Voir aussi :
OBJECTIFS ET FINALITES SOCIO-EDUCATIFS de l'expérience d'enquête sur une controverse : Lors de nos actions éducatives à propos du traitement éducatif de controverses en rapport aves des questions socialement vives (QSV), nos publics rencontrent souvent des difficultés à dépasser une entrée dichotomique – pro/anti ou défenseurs/opposants. Les jeux d’acteurs et d’arguments associés à ces controverses sont rarement identifiés, ce qui les empêche d’aborder la complexité de la réalité sociale, de se mettre à l'épreuve de l'altérité et de saisir les enjeux réels d’une QSV et, de facto, de pouvoir prendre part au débat public, avec une opinion critique, nuancée et un engagement réflexif et démocratique. En proposant à des éducateurs, en formation initiale ou continue, de réaliser une enquête socio-épistémologique à propos d'une controverse, les compétences attendues et développées, dans le cadre de cette pédagogie critique (Bader, décembre 2017 ; De Cock & Pereira, 2019), visent l'émancipation par : 1. l'adoption d'une posture distanciée, réflexive et symétrique vis à vis des jeux d'acteurs et d'arguments ; 2. A l'issue de l'enquête distanciée, la prise de position dans le débat, et l'exercice d'un engagement individuel socio-politique. Notre hypothèse est que se livrer à l'identification des arguments et des acteurs en jeu dans une controverse, mais aussi à la dynamique sociale de ces arguments, et plus généralement l'expérience d'enquête sur une controverse permet de conscientiser de manière reflexive la subjectivité de la pensée d'autrui et de sa propre pensée. Cette épreuve de l'altérité peut conduire à plus de réflexivité, c'est à dire à se voir penser parmi les autres, tout en assumant les causes et les conséquences de notre propre vision. Cette réflexivité permet d'assumer un jugement personnel à la fois critique, créatif et éthique. Nous défendons l'hypothèse qu'il s'agit là d'un processus nécessaire à l'émancipation citoyenne et une condition pour la participation démocratique et citoyenne à l'élaboration de nouvelles normes de transformation sociale avec uner attention particulière à la soutenabilité de l'espèce humaine comme bien commun, prenant en compte les futurs possibles, probables, souhaités et souhaitables.
En plus de compétences critiques, il s'agit de développer des compétences éthiques, l'ensemble permettant une réflexivité critique et responsable, et une émancipation citoyenne, démocratique et mondiale (Panissal, 2019). N'oublions pas d'ailleurs la double fonction que l'on peut assigner à l'école : la transmission de l'héritage culturel mais aussi l'apprentissage de la réflexivité pour la transformation de la société vers plus de justice et de soutenabilité. Le développement d'une pensée éthique permet de valuer ce qui est juste et important, et de faire des choix éclairés. Pour atteindre ces objectifs de compétences, nous supposons qu'une enquête située dans l'espace et dans le temps à propos d'une controverse socialement vive permet de valuer les différentes valeurs et normes en jeu. Pour Dewey (1938, Experience and education), l'enquête ne vise pas seulement à visiter le monde mais aussi à le questionner. Il propose le passage par 5 étapes pédagogiques pour l'apprenant :
Un tel exercice d'enquête sur une controverse, par l'expérience de l'enquête elle-meme est supposé développer les compétences suivantes :
Pour cela, cet exercice de pédagogie critique propose d'apprendre à : - Identifier
des controverses, les problématiser
et caractériser les incertitudes sur une QSV ; PRINCIPALES
ATTENTES POUR L'EVALUATION Grille d'évaluation 2019-2020
Moyens
pour élaborer un point de vue cohérent et justifié
sur une controverse
Différents
types de jugements Différentes
formes de dialogue AVERTISSEMENTS - POINTS DE VIGILANCE On
veillera particulièrement aux points suivants : PRODUCTIONS ETUDIANTES
1.
Ce travail était bénéfique car j’ai découvert
un nouveau sujet que je ne connaissais pas avant. D’amener un
travail toute seule (être autonome). Ça encourage
la curiosité, de se demander, de ne pas croire à tout
ce qu’on entend (aveuglement) et d’analyser l’ensemble
autant que possible, en regardant et en s’appuyant sur des ressources.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Exemple
de préparation collective d'une enquête a priori
sur une controverse médiatisée
Cette première approche collective et a priori de la controverse va permettre de lancer l'enquête, qui visera à identifier éventuellement d'autres arguments, d'autres sous-controverses, et d'autres acteurs, groupes d'acteurs ou représentants d'un groupe d'acteurs, qui ont été invités par les médias à s''exprimer publiquement. On attachera une attention particulière aux lieux d'expression et d'énonciation des acteurs (arènes de médiation) mais également à la temporalité, pour identifier d'éventuels effets d'agenda. Notons que l'enquête peut être mené sur un corpus de presse (papier, web, télévisuelle, audiovisuelle), sur des forums, des blogs, mais aussi par la réalisation d'entretiens d'acteurs a priori concernés mais peu visibles dans l'espace médiatique et politique ! Il s'agit donc d'une enquête à la fois documentaire et de terrain. Quelques outils numériques pour pré-enquêter sur une controverse
CADRAGES THEORIQUES ET METHODIQUES I. Pourquoi serait-il important d'apprendre à enquêter sur une controverse ? Saisir l'importance des pratiques communicationnelles en situation de controverses Nous défendons l’hypothèse qu’une approche médiatique et communicationnelle des controverses fournit de précieux éclairages sur les relations complexes qu’entretiennent sciences et société aujourd’hui. En effet, la communication a une rôle structurant dans le déploiement des controverses, en tant qu’elle rend possible la circulation des arguments, l’expression des rapports de force et la structuration d’un débat public sur les choix scientifiques, techniques, politiques et éducatifs. Une controverse ne peut être analysée sans prendre en compte le processus de publicisation du problème, la construction des cadrages médiatiques qui influencent la perception de ses enjeux, les stratégies de communication qui déterminent en partie la criculation et la trajectoire des arguments, ou encore la matérialité des arènes qui conditionne la forme des échanges et des débats. Problématiser une controverse par l'enquête Dans ce module, nous articulerons la logique générale de l'enquête (décrite ci-dessus) à l'épistémologie régionale des controverses, afin d'imaginer un traitement problématisé des questions controversées, par essence complexes et relevant de problèmes flous, indéterminés épsitémologiquement et surdéterminés idéologiquement (Fabre, 2017).
Pour Michel Fabre (2017), problématiser c’est : a) examiner une question; b) par une pensée articulant données et conditions du problème, dans un cadre déterminé; c) par une pensée qui se surveille elle-même; d) dans une perspective heuristique. Lorsqu'un sujet perçoit un déséquilibre auquel il ne peut immédiatement remédier et qui nécessite une recherche, il y a problème. La vie des individus est faite d'équilibres et de déséquilibres. On peut distinguer deux catégories de problèmes : ceux qui nous dépassent et qui ne laissent aucune ouverture et aucune issue possible, lorsque le réel nous ferme l'avenir. Et il y a des problèmes qui laissent une place à l'avenir, aux possibles parce que nous pouvons faire des inférences à partir du connu. Dans ce cas, il faut que le sujet prenne en charge le déséqulibre et tente de le réduire. Déclarer une situation problématique, c'est poser le problème et c'est le premier pas de l'enquête. Dewey insiste sur le fait que le problème est dans le monde et il s'agit d'un déséqulibre existentiel. Une situation constitue l'environnement expériencié du sujet. Pour Dewey (1920), l'expérience se définit aussi comme un apprentissage et quelque soit le dégré de conscience, tout être vivant apprend par expérience. Tout vient de l'expérience, à condition d'accorder à l'organisme la spontanéité d'un ajustement adaptatif, entre passivité et activité. Dewey insiste également sur l'activité de détermination des problèmes, plus que sur la seule résolution des problèmes déja construits. Le sujet doit poser, construire et tester lui même le problème, en plusieurs phases : la perception du problème, sa détermination ou construction, des suggestions de solutions possibles, l'examen raisonné de ces suggestions et de leurs conséquences, le test des hypothèses (Dewey, 1910). Ce traitement constitue l'enquête : "L'enquête est la transformation controlée et dirigée d'une situation indéterminée en une situation qui est si déterminée en ses distinctions et relations constitutives qu'elle convertit la situation originelle en un tout unifié" (Dewey, 1938, p.169).
Construire un problème, c'est articuler un certain nombre de références (les données du problème) et un certain nombre d'inférences (les suggestions, les hypothèses). Les références sont les éléments de la situation qui, à un instant t, sont déterminées. Les inférences regardent du côté des solutions : ce sont des pistes qui constituent des tentatives de solutions. Au fur et à mesure de l'enquête, les inférences passent dans le domaine des références : les suggestions sont acceptées ou rejetées, et la situation se détermine progressivement. Les références et les inférences sont construites par l'enquêteur, par le sujet qui traite le problème. Il doit se donner des références et imaginer des inférences. Ensuite, réfrences et inférences interagissent durant l'enquête : l'accumuluation de références suscitent des inférences lesquelles produisent de nouvelles références et ainsi de suite, dans une dialectique d'indices et de preuves. Références et inférences sont deux manières de connaitre, par les faits et par les idées (qui peuvent etre des références), par sensation et par anticipation, par conceptualisation et par intuition. Dans un problème, les inférences sont pour Dewey comme des plans d'action conditionnelle (si... alors), des opérateurs de la problématisation. Avec l'enqûete policière, scientifique, le diagnoctic médical, l'enquete judiciaire ou encore la démarche expérimentale, nous sommes dans le domaine des problèmes de type induction de structures, c'est à dire qu'il s'agit de compléter des séries à partir d'indices. La construction du problème se fera donc dans une dialectique références (faits, indices, témoignages,...) et d'inférences (suggestions, pistes..) jouant le rôle d'hypothèses, d'anticipations provisoires de solutions possibles, bref d'opérateurs. Et la conclusion de l'enquete pour Dewey sera un jugement qui supprime le déséquilibre existentiel et le doute, détermine la situation, et sanctionne donc le processus d'enquete. ("vous pouvez dormir tranquille braves gens, nous savons désormais qui est l'assasin !"). Le savoir produit au terme du processus n'a de sens qu'en référence au traitement du problème. Une proposition problématique est une formalisation d'une hypothèse. Un élément est pro-posé c'est à dire soumis à la discussion en vue de sa validation ou de sa réfutation. La proposition n'est donc pas un jugement, mais elle prépare et suspend le jugement. Comme dans un tribunal, les constats et témoignages sont pris comme des pro-positions, comme ce qui est pro-posé à la discussion contradictoire. Ce sont des éléments provisoires, au statut interrogatif, susceptibles d'être remis en question dans le cours de l'enquête, jusqu'à ce que l'enquête leur donne une unité qui détermine complètement la situation, et permet donc d'effectuer un jugement. Dans cette logique, réaliser une enquête et produire une cartographie de la controverse est selon nous un élément nécessaire de pro-position, qui va permettre de déterminer la situation à un instant donné, et d'émettre ensuite un jugement. L'inférence, l'idée anticipatrice, la proposition problématique, l'hypothèse explicative ont un caractère provisoire mais se fonde aussi sur un système de significations. L'inférence, c'est ce qui marche en étant fondée sur la raison. Elle est détachée des intérets immédiats de l'enqueteur. L'inférence est donc une idée qui s'avère heuristique. L'inférence se formule sous forme de proposition en prenant la forme conditionnelle de type si.... alors. Cette proposition opère comme un plan d'action et son pouvoir heuristique augmente considérablement lorsque ces capacités prédictives sont guidées par un système de significations prédéfinies. Les inférences sont des propostions universelles, non existentielles. Ce sont des régles d'action ou encore des catégories.
