Eduquer
aux controverses : Enjeux, défis et méthodes Benoît
Urgelli et Abdelkrim Hasni Ce à quoi les citoyens devraient devenir capables de s'intéresser, c'est à la science "telle qu'elle se fait", avec ses rapports de force, ses incertitudes, les contestations multiples que suscitent ses prétentions, les alliances entre intérêts et pouvoirs qui l'orientent, les mises en hierarchie des questions, disqualifiant les unes, privilégiant les autres. C'est à partir de tout cela que se construit le monde (Stengers, 1997, p. 85-86, cité par Albe, 2009, p.174). Les fondements positivistes des sciences prégnants dans l'enseignement doivent être remis en cause si l'on souhaite centrer les activités pédagogiques sur des controverses socioscientifiques afin de permettre aux jeunes de comprendre leur monde et de participer à sa configuration (Albe, 2009, p.174). L'intéret de l'enseignement des questions socialement vives, c'est justement d'affirmer que l'espace scolaire est un espace social parmi d'autres et qu'il peut, qu'il doit même être traversé (sous certaines conditions bien sur) des débats qui sont ceux de la société toute entière ainsi que de préparer aux débats qui émergeront dans le futur (Nedelec, 2018). Nous ne vivons pas dans un consensus global de valeurs qui seraient comme des étoiles fixes. C’est là un aspect de la modernité et un point de non retour. Nous évoluons dans une société pluraliste, religieusement, politiquement, moralement, philosophiquement, où chacun n’a que la force de sa parole. Notre monde n’est plus enchanté. La chrétienté comme phénomène de masse est morte (ce qui est plutôt positif) et nos convictions ne peuvent plus s’appuyer sur un bras séculier pour s’imposer. Du même coup, tout est changé pour tout le monde, puisque les croyances religieuses elles-mêmes ne constituent plus le bien commun. C’est une des paroles qui doivent se faire entendre parmi d’autres. Préparer les gens à entrer dans cet univers problématique me paraît être les tâches de l’éducateur moderne. Celui-ci n’a plus à transmettre des contenus autoritaires, mais il doit aider les individus à s’orienter dans des situations conflictuelles, à maîtriser avec courage un certain nombre d’antinomies. Ricoeur, in Hocquart, 1995, p.95 Problématique Depuis les années 1990, une partie des communautés éducatives en lien avec la recherche internationale, s'interroge et expérimente sur ce que suppose dans les pratiques d'éducation formelle et non formelle, la prise en charge de controverses socioscientifiques, à propos de questions vives de santé, d'environnement et de développement notamment. Dix ans après l'ouvrage Enseigner les controverses de Virginie Albe (2009) et alors que Jean Simonneaux (2019) vient de coordonner un ouvrage sur la démarche d'enquête, comme contribution à la didactique des questions socialement vives, ce colloque francophone internationale se propose de regrouper une partie des équipes qui expérimentent et théorisent les enjeux, les défis, les méthodes pour le traitement des controverses, dans des contextes éducatifs divers et face à des publics d'âge différent. Durant ce colloque, la posture de recherche critique que nous adopterons nous obligera à résister à deux positions extrêmes : d'une part, un enthousiasme militant dans lequel l'éducation aux controverses porterait une nouvelle alliance riche de promesse entre éducation aux sciences et éducation à la citoyenneté et d'autre part, un refus épidermique en supposant que les questions controversées n'auraient pas lieu d'être travaillées, ne relevant par exemple pas de la science (Albe, 2009, p.176). Eduquer aux controverses : Quelles méthodes ? Plusieurs recherches récentes sur l'éducation aux controverses s'accordent sur la pertinence des pédagogies actives et constructivistes, visant à élaborer avec les élèves, les étudiants, et plus généralement avec des publics profanes, des ilots de rationalités autour d'une controverse socioscientifique (Pouliot et Groleau, 2011 ; Hasni et Dumais, 2018 ; Morin, 2019, tous se référant à Fourez, 1997). Par la réalisation d'une enquête socio-épistémologique s'inspirant des travaux de Dewey (1938), il s'agirait d'aider les apprenants à élaborer une représentation globale et complexe de la controverse, mobilisant des savoirs pluriels, des territoires d'incertitudes et d'ignorances socio-épistémologiques, et plus généralement une diversité de représentations sociales, de savoirs, de