Quelles conditions pour un partenariat éducatif entre école
et autres lieux de culture scientifique et technique ?
Exemple du musée et du zoo

Intervention pour les Master DDS, option médiation des sciences et les Master MEEF, PLC
Année 2017-2018-2019-2020

Benoît Urgelli
last up-date : 30-avr-21

voir aussi le programme de recherche
Au carrefour entre éducation formelle et non formelle (2018-2020)

1. Recherches sur les médiations scientifiques : la question des postures éducatives

Dans nos recherches sur la médiation des sciences et les postures éducatives, nous essayions de comprendre ce que les gens qui parlent de sciences (enseignants, journalistes, scientifiques, etc.) véhiculent comme représentation des sciences, sachant qu’ils n'ont parfois qu’une connaissance "encyclopédique" des sciences, la plupart n'ayant pas, ou peu, de pratiques scientifiques professionnelles.

En tant qu'éducateur de sciences, une question se pose : quelle image a-t-on et quelle image des sciences véhicule-t-on auprès de nos publics ?

On sait actuellement que l'enseignement des SVT et des SPC véhiculent une image des sciences qui ne motivent pas les enfants pour faire des sciences. En fin de seconde, ¾ partent dans les filières littéraires et ES, pour diverses raisons. Et l'enseignement semble « réservé à l’élite » selon les élèves de lycée et des premières années universitaires, qui considèrenet que le discours de l’enseignant sur les sciences est parfois déconnecté de la réalité. Ce que les professeurs de SVT disent aux élèves ne fait donc pour eux que peu de sens.

Pourquoi ? La perte de sens des contenus enseignés est-elle liée à l’approche pédagogique, est-elle trop centrée sur une démarche d’investigation expérimentale devant aboutir à trouver la bonne réponse par une pensée convergente ? L'approche pédagogique est-elle sensible aux représentations sociales et aux argumentations socialement vives, aux savoirs communs et aux savoirs de l'expérience ? que fait-elle de la controverse et de la critique ?

Le modèle pédagogique de l'OHERIC peut avoir des liens avec la pratique scientifique, mais il prend une forme parfois stéréotypée dans les pratiques enseignantes avec une approche linéaire : on commence par des hypothèses, puis les élèves font des expériences, etc., à travers une démarche qui oublie souvent la place centrale de la modélisation du réel, de la prévision et de la créativité dans la pratique scientifique. Le risque est de véhiculer une image des sciences peu socialisée, comme une pratique sans débats, produisant des certitudes, alors que le caractère révisable, réfutable et provisoire des savoirs est central dans la démarche scientifique. Toute nouvelle découverte peut amener à réviser les modèles (voir POPPER). Une découverte scientifique est le début d"une aventure, qui peut d'ailleurs conduire, après publication, à sa réfutation par le collectif de recherches.

Lecointre (2009) déclare que la force des sciences c’est probablement que le scepticisme organisé collectivement peut se poser sur n’importe quel énoncé scientifique, à n'importe quel moment, si une nouvelle connaissance contredit le système explicatif en place, contrairement à ce qui se passe dans le magistère de la religion. L'histoire des sciences permet de voir l’évolution des sciences (héliocentrisme, évolution des espèces, tectonique des plaques, modèle climatique du CO2,...), mais également la place des dimensions sociales dans l'orientation des pratiques scientifiques (voir le courant des sciences studies, avec notamment Dominique Pestre).

Une voie d’entrée dans un enseignement culturel des sciences est l'attention que l'on peut porter à la NATURE DES SCIENCES.

Problème :
- dans les pratiques, cette approche est proposée à la marge de l'enseignement des sciences, comme une rubrique pour aller plus loin,
- Ne fonctionne qu’à la condition de montrer que les scientifiques étaient et sont inscrits dans un CONTRAT SOCIAL et qu’ils luttent, comme tous travailleurs sociaux, pour la reconnaissance de leur travail, une reconnaissance sociale (Gingras), dans un contexte politique, et pour l'autonomie de leur champ (Bourdieu), même si des tensions internes sont présentes. D'où le lien entre science et société doit etre prise en considération. On montre alors une dimension sociale de la pratique scientifique, que les enfants, et les éducateurs, ne perçoivent pas toujours.

La présence de valeurs dans les pratiques scientifiques (voir Levy-LeBrun, la science n'est pas neutre, 1969) et un postulat "je peux comprendre la réalité du monde en utilisant les seules ressources de la nature, sans besoin d’hypothèses métaphysiques" (Lecointre, 2012). Pour une question donnée, il y a donc au moins deux registres explicatifs.