Ce qui distingue ces deux processus, c'est le fait que, dans la problématisation, le sujet exerce un examen critique des conditions du problème, soit parce qu'elles font defaut, sont en défaut, soit parce qu'elles se contredisent, soit parce qu'il faut les inventer. Dans la problémation, le processus se régule simplement par l'application d'un ensemble de règles d'action (Goguelin, 1967). Il s'agit donc de faire une enquete sur l'enquete dans laquelle le controle des opérations résulte des leçons de l'expérience. Par le pragmatisme, l'enquete reconstruit la logique. Problématiser, c'est donc identifier des systèmes de signification par l'enquête. Problématiser nécessite un véritable apprentissage et une pédagogie qui permette de vérifier, de savoir, assurement, vraiment. Le rôle de l'école et de la formation pourrait etre précisement, avec les pédagogies de projets ou les situations-problèmes, de faire dériver les activités de problémation vers des activités de problématisation, dans lesquelles l'important n'est plus le succès de l'opération mais le savoir en jeu dans la réussite ou l'échec de l'enquete. L'émission et l'examen des hypothèses constitue le coeur du traitement d'un problème. Ce que l'on questionne, ce n'est plus le vrai, mais la pertinence, la signification, le lien fonctionnel avec les données, l'avancée de l'enquete. On ajourne quelque peu la question du vrai et du faux, pour traiter les éléments de pro-positions, les hypothèses ou thèses soumises à discussion. Analyse
argumentative des controverses : accords et désaccords Les développements ci-dessous tentent d'empreinter et de mettre en relation les apports de pluseurs champs disciplinaires à la description et à la comprehénsion des arguments en situation de controverses; L'appriche reste encore trop pluridisciplinaire et pour l'éducation au controverses, il me semble que l'enjeu est de produire un cadre de pensée de la situation éducative prenant pour objet une controverse et pour enjeu le développement d'un prise de position critique, relfeive et démocratique dans le débat démocratique, ce qu'on pourrait appeler, malgré les risques de réductionnisme scientiste, le développement d'une citoyenneté scientifique, plus ambitieuse démocratiquement qu'une simple alphabéistation scientifique. Pour reprendre Jacques Désaultes (2002), à propos des enjeux d'une éducation scientifique, il s'agit finalement de viser, par l'apprentissage de l'argumentation en situation conflictuelle, une démocratisation de la démocratie, ce qui rejoint également les propos de Ricoeur dans le recueil d'entretiens de Anita Hocquart (1996) Eduquer, à quoi bon ? Trois courants disciplinaires inspirent les considérations qui vont suivre à propos de l'argumentation. Les sciences de la communication, qui considèrent que la situation conflictuelle comme une situation de communication entre un orateur et un auditoire que l'on tente de convaincre de la vraisemblance de son opinion mise en forme argumentative. Les sciences du langage qui s'interessent principalement et de manière complémentaire au sujet qui argumente sans nécessairement se préocupper dui contexte de réception, du contexte de production et de l'importance de l'accord préalable. La sociologie des controverses, qui place la compréhension des jeux argumentifs et des acteurs qui les construisent et les rendent publics au centre d'un projet de sociologie pragmatique visant à étudier les ordres établis par les discours et les conditions probables de leur évolution. Ces courants disciplinaires sont mobilisés pour penser une didactique des controverses, à la fois sociologique, linguistique et communicationnelle, quels que soient les contextes éducatifs et face à un sujet apprenant la démcoratie en démocratie.
L'ouvrage de Philippe Breton (2016) offre une première approche de ce qu'on entend par argumentation, dans l'univers de la communication. Situant l'argumentation comme une compétence de prise de parole nécessaire à l'exercice de la citoyenneté démicratique, l'auteur considère que l'argumentation est une famille d'actions humaines dont l'objectif est de convaincre un auditoire dans un cadre professionnel, associaltif, politique, familiale ou amicale, et je rajouterai bien volontiers dans un cadre éducatif. C'est une alternative à la violence en contexte démocratique, et à la manipulation qui est également une action humaine visant à convaincrfe mais que Breton distingue très nettement de l'argumentation. Argumenter n'est pas manipuler, même si les deux actions sont deux faces antogonistes du convaincre, c'est à dire de la volonté de proposer à son auditoire de bonnes raisons d'adhérer à une opinion. C'est aussi la mise en oeuvre d'un raisonnement dans une situation de communication. L'argumentation implique un orateur, un message constitué par l'opinion mise en forme en vue de convaincre et un auditoire. Elle suppose une différence entre l'opinion de l'orateur et celle de l'auditoire, car il s'agit d'un acte de communication qui ne vise par à orécher dans le désert, ni à précher des convertis. Elle s'inscrit donc dans le triangle communicationnel qu'étudie les sciences de la communication dans toutes ses formes. A la fin du XIXeme, début du XXème siècle, avec l'éclatement des disciplines, l'intéret pour l'argumentation ou la rhétorique, qui était au centre de tout enseignement, décline avec l'arrivée d'une "culture de l'évidence" pour convaincre (évidence des faits, des idées et des sentiments, évidence qui se passerait de langage), une culture qui profite de l'avancée du scientisme et du positivisme. A partir des années 1960, avec les travaux sur la théorie des influences des techniques médiatiques considérées comme persuasives, et notamment la publicité, la culture de l'argumentation suscite un regain d'intérêt, avec une nouvelle conception du raisonnement et de la raison en rupture avec la rationnalité cartésienne. Descartes et la tradition rationaliste en effet considèrent que l'argumentation ne renferme aucune procédure qui permet d'atteindre la vérité ou de prouver la fausseté. Les sciences de la communication ne s'intéressent pas aux contenus de l'argument car elles considèrent que l'on argumente le plus souvent sur des opinions plus que sur des vérités ou des erreurs, dont on laisse aux sciences les moyens de les établir. Les sciences du langage ont développé également des théories de l'argumentation, dont on parlera plus bas, mais peu d'attention aux situations de communication dans lesquelles sont partagées des opinions. Pour beaucoup, argumenter c'est persuader, séduire ou démontrer. Mais ce sont en réalité des méthodes qui tentent d'entrainer l'autre à partager tel point de vue, par la violence persuasive, par les sentiments ou par la démonstration, c'est à dire par des moyens qui permettent de transformer une affirmation ou un énoncé en un fait établi qui personne ne pourra constester, sauf à lui opposer une énoncé mieux démontré. Mais, même si différents moyens peuvent être utilisés en même temps pour convaincre, une loi scientifique ne s'argumente pas pour Breton, elle se démontre car il ne s'agit pas d'une opinion. Un argumentation n'est jamais universelle alors qu'une démonstration l'est. Breton opère ici une dichotomie entre l'univers des savoirs universels et celui des opinions. Isabelle Stengers en a montré les limites d'une telle vision à travers le fait que souvent, et très probablement en situation de communication à propos de questions socioscientifiques, l'orateur articule des savoirs et des opinions (Gray et Brice, 2006). Signalons ici que pour reprendre Peirce (1878), les opinions sont en mélange de savoirs et de croyances, ce qui est une vision philosophique qui nous éloigne également de la vision de Breton. Comme le précise Gray et Bryce (2006, p.186), le traitement éducatif des controverses générées par des situations de communication à propos de questions socioscientifiques suppose de rompre avec une vision positiviste et républicaine de l’éducation scientifique. because beliefs play a central role in organizing knowledge and defining behaviour [...] because beliefs and knowledge are closely interwoven [...] because they provide a filter through which knowledge are interpreted and subsequently integrated into the conceptual frame-works [...] We can no longer accept that science education is treated as if it is only a body of facts or formulae to be delivered, or even artificially discovered through laboratory-based practical experiments and experiences. This awareness […] requires greater emphasis on discussion and appreciation of values, risks and uncertainties in relation to those aspects of science which have the greatest potential impact on society, culture and environment. School science must reflect modern thinking about nature of science and it should give young people confidence to engage in political debate about socioscientific issue and related ethical reasoning. Breton insiste : cette parole argumentative est à l'opposé de la manipulation. L'argumentation est ainsi un moyen de convaincre par le raisonnement, en tenant compte de l'auditoire placé dans une situation libre de communication. Le système démocratique constitue un contexte qui permet le débat argumenté, c'est à dire un débat ouvert, dans lequel l'orateur se voit accorder le droit de prendre la parole pour tenter par la communication et dans une situation de communication, de construire un accord préalable dans l'auditoire à propos d'une opinion vraisemblable, en leur donnant de "bonnes raisons" d'y adhérer, et donc par ce que Boudon appelerait la rationnalité. On se gardera d'accréditer l'idée scientiste que seule la science est capable de raison, car l'opinion relève de rationalités qui lui sont propres. Breton parle du triangle argumentatif (2008, p. 18-19), considérant l'argumentation en termes de communication :
Dans ce schéma, l'objectif recherché est l'intégration d'une opinion dans un contexte de réception. Si pour certains, il est nécessaire de distinguer opinion et argument, c'est à dire ce que l'on pense de ce que l'on dit, Breton estime qu'il faut renoncer à ce décalgage qui sème la suspicion sur l'argumentation. Selon lui, le décalage porte plutot sur l'opinion et sa mise en forme argumentative, qui va dépendre de l'auditoire : une même opinion peut prendre deux formes argumentatives différentes en fonction des publics. Lorsqu'on argumente, on va choisir dans une opinion les aspects qui la rendront accetable pour un auditoire donné. L'objet de l'argumentation est donc la transformation d'une opinion en argument en fonction d'un auditoire particulier. L'argumentation crée ainsi des mondes et les change, elle en constitue la dynamique, la machine qui donne forme aux croyances, au opinions et au valeurs (Breton 2016, p.29) à rajouter dans le schéma ci-contre. Il est d'ailleurs fort probablement que lorsque Moscovici en psychologie sociale constate que les représentations sociales s'élaborent et se transforment dans le communication, on ppurrait plus précisement dire que c'est à travers les jeux d'arguments, rejoingnant ici Chateauraynaud (2017) sur la dynamique argumentative. En considérant qu'aucune opinion proposée n'intervient que rarement en terrain vierge, Breton insiste sur l'importance de prendre en compte le contexte de réception et les modalités de cette réception. En général, chacun a déjà un point de vue sur l'opinion qui lui est proposée et elle va s'inscrire dans un ensemble de représentations, de valeurs, de croyances qui sont propres à l'auditoire. L'argumentation d'ailleurs peut etre considéré comme l'acte visant à modifier le contexte de la réception, en d'autres termes l'opinion de l'auditoire. On voit ici le lien à établir avec l'argumentation en situation de communication à visée éducative réalisée par un enseignant face à des élèves, l'argument prenant en première approximation l'illusion d'un savoir universel à transmettre par un acte pédagogique visant son apprentissage par les élèves. Les savoirs enseignés portent souvent en eux une charge axiologique souvent normative,reflet d'une finalité éducative, qu'on pense à l'éducation à la sexualité, à l'alimentation et finalement à toutes les formes d'éducation à. L'argumentation est donc aussi dans le domaine de l'action et de la communication : il s'agit d'agir sur l'opinion de l'autre et de construire une intersection entre les univers mentau dans lesquels chaque individu vit. L'argumentation, loin des risques du sophisme (et autres distorsions du raisonnement qui contraignent l'auditoire à adopter une opinion à partir d'un raisonnement faux), est probablement au centre de cet appel de Ricoeur pour une éducation à la citoyenneté, comprise comme espace public de discussion, qui permette les entrecroisements entre des traditions de pensée, qui ne soient pas d'ailleurs uniquement conflictuelles mais aussi sources de biens communs, et où chacun apporte ces arguments dans une éthique de la communication qui établisse un ordre de priorité relativement stable face à des valeurs hétérogènes. Il s'agit d'apprendre à s'orienter dans ce champ conflictuel, à lâge du pluralisme idéologique (Ricoeur, 1996, p.96 et 105) : L'éducateur
moderne selon Paul Ricoeur,
dans un entretien publié dans le Monde de l'Education
en 1985 et dans Hocquard, A.(1996). Eduquer, à quoi bon ? (pp.95-108).
Paris: PUF.
