Le sens de la captivité animale

Exemple du Parc zoologique de Lyon
Un espace éducatif controversé

voir aussi le partenariat entre école et institutions de culture scientifique et technique

Benoît Urgelli
last up-date : 30 avril, 2021

Du zoo spectacle au zoo préservant la biodiversité, notre rapport aux animaux captifs n'a pas cessé d'évoluer.
Les zoos constituent un lieu privilégié pour l'étude des rapports entre les êtres humains et les animaux

Lors de la réunion de la World Zoo Organization en 1999, W. Conway, un responsable de la Wild Life Conservation Society, déclare : il est grand temps que nous arrêtions de prétendre que c'est en excitant les enfants de New York ou Tokyo au sujet du drame des gorilles du Cameroun ou du Congo qu'on protège ces animaux. Cette politique est trop indirecte, trop lente et trop éloignée du terrain.
The Changing role of zoos and aquarium in the 21st Century, Keynote for the Annual Conference of the World Zoo Organization, Pretoria, South Africa, October 1999

Objectifs de formation

  1. Etudier l'histoire des relations homme-animal à travers un média, le zoo, qui participe à la construction de sens et de symboles, à partir de la rencontre des publics avec l'animal, tout comme un musée, mais avec des "objets" animés ! L'idée est de montrer, à travers l'histoire du zoo et surtout de ces missions, depuis 1858, que l'homme a construit progressivement des représentations de l'animal, des représentations culturelles, situées historiquement et politiquement. Le zoo est un lieu  de présentations et de représentations qui s'accompagnent de questionnements d'ordre éthique. Le zoo est un espace de contradictions et en tant qu'éducateur, on ne peut l'ignorer. Nous nous intéresserons à celles qui concernent le sens de la captivité animale. Une question socialement vive, complexe, expertisée et médiatisée, politiquement et éthiquement sensible.
  2. A partir des controverses que suscitent la captivité animale, en analysent les jeux d'acteurs et d'arguments, en contexte et en lien avec des projets socio-politiques historiquement situés, nous faisons du traitement de la captivité animale un enjeu d'éducation à la pensée complexe et divergente. L'enjeu éducatif est d'apprendre à penser contre soi, à l'épreuve de l'altérité, pour une émancipation citoyenne et démocratique. En étant sensible à la diversité des rationalités, nous allons construire "des ilots de rationalité" par l'enquête sur les controverses médiatisées concernant le zoo. In fine se pose la question de la posture de l'éducateur (enseignant, parent ou médiateur-animateur) lorsqu'il s'immerge dans cet espace éducatif controversé.
  3. Finalement, deux objectifs de formation : a. le partenariat éducatif, et les carrefours possibles entre éducation formelle et non formelle, mais aussi d'éducation informelle, en lien avec l'évolution de la forme scolaire, dans le cadre de projets "d'éducation à" (Guedj et Urgelli, 2020, en revision) ; et b. l'engagement personnel et professionnel et la posture de l'éducateur en contexte, face aux dimensions controversées de la captivité animale.
  4. Pour une formation à l'enseignement, à la médiation et à l'éducation à la biodiversité et au développement soutenable, les stagiaires élaboreront un projet éducatif pour une classe de primaire ou du secondaire (en lien avec les programmes scolaires des cycles 1, 2, 3 et/ou 4), en utilisant notamment les ressources du site internet du parc zoologique de Lyon, couplées à une sortie de terrain.

L'élaboration d'un projet éducatif nécessitera de se mettre dans une position réflexive en explicitant :

1. les objectifs éducatifs (mission éducative),
2. les représentations de l'éducabilité des publics (représentations des publics),
3. la posture personnelle et professionnelle face aux controverses socioscientifiques que soulèvent la captivité animale.

Derrière les deux paradoxes suivants, qui font du zoo un espace éducatif controversé, il s'agit de comprendre les logiques des acteurs qui fréquentent cet espace socialement vif, objet de mobilisations et de divisions.

  • Un premier paradoxe est lié au fait que le zoo est un lieu de respect et de protection de la vie sauvage mais il présente des animaux en captivité.
  • Un deuxième paradoxe est lié au fait que les publics se déclarent généralement contre l'enfermement des animaux sauvages, et pourtant la fréquentation des zoo ne cesse d'augmenter. Malamund (1998) souligne même que beaucoup de gens ont eu, enfants, une expérience désagréable du zoo ; une fois devenus adultes, ils y emmènent pourtant leurs enfants, et seraient certainement considérés comme de mauvais parents s’ils ne le faisaient pas. La visite au zoo est une sorte de « must » dans l’éducation d'un enfant et même des parents « anti-zoos » y emmènent leurs propres enfants. Pourquoi ? Pourquoi emmène-t-on ses enfants au zoo ? Quelle est la « fonction » de cette expérience dans l’éducation d’un enfant ? […]
    In Servais, V. (2012). La visite au zoo et l'apprentissage de la distinction humaine. Revue d'anthropologie des connaissances, vol. 6, 3(3), 625-652.
    Malamund, R. (1998). Reading zoos. New York University Press.