2. Les risque de l'enseignement des questions vives

Cet enseignement suscite des contestations par les élèves et remet en question l'ordre des discours et les normes de l'espace de communication (classe, établissement, etc.). L'enseignement de ces questions bouscule la forme scolaire (Vincent; 1994). Des élèves silencieux en contexte de controverses en classe, comme parfois lors de l'enseignement de l'évolution, n’est pas forcément signe d’une adhésion. Ils le font parce qu'ils estiment que le contrat de réussite suppose l'adhésion aux discours savants proposés (adhésion instrumentale selon Hrairi et Coquidé, 2002).

Exemple de la question socialement vive de l'enseignement des origines de l’Homme.

A la question d'un.e élève « Adam et Ève, c’est avant ou après homo habilis ? », les enseignants répondent :
- Explication de la différence entre SAVOIR et CROIRE
- Evitement : On est en classe de sciences, je ne réponds pas à ça (plutot fréquent chez les enseignants) mais aussi neutralisation de la question par application d'un principe de neutralité qui désensibilise politiquement la question et maintenir la paix sociale, et donc la question est refroidie.
- Réfutation par la critique rationaliste (démontrer qu’Adam et Eve n’existent pas scientifiquement)

Des risques derrière ces postures éducatives :
1) Mettre au même niveau les deux, comme deux registres explicatifs, deux hypothèses qui se valent… il s'agit de faire relativiser, mais il faut rappeler que les deux registres ne se fondent pas sur le même système de valeurs, qu'ils sont incommensurables (Wolfs). Attention donc aux risques de RELATIVISME, mais aussi de CONCORDISME, cherchant la complémentarité entre les deu registres. Certains d’ailleurs se servent des sciences pour montrer que Dieu existe (Intelligent Design et créationnisme scientifique).
2) Risque de perte de sens de l’enseignement et de désintérêt par les élèves.
3) Dogmatisme, avec le dogme des sciences contre le dogme de la religion…

Quelle différence entre un médiateur enseignant et un médiateur non formelle (journaliste ou animateur de service pédagogique par exemple) ?

- L’enseignant utilise une pédagogie de la découverte ou redécouverte avec un questionnement. Il est souvent seul face à son public avec lequel il interagit dans le cadre d'un contrat didactique. Le journaliste annonce la découverte et explique comment on y est arrivé dans le cadre d'un contrat de communication qui nécessite 1. de capter fortement le public pour "vendre" et 2. de dire le vrai. L’enseignant a également ce contrat, mais son rapport aux publics est différent, dans la mesure où il le connaît personnellement, et qu’il a aussi une pression sociale de réussite scolaire et aux examens.

Selon Jean-Baptiste Dahéron, chargé de conception pédagogique au parc zoologique de Paris, (TDC n°1094 du 15 avril 2015, p. 40), le médiateur scientique est la personne qui imagine, crée et anime les activités pédagogiques du parc. Il met en place des visites guidés, des ateliers et des animations de nourissage, pour tous les ages et tous les publics. La conception se fait en partenrait avec les experts des sujets traités (primatologue, vétérinaire, botaniste, éthologue, etc...) mais aussi avec le service animalier qui peut intervenir au cours des animations pour illustrer et commenter les propos du médiateur.

Les objectifs de la médiation scientifique non formelle

- Éduquer aux sciences et à la citoyenneté, et donc formation des publics
- Informer les publics en mettant en évidence les implications sociales des sciences et donc ce qui fait sens a priori pour les publics. Brigitte Perruca, directrice de communication pur Le journal du CNRS met l’accent sur les implications sociales, contre un scientisme arrogant : biodiversité, sens de la captivité animale et de l’expérimentation animale, exploration du système solaire, santé, transhumanité, risques naturels pour les populations. Les médiateurs-journalistes-scientifiques montrent les implications sociales des sciences, de manière explicite et souvent en entrée thématique, alors que chez les médiateurs-enseignants, c’est souvent dans un chapitre « pour en savoir plus… » ou pour aller plus loin.." L'approche est disciplinaire dans la forme scolaire, plus interdisciplinaire et socioscientifique dans la médiation non formelle.

La médiation journalistique entre dans la communication par cet angle d’attaque et problématise donc par les implications sociales. Il pose directement la question de ce que la science A LE DROIT de faire, alors que l’enseignant a tendance à ne rester que sur la question de ce qu’elle PEUT faire.

Exemple de l'article : « Peut-on ressusciter les espèces » OU « doit-on ressusciter les espèces ? » Discussion sur les valeurs, sur les questions d’éthique…

Le partenariat éducatif entre enseignants et animateurs scientifiques

Malgré les relances régulières des politiques, les partenariats scolaires ne se développent pas de manière satisfaisante, ni pour les acteurs de l’école, ni pour les élèves, ni pour les médiateurs des musées, zoos, associations, et autres institutions de culture scientifique et technique. Par ailleurs, ces appels au partenariat obligent les enseignant à « repenser » leur métier et la forme scolaire, au-delà de leurs compétences disciplinaires, et à développer des approches par projet, avec des compétences professionnelles nouvelles, en matière d’organisation mais aussi de négociation et d’écoute avec les partenaires (voir les travaux de Corinne Merini), tout en essayant d’innover pédagogiquement.