L'étude de l'argumentation est donc rarement séparable d'un intéret pour la démocratie et pour tout ce qui permettrait de penser qu'un libre débat entre les hommes est possible et souhaitable. C'est donc une mise en oeuvre concrète de l'égalité des hommes du point de vue de la parole qui est rendu symétrique et du coup moins hiérarchique. On voit ici le lien avec les travaux de l'éducation nouvelle, ceux de Paolo Freire ou de Célestin Freinet, qui ont tenté dans leurs pratiques de faire du droit des enfants à la parole libre et égalitaire un enjeu éducatif démocratique central. Cet enjeu lié à l'apprentissage de l'argumentation est aussi celui d'une argumentation critique qui considère qu'on peut construire un monde la défense d'une opinion par la raison qui l'emporte sur les passions et l'esthétique sans pour autant les nier. Breton estime que cette univers de raison doit être distinct de celui du rasionnement scientifique et de l'idée qu'il n'y a de raison qu'en science et que le reste n'est que passions et affects. Mais les sciences de la matière et de la nature ont finalement peu de choses à dire sur l'homme en société, ni sur les raisons qui guident nos choix et finalement nos postures. Et Breton rajoute qu'on évite ainsi un totalitarisme scientifique qui serait une utopie fatale à l'humanité. voir Isabelle Stengers, 2021, Ce que nous apprend la pandémie. Derrière les bonnes raisons ou mauvaises raisons pour agir, n'oublions pas qu'il y a un système de valeurs plus ou moins partagées. La domniante de raison dans l'argumentation n'est pas toujours souhaitable, par exemple la générosité, cette raison du quotidien, parfois l'emporte sur la raison et permet d'éviter des conflits. La raison argumentative n'est ni la raison scientifique, ni la rhétorique des passions, en même temps qu'elle se distingue de la maniputation ou de la violence. Différents types d'arguments utilisés dans le débat sociopolitique : L'argument se réfère toutjours à un contexte de production et un contexte de réception. Il comporte deux niveau de définition, qui porte sur le contenu de l'argument, les opinions elles mêmes, et sur le contenant, le moule argumentatif qui donne sa forme à l'opinion proposée (avec des adjectifs comme "argument quasi-logique", "argument d'autorité" ou "argument ad hominem" qui désignent une forme spécifique dans laquelle est moulée une opinion). Breton propose de distinguer 4 familles d'arguments qui se distinguent par la nature du raisonnement qu'ils mettent en oeuvre.
Finalement, pour Breton, argumenter c'est tenter d'agir, avec retenue et dans un souci éthique, sur la mémoire de l'auditoire, en utilisant le plus ouvent un plan argumentatif en 4 étapes :
Selon le dictionnaire Robert collège (2011), l'argument est un ensemble de "bonnes raisons" d'adopter l'opinion, la thèse de l'auteur, plutot que celles des autres. Il s'agit donc de faire partager à autrui une opinion, un point de vue, une vision du monde sur une question vive. Il mobilise des élements de vérité mais également des valeurs qui sont une référence pour un acteur donné, plus ou moins explicitement et consciemment. Pour Plantin (1996), il ne peut y avoir argumentation que s'il y a désaccord. L'argumentation est donc la confrontation sur un mode polémique ou coopératif, d'un discours et d'un contre-discours orienté par un même question ou un même évènement. L'argumentation est une question de logique, elle donne une valeur de vérité mais aussi oriente l'action, selon un principe de justice. Le dialogue argumentatif se construit autour d'une proposition P, puis d'une opposition qui fait émerger une controverse et qui appelle une réponse et des arguments. Argumenter, c'est la fonction critique du langage. Une argumentation est toujours située, dans un espace libre et sécurisé, dans une institution ou un autre lieu qui pèse sur cette argumentation. L'argumentation est en lien avec les intérêts du locuteur. Elle traduit la présence de l'homme dans la langue, des argumentateurs dans l'argumentation. Les énonciateurs des arguments interviennent pour donner une valeur de vérité à un énoncé mais également une valeur de justice. Le discours argumentatif tente de faire accepter un énoncé sur la base d'autres énoncés. John Locke en 1690 distingue plusieurs types d'argumentation : arguments ad autoritatem, ad hominem, ad ignorantiam, ad misericordiam, ad personam, ad populum, ad verecundiam, etc. c'est à dire sur la personne, sur l'ignorance (sur le vrai ou faux, évoquant l'absence de preuve, sur la rumeur, et donnant la charge de la preuve aux contestataires), sur l'autorité (par la menace ou la force, qui promulgue la soumission de l'enfant à l'adulte, de l'usager à l'institution, du moins compétent au plus compétent, de l'ignorant au savant, etc.), et l'argumentation scientifique. Procédés
argumentatifs susceptibles d'entraver le dialogue
Plantin (2018) prècise qu'on peut distinguer les arguments qui contruisent ou établissent une définition, une catégorie, une autorité, une analogie, une causalité, et les arguments qui exploitent une définition, une catégorie, une autorité, une analogie, une causalité. Il précise également que l'argumentation est marqué par l'émotion et encore une fois, les prises de décisions, la construction d’une conclusion, c’est en un mot la construction d’un « sentiment », c’est-à-dire d’un point de vue cognitif et émotionnel. Plantin (2016) insiste sur le fait que l'argumentation a un statut interactionnel. L'argumentation peut aussi bien servir à produire, amplifier des désaccords qu'à les résoudre, c'est un fait empirique. L'auteur pose la question des systèmes de règles capables de conduire à une résolution rationnelle, ou tout simplement honorable, des différences d'opinion. Il considère les systèmes de règles comme un objet empirique d'investigation qui fonctionne effectivement sur les sites argumentatifs les plus variés.
L'argumentation est une manière langagière de traiter les différends dans un régime de désaccord et d'incertitude généralisée. L'argumentation repose sur des accords dits préalables, portant sur des faits, des théories, des présomptions, des valeurs (abstraites ou concrètes) et des hiérarchies de valeurs. Il faut des accords pour argumenter : « Pour qu'il y ait argumentation, il faut que, à un moment donné, une communauté des esprits effective se réalise. Il faut que l'on soit d'accord tout d'abord et en principe, sur la formation de cette communauté intellectuelle et, ensuite, sur le fait de débattre ensemble d'une question déterminée : or cela ne va nullement de soi. » (Perelman, Olbrechts-Tyteca [1958], 18). La pratique de l'argumentation suppose également des accords sur les êtres, les faits, l'état du monde, les règles et les valeurs. Un argument peut être accepté parce qu'il est vrai, c'est-à-dire conforme aux données des sens, de l'intuition intellectuelle, ou encore au donné révélé, dans le cas d'une discussion théologique. Comme toutes ces vérités sont disputables, on substitue à la notion de vérité celle d'acceptation par les parties, acceptation que l'on interprète généralement comme accord des parties. Mais, d'une part, cet accord est difficile à obtenir ; les disputants se voient venir de loin et savent bien qu'accepter l'argument, c'est déjà accepter la conclusion.
Sur ces accords, se construit l'entreprise persuasive. Depuis au moins Aristote, l'argumentation rhétorique se définit par le désir de persuasion ; il s'agit de « découvrir spéculativement ce qui, dans chaque cas, est propre à persuader » (Aristote, Rhét. 1355 b 26. Trad. p. 124). Persuader l'interlocuteur, c'est lever le doute qu'il entretenait sur un point ; l'argumentation qu'on lui adresse à cet effet « part de propositions non douteuses ou vraisemblables, et en tire ce qui, considéré seul, paraît douteux ou moins vraisemblable. » (Cicéron, Div., XIII, 46. Trad. p. 19). Selon Grize, c'est agir sur l'interlocuteur en « cherchant à modifier les diverses représentations qu'on lui prête » (Grize 1990, 40) en lui proposant des schématisations appropriées. C'est « provoquer ou accroître l'adhésion de [son] esprit aux thèses qu'on présente à [son] assentiment » (Perelman & Olbrechts-Tyteca, [158], 5). L'orateur s'adresse aux indécis, et laisse de côté les opposants déterminés, ceux qui ne doutent pas, et sont déjà ralliés à une thèse qui n'est pas la sienne. Mais, l'auditoire peut également être magnifié en instance critique, sur le long chemin qui mène à l'universel. L'auditoire est donc mis en position haute ou basse, mais rarement en position égalitaire de partenaire ; pour cela, il faudrait considérer non plus un mais deux discours, c'est à dire deux positions en confrontation. Ce n'est pas la voie de l'orateur : il veut non pas partager, mais faire partager son opinion. Une fois le doute ôté, les représentations modifiées et l'adhésion des esprits flottants stabilisée, l'orateur a fait son travail. Il a réduit la dissonance cognitive, en conduisant les incertains vers la certitude, en les réunissant dans la contemplation d'une même représentation ou dans la vérité d'une même thèse. Il a assuré la reproduction de son opinion, de sa représentation, en les universalisant. Il a instruit les ignorants, réduit les sceptiques ; ce faisant, il a accru le consensus, et il voit bien que tout cela est bel et bon. Persuasion argumentative et propagande : Cette vision de la persuasion argumentative a cependant beaucoup de difficultés à se différencier de la propagande. La propagande, qu'elle soit religieuse ou politique, et dans les deux cas, totalitaire ou démocratique, se présente aussi comme vectrice de vérité. Pour Domenach la propagande a pour fonction de « créer, transformer ou confirmer des opinions » (1950 : 8). Cette définition équivaut, pratiquement mot pour mot à celle que Perelman & Olbrechts-Tyteca donnent de l'argumentation : « provoquer ou accroître l'adhésion des esprits aux thèses qu'on propose à leur assentiment » ([1958], 5). Argumenter pour résoudre les différences d'opinion : Levi Hedge, dans ses Elements of Logick, or a Summary of the General Principles and Different modes of Reasoning, propose un ensemble de sept « Rules for Honorable controversy » (1838, 159-162). Ces règles méritent d'être présentes dans la discussion sur les normes du débat polémique.
Les théories rhétoriques et dialectiques de l'argumentation sont orientées vers la recherche d'un consensus, capable de clore le débat. [...] Rhéteur et dialecticien fondent leur discours sur deux éthos professionnels bien distincts l'éthos rationnel régulateur et l'éthos moral vertueux, mais totalement convergents dans la vaste entreprise de civiliser la parole, au nom de la raison et de la vertu. Ces systèmes sont fondamentalement optimistes, et supposent que le débat convenablement réglé est productif. Il faut cependant tenir compte de l'existence d'un contre-discours sur la valeur du débat ; on ne compte plus les auteurs qui désespèrent du débat, et qui y voient une orientation fondamentalement improductive. C'est alors qu'apparaît la tentation de ne plus perdre son temps à des regulae ad directionem linguæ, de revenir au discours contrôlé par un seul sujet, et de s'en tenir à des regulæ ad directionem ingenii [...] comme le dit La Bruyère, on est tenté de cesser de vouloir convaincre les autres qu'on a raison et qu'ils ne savent rien ou qu'ils ont tort : « il faut chercher seulement à penser et à parler juste, sans vouloir amener les autres à notre goût et à nos sentiments ; c'est une trop grande entreprise ».
Les travaux d'inspiration interactionniste suggèrent d'autres manières d'envisager l'échange argumentatif, sans le ramener systématiquement à la résolution de la différence d'opinion. L'idée essentielle est que les opinions, les thèses ou les représentations avancées sortent transformées de l'échange argumentatif. Le consensus est alors non pas rétabli mais éventuellement produit par fusion des points de vue primitifs ou par co-construction d'une opinion tierce. Sur cette ligne, on pourrait facilement constituer une norme argumentative de l'interaction : on considèrerait qu'une interaction est réussie si les participants parviennent à construire une bonne synthèse de leurs opinions initiales, à faire émerger un discours commun intégrant les deux discours (voir la pensée divergente). On ressusciterait ainsi l'opposition entre une dialectique aristotélicienne qui avance par élimination du faux (la pragmadialectique), et une dialectique hégélienne qui avance par synthèse des positions (la co-construction interactionniste). Une interaction est productive si l'état de connaissances des participants en fin d'interaction est supérieur à leur état de connaissance initial. C'est une telle approche qui est adoptée par les études sur l'argumentation dans l'acquisition des savoirs.