Introduction : le zoo, un espace d'éducation aux controverses et à la conservation scientifique de la biodiversité ?

Le zoo est un lieu d’enjeux et de controverses politiques et idéologiques majeurs. Il exemplifie et externalise les questions de définition de la nature et de la culture, d’animalité et d’humanité, tout autant qu’il renvoit à des logiques politiques locales et globales ou à des tensions et débats à l’intérieur même des sciences [...] Les sociétés humaines ont établi des formes de gestion de la relation à l’animal sauvage et à la nature dont l’étude montre la part culturelle [...] Le zoo, lieu d’une rencontre organisée entre l’homme et animal sauvage, permet, depuis deux siècles, une mise en scène du monde sauvage, une présentation de la nature dans un espace clos. De simple lieu d’exposition d’animaux exotiques ou sauvages, il est devenu un espace de pédagogie, puis de conservation des espèces. L’étendue restreinte que lui réservait la ville paraît désormais trop étroite : les zoos partent à la campagne, fournissant un saisissant contraste avec l’espace agricole.
Les jardins zoologiques sont traversés par un ensemble de contradictions
, dont la moindre n’est certainement pas de présenter à la vue du public des animaux captifs, souvent diminués, au nom de l’éducation au respect de la vie sauvage. Mais ils sont aussi des lieux où les catégories occidentales de l’animalité et de la sauvagerie sont lisibles dans l’architecture et les dispositifs de mise en scène des animaux et réexpérimentées par les visiteurs. L’objectif est de poser sur les zoos, curieusement peu investis par l’ethnologie ou la sociologie, des regards multiples, tournés symétriquement vers les animaux et les hommes.

In De Cheveigné, S. & Joulian, F. (2008). Internalités et externalités des « natures de l’homme ». Techniques et cultures, 50.

De 1850 jusqu'aux années 2020, le parc zoologique a subi de multiples modifications en lien avec l'évolution de ces missions, elles mêmes liées à une évolution des représentations de l'animal et de son rapport à l'Homme. De l'animal objet utile et source d'attraction et de distraction dans les années 1850, à l'animal sujet sensible à partir des années 1960, la prise en compte législative, à l'échelle nationale et internationale, de la cause animale et des risques de diminution de la biodiversité liée au développement humain (1970) conduit à l'évolution des missions du zoo. En 170 ans, on passe de la ferme urbaine avec des espèces utiles à l'Arche de Noé avec de plus en plus d'espèces en voie de disparition, de petite taille et élevées ex-situ. Les espaces de captivité évoluent en même temps que les formes de prise en charge éducatives des visiteurs, alors que les pratiques et missions du zoo se reconfigurent dans une dynamique socioscientifique rendue visible par les jeux d'acteurs et d'arguments qui structurent les espaces, lers pratiques et les missions de cette institution. Une de ces missions importante est l'éducation des publics.

Le zoo est donc un livre d'histoire à ciel ouvert qui illustre les relations de l'homme à l'animal, à la nature et à lui-meme. Cette illustration est possible en portant une attention toute particulière à ce combat historique et contextualisé, grossièrement dualiste, entre les anti et les pro-zoos. Pourtant, que ce soit chez les antizoos, les soigneurs ou les vétérinaires, on perçoit un rapport similaire à l'animal considéré comme un sujet sensible, mais c'est la question du sens de la captivité animale qui divise et mobilise en fonction de visions différentes des stratégies de conservation de la biodiversité : en caricaturant, les anti-zoos rejoignent plutot les valeurs de l'écologie profonde, alors que les pro-zoos sont dans un système de valeurs et de représentations de l'écologie scientifique faisant du zoo une arche de Noe..

Ce combat entre raison et émotion, a fait progressivement évoluer la forme du zoo considéré comme un espace médiatique : d'une ménagerie au XIXe siècle au zoo d'immersion du début du XXIeme siècle, en lien avec l'évolution des représentations sociales de l'animal et de la responsabilité de l'homme dans l'évolution de la biodiversité. Nous considérerons le zoo comme un média véhiculant des représentations de l'animal sauvage, actuellement l'animal sauvage en voie de disparition alors qu'il s'agissait plutot, jusqu'en dans les années 1960 de l'animal exotique de nos colonies.