Mérini en 1994, puis 2005, a étudié attentivement les partenariats entre les enseignants et les musées, notamment lorsqu’ils doivent parler de questions de santé. Elle définit le partenariat comme une association d’acteurs unis par un contrat de collaboration qu’ils négocient et élaborent ensemble. Les partenaires se donnent un objectif commun tout en prenant en compte les différences et complémentarités de chacun. Elle constate que lorsque les enseignants tentent de mettre en place des partenariats, des tensions apparaissent pour des questions de compétences, de concurrence ou de monopole, des rapports de force, mais aussi des questions de logiques et de modes d’action entre deux univers qui ont pourtant a priori une mission éducative similaire de culture scientifique et technique.

Elle constate que les conflits entre partenaires se règlent à condition que le contrat de collaboration soit explicité dès le départ, en prenant également en compte les valeurs, les attentes et les intérêts de chaque partenaire, mais aussi une dimension affective et conviviale. Le partenariat ne peut donc être fonctionnel que si les acteurs partagent un minimum de valeurs et également un minimum de convivialité. Ce constat est déjà connu dans les établissements scolaires, quand on étudie la capacité des enseignants à travailler avec d’autres collègues de la même discipline ou d’une autre discipline : on se rend compte que s’ils partagent la même vision de l’éducation, de l'objet d'apprentissage, des enfants et de leurs capacités d’apprentissage, avec une dimension conviviale au travail, alors cela leur permet de faire durer la relation partenariale dans l’intérêt commun.

On constate aussi que certains enseignants voulant collaborer vont se trouver dans l’obligation de réorganiser leur approche disciplinaire et leur travail. En général, en classe, on observe, on analyse puis on fait la synthèse. Au musée, l’approche est parfois « inverse » : on présente la diversité des points de vue, et on invite ensuite les publics à se poser des questions, à critiquer. On retrouve cependant des approches similaires en musée et en classe, avec des appels à l’observation, avec des mises en situation pratiques par l’interaction, la construction et l’explicitation de situations problèmes. Au-delà des savoirs en jeu, le musée a aussi une dimension esthétique, affective et imaginaire, qui en fait un espace polysémique différent de celui de l’école. Même si c'est une forme de socialisation différence de l'école, le musée en importe parfois les normes dans le cadre d'une forme scolaire prédominante.

Lorsque l’on étudie les représentations des acteurs scolaires et des médiateurs du Musée, on constate qu’il ne partage pas tous la même intention éducative, notamment dans le traitement des questions d’environnement. On a 3 familles d’intention éducative peuvent être identifiées, plus ou moins interreliées et qui pourraient expliquer les difficultés de collaboration :

- Une intention éducative environnementaliste (milite pour la sauvegarde de l’environnement) ;
- Transmettre des connaissances (visée d’instruction disciplinaire, positiviste) ;
- Une intention d’éducation critique et politique, visant à donner au public les moyens de se positionner de manière nuancée et argumentée. C’est une éducation à la complexité, mais aussi à la responsabilité et à la démocratie, visant l'émancipation.

Derrière ces trois projets éducatifs, il y a des démarches différentes dans l’espace scolaire et muséal, qui font que la collaboration est + ou – possible. De plus, si les acteurs ne partagent pas les mêmes visions des relations de l’homme à la nature, et pas les mêmes visions des relations entre progrès scientifiques et technique et progrès social, le partenariat devient difficile. Il en va de même de leur représentation des publics scolaires et de leur capacité d'autonomie culturelle, relationnelle, cognitive et affective.

Dans les années 1920-1930 puis 1950-1960, le développement des pédagogies dites « alternatives » (Montessori, Decroly, Freinet) incite les enseignants à faire l’école hors les murs. Cette ouverture souhaitée rencontre le problème de la forme scolaire, qui est disciplinaire dans une école historiquement cloturée et sanctuarisée, alors que les musées sont interdisciplinaires, voir a-disciplinaires, l’école restant disciplinaire, les savoirs y étant organisées par discipline scolaire.

Quelles réorganisations de la forme scolaire supposent les partenariats ?

Dans ses enquêtes, Mérini (1994, 2005) montre que les enseignants vont collaborer avec d’autres institutions, plus ou moins longtemps, en fonction de trois objectifs :

- informer des élèves autour d’un évènement (fête de la science…)
- agir, en se rapprochant d’une institution et de professionnels ;
- transformer les mentalités et les pratiques des élèves.