L'étude de l'argumentation par les sciences du langage, entendues comme grammaires et lexiques de la parole, prend pour objet la production, la gestion, la résolution l'amplification et la transformation des différence d'opinion à travers leur confrontation ; ou, plus simplement, son objectif est la modélisation linguistique des situations de confrontation de points de vue. Savoir dans quelles conditions il convient d'oeuvrer à réduire les différences d'opinion et dans quelles conditions il convient au contraire de favoriser leur développement est une question sociale et scientifique majeure ; elle a des implications pédagogiques cruciales, qui ne peuvent être posées que sur la base d'une appréhension correcte de ce qui se passe quand on argumente. Nous partons d'un postulat qui relève de l'anthropologie : il existe des conflits d'intérêts entre les humains et les groupes humains, et il arrive que ces conflits s'expriment dans des discours porteurs de points de vue différents. Ces différences d'intérêt peuvent être traitées par le langage (partiellement ou entièrement), et l'argumentation est un des modes de traitement langagier de ces différences d'intérêt, qui se matérialisent dans des différences d'opinion. L'argumentation peut servir à travailler l'opinion de l'autre, le convaincre, créer des accords, réduire ces différences d'opinion et produire du consensus. C'est une affirmation empiriquement vraie. La théorie linguistique de l'argumentation est l'étude de la façon dont sont gérés discursivement les conflits d'intérêts et/ou les différences d'opinion. L'argumentation est vue fondamentalement comme une méthode de gestion des différences : le problème n'est pas de convaincre l'autre, mais de vivre avec lui. La rencontre argumentative nécessite un langage commun, un lieu physique ou virtuel pour l'accueillir et, dans les cas les plus élaborés, une institution qui l'organise. On peut faire l'hypothèse que la coexistence d'opinions contradictoires représente l'état normal, ni pathologique ni transitoire, que ce soit dans le domaine socio-politique ou dans celui des idées. La différence d'opinion est l'état normal et stable des groupes humains, dans notre monde sublunaire. L'argumentation est une façon de gérer ces différences, en les éliminant ou, pourquoi pas, en les faisant prospérer, parfois pour le bien de tous. La conséquence est la banalisation du débat profond ou radical. Tous les débats sérieux comportent des éléments de radicalité (exemple sur l'écologie politique ou la captivité animale), c'est précisément en cela qu'ils se différencient de la clarification. Argumenter ce n'est pas seulement dissiper un malentendu. La dédramatisation du désaccord profond, la normalité du dissensus conduisent à mettre au premier plan d'autres systèmes de règles, qui ne sont ni les règles de la conversation ordinaire, ni les règles transcendantes de la rationalité. Ces règles sont simplement celles sur lesquelles se sont mises d'accord les institutions, celles sur lesquelles on s'accorde sur tel site argumentatif.
Comme tous les débats, les controverses se déroulent sur des sites de paroles, ce que les sciences de la communication ou la sociologie des controverses appellent des arènes. Un site de parole est caractérisé par le système de règles qui lui est attaché, que ce soit traditionnellement, institutionnellement, ou par convention privée. La parole est considérée comme un bien commun, vis-à-vis duquel les participants ont des droits et des devoirs, qui s'expriment par des règles sur l'alternance des tours et les volumes de parole, aussi bien que sur les thèmes traités : on ne remet pas en cause un point de vue sans raison. Les règles générales sur la rationalité discursive rappellent à juste titre qu'on ne parle pas n'importe comment ; il faut ajouter qu'on ne parle pas non plus de n'importe quoi, n'importe quand, n'importe où, avec n'importe qui.
Les valeurs en jeu dans une argumentation sont en rapport avec les savoirs (erreur, vérité), mais aussi en rapport avec le bien et le mal, le juste et l'injuste, le fort et le faible physiquement, le beau et le laid. Les valeurs dans l'argumentation valuent le vrai et le faux mais aussi ce qui est important, juste, etc. Ces valeurs sont souvent dualistes et clivantes : les valeurs apportent donc une vision dualiste et clivante sur une question vive. Elles structurent donc des représentations sociales à propos d'une question vive, de sa problématisation à son traitement (réponse). Le refus de se rendre devant les arguments de l'autre est un paralogisme d'obstination. L'argument s'appuie en partie seulement sur des faits, des évènements, et des exemples, ce que l'on pourrait appeler des preuves tangibles (au sens de Chateauraynaud, 2004): Mais l'argument lie aussi des considérations affectives et des valeurs socio-épistémiques et émotionnelles. Les schémas, les stratégies et les jeux argumentatifs utilisent donc la raison mais aussi l'émotion et un principe de justice, pour convaincre logiquement, et pour persuader par la sensibilité et l'émotion. L'argument utilise des connecteurs logiques pour élaborer ou rendre une preuve tangible, par exemple l'addition (de plus), l'opposition (mais), la cause (parce que, en effet), la conséquence (donc). https://www.assistancescolaire.com/eleve/2nde/francais/reviser-le-cours/les-caracteristiques-de-l-argumentation-2_f401
Qualifiée de syllogisme par Aristote, c'est une argumentation logique et critique, en fonction de normes dites scientifiques, qui donnent une valeur de vérité à un énoncé. Cet énoncé valide un lien entre des prémisses et la conclusion. Les normes scientifiques permettent de mettre à l'épreuve le discours argumentatif et de le critiquer (voir le discours de Pascal sur le vide ou la démonstration du mouvement de la Terre de Foucault). Il y a un appel au vrai, au probable, mais contrairement au paralogisme, l'énonciateur n'intervient pas pour donner une valeur de vérité à son énoncé. Le paralogisme peut etre considéré comme une argumentation commune, en langue maternelle qui articule logique et rhétorique, avec une fuite de sens. On distingue également le sophisme dont l'argumentation se fonde sur une intention délibérée de tromper. Considérant l'argumentation comme une forme d'interaction, l'ensemble de ces argumentations font appel à la compétence critique de réfutation qui prétend clore le dialogue.
Selon Plantin, on peut schématiser le processus argumentatif normé par le vrai en disant que pour qu'une proposition deviennne une conclusion, et des données deviennent des arguments, il faut une loi de passage causale. Par exemple la proposition "les framboises sont rares cette année" ne peut devenir un énoncé acceptable que si une loi de passage permet de donner une explication à la corrélation de données factuelles "il y a eu de fortes gelées" qui devient alors un argument, un énoncé assuré, incontestable. La loi de passage, le principe qui permet de passer d'une corrélation de données à une causalité est ici que "le gel détruit les fleurs de framboisiers qui sont à l'origine des framboises". Simonneaux et Simonneaux (2005) et Simonneaux (2003) précisent, en se référant à Toulmin (1958), que le schéma de l'argumentation scientifique est le suivant : les données (ce sont les faits rapportés par l'acteur pour étayer leur conclusion), la conclusion, les garanties qui justifient les liens entre les données et la conclusion, les fondements (ce sont des fondements généralement admis qui appuient les justifications particulières des raisons émises). Le
schéma de base est : parce que (DONNEES), vu que (GARANTIE),
en vertu de (FONDEMENT), donc (CONCLUSION) - Dans des argumentations plus complexes, Toulmin (1958) identifie les restrictions qui précisent les conditions dans lesquelles la conclusion peut être considérée comme vraie, c'est-à-dire les limites de la conclusion, et les réfutations qui précisent les conditions dans lesquelles une conclusion ne sera pas vraie. Les qualificateurs modaux (par exemple : vraisemblablement) articulent les conditions d’exception ou de réfutation de la conclusion. Dans
l'analyse de l'argumentation, on s'intéresse également
à la modalisation, c'est à dire aux marqueurs
formelles utilisés par l'énonciateur pour juger un énoncé
et signaler son adhésion plus ou moins forte. Bronkart (1996,
cité par Simonneaux et Simonneaux, 2005)
retient quatre catégories de modalisation :
Précisons que toute argumentation n'est pas forcèment assujettie à la loi du vrai, et il arrive que le jugement de vérité soit suspendu ou impossible. L'appel au vrai n'est donc pas forcèment la seule façon de clarifier les éléments d'une controverse ou de clore les débats.
On se réfère ici aux principes de justice présentés par Derouet (2000) pour définir la pluralité des mondes, et donc des argumentations, dans une institution comme l'école. Les mondes dont il est question sont ceux suggérés par l'anthropologie des compétences de Boltanski et Thévenot (1991) dans De la justification. Les économies de la grandeur. Ces socio-anthropologues proposent six logiques ou systèmes de valeurs, principes, voire idéologies, qui déterminent les prises de position et engendrent différents mondes. Il s'agit de catégories à partir desquelles les acteurs interprètent une situation et mettent en ordre la réalité. Il y a plusieurs façons d'être juste, comme d'être efficace, constitutives de toute cité politique. Ces façons définissent le bien commun et sont des idéaux-types au sens de Weber..
Cependant, Robert Ballion (1993, Revue Française de Pédagogie, 104) se demande si on peut toujours dégager le principe d'organisation et de justification qui sous-tend l'interprétation d'une situation de controverses, et si l'identification de logiques argumentatives est suffisant pour rendre compte des logiques d'action que cette situation génère. Forquin (1993) estime que nous nous trouvons aujourd'hui dans « un univers à justification multiple », un univers dans lequel il n'existe plus de principe unique ou hégémonique capable de fonder un accord sur le fonctionnement des institutions et de la cité politique. Le système ne peut plus fonctionner qu'à partir de « compromis locaux » entre divers principes, divers modèles de justification.