valeurs, d'émotions et d'intérêts, qui font d'une controverse une question politiquement sensible (Tutiaux-Guillon, 2006 ; Albe, 2009b). Dans ces démarches d'enquête (Simonneaux, 2019), on s'intéresse aux jeux d'acteurs et aux argumentations, et on essaie de construire une cartographie des points de vue et de leurs fondements, une cartographie à la fois contextualisée et dynamique. L'enjeu est de tenter de s'extraire d'une approche manichéenne de la controverse, pour élaborer une opinion indépendante, raisonnée et argumentée. En croisant les diverses subjectivités, on espère aboutir à une objectivité de second rang (Latour, 2007). Durant l'enquête, l'effort de reconceptualisation et de re-problématisation est fondamental, et conduit à déterminer mutuellement les faits à prendre en compte, et les modèles qui permettent de les interpréter, développant une argumentation fondée sur des preuves tangibles (au sens de Chateuraynaud, 2004). Au sein d'un même collectif d'enquête, la diversité des affects, des émotions, des systèmes de valeurs et des intérêts personnels peut conduire à l'expression argumentative d'une diversité d'opinions (Breton, 2016). Les pédagogies critiques qui accompagnent le traitement de questions controversées supposent un processus de traduction socio-épistémologique de la controverse et la mise en débat des diverses opinions identifiées et élaborées par les publics. Divers dispositifs complémentaires, définissant les contours d'une praxéologie de l'enquête ont été recensés dans l'ouvrage de Simonneaux (2019): en plus du recueil et du traitement d'information, on évoque l'intérêt des cartographies de controverses comme moyen de mise en forme de l'enquête et d'appréhension de la complexité, la pertinence de l'élaboration de scénarii du futur, pour l'appréhension des incertitudes, la mise en place de débats sur des questions sensibles (Hirsch et al. 2015), ou encore des rencontres d'acteurs et des actions publiques, qui contribuent à clôturer l'enquête ou la maintenir dans l'agenda politique (Pouliot, 2019). Comme le rappelle Hervé (2019), en se référant à l'analyse de Meadel (2015) sur la sociologie des controverses, la démarche d''enquête s'appuie le plus souvent sur la théorie de l'acteur réseau (Callon et Latour, 1990) qu'il faut réinterroger, en prenant de la distance avec un principe de symétrie appliquée aux acteurs et aux arguments. Selon Chateauraynaud, la portée des arguments n'est pas la même en fonction des acteurs et des arènes dans lesquels ils s'expriment (Chateauraynaud, 2011). Cette portée contribue à la dynamique de la controverse et à l'évolution des rapports entre acteurs. Eduquer
aux controverses : Quels enjeux ? Les pédagogies critiques qui accompagnent ce projet portent l'espoir de conduire ces publics vers un rapport émancipé aux connaissances, à la nature des sciences, à la production des savoirs et à l'expertise, par le questionnement socio-épistémologique. Ce questionnement, cet apprentissage est supposé nécessaire à un engagement citoyen démocratique, et à une participation à la prise de décision autour d'une controverse sociotechnique. Mais est-ce bien le cas ? est-il suffisant ? Par une éducation critique (Freire, 1970), et un traitement éducatif politisé de la controverse, l’enjeu serait d’expliciter quels acteurs, quels intérêts et quels arguments sont en jeu, tout en invitant les publics à penser les possibles futurs. L'hypotèse est que cette forme d’éducation encouragerait alors l'émancipation et la prise de décision critique, juste et responsable. Mais est-ce réellement le cas ? et sous quelles conditions ? Pour appréhender les controverses socioscientifiques, la pensée critique et éthique (Panissal, 2019) et l'argumentation socioscientifique sur le présent, le passé, les futurs probables, possibles, imaginés ou souhaités, seraient probablement des compétences nécessaires au développement d'une citoyenneté scientifique active, capable de conduire une société vers plus de soutenabilité et de justice. Mais ces compétences suffisent-elles à l'engagement et à l'activisme citoyen ? Quelles postures éducatives sont susceptibles de susciter l'engagement ? Eduquer aux controverses : Quels défis ? Ces enjeux éducatifs et les dispositifs associés sont en rupture avec l'approche de l'instruction publique (Callon, 1998) qui domine actuellement dans les systèmes éducatifs francophones, et plusieurs défis nous semblent devoir être relevés.