Ces trois objectifs éducatifs vont rencontrer plus ou moins de succès s’ils sont explicités et partagés par l’enseignant et son partenaire, et si le partenaire partage une ou plusieurs de ces missions.

De côté des élèves, le plus souvent, on constate qu’ils ne comprennent pas pourquoi les enseignants décident de les sortir de l’espace de la classe, et ne mesurent pas le sens du partenariat, qui reste souvent implicite.

En terme éducatif, dans l’espace muséal, ce ne sont pas forcément les savoirs présentés qui retiennent l’attention des enfants, mais c’est aussi la « trame narrative », c’est-à-dire le récit qui est construit et qui donne un point de vue sur le monde, avec des images sélectionnées pour illustrer ce point de vue. Ce qui fait dire à Chaumier (2008) à partir de l'étude des publics des zoos qu'une sensibilisation et un accompagnement des publics doivent être entrepris pour amener à de nouvelles perceptions sur ces espaces, à l’image du musée qui est passé d’une accumulation d’objets à une mise en discours et à un récit assumé.

Quelles sont les attentes et les attitudes des publics face à ce lieu d'éducation et culture scientifique ? Les motivations qui président à la visite d’un parc zoologique sont-elles spécifiquement différentes de celles qui conduisent à se rendre au muséum d’histoire naturelle ?  Les profils des publics font apparaître des représentations sociales correspondant à chacun des groupes de visiteurs, avec des demandes et des désirs spécifiques concernant les zoos. Au zoo, une sensibilisation et un accompagnement des publics doivent être entrepris pour amener à de nouvelles perceptions, à l’image du musée qui est passé d’une accumulation d’objets à une mise en discours et à un récit assumé. In Chaumier, 2008, p.163.

Pour Staszak (2000), les visiteurs font bien la différence entre le musée (d'histoire naturelle, par exemple) et le zoo. Le musée, c'est un endroit où l'on apprend ; le zoo, un lieu où l'on s'amuse. La fréquentation de ces deux institutions n'est de fait pas la même : le public des zoos est plus jeune, plus féminin, et plus populaire. Les classes moyennes, les minorités défavorisées y sont davantage représentées ; le niveau de scolarité est plus bas. Le public des zoos est un bon échantillon de la population (ce que n'est pas celui des musées). La dimension éducative des zoos est toutefois bien perçue par les visiteurs, mais pour ceux-ci, qui viennent pour les deux tiers en famille avec des enfants, elle est réservée à ces derniers.

  • Exemple du Musée des Confluences - Qu’apprend-on dans un musée, au-delà des objets et des savoirs exposés ?

Il faut avoir une petite idée de l’évolution des missions des institutions scientifiques (notamment musée) pour éclairer cette question (Schiele, 1997). Dans les années 1950, les musées vont se voir attribuer une autre mission que celle de la conservation : celle de la diffusion des connaissances. Faisant le constat que les collections d’objets muséaux ont un potentiel pédagogique, on propose dans les années 50 de les transformer en objet pédagogique.

C'est à cette période  que l'on observe une scolarisation du musée (Cohen et Girault, 1999). Le musée devient alors un lieu de scolarisation. Les enseignants vont élaborer des fiches pour les élèves pour les guider et les engager dans la lecture des panneaux et des objets qu’ils ont présélectionnés en fonction du programme. Certains donnent la fiche à remplir, avec une promesse de récompense à celui qui ramène la "bonne réponse", avec parfois une mise en compétition, et la course à la bonne réponse.
On oublie alors de prendre en compte l’imaginaire, l’émotion, l’histoire des sciences et le fait que le musée est un espace polysémique. L’enfant qui y rentre n’est plus un élève mais un visiteur, qui peut vivre la visite plus que la subir, et où on peut s’exercer dans cet espace à critiquer, à juger les savoirs et les discours qui sont mis en scène. En ce sens, le musée est un lieu d’éducation au média si l’on accepte l’idée que le musée est un média (Davallon, 1992).

Dans les années 1980, le ministère de l’Education nationale va prendre la responsabilité des musées mis sous sa tutelle. La « Mission musée » va être créée, et les bulletins officiels vont rappeler chaque année la nécessité d’ouvrir l’école au partenariat, et vers le musée, en y mettant des moyens financiers, des postes d’enseignants détachés, et en espérant ainsi développer la relation ECOLE-MUSEE, une relation  entre éducation formelle et édcuation non formelle. Le constat est pourtant toujours le même, celui d’un faible engagement des acteurs dans ces partenariats, malgré le soutien politique apparent.

Activités : Comparer sous forme de tableau les 4 ou 5 missions attribuées aux Musées, aux parcs nationaux, aux parcs zoologiques, aux jardins botaniques et aux établissements de culture scientifique. Quelles sont les missions communes, et les missions spécifiques (préciser les textes de référence et de cadrage politique). Quelles sont celles partageables avec l’institution scolaire ?