Pour Guyon (2019), les émotions sont des constructions sociales qui révèlent ce qui compte, ce qui est important, ce à quoi je suis attaché, ce qui me touche et m'affecte. L'attention portée aux émotions et la réfléxivité permettent d'ajuster nos actions et de mieux comprendre une situation. Les émotions interviennent dans toute argumentation et tout travail sur les savoirs, en fonction des contextes socioculturels. Dans l'éducation, les émotions et la raison sont présents : elles perturbent ou enrichissent le travail sur les savoirs, en fonction des contextes socioculturelles et des questions traitées. On peut dire que les questions socialement vives suscitent justement des controverses et des émotions, source de vivacité, et que toute prise de position sur une question socialement vive est cognitivo-émotionnelle. Plantin (2018) iniste sur le fait que l'argumentation en situation de controverses est marquée par l'émotion, notamment parce qu'une telle situation s'accompagne d'une déstabilisation des croyances et des identités. Un discours est un évènement spatio-temporelle et la description d'un évènement génère des émotions. Face à un même évènement, par exemple quelqu'un qui fait la manche, on peut avoir plusieurs descriptions qui vont générer plusieurs émotions. Les émotions sont prises dans des réseaux de causalité et elles sont construites aussi à partir de causalité : ce n’est pas parce qu’on se met à parler de causalité qu’on objective et qu’on exclut l’émotion ; elle est construite dans des fils et dans des réseaux causaux qu’on coupe et reconstruit de telle et telle manière. Par exemple, on construit de la responsabilité en mettant ou en enlevant de la causalité (Plantin et Guerrini, 2018, p.168). Les émotions que suscitent par exemple l'ours polaire de Yann Arthus Bertrand est probablement un exemple de ces liens entre causalité et émotion dans les argumentations (voir l'émission Arret sur image d'octobre 2006 (43 min)). Plantin et Guerrini (2018) poursuivent en établissant un lien fort entre émotion, opinion et action, en considérant que l'émotion résume la description d'un evènement et donne aussi une bonne raison à l'action et à l'opinion
Changer d'émotion, c'est donc aussi changer d'action et d'opinion. Philippe Meirieu (2019) s'interroge sur la gestion des émotions en situations d'apprentissage, et donc indirectement son raisonnement rejoint la question du traitement de questions socialement vives, par essence complexes et controversés, expertisées et politiques, médiatisées et polémiques (Mauger-Parat et Peliz, 2013). Rappelons que l'époque de l'instruction publique de Condorcet, fondée sur la rationalité, et celle de Jules Ferry, chantait la science et la raison, et le savoir contre les émotions, même si c'est aussi une époque qui joue des émotions patriotiques, dans le contexte géopolitique du colonialisme et de la revanche sur l'Allemagne. En faisant de la laicité une nouvelle religion d'état, l'école se fonde alors sur le travail de l'esprit, de la raison et des connaissances objectives et universelles, contre les émotions collectives et les croyances. Si les émotions patriotiques sont considérées comme légitimes et nécessaires, l'école doit délivrer l'enfant de l'univers domestique et familial, le libérer de l'infantile, de l'égocentrisme et du narcissisme. Pourtant dans la relation pédagogique, les émotions sont présentes, celle de la séduction, de la manipulation, de la captation. Elles peuvent parfois phagocyter totalement la relation (voir la leçon de Ionesco (1994) ou Zweig (2013) la confusion des sentiments). Ainsi les émotions sont à la fois nécessaires et impossibles dans la relation pédagogique et dans l'acte éducatif. Il faut trouver la bonne distance car on sait que les émotions déterminent la réussite scolaire notamment par l'identification au maitre, mais en même temps, elles peuvent conduire à des complicités affectives aliénantes car on ne peut suspendre les émotions. Parfois, la charge émotionnelle bloque les apprentissages : les savoirs perdent alors leur autonomie et sont rapportés aux affects, alors qu'ils doivent permettre de rentrer dans ce qui est extérieur à moi (extériorité), dans ce qui est objet (objectalité). L'entrée dans le registre de ce que l'on tient pour vrai suppose de faire taire les émotions dans les situations pédagogiques, pour une interlocution rationnelle. Mais en situations de controverses, sachant que les argumentations articulent savoirs et émotions, comment entrer dans le rationnel quand on est en partie dans l'émotionnel ? Daniel Hameline (1977, cité par Meirieu, 2019, p. 12) propose l'adoption d'une attitude pédagogique qui permette à la fois de mettre à distance et de prendre en compte positivement les émotions, avec une posture éducative de bienveillance et de non-directivité. Cette attitude comporte trois caractéristiques :
Pour accéder au bien commun, et entrer dans une relation pacifié aux autres, la philosophe américaine Martha Nausbaum (2011, cité par Meirieu, 2019, p. 15) propose que l'éducation s'appuie sur l'émotion démocratique qu'est l'empathie. Par l'empathie, les autres personnes éloignées deviennent réelles et égales à soi-même. On devient disponible pour l'altérité, attitude fondamentale dans le traitement éducatif de controverses, pour comprendre ce que cela fait d'être à la place des autres, de se reconnaître dans l’autre et, aussi, de se reconnaître « soi-même comme un autre », selon l'expression de Paul Ricœur (1990, cité par Meirieu, 2019, p. 16). Les sciences sont d'ailleurs une entreprise humaine qui contribue à cette mise à l'épreuve de l'altérité et qui suppose des émotions démocratiques, de l'intersubjectivité pour de l'objectivité, une mise à l'épreuve de soi-même par soi-même, à travers le regard des autres.
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- I. Définir une controverse : d'une analyse socio-discursive à une approche communicationnelle des controverses
Croisant la sociologie des problèmes publics et la sociologie des controverses (science studies), Jean-Baptiste Comby et Stefan Aykut ont proposé en 2011 une analyse sociologique de la médiatisation des controverses liées aux changements climatiques. Pour eux, il est d'abord utile de distinguer les « controverses scientifiques » qui, confinées au sein des arènes scientifiques, se déroulent devant un public de pairs entre des acteurs qui se reconnaissent comme légitimes, des « controverses sociotechniques » qui se déploient dans une diversité d’univers sociaux, impliquent des acteurs aux statuts variés et se caractérisent par l’hybridation des arguments échangés.
Leur hypothèse est la suivante : "au cours de la « carrière médiatique » d’un problème, ses cadrages dominants (i.e. : ceux qui sont les plus accessibles et les plus récurrents) accordent plus ou moins de place aux registres de la « controverse ». La modification de ces cadrages tient avant tout à des transformations dans les configurations sociales au principe de la construction publique du problème, c’est-à-dire à la dynamique des relations entre les scientifiques, l’Etat et ses services, les associations, les journalistes". [... ] Cette hypothèse conjugue deux approches sociologiques qui dialoguent rarement : celle des controverses et celle des problèmes publics. La première étudie comment les désaccords d’ordre scientifique restent confinés à, ou bien se déploient en dehors de, l’espace scientifique. La seconde analyse pourquoi des faits ou des situations deviennent des problèmes prétendant à une prise en charge par les médias, les administrations, la justice, les industries culturelles, l’institution scolaire, le marché, les individus, etc. Il s’agit d’observer comment, indépendamment de l’importance intrinsèque de l’enjeu, des agents se mobilisent pour faire accéder une cause à une plus forte visibilité publique. Ces agents sont inégalement professionnalisés, diversement dotés en ressources culturelles, économiques, sociales ou symboliques et entrent en concurrence avec d’autres groupes qui soutiennent d’autres causes ou bien d’autres visions du même enjeu. [... ] la sociologie des controverses et la sociologie des problèmes publics prêtent une attention particulière aux relations entre des agents qui coopèrent ou s’affrontent pour imposer une vision légitime de ce qui doit être rendu (prioritairement) public. Par ailleurs, elles se complètent puisque que la première décortique les dynamiques d’accords et désaccords, tandis que la seconde propose une vue plus large au sein de laquelle il est possible d’apprécier l’ampleur des controverses. Les controverses apparaissent alors comme un « cadrage » - parmi d’autres - du problème, les opérations de cadrage correspondant aux processus de sélection, de hiérarchisation et de mise en forme des enjeux qui accèdent à certains « espaces publics ». [... ] L’importance donnée aux sous-bassement sociaux de la construction publique des problèmes incite également à délaisser les approches biologisantes en termes de « cycle de vie ». Celles-ci postulent que les problèmes deviennent publics quand ils sont insoutenables, puis disparaissent (naturellement) des médias dès lors qu’ils sont résolus par les pouvoirs politiques. Le recours à la notion de « carrière » permet de souligner plutôt la dimension processuelle, circonstanciée, non linéaire, et socialement ancrée de ce qui apparaît moins comme le résultat de réalités objectivables que comme l’issue (provisoire) de rapports de force entre des groupes en compétition pour dire ce que sont ces réalités (et leur potentiel problématique), les hiérarchiser, les promouvoir ou les contester.
Rappelons ce que précise Plantin (2016) : pour les sciences du langage, polémique et controverse appartiennnent au genre débat. D'après le Petit Robert (PR), la polémique est un « débat par écrit vif ou agressif => controverse, débat, discussion » (PR, art. Polémique). La controverse semble plus pacifique, au moins dans sa définition : « Discussion argumentée et suivie sur une question, une opinion » (PR, art. Controverse), sinon dans ses exemples, où la controverse peut être qualifiée de « vive », voire « inexpiable ». Polémique et controverse sont des espèces du genre débat (pas forcément écrit). On peut distinguer alors d'une part, des genres d'interactions collaboratives non violentes, fortement argumentatives comme débattre, délibérer sur, s'interroger sur, discuter de, ou se concerter à propos de etc. ; et, d'autre part, des genres d'interactions également fortement argumentatives, mais plutôt conflictuelles, dont relèvent la polémique et la controverse ; on trouve parmi ces espèces aussi bien polémiquer (académique-politique, écrit/oral) que s'empoigner avec quelqu'un (ordinaire, verbal, mimo-posturo-gestuel), ce qui peut fort bien se produire dans une controverse. Le genre “débat” est à distinguer d'autres formes de violences verbales, non argumentatives comme l'échange d'injures. La violence verbale dans la controverse ou la polémique est moins marquée par l'injure que par une forme de dramatisation émotionnelle, souvent présente dans l'acte de parole ouvrant ce genre de débats. La
polémique est une forme de débat sans fin : les
polémistes (et les polémiqueurs) manifestent une véritable
passion pour le dissensus, qui refuse, ou du moins repousse, la clôture,
et l'amateur de débat l'emporte sur l'amateur de vérité.
Les polémiques prospèrent donc sur l'abondance des paralogismes
(Plantin, 2002). A la limite, le degré de polémicité
devient un bon indicateur du caractère fallacieux de l'échange.
Les paralogismes d'émotions et de hiérarchie (ad personam,
ad verecundiam) sont immanquablement associés au débat
« vif et agressif ». Le polémiste est précisément
celui qui refuse d'admettre que le point de vue de son opposant a été
« défendu de façon concluante », et qui pose
que le sien est bien au-delà de tout doute raisonnable. La polémique
serait fallacieuse du fait d'un engagement personnel trop intense. Mauger-Parat et Peliz (2013), à propos du changement climatique, se livre à une analyse communicationnelle et discursive en lien avec la médiatisation de cette question socialement vive. Elles précisent que le débat sur le changement climatique se déroule dans un espace public où les moyens de communication jouent un rôle prépondérant, non seulement du fait que le changement climatique est un phénomène essentiellement médiatisé, sa perception n'étant possible qu'au travers d'une médiation (Carvalho, 2002). [...] Le discours sur le changement climatique circulant dans notre société est le résultat de cette médiatisation. Les médias ne fonctionnent pas comme de simples arènes où les experts se confrontent et exposent leurs points de vue. Le discours climatique est pris dans l’interdiscours médiatique; façonné, il ressurgit comme un nouveau discours à prendre en compte dans la construction des idéologies et imaginaires. L’analyse du discours permet d’offrir un regard nouveau sur un objet abordé par d’autres disciplines. Dans le cas de la polémique climatique à la française, peu de linguistes se sont intéressés à la dimension polémique du discours climatique. La compréhension des discours polémiques climatiques dans la presse semble pour l’heure constituer une lacune dans le champ de recherches en sciences sociales. La façon dont sont abordés et interprétés les éléments de discours au travers de la langue reflète en partie la vision du monde partagée par les colocuteurs, démultipliés lorsqu’il s’agit de médias de masse comme la presse. En cela, une analyse discursive de la presse permet de mettre au jour les idéologies et imaginaires parfois inconscients, souvent sous-jacents, qui traversent nos sociétés. La controverse et la polémique sont des catégories linguistiques. L'article s'intéresse à la construction discursive du discours polémique et du discours de controverse, dans les corpus scientifiques et médiatiques. Pour les auteures, il existerait une réelle dichotomie entre ces deux notions, non seulement au regard des usages dans le corpus scientifique, mais également dans la construction des catégories discursives dans les corpus médiatiques. La notion de débat est hyperonyme des notions de polémique et de controverse.
En partant de la définition d'une controverse selon le dictionnaire Petit Robert (Rey, 2008), Mauger-Parat et Peliz (2013) considèrent qu'une controverse est une discussion permettant de résoudre un point conflictuel d’une théorie scientifique, l’objectif étant de prendre une décision, de construire communément un savoir fondé sur des arguments et vérifié par des preuves, une connaissance, ou un savoir fondé sur des croyances. En cela, nous comprenons que la controverse est inhérente à la construction des connaissances scientifiques, ainsi que le propose Dominique Pestre, la controverse étant le « lot commun de la fabrication des savoirs, en tant qu’elle est structurante parce qu’au coeur des pratiques ordinaires et nécessaires de la science » (Pestre, 2007 : 30). En d’autres termes, la controverse est constitutive d’une science légitime. La conception latourienne (Latour, 1989) de l’analyse des controverses permet de montrer que les controverses scientifiques sont parties prenantes dans la société, qu’elles la transforment et sont transformées en retour par les acteurs de cette société. La controverse prend corps dans la sphère scientifique, mais voyage dans d’autres sphères, politiques, médiatiques, de l’espace public, etc. Si sa nature évolue, son appellation reste inchangée et en fait pour les sociologues de la traduction un hyperonyme du conflit verbal. Cyril Lemieux considère qu'une controverse « renvoie à des situations où un différend entre deux partis est mis en scène devant un public, tiers dès lors placé en position de juge » (Lemieux, 2007 : 195). La controverse revêt une caractéristique dite triadique : les deux groupes d’adversaires, et un tiers à la fois public et juge, même lorsqu’elle sort du contexte scientifique. Dans cette perspective sociologique, le tiers est constitué soit de pairs, en l’occurrence des scientifiques, soit d’une instance politique, soit de profanes, par l’entremise des médias grand public. La controverse acquiert des nouvelles « mise en scène » pour reprendre les termes de Lemieux, selon son déplacement dans différentes sphères sociales. Elle perdra certains arguments, en développera de nouveau en fonction du public-juge. Il semble que si le juge est politique, les arguments mis en avant porteront davantage sur cet aspect de la question. Cette approche est donc sensible à la construction actancielle d’une situation de controverse ou de polémique, la relation triadique entre les deux parties et le juge qui intéresse tout autant le sociologue que le linguiste.
