Pensée
critique, flexibilité cognitive et émotionnelle et enseignement
scientifique : voir aussi Morale laïque, enseignement des sciences et citoyenneté critique La pensée critique comporte une dimension normative et pas seulement descriptive, In Cosperec, 2018 Le livre Esprit critique de De Vecchi (2015, ESF) est emblématique de cette approche française qui invoque la pensée ou l’esprit critique sans jamais traiter des normes cognitives et règles rationnelles auxquelles toute pensée critique doit obéir. Cette approche normative est au cœur du Critical Thinking, comme le rappelle la philosophe canadienne Sharon Bailin : La pensée critique est essentiellement et fondamentalement un concept normatif. Il fait référence à la bonne pensée. C'est la qualité de la pensée qui distingue la pensée critique de la pensée non critique, et cette qualité est fonction du degré d’adéquation de la pensée aux normes et critères pertinents. C'est donc le respect d’un certain type de normes et de critères qui est la caractéristique déterminante de la pensée critique. [...] Penser de manière critique suppose d’apprendre àbien argumenter, à bien raisonner, à bien penser. Cela implique la connaissance de normes intellectuelles, règles logiques et critères de rationalité permettant de distinguer, par exemple, les bons raisonnements desmauvais [72]. Il y a des arguments forts et des arguments faibles, des arguments recevables et d’autres irrecevables. L’enquête, la recherche critique, obéit elle-même à certaines règles ou normes.[...] cette approche normative est absente en France comme le relève Thierry Herman : L’approche francophone de l’argumentation ne prend pratiquement jamais parti sur ce qu’est une bonne ou une mauvaise argumentation. Plus influencée par la linguistique que par la philosophie et la logique, elle tend même à occulter l’idée de norme pour promouvoir une approche purement descriptiviste. Il y a donc en France une cécité à l’égard des éléments logiques et des normes de rationalité. [...] En France, toute la dimension logique et rationnelle de la pensée est ignorée tant prévaut cette idée que l’on peut développer l’esprit critique des élèves par de simples activités de discussion avec quelques exigences minimales de conceptualisation, d’argumentation et de problématisation. Et dans le primaire comme dans le secondaire, les débats en classe se caractérisent par l’absence de formation à ces normes de la rationalité critique et de l’enquête. [...] la discussion et l’argumentation semblent aussi étrangères aux sciences (faible intérêt pour les controverses et l’histoire des sciences) que semble étrangère à la discussion l’idée que celle-ci doive obéir à certaines normes, à des exigences d’objectivité et d’impartialité, à des règles logiques dont le non-respect invalide immédiatement une pensée. La discussion est le plus souvent conçue comme une invitation à exprimer des opinions qu’il sera interdit de critiquer, comme s’il était inconvenant ou irrespectueux d’examiner la fausseté ou les faiblesses d’une pensée, de pointer ses confusions, ses contradictions, son indifférence aux faits, etc.[75] La discussion est réduite à l’exposé par chacun de ses propres idées, suivi de l’expression des désaccords éventuels ; tous sont invités à argumenter ou justifier leur position mais sans qu’il soit envisagé (envisageable ?) de passer ces arguments ou cette justification au crible de la critique. Ce serait manquer au « vivre ensemble », à la tolérance et au droit revendiqué par chacun de conserver ses opinions. En France « l’ouverture d’esprit » finit par signifier l’exact contraire de ce qu’il signifie outre-Atlantique et devient synonyme du refus de la rationalité, de l’indifférence aux preuves et du droit de ne pas changer ses opinions même quand on aurait de sérieuses et bonnes raisons de le faire. Contre quoi on rappellera la définition que donnait John Dewey [...] “Open-mindedness.This
attitude may be defined as freedom from prejudice, partisanship, and
such other habits as close the mind and make it unwilling to consider
new problems and entertain new ideas. […]It includes an active
desire to listen to more sides than one; to give heed to facts from
whatever source they come; to give full attention to alternative possibilities;
to recognize the possibility of error even in the beliefs that are dearest
to us. Mental sluggishness is one great factor in closing the mind to
new ideas. The path of least resistance and least trouble is a mental
rut already made. It requires troublesome work to undertake the alteration
of old beliefs. Self-conceit often regards it as a sign of weakness
to admit that a belief to which we have once committed ourselves is
wrong. We get so identified with an idea that it is literally a ‘‘pet”
notion and we rise to its defense and stop our mental eyes and ears
to anything different. Unconscious fears also drive us into purely defensive
attitudes that operate like a coat of armor not only to shut out new
conceptions but even to prevent us from making a new observation. The
cumulative effect of these forces is to shut in the mind, and to create
a withdrawal from new intellectual contacts that are needed for learning.