  • Exemple du parc zoologique de Lyon : Le sens d’un partenariat éducatif entre l’école et le zoo

Constat : très peu de professeurs de secondaire viennent aux zoos avec leurs élèves. Les publics majoritairement accueillis sont ceux de l’école primaire.

Le zoo est un espace qui soulève une question sociale, qui pourrait expliquer que les professeurs du secondaire y aillent peu, une question qui fait polémique : a-t-on le droit d’enfermer des animaux, qu'en est-il de leur bien-être animal et plus largement quel est le sens de cette captivité animale ? C’est une question socialement vive.

Le zoo est considéré comme un média, car il véhicule une représentation de la nature, des animaux sauvages, avec une mise en scène devant les publics, dans des cages ou enclos; Cette théatralisation de la vie animale permet au public de voir une nature qu’ils ne connaissent en général que par les documentaires animaliers (BBC Nature Life par exemple), ou par albums et dessins animés de jeunesse (Sophie la Girafe, Petit Ours Brun, Barbapapa (d'ailleurs intéressant pour suivre l'évolution des représentations sociales du zoo....), Barbar au Zoo, Martine au Zoo, 1963).

Le sens de la captivité, selon les responsables de cette institution, s'appuie sur 4 missions pour le zoo :

  • - Préservation des espèces en voie de disparition, sachant qu'elles s’y reproduisent mieux que dans la nature. Exemple de la Panthère de l’Amour : Depuis les années 70, la population de panthères a perdu 90% de son domaine vital à cause de la déforestation et des feux provoqués par l’homme. La population sauvage actuelle ne dépasserait pas plus de 35 individus, alors que 400 individus sont en captivité. Parfois un problème de surpopulation qui conduit à l’euthanasie (voir l'affaire de Marius le Girafon ci dessous)
  • - Sensibiliser les publics à la biodiversité : la dimension pédagogique
  • - Contribuer au bien-être animal en améliorant les conditions de captivité… prise en compte de l'éthologie, avec par exemple des travaux de recherche sur le pacing des mamiffères comme l'Ours ou la Panthère (ne pas faire des 8…)
  • - Recherche scientifique sur les maladies, la vaccination, la reproduction des espèces consevées, les vétérinaires publient sur la physiologie animale grâce à la présence d’un service vétérinaire que l’on peut visiter.

Trois controverses se dessinent au sujet de l'existence de cet espace public. Elles soulignent que la captivité animale est une question socialement vive :
- Comment travailler sur le bien-être animal, en privant les animaux de leur environnement et de leurs modes de vie naturel…
- Le zoo n’a jamais été autant critiqué alors la fréquentation n’a jamais été aussi forte. Qui sont les publics des zoos et que viennent-ils chercher dans cette espace ?
-
Autre problématique récente : la gestion de la surpopulation, liée à des conditions de captivité favorisant la reproduction. Que faire des individus d'une même parenté et trop nombreux. Plusieurs solutions a priori, à partir de l'exemple du girafon Marius et des éléphants Baby et Népal.

TD n°1 : Étude d’une controverse sur la CAPTIVITÉ ANIMALE - L’Affaire de l’euthanasie d’un girafon, dissection publique de l'animal puis les restes sont donnés aux fauves du Zoo de Copenhague.

Solutions évoquées et oppistions identifiées :
o Euthanasie versus Stérilisation
o Echanges entre zoos : croiser génétiquement, etc. Problème car reproduction dans la même population depuis les années 1860 pour les daims du Zoo de Lyon…
o Réintroduction : taux de réussite de 5%... Orang-outang : cas de dépression hybride car reproduction avec sous-espèces avec écart génétique trop grand. Ce constat supposerait de prévoir des analyses génétiques avant toute réintroduction (réf science et vie, juin 2016 et Banes, G.L., Galdikas, B.M.F, and Vigilant, L. (2016) Reintroduction of confiscated and displaced mammals risks outbreeding and introgression in natural populations, as evidenced by orang-utans of divergent subspecies. Scientific Reports:).
o Créer de nouveaux zoos et de nouveaux espaces sur le modèle du zoo-safari des années 1960 ou du zoo d'immersion de Zurich ou de Lyon (plaine d'Asie), avec la question de la sélection par l'homme des espèces à présenter..
o Adoption par des associations ou des particuliers

Travail sur le corpus médiatique de Marius Le Girafon - corpus de presse gratuite et généraliste 20 minutes :
Des jeux d’arguments mais aussi des jeux d’acteurs :
- Arguments favorables à l’euthanasie pour éviter la consanguinité, parce que la réintroduction est trop difficile, castration trop cruelle ;
- Arguments défavorables : les vétérinaires auraient pu le donner à des zoos qui n’ont pas beaucoup de girafes, rationalité émotionnelle et donc de valeurs et de représentations de l’animal qui ne sont pas les mêmes que ceux des pro-euthanasie (vétérinaires notamment), « avortement »,
L’euthanasie des animaux en captivité est donc une question socialement vive car elle mobilise des argumentaires contradictoires et des arguments qui articulent des connaissances mais aussi des valeurs. Amener des jeunes publics dans un zoo nécessite de discuter à un moment ou un autre des représentations que l’on se fait de l’animal en captivité et donc du sens de la captivité animale.