Le point de vue qu'adoptent Mauger-Parat et Peliz (2013) est d’ordre discursif : il se fonde davantage sur les modèles discursifs de la polémique et de la controverse que propose Kerbrat-Orecchioni (1980). a. La première différenciation de ces deux termes serait le fait que la controverse constitue un « débat réglé, donc serein » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.16), répondant ainsi à des normes instituées, une forme de contrat tacite entre les trois protagonistes. Selon son étymologie grecque polemos, la polémique serait considérée comme une guerre verbale. Cette étymologie indique la destruction, la décrédibilisation de l’autre au travers des mots sur un terrain public. La destruction est certes virtuelle, néanmoins efficace. « Une polémique est une guerre métaphorique, une guerre de plume » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.4), une guerre démocratique en somme. L’aspect mis en avant par la définition de la polémique serait celui de la destruction plutôt que la construction, inhérente à la controverse. La forme de circulation des propos polémiques est génératrice de transformations importantes, voire d’oublis volontaires, l’objectif étant de falsifier la parole de l’autre, afin de la disqualifier. La polémique s’amplifie ou s’étend en fonction des passions qu’elle soulève chez les deux groupes d’énonciateurs qui défendent chacun leur camp. « Le discours polémique peut être défini comme l’affrontement de thèses personnelles à l’intérieur d’un ensemble idéologique commun » (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.19). Toujours, le juge semble absent de cette guerre verbale. L’objectif de la polémique n’est pas une prise de décision pour enrichir le champ dans lequel elle prend corps. b. La deuxième différence entre polémique et controverse serait la place médiatique de la polémique, même lorsqu’il s’agit de questions scientifiques. La polémique n’accepte pas la même temporalité que le discours scientifique, dans lequel se situerait la controverse. Lorsqu’elle est orchestrée par des pairs, la controverse traverse des médias très spécialisés et consultés uniquement par des scientifiques. Étant donné l’objectif scientifique de bâtir des consensus, la partie controversée existante est souvent effacée des yeux du grand public, afin de parvenir à un consensus politique et social. Ainsi, les connaissances scientifiques sont-elles posées comme des vérités inébranlables aux yeux des politiques et de l’opinion publique. En tant que discours, la polémique se retrouve donc essentiellement sur le terrain des discours de médias de masse. c. La polémique serait marquée par deux isotopies contradictoires : la maitrise, la manipulation, la ruse d’un côté, et la spontanéité, l’engagement passionnel de l’autre côté. Le pathos, la passion, joue donc un rôle essentiel dans les discours polémiques, davantage que dans les discours de controverse. Cela ne signifie pas pour autant que la passion n’existe pas dans les discours de controverse scientifique; cependant, ce n’est pas par cette entrée qu’ils seront définis. En ressortent inexorablement des procédés discursifs relatifs au champ sémantique guerrier que sont l’agressivité, la véhémence, les insultes, etc. d. Cela va de pair avec une attaque vers la personne plutôt qu’à l’encontre des arguments. Le discours polémique attaque une cible, souvent personnalisée au travers d’une personne ou d’un groupe. En cela, la polémique définit un camp adverse et elle est alors considérée comme dialogique. Le polémiste vise un individu en tant qu’il est censé représenter une position discursive, double activité de disqualification sur la personne et sur le positionnement discursif. e. Une autre différence notable entre controverse et polémique est la nature des acteurs. Concernant la controverse, ils font tous partie intégrante de la discipline scientifique dans laquelle se déroule la controverse, et la dimension triadique est facilement identifiable. Le discours polémique, comme le discours didactique, qui est destiné à apporter au récepteur une information qu’il ignore, tend à lui faire rejeter une information qu’il admet ou pourrait admettre (Kerbrat-Orecchioni, 1980, p.10-11). La polémique devient l’antonyme du consensus, censé trouver un terrain d’entente commun. Le consensus se définit comme un accord proche de l’unanimité, c’est-à-dire un accord dans lequel résident encore certaines incertitudes n’affaiblissant en rien le consensus en question. Ensuite, l’absence de juge déclaré laisse une place béante lors de la relation discursive polémique, place comblée par des profanes. Étudiant les discours polémiques journalistiques, Yanoshevsky énonce clairement le rôle du tiers lors des polémiques, souvent représenté par le peuple, « l’agora » : « l’échange entre les interlocuteurs est toujours destiné à un tiers » (Yanoshevsky, 2003 : 5), constitué soit de journalistes, soit d’auditeurs, lecteurs, téléspectateurs, ayant une caractéristique commune : être profane dans le domaine scientifique dans lequel se déroule la polémique. Nous entendons par profane un individu ni professionnel, ni militant, ni expert dans le domaine en question. Ni les journalistes ni l’opinion publique ne sont à même de juger ou d’arbitrer une controverse, ils embrassent cependant cette responsabilité dans un contexte polémique. Yanoshevsky va même jusqu’à comparer la polémique à une forme théâtrale, dans laquelle « leur discours n’est pas uniquement destiné aux interlocuteurs immédiats, mais également aux « overhearers » (destinataires indirects) » (Yanoshevsky, 2003 : 5). La raison pour laquelle l’énonciateur s’adresse également au tiers serait la manipulation de ce tiers : « la polémique sert à manipuler un tiers contre la personne attaquée, ou à constituer une propagande pour le point de vue du locuteur » (Yanoshevsky, 2003 : 5). L’issu de la polémique n’est pas neutre : elle connaît un vainqueur que l’opinion publique va croire, et un vaincu, qu’elle va décrédibiliser. Ainsi, le rôle du juge n’est-il pas de départager, ni même d’arbitrer, mais de croire un parti et dénigrer un autre. Ainsi, dans le cas du changement climatique, les scientifiques acceptent-ils un changement de « terrain, d’armes et de règles » vers les médias, ainsi que de « juge » vers les profanes lorsqu’ils répondent par média interposé. La controverse devient alors médiatique et polémique. Le point de vue linguistique tend vers une séparation de controverse et de polémique, positionnant la première au sein des discours scientifiques, et la seconde dans les discours relevant des médias de masse à vocation informationnelle. A signaler également dans le cas d'une controverse médiatisée comme celle de la responsabilité de l'homme dans l'évolution climatique récente, les jeux d'acteurs et d'alliance, notamment entre journalistes et scientifiques : l’émetteur légitime le message. Il y a là un aspect relatif à la construction d'une confiance entre le journaliste spécialisé et ses sources d’information d’ordre dialectique, car le journaliste légitime la source scientifique en même temps qu’il est légitimé par celle-ci. Ces relations rendent difficile la possibilité de faire évoluer le sujet vers d’autres domaines scéniques. [...] Bien que l’information soit élaborée par des journalistes spécialisés, le discours du GIEC est présenté principalement dans ses aspects les plus dramatiques, sans explication des méthodologies de travail complexes employées par le Groupe afin d'arriver à ses conclusions. Le manque d’explications sur le travail réalisé au préalable des conclusions aide à la construction du mythe de la vérité scientifique incontestable (Mauger-Parat & Peliz, 2013). Pour ces auteures, la modalité de médiatisation au travers du travail du GIEC est polémique [...] Il y a dissociation du GIEC d’avec le discours polémique.
Retenons que le discours polémique est une caractéristique marquée des textes traitant des questions socio-scientifiques. Si une question socioscientiqiue est part nature complexe, expertisée et médiatisée, la médiatisation de controverses met en scène des jeux d'acteurs, révèlent des alliances de légitimation impliquant les journalistes et autres énonciateurs de discours. La structure triadique de la controverse (Lemieux, 2007), évolue le plus souvent vers la polémique, par essence dialogique, supposée favoriser l'engagement politique. L'étude argumentative des discours de controverses ou de polémique révèlent une dynamique argumentative qui se développe à travers la construction de moments discursifs (Moirand, 2004 ; 2007). Il y a une dichotomie qui s’impose entre science et politique. En se situant entre la « science pure », affranchie de toute nécessité sociale, et la « science serve », asservie à toutes les demandes politico-économiques, définies par Bourdieu (1997), il semble que la presse penche pour la première en construisant un discours de mythification du fait scientifique, ne considérant pas tout le travail de recherche qui précède le fait. Cette construction masque donc le fil du discours de l’acte de recherche, dans la mesure où elle évacue la propre matérialité de la démarche logico-empirique, propre à l’acte de recherche, ainsi que les opérations discursives, propres de cette démarche de construction et d’interprétation de l’objet [...] Dans la presse, il n’y a pas encore la compréhension du scientifique en tant qu’acteur politique. AINSI une question socioscientifique, par nature complexe, expertisée et médiatisée, va être orchestrée, va subir des mises en scène diverses, elle va être théatralisée devant des publics cibles et dans des temporalités particulières, avec la construction de jeux d'acteurs et d'arguments (construction actantielle), autour d'un contrat de communication mais aussi d'une représentations des publics et des enjeux de la communication et de l'objet de la communication. La communication sur une question socioscientifique articulera alors des (in)connaissances, des valeurs, des croyances et des émotions.