Nedelec et Molinatti (2019) proposent de coupler la cartographie des controverses, permettant d'appréhender la complexité, avec une scénarisation des futurs possibles, fondés sur l'imaginaire et la science-fiction (Rumpala, 2016). Ce couplage de dispositifs permettrait de questionner les conditions de productions des savoirs, leurs usages sociaux, mais aussi les effets, les réponses et les acteurs qui pourraient faire évoluer la controverse dans le futur. L'élaboration des "possibles sociopolitiques élargis" et d'une éthique du futur contribueraient alors, en rétroaction, à interroger de manière critique les pratiques et les débats contemporains. D'autres propositions sont probablement en cours d'élaboration et d'analyse. Dans la dynamique des controverses, des groupes ayant des références multiples se structurent et se restructurent, et de complexes jeux d'acteurs et d'arguments sont à l'œuvre. Qui dit le vrai ? Qui est autorisé à dire le vrai ? (Albe, 2009). Pouliot (2019) rappelle la nécessité d'adopter durant l'enquête une posture anti-déficitaire à l'égard des publics, c'est à dire de ne pas les considérer a priori comme n'ayant pas les connaissances, les capacités et les attitudes leur permettant de comprendre la controverse. C'est dans le cadre du modèle de la co-production de savoirs (Callon, 1998) qu'il faudrait aborder l'enseignement des controverses. Dans la conduite de l'enquête, Ladage et Chevallard (2010) invitent à développer une attitude de pro-cognition ("je ne sais pas mais je vais chercher"), plutôt que de retrocognition ("je ne sais pas alors que je devrais savoir").
Mais cette posture activiste, et le contrat communicationnel et didactique spécifique qui lui est associé, sont redoutés ou refusés par certains acteurs, par crainte d'influencer la liberté de pensée de leurs publics, de semer des doutes comportant un risque de désengagement sociopolitique ou d'être en désaccord avec certains publics, voire avec le positionnement de l'institution qui les héberge. Face à l'analyse socioépistémologique complexe des savoirs et des pratiques liées au traitement d'une question socialement vive, Lantheaume (2006) identifie ainsi une attitude de prudence chez les éducateurs enseignants, dans la prise de responsabilité d'une critique en éducation et dans l'explicitation de choix politiques à faire. Finalement,
ce sont ces questions de postures éducatives qui seront débattues,
à la lumière des recherches sur les pratiques, et des
synthèses qui seront présentées. Des implications
en termes de communication, d'éducation et de formation seront
identifiées et discutées.
Benoît
Urgelli Résumé : Mes recherches s'intéressent aux logiques de médiation et d'éducation liées au traitement de questions socialement vives. Elles tentent d'identifier des implications pour la formation et l’éducation aux controverses socioscientifiques, par essence politisées et médiatisées, dans une visée d’émancipation citoyenne, critique et active. Il s’agit de théoriser et d’expérimenter des démarches d’enquête socio-épistémologique autour de questions socialement vives, en s’intéressant particulièrement aux problématisations et aux argumentations présentes dans l'espace public, autour de ces questions, mais également aux postures réflexives de l'éducateur favorisant l'engagement et l'activisme citoyen critique. L'enjeu est de développer une éducation à la complexité, à l'incertitude, et aux postures réflexives des acteurs de l'éducation et de la formation, confrontés avec leurs publics à la vivacité de ces questions. Si la controverse constructive (Johnson et Johnson, 2009), la cartographie sociale des controverses, ou encore la démarche d'enquete (Simmoneaux, 2019) sont des dispositifs d'entrée dans l'éducation aux controverses, certaines conditions épistémologiques, didactiques, communicationnelles et professionnelles sont nécessaires au développement d’une compréhension avertie et d’un usage raisonné et critique des expertises, un jugement réflexif et flexible, fondé sur la problématisation et l'argumentation nuancée, particulièrement en contexte d'incertitude. En situation de controverses, la posture de l'éducateur est un élément fondamental des pédagogies critiques visant l'émancipation citoyenne et la participation démocratique et active aux débats publics, dans un idéal de transformation sociale. Mots clés : médiation, éducation, cartographie des controverses, citoyenneté critique
Cadrage scientifique du projet d'HDR Considérant l'enseignement comme un acte de médiation contraint, à visée didactique, mes recherches explorent les liens entre modèles d'éducation et modèles de communication, lors du traitement de questions de santé, d'environnement et de développement durable (évolution climatique, évolution de la biodiversité, pratiques vaccinales et gestion des risques). Mes enquêtes de terrain s'intéressent aux pratiques, le plus souvent déclaratives, d'éducateurs confrontés à des questions socialement vives qui mobilisent une diversité de représentations, de croyances, d'intérets et de systèmes de valeurs.