Dans cette affaire, on est plus ou moins choqué selon le sens que l’on donne à la captivité, et les représentations et valeurs que l’on donne à la vie animale :
- Préserver des espèces avec un haut potentiel génétique suppose de se débarrasser des plus faibles
- si l'on considère que la captivité n’a pas de raison d’être, et va à l’encontre des lois naturelles, euthanasier des espèces (sauf cas de danger) n’est pas un droit que l’espèce humaine peut s’accorder.

Une étude des termes employés pour décrire cette affaire par les médiateurs scientifiques permet également de saisir le degré et le type d’engagement du média (exemple des deux JT avec un vocabulaire et des sous-entendus « anthropomorphiques » et accusateurs : « éxecuter » comme un prisonnier, « abattre » lâchement…

TD n°2 Deuxième controverse : L’Affaire de l’euthanasie des éléphants Baby et Népal du Zoo de Lyon
Corpus EUROPRESSE et FACTIVA : 2010 - 2011 - 2012 – 2013

S’agissant des animaux de cirque, la captivité animale prend un sens différent par rapport au Girafon Marius. Quelques arguments de controverses : la remise en question du test de tuberculose des vétérinaires, le principe de précaution par rapport aux populations humaines, etc. Analyse des jeux d'acteurs et d'arguments sur la période étudiée, sur ce qu'on appelle est moment discursif.

Conclusion

Le zoo est un espace éducatif socialement vif, dans lequel l'émotion du visiteur s'articule à sa rationalité pour construire un sens particulier et singulier à la captivité animale. Les principes qui fondent la prise de position des visiteurs s'epriment entre deux finalités liées au missions du zoo : celui qui considère le zoo comme un Arche de Noe et celui qui considère que l'animal n'a de place que dans la nature. Ces positions conduisent a priori à 2 logiques d'action pour le bien être et la préservation des espèces, des logiques qui s'affronteraient dans cet espace éducatif. La mise en évidence de cette dichotomie ainsi que l'élaboration d'autres logiques d'action, par la pensée divergente, est probablement un enjeu éducatif en lui même, rejoignant ainsi le courant de l'éducation par les controverses viant l'émancipation, l'action et la prise de décision acceptable socialement, politiquement, écologiquement et démocratiquement.

5. Visite du Parc zoologique de Lyon : la question des postures éducatives

  • Objectifs éducatifs
  • Etudier l'histoire des relations homme-animal à travers un média, le zoo, tout comme un musée, qui participe à la construction de sens et de symboles, à la rencontre des publics. L'idée est de montrer que l'histoire de la gestion des zoos reflète l'évolution des représentations sociales de l'animal, des représentations qui sont par essence culturelles. Elles soulèvent des questions d'ordre éthique et politique, des controverses, ce qui fait de la captivité animale une question socialement vive.

  • En terme de formation à l'enseignement des sciences et d'éducation à la biodiversité et au développement durable, il s'agira d'élaborer un projet éducatif pour une classe de primaire ou du secondaire (en lien avec les programmes scolaires des cycles 1, 2, 3 et/ou 4), en utilisant les ressources du parc zoologique de Lyon, couplées à une sortie de terrain. C'est également la question du partenariat éducatif, des carrefours possibles entre éducation formelle et non formelle, qui est en arrière plan, mais également celle de l'engagement personnel et professionnel de l'éducateur, face aux controverses sur la captivité animale. Quelle place pour le principe de neutralité ?

Nous supposerons que l'élaboration d'un projet éducatif nécessite de se mettre dans une position réflexive, en explicitant :

1. ses objectifs éducatifs (mission éducative),
2. les représentations que l'on se fait des publics scolaires, de leur psychologie cognitive et affective,
3. sa posture personnelle et professionnelle face aux controverses que soulèvent la captivité animale
.

  • Quelle posture éducative au zoo ?