La pratique institutionnalisée de la controverse remonte à la disputatio médiévale. Elle s’est développée avec l’avènement des sciences expérimentales au XVIIe siècle, empruntant certaines de ses procédures à la sphère du droit (Shapin, 1991). Elle se déploie également dans l’espace normé de l’épistémologie classique popperienne qui exige l’épreuve permanente de la réfutation. L’intérêt des sciences sociales pour les controverses correspond à une extension de l’intérêt porté à la controverse scientifique une fois que celle-ci se déploie dans un espace public élargi (Le Marec et Babou, 2015). Les études de sciences ont revisité profondément les conceptions internalistes de l’activité de recherche, et mis au jour les liens entre des positions de légitimité scientifique, les arguments mobilisés, des pouvoirs, des instrumentations, des pratiques professionnelles, une économie, etc. La sociologie des controverses (Callon, 1981) s’inscrit dans ce continuum conceptuel, empirique et institutionnel d’un intérêt pour la dispute savante et ses agencements normatifs, matériels et sociaux. Cette migration de l’intérêt depuis la dispute savante vers la controverse sociotechnique a certes intégré au passage quantité de dimensions politiques et culturelles qui participent désormais de la vision des sciences du point de vue des sciences sociales. Mais les auteurs concernés minorent généralement les enjeux proprement médiatiques de la recherche, alors que des enjeux de communication peuvent surdéterminer des choix et des pratiques scientifiques, notamment dans les recherches financées par appel à projet. Nous retiendrons cette définition : Une controverse est constituée de l'ensemble des débats qui engagent des connaissances scientifiques ou techniques non stabilisées, avec des incertitudes sur les acteurs concernés et légitimes ; cela conduit à des affaires embrouillées mêlant des considérations juridiques, scientifiques, morales, économiques, sociales, etc. On retient donc des affaires où les incertitudes usuelles du social, de la politique, de la morale se trouvent compliquées par l’instabilité des connaissances scientifiques ou techniques et par l’absence de faits considérés comme indiscutables. Et cela doit donc pouvoir se suivre dans les productions ordinaires de la science (publications, articles, carnets de recherche, communications, brevets, etc.) (Meadel, 2015). Une controverse désigne ainsi l’expression d’un désaccord, d’une confrontation entre différentes rationalités, entre différentes conceptions d’un même problème et du monde social au sein duquel il se déploie. Elle désigne l’étape où ce « problème » peut être discuté, où des arguments peuvent être échangés pour faire évoluer les positions. Lorsque ces dernières sont trop figées, la controverse se transforme en conflit et le rapport de force prend le dessus sur la discussion. Plutôt qu’une discussion tournée vers la construction d’une position partagée, c’est alors une confrontation de valeurs qui s’exprime. L’analyse des controverses est un élément central de la sociologie de la traduction ou théorie de l’acteur réseau (Actor-Network Theory, ANT), développée depuis le début des années 1980 par Michel Callon. Cette sociologie prend en compte dans son analyse, au-delà des humains, les objets (« non-humains ») et les discours. Ces derniers sont considérés comme des « acteurs » ou des « actants », selon un concept emprunté de A.J. Greimas (1966) qui désigne ainsi toute entité sans distinction ontologique entrant dans un processus sémiotique. Les analyses ont évolué avec la sociologie de la transformation et les travaux de Francis Chateauraynaud, qui, dans une « pragmatique du pouvoir », insiste sur l’importance de la portée des arguments et de l’étude de leurs trajectoires, afin de rendre visible les « prises » réelles des acteurs sur les dossiers, et leur capacité à peser dans les rapports de force. De son côté, Dominique Pestre insiste sur le rôle des structures qui « gouvernent » les sciences et le poids du marché et de l'industrie dans le développement et la circulation des technosciences. Ses travaux, inscrits dans une perspective historique, mettent en lumière les logiques de pouvoir et de domination qui encadrent le déploiement des sciences et techniques et permettent de comprendre comment certaines innovations sont imposées par le marché sans être véritablement discutées collectivement. Voir Chavot
et Masseran (2017) sur l'histoire
de la sociologie des controverses : A
partir des années 1960, sous l’impulsion, notamment, de
la « nouvelle philosophie des sciences » portée par
Thomas S. Kuhn, Imre Lakatos et Paul Feyerabend. Thomas Kuhn
distingue le fonctionnement normal de la science et les révolutions
scientifiques en mettant en oeuvre le concept de paradigme. Il ouvre
une brèche : par la suite il sera possible d’appréhender
les faits scientifiques à l’instar de tout autre fait social
(Busino, 2007). L’école d’Edimbourg établit
dans les années 1970 le « programme fort pour l’étude
des connaissances scientifiques », qui relie la sociologie des
sciences fonctionnaliste de Robert K. Merton et l’épistémologie
des sciences (Bloor, 1976). Les chercheurs tentent
de mettre en oeuvre quatre principes dans leurs analyses : la causalité,
l’impartialité, la symétrie, la réflexivité.
Leurs travaux englobent ainsi les dimensions culturelles et politiques
des controverses scientifiques. Steven Shapin (1975),
étudiant la querelle phrénologique à Edimbourg
au début du XIXe siècle, montre que la controverse a pour
fond des conflits sociaux et de classe. Promue par des intellectuels
marginaux qui s’opposaient à l’aristocratie universitaire,
la phrénologie était porteuse d’un nouveau modèle
de société : chacun y trouverait sa place non pas en fonction
d’un savoir universitaire élitiste mais simplement en raison
des bosses de son crâne. L’auteur a mis en évidence
la productivité scientifique de cette controverse qui a débouché
sur une meilleure connaissance du cerveau. Voir
Chavot
et Masseran (2017) : Publics
et/ou acteurs des controverses
il s'agit d'éviter l’illusion qu’il existerait une sorte d’espace médiatique ouvert (une « arène », pour reprendre le lexique de la sociologie des controverses) où les acteurs s’exprimeraient en coprésence, selon le modèle parlementaire, de manière visible et observable par un public. Comme le rappelle Chavot et Masseran (2017), les modes de publicisation des controverses sont fondamentaux. Ainsi Joëlle Le Marec et Igor Babou (2015, P. 115) précisent-ils le rôle que jouent les médias dans les controverses publiques, rôle souvent négligé par les recherches sociologiques centrées sur les stratégies des acteurs : Les médias ne sont pas seulement des espaces de déploiement de stratégies d’enrôlement ou de mise en visibilité d’arguments, de positions et d’acteurs. Ce sont aussi des espaces fortement structurés par des enjeux professionnels, économiques, politiques et cognitifs autonomes. Pour cette raison au moins, l’analyse de la dimension communicationnelle des controverses est essentielle. Les travaux portant sur les discours de presse ou de télévision ont montré la spécificité énonciative d’une chaîne de télévision ou d’un quotidien, par exemple, et comment cette spécificité intervient dans la manière dont des individus, des groupes sociaux ou des organisations sont convoqués, cités, ou omis dans les discours. [...] Cette spécificité des médias oblige à les considérer comme des acteurs à part entière des controverses qu’ils traitent. Plus encore, elle renvoie à des conceptions théoriques des médias comme espaces ayant une opérativité symbolique (même s’ils sont partiellement dépendants de la maîtrise d’une technologie de transmission d’information) dans lesquels on entre et dont on sort, qui incluent des acteurs sociaux très divers, en excluent d’autres, structurent leurs rapports, et construisent une manière d’être public. Il s'agit ici d'admettre le caractère d’emblée médiatique de l’activité scientifique, qui s’exerce dans des établissements professionnellement gérés. Il ne nous semble pas possible de penser les sciences sans mobiliser les dispositifs de médiation éditoriaux et médiatiques, qui ne se limitent pas à faire circuler des productions et des énoncés, mais qui les travaillent et les transforment en permanence. [...] La distinction entre littérature primaire et discours médiatiques à propos de sciences est théoriquement difficile à tenir et il y a tout intérêt à chercher des différences ailleurs que dans l’imaginaire d’un espace interne où les pratiques de communication scientifiques seraient entièrement régulées par les enjeux cognitifs (publication, séminaires, colloques, etc.). [...] le fonctionnement professionnel quotidien de la recherche est dépendant d’activités de communication incessantes qui mobilisent des savoirs et des savoir-faire de la communication. Outre ceux-ci, ce sont également des dispositifs et des espaces sociaux de la communication qui ont pris leur autonomie au sein de la pratique scientifique. Le Marec et Babou (2015) distingue plusieurs conceptions de l'espace public médiatique :
Implications pour une cartographie des controverses médiatisées A travers l'étude d'une dispute sur une question d'éducation, il s'agit d'identifier les processus de circulation, de transformation, d'hybridation et de naturalisation de savoirs, et plus généralement de répresentations sociales. Notons que nous aurions pu faire le choix d'étudier ces processus non pas en contextes de disputes, ce qui fonde la sociologie des controverses, mais en contextes de coopération. Il s'agit donc ici de réaliser une cartographie située spatialement et temporellement de la diversité des positions sociales, des jeux d'acteurs et d'arguments, mais aussi des réseaux d'alliance, se référant ici à la théorie de l'acteur réseau (ou sociologie de la traduction) de Callon (1986) et Latour (2005), mais aussi à la sociologie de la transformation de Chateauraynaud. Signalons les principales limites identifiées actuellement, en lien avec cette théorie pratique de travail sur des controverses :
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- III. Implications pour une éducation aux controverses En contexte d'enseignement ou de médiation scientifique, plusieurs facteurs sont susceptibles de faire naitre et d'alimenter les débats vis à vis d'une controverse : les représentations des publics, leur âge, les représentations de l'éducateur lui-même, les représentations des parents (ou autres éducateurs), l'éthique de l'établissement ou de l'institution, son emplacement sur le territoire, les évènements dans cet établissement ou cette institution, le climat social et politique du moment, les discours et représentations médiatisés :
Mise en scène pédagogique d'une controverse : pourquoi ? comment ? L'enjeu est de clarifier les objectifs éducatifs associés au traitement d'une controverse en contexte d'enseignement et d'apprentissage. La tradition scolaire est généralement fondée sur l'exclusion des controverses en situation de classe, pour maintenir la paix, avec le postulat que parler de controverses en classe risque de semer le doute et la confusion dans l'esprit de nos publics. Dans cette doxa et cette épistémologie scolaire, les jeunes publics auraient besoin de certitudes pour se construire. Or la pari que l'on fait ici, à la suite de Dewey, c'est qu'en sortant des certitudes et des références consensuels (modèle de 4R de Audigier, 2001), l'expérience d'enquête sur une controverse possède un potentiel éducatif pertinent pour la citoyenneté démocratique et l'émancipation des élèves, futurs citoyens, sachant que l'univers, l'avenir et le changement social se construit aussi, mais pas seulement !, à partir de disputes, de controverses et de débats. L'enjeu est donc de donner des outils aux élèves pour se positionner de manière critique et argumenté, à l'épreuve de leurs propres représentations mais aussi en essayant de saisir la logique des autres. C'est aussi une éducation à la complexité du monde, loin de l'idée qu'on apprend mieux en simplifiant la réalité. Ce positionnement éducatif, même s'il ne se réfère pas directement à l'utilisation des controverses, est également celui de l'éducation nouvelle puis moderne, dans le sillage des travaux de pédagogues comme Dewey, Freinet ou Freire. A la suite aux conflits mondiaux de la fin du XIXe et du début du XXe, on s'interroge sur la manière d'apprendre aux plus jeunes à se comprendre et à s'entendre, à débattre de manière démocratique et autonome, malgré les diversités de représentations et les intérets divergents. Loin de "la loi du plus fort", pour un "plus jamais ça", on postule donc que la mise à l'épreuve des controverses a un pouvoir éducatif citoyen et peut constiutuer un apprentissage de la démocratie.
Au Canada, depuis une vingtaine d'année, on développe des programmes éducatifs autour de controverses, au service d'une pédagogie critique (Bader, décembre 2017), notamment dans les programmes d'éducation au développement durable. Ce courant a émergé dans les années 1970 en Amérique du sud, notamment dans le contexte des travaux de Paolo Freiré pendant la dictature chilienne, pour une pédagogie des opprimés, une forme d'éducation populaire vers l'autonomie et la responsabilité citoyenne. L'enjeu est développer de l'autonomie et de la liberté de penser et d'agir, si on place nos jeunes en situation de disputes organisées, et si on les pousse à expliciter leur logique d'action personnelle, et à comprendre en meme temps celles des autres. On cherche donc à placer les apprenants dans une posture de reflexivité, pour les forcer à se regarder penser et agir, à l'épreuve des autres, et de leurs modes de pensée. Pourquoi un tel souhait éducatif ? pour développer la liberté de penser, mais aussi pour que les apprenants s'engagent socialement et politiquement sur la voie d'un changement et une transformation sociale, par une remise en question des ordres établis et des systèmes de valeurs qui les fondent, qui peuvent apparaitre parfois comme des consensus mais qui sont le fruit d'une histoire et d'une négociation construite socialement. Dans ces pédagogies, on espère par exemple conduire à la remise en question d'évidences et de croyances sociales comme celle que la nature est une ressource à exploiter, ou encore que le progrès scientifique est nécessairement source de progrès social, ou encore le lien direct entre le savoir et le pouvoir (ou idéologie de la compétence, Roqueplo, 1974), c'est à dire reconnaitre qu'il existe d'autres savoirs et d'autres rationnalités, notamment ceux de l'expérience, des traditions qui ont une valeur sociale qu'on ne doit pas repousser a priori. Cette pédagogie critique des controverses est donc un moyen d'éducation à la complexité, d'ouverture à la réalité complexe, mais également d'éducation critique. Elle est interdisciplinaire, elle se construit dans le monde occidental actuellement et il s'agit donc d'une pédagogie de l'autocritique de nos sociétés qui met à contribution les plus jeunes, mais aussi ceux qui ont le moins de pouvoir social. En Europe, ce courant, qui émerge aussi comme critique de la domination coloniale de la fin du XIXe et du début de XXe, suppose de donner la parole aux élèves en reconnaissant qu'elle a de la valeur, pour s'interesser à leurs représentations et à leurs logiques d'action et de justification. On donne donc le pouvoir à ceux qui apprennent, ce qui est probablement un des fondements des pédagogies alternatives, ces pédagogies qui reviennent régulièrement sur le devant de la scène médiatique et politique, notamment dans la critique sociale du système d'éducation publique et de la forme scolaire traditionnelle. On parie sur le fait que cette pédagogie critique génèrera de la confiance et de l'estime de soi, favorable à l'engagement démocratique des futurs citoyens, mais avec le risque d'une remise en cause du système politique dans lequel ils évoluent. On constate souvent que cette pédagogie destabilise les jeunes car ils n'ont pas l'habitude de cette délégation de confiance, de paroles ete de responsabilité. Par ailleurs, elle ne convient pas à tous, et tous ne sont pas prêts à l'accepter. Elle suppose également de sortir du système d'évaluation traditionnelle et académique des savoirs acquis. Ici on évalue plutot la capacité à argumenter et à agir, et pas seulement l'apprentissage de savoirs prescrits. Attention donc aux risques de stigmatisation de ceux qui refuseraient de rentrer dans cette approche éducative critique.