They can best be fought by cultivating that alert curiosity and spontaneous
outreaching for the new which is the essence of the open mind”.
l’ouverture d’esprit n’a jamais signifié accepter n’importe quoi. Exercer son esprit critique suppose de rejeter tous les points de vue manifestement irrationnels, contradictoires, confus, contraires aux faits, etc. [...] Par exemple, sous la rubrique « Jugement » dans les récents programmes d’Éducation Morale et Civique, on trouve les compétences suivantes : « exposer une courte argumentation pour exprimer et justifier un point de vue et un choix personnels », « s’affirmer dans un débat sans imposer son point de vue aux autres et accepter le point de vue des autres », « prendre part à une discussion, un débat ou un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et apprendre à justifier un point de vue ». La dimension normative, sans laquelle aucune pensée ne peut être dite critique est absente. On ne voit pas en quoi le fait d’être capable d’exprimer son point de vue rendrait l’élève capable de jugement critique, et pas davantage le fait de savoir prendre part à une discussion en écoutant les autres. Pourquoi « accepter le point de vue des autres » serait une compétence en soi critique ? C’est aux mieux une forme de tolérance signifiant que l’on accepte que les autres pensent autrement que nous. Résumé : Météo et climat sont des questions socialement vives, à la fois complexes, expertisées et médiatisées. La prise en charge pédagogique de ces questions, en classe de sciences, vise le développement d'un esprit citoyen critique et scientifique. Elle ne peut se limiter à l'exposition des savoirs climatiques du moment, même si c'est une étape nécessaire. Un objectif d'éducation critique suppose aussi de 1. comprendre la nature des sciences comme activité méthodique de compréhension et de modélisation de la réalité, mais également de 2. différencier sciences, croyances et opinions, et 3. de porter une attention didactique aux dimensions sociopolitiques, historiques, éthiques et émotionnelles qui sont souvent à l'origine de controverses médiatisées. Pour illustrer ces idées et cet appel à la vigilance didactique dans l'enseignement des sciences, on s'appuiera sur des exemples pris dans l'actualité météorologique et climatique récente, notamment sur la période 2006 - 2018, mettant en scène des acteurs comme Arthus Bertrand, Hervé Le Treut, Hulot, Al Gore, Allègre, Courtillot, Legras, Trump, et des institutions d'expertise comme le GIEC ou des associations militantes comme Greenpeace. Un retour sur l'histoire de la modélisation climatique de la fin du XIXème siècle, dans un contexte de crainte de refroidissement climatique, permettra de montrer que les scientifiques de l'époque, comme ceux d'aujourd'hui, expriment des opinions qui combinent savoirs et croyances, et articulent les questionnements sociaux aux résultats que proposent les modélisations scientifiques du futur. Introduction L’école rencontre depuis les crises sociopolitiques des années 2015, une nouvelle demande politique d’éducation à l’esprit critique. Mais qu'est-ce que l'esprit critique ? quelles sont les objectifs d'une telle éducation ? Est-ce une approche de la vérité ? un lutte contre la désinformation ? ou un outil pour se forger une opinion ?