Pour les visiteurs, lors de la rencontre avec l'animal, entre raison et émotion, le zoo devient donc un espace éducatif non formelle et informelle, source d'apprentissages. Dans les services pédagogiques des zoos, les activités d'animation montrent la même tendance à la scolarisation des activités pédagogiques autour de thématiques proches de programmes de l'éducation formelle, avec une approche naturaliste et déficitaire de l'éducation à l'environnement. On y parle d'alimentation, d'écosystème, de reproduction, de classification du monde vivant, de modes de vie, de locomotion, d'adaptations de l'animal aux conditions physico-chimiques de son milieu de vie naturel, et plus récemment du rôle des zoos dans la conservation de la diverstié génétique des espèces menacées, dans l'espoir de répondre directement à la question : A quoi servent les zoos ?

Au carrefour entre éducation formelle, non formelle et surement informelle, les publics scolaires ont rarement l'occasion de débattre de diverses stratégies de conservation de la biodiversité (ex-situ, in-situ, réintroduction des espèces conservées, etc..), et de discuter des politiques de développement durable, à l'échelle mondiale, en focalisant l'attention par exemple sur les causes probables de ménaces qui pèsent sur certaines espèces classés par l'UICN. L'espace éducatif dévient rarement un espace d'éducation critique au développement durable, par crainte probablement d'une remise en question du modèle de l'Arche de Noe qui oriente les pratiques de conservation des zoos à travers le monde.

Dans les zoos et lors de la rencontre avec les publics, si les critiques sont indirectement et inconsciemment neutralisées par des pédagogies de la neutralité exclusive, elles n'en restent pas moins visibles dans l'espace publique et donc très probablement dans l'esprit des visiteurs et des publics scolaires. Nous faisons le pari que rendre visible ces critiques et les prendre en charge par des pédagogies collaboratives et émancipatrices est un enjeu d'éducation à propos du sens de la captivité animale, une éducation à l'esprit critique, à la complexité et à la pensée divergente. L'enjeu est également d'ouvrir l'école sur d'autres espaces éducatifs traversés eux aussi, comme tous d'ailleurs, par des controverses qui nous renseignent sur notre rapport au monde, au bien commun, sur l'ordre des discours en fonction des époques et des contextes. Ces controverses nous invitent à penser un agir éthique et responsable dans un monde complexe et incertain, à la charnière entre l'individuel  et collectif. Elles nous invitent également, en contexte éducatif, à questionner l'emprise de la forme scolaire sur d'autres espaces éducatifs.

Un tel programme éducatif suppose un regard pédagogique socioscientifique sur le zoo, sur les sciences, les sociétés et leurs rapports à la biodiversité. Mais il pose un redoutable défi de formation des éducateurs et des médiateurs, une formation qui leur permette d'adopter une posture réflexive qui ne refuse pas le doute épistémologique, l'émotionnel, l'éthique et le politique, sortant des ornières du principe de neutralité qui exclut tout débats et controverses, ou du militantisme qui rend aveugle à la critique sociale.

AVERTISSEMENT : L'ensemble des ressources qui suivent ont été rassemblées entre 2011 et 2020. Elles contribuent à un projet d'éducation aux controverses à propos du sens de la captivité animale en zoo, pour une citoyenneté scientifique fondée sur le la mobilisation d'une pensée complexe, critique et divergente.

Organisation d'une école de terrain au zoo de Lyon
Fascicule de terrain

Exemple d'un message de cadrage administratif, scientifique et pédagogique de la visite du Zoo de Lyon, mai 2011, classe de seconde et de première L :

Sujet: Sorties Seconde Parc Zoologique de Lyon
Date : Fri, 13 May 2011 - De : Professeur Urgelli
Cher(e)s collègues,
J'envisage de conduire avec les classes de seconde 3 et seconde 6 une étude sur "Les sens de la captivité des primates : entre sciences et valeurs" au parc zoologique de la Tête d'or, le mardi 24 mai 2011 (8h30-12h30) pour les 2de6 et le mercredi 8 juin 2011 (8h30-12h30) pour les 2de3. Un pique-nique de 11h30 à 12h30 permettra de déjeuner sur place et de prévoir un retour des élèves pour 13h30 dans l'établissement.
Il s'agira de conduire des observations anatomiques et éthologiques d'une dizaine d'espèce de primates (prévoir une paire de jumelles et un appareil photo) afin de s'interroger sur les liens de parenté entre espèces, les rapports entre l'Homme, l'animal et la nature, dans ce contexte particulier (qui a largement évolué depuis le milieu du XIXème siècle) et avec un regard critique sur la question de la protection de l'environnement et du développement durable (dimensions scientifiques et philosophiques).