On constate que toutes les questions socialement vives interpellent les systèmes éducatifs et leur pilotage autour de 4 défis explicités en 1996 dans le rapport Delors pour l’éducation au XXIème siècle : comment apprendre à savoir, à faire, à être et à vivre ensemble. Lorsqu’on s’intéresse aux traitements didactiques et médiatiques de questions socialement vives, dont les dimensions communicationnelles contribuent à la vivacité dans l’espace social et dans le temps (Le Marec & Babou, 2015 ; Simonneaux & Simmoneaux, 2014 ; Chateauraynaud, 2007), la place de l’école pour une citoyenneté critique et active s'invite dans les débats. Elle se retrouve alors à la charnière entre institutions médiatiques et politiques. L’alphabétisation scientifique, médiatique et politique devient un projet socio-éducatif central, et les acteurs que l’on souhaiterait voir s’engager dans ce projet sont ceux de l’éducation formelle mais aussi ceux de l'éducation non formelle, tous pris dans un mouvement social plus large, celui de l’openschooling, pour une éducation citoyenne critique et active. Certains décideurs (OCDE, 2001, 2020) militent même pour la suppression de l'institution scolaire dans un mouvement général de déscolarisation similaire à celui qu'avait dessiné Ivan Illich dans les années 1970. C'est la forme scolaire qui est questionnée. Mes recherches tentent, sur différents terrains de l’éducation et de la médiation scientifique, de catégoriser les postures des acteurs confrontés à ces questions socialement vives, des postures qui interrogent leur capacité réflexive et leur subjectivité, mais également les conditions d'un apprentissage de la problématisaton et de l'argumentation, et plus généralement de la pensée critique et éthique (Panissal, 2019), une pensée contre soi (Houdé, 2005), à l’épreuve de l’altérité (Lamarre, 2006). Mes recherches interrogent également les postures qui permettraient l'engagement des apprenants dans la transformation sociale et notamment la posture de neutralité souvent évoquée dans le discours des acteurs de l'édcuation formelle. Que suppose-t-elle vis à vis des rapports aux savoirs, des publics et aux finalités éducatives ? Mes analyses montrent l'existence d'une diversité de postures éducatives et la nécessité, pour une éducation à la citoyenneté active, d'ouvrir les discussions entre éducateurs pour définir une posture éthique professionnelle non prescriptive (Prairat, 2009), qui favorise la prise en charge des dimensions controversées, incertaines, éthiques et politiques des questions socialement vives, dans le cadre d'une contrat de communication renouvelé, à visée sociodidactique. Pour la formation des éducateurs et des citoyens aux prises avec le traitement de questions socialement vives, il apparait nécessaire de développer un apprentissage de la problématisation mais également de l'argumentation socioscientifique. La voie qui parait privilégiée actuellement est celle de l’apprentissage de la démarche d’enquête socio-épistémologique (Simonneaux et al. 2007 ; Simonneaux, 2019), une démarche que nous expérimentons depuis trois ans avec nos étudiants en master Expertises et Recherches en Sciences de l’éducation de l’université de Lyon, autour de la cartographie des controverses en éducation. Prolongeant l’approche sociologique de l’acteur-réseau (Callon et Latour, 1990 ; Latour, 2007) vers la sociologie pragmatique des transformations (Chateauraynaud, 2007), nous tentons d’y intégrer les apports des sciences de la communication prenant en compte les arènes médiatiques comme actrices à part entière de la dynamique des controverses (Le Marec et Babou, 2015). Nous nous focalisons surtout sur la dynamique argumentative et