of science which have the greatest potential impact on society,
culture and environment. School science must reflect modern thinking
about nature of science and it should give young people confidence
to engage in political debate about socioscientific issue and
related ethical reasoning.
|
Selon
Forissier et Clément (2003), en
contexte de formation, les enseignants, lorsqu’ils ont en
charge l’éducation à l’environnement pour
une développement durable gagneront à devenir conscient
de leurs propres valeurs, afin de ne pas en être prisonnier, de
ne pas les imposer à leur insu et de mieux comprendre celles
des élèves auxquels ils s’adressent.
Débattre
d'une éthique enseignante pour le traitement de controverses
socioscientifiques...
En France,
force est de constater que les structures institutionnelles n'existent
pas pour résoudre ce genre de controverse
portant sur les postures éducatives. Pourtant des mécanismes
d'échanges et de débats dans la communauté enseignante
permettrait de définir une éthique minimaliste
(Prairat, 2009 et 2021) face à cette
controverse.
Extrait
de Prairat (2021) : “L’idée
de minimalisme moral ou d’éthique minimale est liée,
dans les débats francophones, au nom de Ruwen Ogien[3] et à
son ouvrage L’éthique aujourd’hui, qui a connu un
grand retentissement lors de sa parution, même si son auteur avait
déjà eu l’occasion de défendre cette thèse[4].
Le minimalisme moral se caractérise par deux principes. Tout
d’abord, c’est une option qui évite de juger d’un
point de vue moral tout ce qui dans nos façons de vivre ne concerne
que nous-mêmes (Ogien, 2007, p. 197). L’attention toute
légitime que l’on peut porter à sa propre personne
dans le souci de se préserver ne relève pas de la morale,
mais de la prudence (Ogien, 2007, p. 50-51). De même, vivre de
manière débauchée n’est pas de l’immoralité,
mais tout simplement de l’imprudence. Il y a « une indifférence
morale du rapport à soi-même »; en d’autres
termes et plus simplement, chacun fait ce que bon lui semble de sa propre
vie (Ogien, 2007, p. 155). Il n’y a donc pas, pour le minimaliste,
de devoirs envers soi-même, comme pouvait le penser Kant (1994,
p. 267-309). La morale ne concerne que le rapport à autrui[5].
Cependant, cette limitation du domaine moral au seul rapport à
autrui ne nous met pas à l’abri du maximalisme, car l’attention
à autrui peut devenir envahissante pour ne pas dire excessive.
Des relations trop intrusives deviennent vite attentatoires à
ce que l’autre entend faire de sa propre vie.”
"l’éthique
enseignante ne doit être ni minimaliste (sans pour autant être
une morale épaisse), ni paternaliste (sans pour autant minorer
la dimension du soin et de l’attention), ni moraliste (sans pour
autant oublier l’exigence d’exemplarité)."
L'exemple
du positionnement de la National
Science Teachers Association souligne les formes ouvertes qui pourraient
prendre une telle définition éthique en situation de controverses
:
See the official declarations of National
Science Teachers Association about Multicultural Science Education,
adopted by the Board of Directors, July 2000 :
-
Schools are to provide science education programs that nurture all
children academically, physically, and in development of a positive
self-concept;
-
Children
from all cultures are to have equitable access to quality science
education experiences that enhance success and provide the knowledge
and opportunities required for them to become successful participants
in our democratic society;
-
Curricular
content must incorporate the contributions of many cultures
to our knowledge of science;
-
Science
teachers are knowledgeable about and use culturally-related
ways of learning and instructional practices;
-
Science
teachers have the responsibility to involve culturally-diverse
children in science, technology and engineering career opportunities;
and
-
Instructional
strategies selected for use with all children must recognize
and respect differences students bring based on their cultures.
En attendant,
certains auteurs militent pour l'adoption d'une posture qualifiée
de pro-active politiquement et épistémologiquement (Hildebrand
et al., 2008). On met ainsi l'accent sur le nécessaire
lien entre éducation scientifique et démocratie
effective, comme le recommande d'ailleurs Kelly
(1986) dans ses encouragements à adopter une posture d'impartialité
engagée.
Dans le contexte
laïque, sur la question de l'évolution en tout cas, l'attitude
professionnelle consiste le plus souvent à faire de l'école
le lieu d'un enseignement des sciences excluant la question des croyances
ou des religions. Mais si, selon la vision constructiviste des apprentissages
(Astolfi et Develay, 2005), les élèves
doivent être au centre des entreprises et des interventions des
enseignants, il ne semble pas possible d'ignorer le scepticisme des
élèves envers l'évolution, si l'on veut aboutir
à une éducation réelle , complète et démocratique.
Il semble donc important de prendre en compte les différentes
facettes du contexte social, intellectuel et pédagogique des
étudiants pour élaborer des stratégies didactiques.
Mais comment faire ?