Quelle
évaluation ?
Il s'agit donc de reconnaitre que celui qui enquête va dévrelopper une expertise de la controverse sur laquelle il est en train d'enquêter, plus que celui qui encadre ses travaux et son epérience d'enquête, un encadrement essentiellement méthodologique et orientée vers la critique vis à vis de l'absence de prise en compte d'un groupe d'acteurs ou d'une alliance d'acteurs, sur une argument incomplet ou oublié, sur une arène d'expression non identifiée, sur un évènement médiatisé négligé (approche spatio-temporelle de la controverse), mais aussi sur le manque de réflexivité critique et de flexibilité cognitive de l'enquêteur. Selon Simonneaux et Simonneaux (2005), la grille d'évaluation pourrait porter sur les critères suivants : - capacité à
rechercher des informations Les formes d'actions pédagogiques peuvent être celles du débat argumenté, du jeu de rôle, etc... Dans ces situations, c'est le développement et l'évaluation des capacités argumentatives qui comptent, en favorisant la problématisation de la question vive, et l'esprit critique, et étant vigilant à ne pas fermer l'argumentation des élèves et étudiants. D'autres difficultés devront être gérées, notamment l’interdisciplinarité incontournable pour traiter des questions socioscientifiques, l’émotion toujours potentiellement présente, l'organisation et l'animation de débats mais également la posture éducatif de l'enseignant-animateur (voir Hirsch et al., 2015).
Définir les fonctions socioéducatives de la cartographie des controverses
Laurence Simmoneaux rappelle que les éducations à abordent des questions complexes porteuses d'incertitudes, de nature socioscientifique (Simonneaux, comme de nombreux auteurs (voir Hasni et Dumais, 2018 par exemple) adopte une distinction entre science et société, et donc entre controverse scientifique et controverse sociale; même si elle reconnait que ces catégories de controverses ne sont pas étanches (p.339)), et associés à des dimensions éthiques. Au coeur de l'éducation dans un monde incertain, un mode influencé par le développement des technosciences et l'existence de risques environnementaux et sanitaires, ces questions sont socialement vives dans des espaces institutionnels, professionnels, médiatiques et éducatifs. Complexité, expertise et médiatisation caractérisent ces questions dont la vivacité est liée à la circulation sociale de controverses, de polémiques et autres formes de débats. Cyril Lemieux (2007), en sociologie, considère que les controverses opposent deux partis et sont mises en scène devant un tiers placé en position de juge. Cette approche traidique des controverses est discuté par Simonneaux qui estime que la bipolarisation des partis est réductrice. Perception des incertitudes et des risques engendrent une diversité d'argumentations et de points de vue, portée par plusieurs partis ou réseaux d'acteurs (points de vue multiformes). En notant qu'un même acteur peut avoir des argumentations différentes en fonction du tiers devant lequel il s'exprime ou suppose s'exprimer, mais également en fonction de l'espace dans lequel se fait l'énonciation, l'enjeu est d'obtenir l'adhésion du public juge. Pour Simonneaux, une controverse peut inclure des sous-controverses, elle est dynamique, rejoignant ici la vision de la sociologie pragmatique et réflexive de Chateauraynaud (2011) sur la trajectoire des arguments (balistique argumentative) et la sociologie de la transformation des controverses par des jeux d'acteurs et d'arguments, ou encore plus indirectement les travaux de Moirand sur le voyage des mots dans le presse, lors de la production médiatique de moment discursif. En mettant à l'épreuve la théorie de l'acteur réseau éloborée par Callon, Lascoumes et Barthe (2001), les étudiants de l'Ecole des Mines sont invités à conduire une enquete socio-épistémologique pour réaliser des cartographies de controverses sociotechniques. Loin d'une approche déterministe qui consisterait à faire correspondre à chaque problème une "bonne" solution, l'idée est d'apprendre à faire des arbitrages en plusieurs solutions possibles, en anticipant les réactions sociales, morales, économiques et organisationnelles (site pourquoi étudier les controverses de l'Ecole des Mines), à présenter toutes les différentes positions des parties prenantes, même celles qui sont marginales et qui ont été invalidées, à saisir la complexité du sujet dans l'espoir d'aider à se forger une opinion, pour une démocratie participative impliquée dans les débats de société. Cette méthode est actuellement transposée dans d'autres univers éducatifs, comme ceux de la médiation scientifique ou de l'enseignement des sciences pour les élèves et les enseignants. Il semblerait que les études des effets de l'exercice confirment la pertinence pour le développement de la reflexivité des éducateurs et des éduqués en saisissant la complexité des jeux d'acteurs et d'arguments, situés dans l'espace sociale et dans le temps.
En situation de controverses, certains recommandent le recours à des consultations citoyennes qualifiées également de conférences de citoyens. Mais elles ignorent le plus souvent la pluraltié des analyses provenant de savoirs non techniques et n'utilisent le plus souvent que les arguments d'autorité des experts officiels. Simmoneaux rappelle que l'association Sciences citoyennes essaie de favoriser le mouvement de réappropraition citoyenne et démocratique de la science, afin de la mettre au service du bien commun. Postures éducatives et neutralité
Les éducateurs peuvent se sentir mal à l'aise et refuser le traitement éducatif de controverses. Cette posture d'évitement peut s'expliquer par une culture disciplinaire qui pose la primauté des savoirs technoscientifiques, et bride les doutes au sujet des innovations, mais également qui pose la neutralité du point de vue de l'enseignant comme une éthique professionnelle. Cette posture est qualifiée par Kelly (1986) de neutralité exclusive. Configurations didactiques et postures épistémologiques Sur l'exemple de l'éducation au développement durable, Jean Simonneaux (2011) s'est intéressé à la diversité des situations d'apprentissages et des choix éducatifs proposées par des enseignants et d'autres éducateurs. Il a proposé en 2011 le concept de configuration didactique qui rend compte et permet d'analyser la complexité et la cohérence des situations didactiques. La configuration didactiquese réfère à trois éléments mis en cohérence dans les situations didactiques : les conceptions du savoir, la stratégie didactique et la posture épistémologique :
Ainsi, en utilisant cette grille d'analyse pour l'étude de situations d'éducation au développement durable, Simonneaux & Simonneaux (2012) ont répéré 3 configurations didactiques. Une configuration à dominante problématisante qui vise la construction d'une problématique complexe à propos des liens entre environnement, société et économie. Une configuration pragmatique et contextualisée pour l'action, car faire, c'est apprendre, par la pédagogie de projet et la recherche d'actions innovantes. Cette configuration tend à refroidir la vivacité des questions pour privilégier l'action. La configuration critique et engagée met en exergue les controverses et les incertitudes, et les mises en débat autour de nouvelles questions plutot que de solutions aux problèmes.
8. La posture de l'éducateur en situation de controverses : de quel côté êtes-vous ?
Exercice
: exemple de déclarations pouvant faire l’objet d’un
débat, et ayant une dimension émotionnelle ayant une incidence
sur l'ambiance et le contrôle d'un groupe. Elles permettent également
à un groupe d'apprendre à mieux se connaitre et à
"briser la glace". Un sujet controversé est "un
sujet qui éveille des sentiments intenses et divise l'opinion dans
les communautés et dans la société" (UE,
2014, p.47). Comment un éducateur peut réagir face aux avis et arguments divergents exprimés au sein d'un groupe ? De quel côté doit-il se ranger ? Comme
un tout un chacun, les enseignants ont le droit d’avoir un avis.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’ils aient à en faire
part à leurs élèves ni qu’ils favorisent ceux
qui sont
Il semble important de questionner la posture adoptée par l'éducateur mais aussi de s'interroger sur sa réception par les publics. Des décallages importants existent, sont sources de malentendus et peuvent conduire à une représentation de la controverse très éloignée des intentions de l'enseignant. Chaque posture comporte donc des risques didactiques; notamment de relativisme, de dogmatisme, d'endoctrinement ou de renforcement de représentations. Exercice : construire collectivement un tableau des atouts et des faiblesses de chacune de ces 6 postures. Dans quel cas utiliser ou ne pas utiliser les différentes attitudes ? (Kit pédagogique, p.66-67) ?
Comparasion
de typologie de postures éducatives face à des sujets controverses,
Urgelli, 2018, d'après Stardling et al.,
1984 et Kelly, 1986.
Réaliser et analyser un débat en classe, pourquoi faire ? (d'après Panissal, N. & Hubert Strouk, H., 2017) Le débat est décliné en de nombreuses pratiques sociales qui influencent les représentations des acteurs du système éducatif sur ce que doivent être les débats en classe (débats scolaires). Tous les débats sociaux ne constituent pas des pratiques de références pour l’enseignement, l’exemple canonique est celui du débat télévisé (Dolz & Schneuwly, 1998) qui constitue un contre modèle (Husson, 2007). Cet auteur considère l’omniprésence contemporaine du genre du débat en classe, de l’école primaire au lycée, comme un exemple d’évolution des curricula pour, non seulement les contenus d’enseignement eux-mêmes, mais aussi leur organisation, leur transmission et une modernisation des disciplines (Dias-Chiaruttini, 2010). Ces préconisations didactiques et institutionnelles amènent à s’interroger sur le statut et la nature de ces situations de langage étant donné que les différents types de débats pratiqués dans la sphère scolaire sont loin d’avoir les mêmes objectifs. Les débats analysés dans cet article sont rattachés à l’espace disciplinaire de l’histoire géographie et de l’enseignement moral et civique. Audigier (2002) souligne l’intérêt du débat pour interroger les évolutions du monde et de la société. Les prescriptions officielles depuis plusieurs années officialisent le débat comme une bonne pratique pour construire le vivre ensemble, prendre en compte la parole de l’élève, gérer les conflits, construire des savoirs. [...] Une analyse de contenu (Bardin, 2001) est conduite sur les [...] corpus [...] Cette analyse a pour objectif d’identifier les thèmes évoqués par l’oratrice et les débatteurs. Il s’agit de regrouper le corpus en fonction d’unité de sens du discours en faisant émerger des mots clés. Cette analyse met en évidence, les notions évoquées [...]. Elle permet d’extraire du corpus les thèmes soulevés [...] dans leurs interactions. Dans un deuxième temps, à l’intérieur de chaque thème, une analyse argumentative sur les réfutations et contre-argumentations des débatteurs repère les moments argumentatifs clés. Ces moments sont caractérisés par la confrontation discursive des interlocuteurs qui construisent des réponses antagonistes à une question (Plantin, 2005). L’argumentativité émerge lorsqu’un discours défend une cause et qu’un autre discours soutient une position opposée. Ces moments constituent le trilogue argumentatif entre un discours de proposition chargé de la preuve (la justification), un discours d’opposition amenant la réfutation, et une question débattue à ce moment précis. Cette méthodologie conduit à extraire la question débattue [...] au coeur de la dynamique de l’interaction (Brossais, Panissal & Garcia-Debanc, 2013). voir aussi Hirsch, S., Auget, G. & Turcotte, M. (2015). Aborder les sujets sensibles avec les élèves. Guide pédagogique. Centre d'intervention pédagogique en contexte de diversité.
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