ses évolutions possibles, les réseaux d’acteurs engagés et les stratégies communicationnelles déployées dans l’espace sociopolitique, en essayant de ne pas négliger la portée relative de certains arguments, en fonction des temporalités, des acteurs impliquées mais aussi des espaces d'expression et d'énonciation choisis. Durant la préparation de l’HDR, nous continuerons à recueillir des données et à expérimenter cette méthode d'enquête, pour la rendre opérationnelle sur le terrain de l’éducation et de la formation à la citoyenneté critique, autour de deux questions vives : celle de l'hésitation vaccinale, et celle des intentions sociales de changement de la forme scolaire, voire de déscolarisation (notamment dans le cas de l'instruction en famille (home-schooling)). Les méthodes d'enquête socioépistémologique expérimentées dans l'enseignement des controverses, par nos collègues toulousains (Hervé, 2014 et Nedelec, 2019), lyonnais (Morin, 2019) et quebecois (Hirsch et al., 2015) seront des références auxquelles nous serons particulièrement attentifs. Les défis de postures épistémologiques mais aussi des postures visant l'engagement critique des éducateurs et de leurs publics, pour une éducation à visée émancipatrice, sont les objets qui structureront nos travaux à venir. L'enjeu est l'identification d'implications pour la communication scientifique et la formation des éducateurs. Présentation des thématiques de recherche (axes et apports principaux) Depuis l'obtention de mon DEA en didactique des sciences en 2004 et de ma thèse en didactique et sciences de la communication en 2009, je suis passée progressivement de recherches s'intéressant aux rapports des enseignants aux savoirs savants, pris comme déterminant majeur d'analyses des pratiques (approches didactiques), à l'étude des communications socioscientifiques à visée éducative, dans différents contextes de médiation (école, presse généraliste et spécialisée, musée et zoo, à l'interface entre éducation formette et non formelle, et plus récemment dans le contexte de l'éducation familiale informelle, au sein de l'association FCPE du Rhone (2018-2020). Dans une optique comparatiste, je suis passé progressivement d'un approche didactique de questions scientifiques comme le réchauffement climatique ou encore l'évolution, en me centrant sur les savoirs en jeu, à une approche sociologique et communicationnelle des projets d'éducation à la citoyenneté (éducation à la nature des sciences, à la biodiversité, à la santé, au développement durable, aux médias d'information, à la cohésion sociale et aux valeurs de la République et plus généralement à la citoyenneté scientifique critique et active). Par l'étude du traitement médiatique et didactique de questions socialement vives, par essence controversées et politisées, je cherche à comprendre les logiques d'engagement des acteurs de l'éducation (enseignants et médiateurs) et les postures éducatives associées, et d'en déduire des implications pour la formation professionnelle et l'éducation critique des publics. Trois axes structurent mes recherches.
Les controverses qui accompagnent les questions socialement vives révèlent des jeux d'acteurs et d'arguments qui articulent des connaissances, des valeurs, des normes, des conflits d'intérets, des émotions, mais aussi une diversité de représentations des publics et des enjeux d'une médiation à visée éducative. Ces jeux d'acteurs et d'arguments sont en partie visibles dans l'arène des médias classiques, mais également des réseaux socio-numériques. Je développe actuellement une méthode d'enquête socio-épistémologique pour cartographier les controverses médiatisées et les dynamiques argumentatives associées.