Si l'enjeu
est de cultiver un esprit critique permettant de renforcer le statut
scientifique de l'enseignement de l'évolution, comme le recommandait
le conseil européen en 2007, il faut être vigilant sur
plusieurs points. 1. Les enseignants de science ne sont probablement
pas convenables formés pour une prise en charge didactique et
épistémologique de la controverse sur l'évolution
mais également de la diversité des contextes sociaux,
intellectuels et pédagogiques. 2. L'idée d'introduire
les discours créationnistes dans la classe de science pour favoriser
l'autonomie des étudiants, en présentant les arguments
réligieux et les arguments scientifiques, suscite des réactions
d'opposition, souvent liées aux risques de mettre sur les mêmes
niveaux d'analyse des argumentaires qui ne se valent pas. Chez les scientifiques
et les enseignants, cette opposition est souvent associée à
l'idée qu'une telle approche pourrait semer le doute et la confusion
dans l'esprit des étudiants, considérés comme des
récepteurs facilement influençables par le discours des
enseignants (Urgelli, 2009).
Se
mettre d'accord sur les enjeux éducatifs d'un enseignement scientifique
de l'évolution
Ces travaux
montrent donc qu'il faudrait envisager le développement d'une
culture scientifique permettant d'appréhender les tensions entre
sciences de l'évolution et croyances. Il s'agirait d'accompagner
l'enseignement de l'évolution d'une approche épistémologique
et reflexive sur la nature des sciences, permettant de clarifier le
contrat méthodologique des sciences (Lecointre,
2012). Cette approche didactique est d'ailleurs envisagée
depuis les années 1940 pour le traitement de questions controversées,
même si le consensus n'est pas encore établie sur les contenus
d'un enseignement de la nature des sciences, ni même sur la signification
de la nature des sciences, ou encore sur les contenus
de la formation des enseignants.
Mais les
résultats des diverses stratégies explorées jusqu'à
présent sont nuancés... Ils montrent que si l'enjeu éducatif
est la construction d'une représentation scientifique de l'évolution
allant contre la représentation théologique (faire
avec pour aller contre diraient Giordan et
De Vecchi (1987), en lien avec l'épistémologie
bachelardienne de la rupture), l'enseignement de l'évolution
est probablement voué à un échec socioculturel.
Dans les contextes socioculturels où l'influence des croyances
religieuses est fort, les recherches montrent que les interactions entre
religion et science continuent à être persistante, même
après un enseignement de l'évolution accompagné
par un enseignement sur la nature des sciences.
Quelques mois après
un tel enseignement qui montrait la capacité des étudiants
à distinguer deux registres explicatifs sur la
diversité du vivant, Aroua (2006)
et d'autres chercheurs constatent que les cadres explicatifs
mobilisées sont à nouveau composites, sauf pour les étudiants
qui hésitaient à accepter l'évolution.
Il apparait donc qu'accompagner
l'enseignement de l'évolution d'un enseignement de type NOS ne
suffit pas à résoudre la controverse dans les classes.
Il faut également proposer la prise en compte du contexte social
dans l'enseignement et de l'existence de barrières culturelles
dont les élèves sont parfaitement conscients et qu'ils
contournent de manière à ce que la culture scientifique
n'interfère pas avec l'experience quotidienne. Il s'agit donc
de prendre en compte les expériences multiculturelles des élèves
dans l'éducation scientifique. Le défi pour l'enseignement
scientifique n'est donc pas de changer les référents culturels
de l'élève mais de créer des liens entre les cultures,
en expliquant leurs visées respectives, en passant par la
compréhension de la nature des sciences mais également
des croyances (Wolfs, 2013 ; Bronner, 2007).
Lorsqu'il
s'agit de traiter de questions socioscientifiques comme celle de l'évolution,
il est probable que l'enjeu éducatif est ailleurs, probablement
dans une éducation multiculturelle aux sciences et à
la place des sciences en société.
La principale difficulté est probablement celle du dépassement
de la forme disciplinaire du cours de science pour aborder la question
de l'évolution dans une perspective interdisciplinaire. Certains
auteurs militent pour un traitement de cette controverse par une approche
pluridisciplinaire hors de la classe de science (Picq,
2007), afin de traiter des questions d'ordre philosophique, épistémologique,
historique, sociologique, etc. Un accord semble se dessiner sur la nécessité
d'aménagement d'espaces pluridisciplinaires pour travailler ces
questions qui sont à la charnière entre plusieurs univers
culturels. Dans l'enseignement de l'évolution, ces espaces permettraient
de situer ses propres convictions dans les contextes historiques,
intellectuels et sociaux qui leur donnent sens (Gayon,
2009, p.209).
Il restera également à discuter des postures enseignantes
à adopter dans ces contextes où éducation scientifique
rejoint démocratie effective et laïcité.
Apprendre
l'argumentation en situation de controverses...
|