Mais nous voyons ici que si cette approche médiatique (et didactique) par les savoirs est nécessaire, elle reste insuffisante pour saisir les logiques à l'oeuvre dans cette affaire. Dans le cadre d’un projet d'éducation critique, l'enjeu serait de comprendre les logiques argumentatives des acteurs sociaux et les dimensions socialement et politiquement vives qui font de la question climatique une question d'actualité. Dans ce module,
nous
verrons : Education à l'esprit critique, un vieux programme politique remis à l'ordre du jour Les programmes d'éducation à l'esprit critique réapparaissent sur le devant de la scène scolaire à chaque fois que la crainte de la montée des totalitarismes, et des risques d'endoctrinement politique, idéologique et médiatique sont redoutés; ou encore que des vérités concurrentes semblent se partager concurenttiellement l'espace publique. Ces programmes portent l'espoir de donner une autonomie d’analyse, de jugement, d’engagement aux citoyens, pour une liberté de pensée (Charlier, 2014 ; Cosperec, 2018). En France, le 21 décembre 1792, le premier projet d'éducation nationale est présenté à la Convention. Rabaut Saint Etienne précise qu'il faudrait que l'éducation nationale donne des vertus alors que l'instruction publique donne des lumières et des savoirs. C'est l'esprit des lumières qui l'emportera avec Condorcet : l'instruction par les savoirs doivent primer dans la formation des citoyens à la raison. Pour lui, il ne fait enseigner que des vérités pour instruire (Condorcet, 1793, p.8, cité par Charlier, 2014, p.21) : le développement de la raison par l’exposition à la vérité guide le comportement moral et politique des individus : il est donc “important de fonder la morale sur les seuls principes de la raison” (Condorcet, 1793, p. 19). Donner de la liberté de pensée des citoyens en exposant des vérités est donc un projet politique ancien, et c'est donc la vision de Condorcet et de l'école des lumières et des savoirs (Dubet et al. 2010) qui s'imposera en France. Condorcet pose donc un modèle d'éducation déficitaire : c'est en comblant un déficit de connaissances et de vérités que l'on aidera les citoyens à se forger une opinion, c'est à dire des jugements de valeurs qui éclairent leurs engagements sociopolitiques. Mais le constat est accablant : il semble que les savoirs et l'instruction ne suffisent pas à l'éducation critique des citoyens. Des questions de valeurs, d'opinions, de croyances mais également d'affects doivent être prises en compte dans le projet éducatif. L'éducation nationale ne peut pas s'en éloigner, même si elle ne peut pas non plus lâcher les fondamentaux de l'instruction. Une instruction est donc nécessaire mais non suffisante (Cosperec, 2018). Aux Etats-Unis, la question évoluera plus vite et en pratique dès le début du XXème siècle, avec la naissance du mouvement anglosaxon de Critical thinking. Les travaux de Dewey (1910) marqueront ce mouvement grâce ou à cause du contexte politique nationale et internationale, alors qu'en France le movement de l'éducation nouvelle se structure. Le projet d'éducation nationale dépasse la vision de Condorcet. L'apprentissage de la démarche d'enquête critique proposée par Dewey pour appréhender le réel lui parait fondamental pour acquérir la liberté de pensée et d'action, contre le dogmatisme, notamment des religions, et pour distinguer les opinions des faits établis objectivement dans les argumentations et les discours. L'enjeu également est de permettre une délibération fondée sur la raison (Cosperec, 2018). Ce projet éducatif sera également mis au service de la démocratie au début du XXème siècle, pour lutter socialement contre la montée des régimes totalitaires et des dictatures en Europe (1930-1960). Le philosophe Bertrand Russell défendra également ce projet en 1937, dans sa conférence Education for democracy, pour rejeter les dogmes mais aussi accepter les erreurs, donner de l'autonomie et de la confiance en soi, pour exprimer et défendre son propre point de vue librement. Le lien entre le Critical thinking et l'attitude scientifique est souligné, à travers la perception de la réalité et de la vérité. Depuis les années 1960, avec l'émergence et la démocratisation des médias électroniques d'information de masse, et le développement récent des médias socionumériques, la crainte de l'endoctrinement des citoyens par des propagandes religieuses, politiques et publicitaires relance régulièrement ces programmes éducatifs. La méthode de l'enquête critique est un des moyens pédagogiques avancé au service de ce projet éducatif, avec le présupposé de donner de la liberté de jugement et d'action (empowerment des citoyens). Une ingénierie pédagogique et des listes de compétences de l'esprit critique commenceront à être décrite dans la littérature, et à se transformer en programme pédagogique dans les salles de classe. L'éducation aux médias et à l'information constituera un des objectifs de ce programme d'éducation à la pensée critique.