Face à des controverses socioscientifiques portant sur l'environnement, la biodiversité, le développement durable, l'enseignement de l'évolution, ou encore la laïcité et les religions à l'école, j'étudie des situations à visée didactique pour tenter de catégoriser la diversité de postures éducatives, des logiques d'engagement et des modèles de communication éducative. Depuis 2012, je participe à la construction collective et interdisciplinaire de méthodes d'investigation inspirées de la sociologie pragmatique pour comprendre les représentations de la laïcité dans les pratiques enseignantes, notamment en situation de contestations de l'enseignement de l'évolution de l'Homme. Mon hypothèse et ma proposition théorique sont que cette diversité des postures et des logiques d'engagement est liée à la combinaison d'une diversité d'intentions éducatives, de représentations des publics et de rapports aux savoirs en jeu.
Mes recherches conduisent à développer et à expérimenter des ressources et des outils de formation à la réflexivité professionnelle des éducateurs et animateurs d'institutions de culture scientifique et technique, engagés dans des médiations socialement vives, notamment en développant des outils de cartographie de controverses et des analyses collectives de la diversité des logiques d'engagement éducatif. L'enjeu pour la formation est de discuter les conditions d'entrée dans une pédagogie critique à l'épreuve de l'altérité, pour développer un empowerment citoyen raisonné, réflexif, éthique et responsable visant la transformation sociale. Les références historiques au pédagogies de Célestin Freinet et de Paulo Freire sont un support de reflexion et de contextualisation des possibles. Présentation de 5 publications significatives En 2006, dans un contexte historique et politique faisant la promotion de l'éducation et de la sensibilisation au développement durable, j'ai produit une analyse socio-épistémologique de la circulation des savoirs et de valeurs à propos de la responsabilité de l'homme dans les changements climatiques (Urgelli, 2007). Cette analyse contextualisée montre que l'épistémologie et la forme scolaire actuelle sont remises en question par la scolarisation de cette question socialement vive, qui mobilise et qui divise, en lien avec une diversité de connaissances, de croyances, de normes et de valeurs (Urgelli et al., 2011). En 2007, la circulation de discours créationnistes en Europe a contraint les défenseurs de l'enseignement de sciences à s'interroger sur le rapport des enseignants et des élèves aux savoirs scientifiques et aux croyances, en contexte laïque (Urgelli, 2014). La mise en évidence de la pluralité des postures éducatives en situations de controverses montre qu'il serait pertinent d'envisager, dans la formation initiale et continue des enseignants et des éducateurs, des temps d'échanges à propos de la diversité de ces postures, pour développer la réflexivité professionnelle (Urgelli et al., 2018). En 2015, à la suite des attentats de la région parisienne, l'analyse des réactions des enseignants et des publics scolaires montre que l'éducation aux valeurs reste encore un implicite controversé de l'école française des savoirs (Urgelli, 2016), qui s'appuie souvent sur un principe de neutralité des éducateurs, voire de neutralisation des controverses, alors que l'éducation aux valeurs humanistes et démocratiques fonde et ont fondé de nombreux courants pédagogiques nationaux et internationaux. Face à ces questions controversées, le rapprochement des problématiques entre deux univers apparemment disjoints, celui de l'éducation et celui de la médiation, celui de l'éducation scientifique formelle et celui de l'éducation non formelle, celui des sciences de l'éducation et celui des sciences de la communication me conduit à proposer une approche théorique, applicable à la formation, qui permette d'analyser les logiques d'engagement et les postures éducatives d'acteurs traitant de questions socialement vives (Urgelli, 2013). Publications dans des revues à comité de lecture
Ouvrages et chapitres d'ouvrage
Autres publications
Références bilbiographiques
Réseau de chercheurs associés Avis de Laurence Simmoneaux sur le projet : Benoit
Urgelli a réalisé sa thèse sous ma co-direction.
Depuis il a poursuivi des recherches dans différents laboratoires
(CIMEOS, EA 4177, ICAR UMR 5191-CNRS, ECP EA 4571). Il a contribué
à alimenter les recherches dans mon champ, celui de la didactique
des Questions Socialement Vives, en s’intéressant à
diverses questions (le climat, l’évolution, la vaccination,
mais également la laïcité à l’école). Laurence
Simonneaux Chercheur.e.s contacté.e.s et thématiques :
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