Lorsqu’on amène des jeunes aux zoos, il y a un temps de préparation, de discussion sur ce qu’est la captivité, son sens, ce qu’on peut faire, ce qu’on a le droit de faire, sur la base de quelles valeurs et normes partagées. Dans cette discussion, la manière dont l’enseignant ou le médiateur s'engage dans le débat, et son positionnement personnel reflètent l'adoption de postures différentes :

- Posture de neutralité exclusive : on ne parle pas de controverses, on les neutralise. C'est une forme de déresponsabilisation de l’éducateur-enseignant et une prise de risque éducatif.
- Posture de la partialité exclusive visant à exclure toutes les positions controversées, souvent par une réfutation rationaliste et scientifique.
- Posture d’impartialité neutre : on présente la diversité des positions sur la question, mais on ne donne pas son avis, sous couvert d'un principe déontologique de neutralité. En réalité, les publics sentent le positionnement, ce qui rend cette posture difficile à tenir.
- Posture d'impartialité engagée, on évoque la diversité des points de vue, mais on dit également ce qu’on en pense à titre personnel. C'est une posture philosophique qui permet aux élèves de confronter leurs visions à celle d’un adulte référent, et de se construire un positionnement personnel argumenté. Mais à une seule condition : que l'enseignant ou le médiateur inscrive son positionnement dans un système de valeurs humanistes et démocratiques (valeurs de la Republique).

  • Activités pédagogiques

Imaginons des activités pédagogiques, en s'inspirant de celles proposées au parc zoologique de Vincennes ou au zoo de Montpellier.

Le dossier TDC n° 1094 - mai 2015 sur le zoo de Vincennes donne également quelques activités thématiques que l'on peut complèter avec les suggestions du zoo de Lyon :

  • les réseaux trophiques, interactions et équilibre (prédation et compétition), les relations sont aussi des relations pour l'occupation du territoire et l'utilisation des ressources alimentaires. Quelle place pour l'homme en tant que super préadateur (braconnage notamment).
  • l'alimentation en captivité (alimentation spécifique et interspécifique dans le cas des biozones, p.31), aménagement des espaces (enclos, biozone), l'alimentation et l'hygiène spnt gérés par l'homme, avec la présence de plusieurs espèces herbivores qui cohabitent comme à l'état sauvage, pas de relation de prédation, mais de la compétition alimentaire, l'homme aménage des zones de nourrisage pour éviter les agressions entre espèces (exemple des zébres et watusi dans la plaine africaine du zoo de Lyon). Le régime alimentaire des animaux en captivité dépend de l'espace, de l'âge des individus, de leur sexe, de l'activité, du sol, et de l'état physiologique (gestation, maladie par exemple), avec des apports nutritionnels équivalents à ceux connus à l'état sauvage. Exemple des girafes des savanes qui sont folivores (acacia) et qui en captivité sont nourries avec du foin de luzerne (légumineuse) et des oignons qui sont riches en tanin. On complète avec des vitamines et des sels minéraux. On se mefie également des plantes ornementales qui peuvent être toxiques. A noter qu'en captivité, les variations saisonnières et environnementales de l'alimentation n'existent pas, tout comme le temps de recherche d'aliments. Les soigneurs proposent alors des stratégies de stimulation de la recherche alimentaire, en camouflant, en dispersant, en suspendant, en renrichissant les aliments.
  • la classification des espèces et de la construction d'arbres phyologénétiques à partir d'une collection d'espèces présentes sur site (on cherche des attributs communs qui marquent une descendance commune, pour le cycle 4, p.33). A partir d'une matrice de caractères des individus à observer, on définit le caractère le plus inclusif, et on réalise des emboitements de caractères, ce qui représentent un arbre phylogénétique vu de dessus. A chaque extrémité d'une branche, il y a une espèce et le noeud de ramification représente une innovation (exemple pour les tétrapodes avec le noeud entre les mammifères et les oiseaux).
  • La spéciation des girafes et des zébres ( à partir des formes de pigmentation de la peau), ou encore du crocodile (voir Ginhoux, 2016)
  • Le dimorphisme sexuel des zébres ou des gibbons
  • La locomotion des gibbons, des zébres ou des girafes (elles lèvent ensemble les deux pattes du même côté lorsqu'elles courent, comme le chameau, on dit que les girafes vont à l'amble)
  • les rythmes biologiques des vertébrés (circadien et circannuel), avec une horloge centrale et périphérique, sensible à la lumière qui stimule des photorécepteurs de la rétine, reliés à des noyau centraux produisant de la mélatonine. Ce système neuro-endocrinien régule les cycles et les comprotements de veille activité de l'animal. Sous les tropiques, le cycle est de 12 h de jour et 12h de nuit, et les variations de la témpérature et du taux d'humidité interviennent aussi, régulant la période de reproduction ou de repos saisonnier. La fécondité en captivité des animaux d'élevage et leur survie doivent donc intégrer ces paramètres environnementaux.
  • Les comportements de stéréotypies en captivité comme pour la panthère d'amour.
  • l'art naturaliste, avec une iconographie naturelle entre science, art et pédagogie (p.45) : on sculpte (la girafe au zoo de Lyon), on peint, on photographie les fauves, les mammifères, les oiseaux. Doisneau illustre sa vision du rapport de l'homme à l'animal au Museum. On étudie aussi les mouvements grace à des enclos sans barreaux qui libèrent la vision, on aménage même dans l'entre deux guerres des salles avec des vitres pour les artistes.
  • La captivité animale avec les travaux du peintre Gilles Aillaud qui représente l'animal sauvage entouré de grilles, de béton, de carrelage, de tuyau, de lumière électrique, pour réfléchir sur les conditions de captivité.