Pensée critique : au carrefour des savoirs, des croyances et des opinions
Fonctionnement neuronale de la pensée critique
Notons au passage que cette activité cognitive occuperait une aire cérébrale bien particulière. Selon Bronner (2015, p. 45), se référant à McGuire et Botvinick (2010), il est même possible d'identifier une zone responsable de l'entrée dans une approche critique, dans le cortex préfrontal latéral gauche. Pour Houdé (2015, 50-51), ce cortex préfrontal inhiberait l'automatisme de pensée du système 1, situé dans le sillon intrapariétal latéral, et activerait le système 2 qui se situerait dans le sillon intrapariétal ventral.
Tisseron (2015, p. 58) précise que le cerveau d’un enfant acquiert au fil des années des capacités d’empathie de plus en plus complexes. Entre 1 et 2 ans, l’empathie affective est une perméabilité aux émotions de ses semblables et mobilise l’amygdale, l’hypothalamus et le cortex orbitofrontal. À 4 ans, l’empathie cognitive permet de se placer mentalement à la place de l’autre grâce à la jonction temporo-pariétale et au cortex préfrontal dorsomédian. À partir de 9 ans, ces deux capacités émotionnelle et cognitive s’articulent, notamment grâce à la maturation du cortex cingulaire antérieur. L’enfant peut alors intégrer d’autres points de vue que le sien, si l’environnement l’y incite. Si l'on s'accorde sur l'idée que l'éducation aux sciences est une éducation à la complexité de la réalité et à la flexibilité cognitive et affective, développer la pensée critique par les sciences, c'est finalement l'apprentissage d'une interprétation objective de la réalité. Interpréter la réalité de manière critique : Attention à la subjectivité et aux biais interprétatifs ! Nos interprétations parfois intuitives sont trompeuses et liées à des stéréotypes. Cela conduit à des biais interprétatifs multiples et à des biais de crédibilité.
Pour Houdé (2015, 54), raisonner, c'est apprendre à penser contre soi. C'est aussi se mettre à l'épreuve des autres. Ce sont probablement les fonctions les plus nobles que l’on peut assigner à l'enseignement de la citoyenneté scientifique critique. Interpréter la réalité de manière critique : Correlation n'est pas causalité ! Attention à la confusion entre corrélations et causalités : rôle des professeurs de science est probablement ici d’inventer des situations où on imagine, on teste et on discute ces relations de corrélation et de causalité. Exemple de la consommation de chocolat et du nombre de prix Nobel dans un pays Exemple du Site spurious : corrélation pour inviter les élèves à émettre des hypothèses causales et donc des théories explicatives (ou loi de passage)
Exemple : la hauteur de la grenouille sur une échelle dans un bocal, est-elle en lien avec le degré d'hygrométrie de l'atmosphère ? :
Exemple : une hirondelle ne fait pas le printemps : une seule donnée (l'arrivée d'une hirondelle) est une correlation qui ne peut constituer une preuve d'un changement saisonnier, un lien causale (données extraites de Farina et al., 2018). Cette correlation peut d'ailleurs être discuter à l'échelle des changements climatiques, et on passe d'une problématique météorologique à une problématique climatique. On peut alors s'intéresser aux dates moyennes d'arrivée des hirondelles, qui semblent corrélées à la température de surface en UK (Turner, 2009). S'agit-il d'un lien causal ou plusieurs liens causaux ? Lequel et comment l'expliquer ?
Témoignages, étude de cas et méta-analyse : Attention aux généralisations abusives !
Il est en médecine judicieux d'attendre d'avoir plusieurs études de cas pour produire une méta-analyse, et un niveau de preuve fort, comme dans le cas, par exemple, des liens entre consommation de café et cancer du colon :
Modélisation de la démarche d'investigation critique ou démarche scientifique
Histoire de la modélisation climatique : la recherche d'une théorie explicative (Urgelli, 2004 et 2009)
Question climatique et controverses médiatiques : quelle pensée critique en classe ? Dans les années 2000, avec la réforme de l'enseignement scientifique, et face à la crainte de désaffection des filières scientifiques et à une crise des vocations scientifiques, le ministre Allègre redéfinit les enjeux sociopolitiques et culturelles d'une éducation aux sciences (voir le préambule de la réforme du programme scientifique de lycée de l'époque). L'esprit critique et l'éducation à la complexité sont réaffirmés, avec la nécessité d'un engagement des élèves, futurs citoyens, vis à vis des sciences. Notons que c'est à cette époque que la question des changements climatiques sera confiée aux enseignants des sciences de la nature, et plus particulièrement aux sciences de la vie et de la terre, et non plus au enseignants de géographie. Ce sera l'entrée de la climatologie dans les programmes de SVT (Urgelli, 2005). On se souviendra d'ailleurs des pétitions d'enseignants et de formateurs de SVT contre ce projet d'enseignement considérant que le traitement de questions d'actualité anthropiserait l'enseignement des sciences et l'éloignerait de la méthode d'investigation scientifique et expérimentale. Faisant à présent partie d'une des questions centrales de l'enseignement des sciences dans le secondaire, les sciences du climat suscitent de controverses socioscientifiques régulieres autour de la responsabilité de l'homme dans l'évolution climatique récente. Il s'agit donc d'une objet socialement vif et politiquement sensible dont la prise en charge scolaire questionne la posture éducative à adopter face aux débats et controverses visibles dans l'espace public médiatique. L'affaire Allègre débute en aout 2005 dans une serié de tribunes dans l'hebdomaire L'Express de l'ancien ministre de l'Education nationale vis à vis de la modélisation climatique invitant à la prudence face aux modélisations climatiques et à l'expertise officielle de la responsabilité de l'homme dans le réchauffement climatique global. Il revendiquera en septembre 2006, en pleine production médiatique en tout genre pour un mobilisation cllimatique, un droit au doute scientifique (Le Monde, septembre 2006). La question climatique est alors très présente dans l'espace médiatique national et international, en lien avec des effets d'agenda politique, scientifique et environnemental. En France, le contexte est particulièrement chargé avec notamment, la publication du 4eme rapport de l'IPCC en février 2007, la conférence de Paris de février 2007, un débat à l'académie des sciences en mars 2007 et la présidentiel française de mai 2007. La question climatique mobilise alors diverses forces politiques qui en appellent à une transition énergétique vers des technonologies a priori moins émettrices de gaz à effet de serre. L'ensemble des argumentaires permet d'identifier la construction de réseaux d'alliances entre acteurs (Al Gore, Hulot, Vanier, Arthus Bertrand, etc., voir Urgelli, 2009). A la suite de la conférence de Copenhague en décembre 2009, l'affaire rebondira lors d'un second moment discursif, au printemps 2010 à la suite d'une autre tribune dans le Monde sur le droit au doute (mai 2010). Le réseau médiatique se structure alors de manière plus engagé contre toute remise en question de l'expertise climatique officielle (alliance des journalistes scientifiques (Sylvestre Huet, Yves Sciama) et des climatologues du GIEC notamment), estimant que la médiatisation de discours sceptiques risque de démobiliser socialement en semant le doute chez les publics profanes sur les résultats du travail scientifique. Les scientifiques réaliseront leur débat de controverses à huit clos. Ces approches médiatiques des controverses, et plus précisemment la construction des débats médiatiques autour du réchauffement climatique contribuent alors à rendre invisibles les enjeux politiques de cette question vive, au sein d'une éthique du débat propre à l'univers médiatique, et qui tend parfois à prolonger l'impression de controverses, masquant alors l'éthique scientifique. En classe de sciences, porter un regard critique sur ces affaires rendus visibles par la construction médiatique de différents moments discursifs, peut prendre des orientations didactiques différentes, croisant alors un autre