C1. Curieux par Nature : Les animaux peuplent les histoires pour enfants. Au-delà de ces récits, que connaît-on de leurs particularités, de leur alimentation, de leur mode de vie et de leur habitat naturel ? Au cours de cette visite orientée selon vos choix, le regard des enfants est guidé pour découvrir les espèces dans leur environnement et profiter d’une première visite d’un parc zoologique. Durée : 1 h

C1. Animo-mimes : Après une phase d’éveil au mime, les enfants observent plusieurs espèces du zoo pour ensuite imiter leur déplacement et faire deviner au reste de la classe leur animal mystère. Durée : 1 h

C1. Poils, plumes, écailles ? Après avoir touché et différencié les plumes, les poils et les écailles, les enfants, munis de silhouettes, partent en observation pour découvrir ce qui recouvre la peau des animaux. Durée : 1 h

C2. Le zoo, mode d'emploi : Comment prépare-t-on l’arrivée d’un animal au zoo ? A partir de l’observation de différents enclos et du mode de vie de leurs pensionnaires (locomotion, alimentation…), les enfants déterminent les conditions de vie optimales pour accueillir un animal dans un parc zoologique moderne. Durée : 1 h 30

C2. Comment classer les animaux ? Poils, écailles ou nombre de membres, autant de caractères à observer pour apprendre à classer les espèces du zoo. Grille d’observation en main, les élèves recherchent les caractères communs des animaux, puis mettent en place leur première classification. Durée : 2 h

C2. À table ! Les élèves identifient les principaux régimes alimentaires en observant des crânes. Puis, en allant à la rencontre des animaux, ils imaginent le menu adapté de plusieurs espèces du Parc Zoologique. Cela permettra d’établir par la suite les différentes interactions qui peuvent exister au sein de la chaîne alimentaire. Durée : 2 h

C3. Enquête au zoo : Des restes alimentaires ont été retrouvés éparpillés ! Que s’est-il passé ? Tout en découvrant le zoo, les élèves mènent l’enquête pour trouver des informations sur les espèces suspectées et mettre la main sur le coupable. Entre formulation d’hypothèses et analyses de preuves, les analogies entre l’enquête et l’étude scientifique sont multiples. - Durée : 1 h 30

C3.  Nature en danger : Au sein d’un écosystème, toutes les espèces sont importantes alors que se passe-t-il si l’environnement est modifié par les actions humaines ? Entre découverte et réflexion, les élèves cherchent à venir en aide à Naly, une jeune Malgache, qui les a sollicités pour préserver la nature unique de son île. - Durée : 2 h

C3. Comment classer les animaux ? À partir de caractères morphologiques prédéfinis, les élèves vont à la rencontre des animaux du zoo, puis complètent un tableau de données indiquant la présence ou l’absence de ces caractères chez certains animaux. Les données obtenues leur permettront d’élaborer une classification emboîtée du vivant. - Durée : 2 h

C3. Un zoo au service de la biodiversité : Une visite du zoo interactive et ponctuée de questions, permettra aux élèves de découvrir la diversité des écosystèmes, la biologie de certains animaux ainsi que la mission de conservation d'un parc zoologique. Durée : 1 h 30

C3. Nature en danger (6ième) : Au sein d’un écosystème, toutes les espèces sont importantes alors que se passe-t-il si l’environnement est modifié par les actions humaines ? Entre découverte et réflexion, les élèves cherchent à venir en aide à Naly, une jeune Malgache, qui les a sollicités pour préserver la nature unique de son île. Durée : 2 h

C3. Plaidoyer pour la biodiversité (à partir de la 5ième) : Comment inciter à préserver la nature ? Après avoir parcouru le parc pour définir la biodiversité et observer plusieurs situations qui témoignent de sa vulnérabilité, les élèves sont invités à réfléchir aux arguments pour convaincre que l’avenir de la planète passe par la préservation de la biodiversité. Les différentes idées seront présentées ensuite sur divers supports (affiche, bande dessinée, pièce de théâtre…). Durée : 2 h

Bibliographie :