univers éthique, celui de la pensée critique dans l'enseignement. Alors qu'il semble s'exprimer un doxa sur la mission d'éducation à la pensée critique et l'adoption d'une posture d'impartialité neutre (pour rester politiquement neutre et limiter les effets sur les élèves), cette mission prend des formes différentes sur le terrain de l'action pédagogique de chaque professeur, indépendamment de sa discipline. Entre refus de présenter ces débats sous prétexte de neutralité pédagogique excluant alors toute discussion socioscientifique sur les contenus disciplinaires enseignés, neutralisant ainsi ces affaires dans l'espace de la classe, au militantisme climatique, associé à une pédagogie de la mobilisation et des petits gestes, en passant par une pédagogie critique vis à vis des logiques argumentatives des différents acteurs engagés dans l'arène des controverses climatiques médiatisées. Cette dernière posture suscite cependant un malaise didactique notamment face aux risques de critique de l'engagement de l'institution et de certains de ces acteurs qui se déclarent neutres vis à vis des dimensions politiques de la question climatique. C'est finalement la question de la neutralité de l'espace d'édcuation formelle et plus exactement du refus du poiituqe qui conduit à une neutralisation des enjuex politiques dans les débats scolaires autour de la question climatique. En ne s'interessant finlament qu'aux savoirs en jeu dans les débats, l'éthique enseignante comme l'éthique médiatique ne contribue pas à la démocratisation des sciences et à une vision des sciences socialisées. Vis à vis des acteurs et des espaces médiatiques d'énonciation, on constate pourtant que les enseignants évoquent collectivement la nécessité d'une pensée critique à travers la mise en place de situations débats en lien avec ces affaires, mais encore une fois, trois finalités éducatives vis à vis des espaces médiatiques se dessinent : positiviste, associée à une posture de partialité excluant volontairement des supports contradictoires (posture qualifiée par Kelly, 1986 de neutralité exclusive), interventionniste, les supports médiatiques étant également sélectionnés de manière partiale dans un but de sensibilisation et de mobilisation à la cause climatique mais aussi dans le but de réfuter, d'exclure, de diaboliser d'autres supports, ou critique, avec une posture d'impartialité critique dans la sélection et la manipulation d'une diversité de ressources médiatiques contradictoires (Urgelli, 2009), s'inscrivant alors dans une éthique médiatique du débat-polémique qui prolonge l'impression de debat-controverses, en masquant les enjouex politiques de la question climatique. Quels points de vigilance pour une éducation à la pensée critique ? Un programme d'éducation à la pensée critique, nécessaire notamment au traitement pédagogique de questions controversées ou questions vives, suppose pour les éducatuers une vigilance à la fois épistémologique, éthique et didactique, sur les points suivants :
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Conclusion Ainsi les
dimensions socialement vives de certains objets d'enseignement rendent
nécessaires une analyse critique qui va au-delà des savoirs
en jeu notamment par la méthode sceptique. Si on ne reste que sur
les savoirs en jeu, on met de côté les opinions, les croyances
et les émotions qui orientent nos représentations de la
réalité et du monde qui nous entoure, et nos manières
d'agir et de penser, souvent plus fortement que les savoirs : L'appropriation
de connaissances modifie peu ou pas les opinions des élèves
[…]. difficilement ébranlables […] qui se fondent sur
leurs conceptions de la nature et leurs valeurs […] Ceci contredit
l'idée […] qu'il suffit donc de bien les informer, de les
alphabétiser pour modifier leurs attitudes (Simonneaux,
2005).
Développer la pensée critique : c'est
C'est aussi éduquer à la complexité d'un réel qu'aucune modélisation ne pourra jamais approchée à la perfection. C'est aussi, en termes d'éducation aux médias et à l'information, ne pas tenir une affirmation pour vraie sans faire usage de la méthode sceptique (raisonnement critique) et du doute méthodique propre à la démarche d'enquête scientifique. Mais deux conditions
pour entrer dans ce mode de pensée : il faut le vouloir
(disposition d’esprit) et il faut également le pouvoir
(Larrouy, 2018), c'est à dire avoir accès à ce
que l'on sait, à ce qui est probable, improbable, et incertain,
la prédiction et la prévision, dans un contexte sociopolitique
et culturelle donnée. Mais c'est aussi être conscient
de ce que l'on ne sait pas, sans jugement de valeurs. Bibliographie
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