Pourriez-vous me donner votre avis, vos accords de principe et votre éventuelle participation à ces sorties ?
Bien à vous, BU

TD. Travail sur le terrain et grille de lecture de la captivité animale (Urgelli, avril 2015) :
On sera attentif, durant le parcours libre des espaces occupés par les animaux de zoo aux 5 points suivants :

  1. Identifier les origines géographiques des animaux du zoo et les arguments présentés pour justifier leur présence à Lyon (critère UICN, catégorisation des ménaces)
  2. Comparer les espaces de captivité en fonction des espèces présentes, mais également la place donnée aux publics pour une rencontre avec l'animal
  3. Repérer les comportements et le travail des animaux (locomotion orientée vers l'alimentation, le jeu, mouvement des oreilles, des dents, activité exploratoire, etc...), éventuellement en lien avec la présence et le comportement des publics (interactions éventuelles Homme-Animal)
  4. Essayer de saisir la diversité des discours des publics présents à propos de l'animal observé, et de ses conditions de captivité
  5. Imaginer une action éducative à conduire en relation avec le média-zoo, pour des élèves de l'école primaire (ou du secondaire).


Sortie pédagogique au Parc Zoologique de Lyon - Promotion 2014-2015 - Sciences de l'Education - ISPEF - Mardi 07 avril 2015 - 9h00 - 12h00

TD. Exploration des récits médiatiques de la presse quotidienne locale (site Le Progrès et 20 minutes) pour catégoriser les thématiques publicisées relatives au fonctionnement du zoo à Lyon (Mots clés possibles pour Europresse ou Factiva : Zoo Tête d'Or).

Voir aussi le corpus de presse établi grace à EUROPRESSE sur la période 2005-2011 et 2011-2014

L'animal de zoo, un animal sauvage ou domestique ?

On considère en général que l'animal sauvage est un animal qui vit indépendamment de l'homme, qui est libre de ses mouvements, de ses déplacements. C'est son éloignement avec l'homme qui le définit par l'adjectif sauvage. L'animal du zoo n'est donc pas exactement un animal sauvage. Il est exposé à la présence de l'homme, son lieu de vie n'est pas vraiment à l'image de ses conditions naturelles. Son mode de vie et son alimentation n'ont rien à voir avec ce qu'il peut vivre à "l'état sauvage". Pour beaucoup d'entre eux, il manque par exemple le comportement de prédation liée à sa recherche alimentaire. Certains ethologues considèrent même que l'animal du zoo passe son temps à s'ennuyer.

L'animal domestique se caractérise par une forte proximité avec l'homme. Son mode de vie dépend directement de la volonté de son maître. L'animal domestique est un animal « captif », mais on considère que cet animal est à sa place dans cette relation avec l'homme. Cette situation ne pose pas de problème moral contrairement à la captivité de l'animal de zoo. Les animaux de zoo sont dans un état proche de la domestication, de plus en plus de générations ne connaissant pas la vie sauvage.

Résumé : La première domestication, celle du chien, a eu lieu à l’époque de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs. Elle fut le point de départ d’une longue histoire de collaboration entre l’Homme et la nature, qui conduisit à la naissance de l’agriculture, l’élevage et la civilisation. De nombreuses espèces animales et végétales ont été domestiquées, les paysages se sont couverts de champs et de prés, des villes ont été bâties et l’Homme lui-même a été transformé par ce nouveau monde qu’il a contribué à créer.
Mots clés : domestication / sélection artificielle / civilisation / agriculture / animaux

Résumé : L'histoire des jardins zoologiques est à peine ébauchée alors qu'ils représentent un lieu symbolique de la rencontre entre l'homme et l'animal sauvage et un instrument de domestication. Créé en 1859 sous la forme d'un jardin d'ornement, le parc de la Tête-d'Or prit lentement le visage d'une ménagerie exotique, grâce aux dons des coloniaux et des voyageurs. Il servit bien moins à la science, en dépit des projets, qu'à la distraction du public, mais sa mise en scène affirme une volonté de maîtrise de la nature, révélatrice des ambitions de l'Occident contemporain.


© N.Haase / fotolia.com

Les ethologues considèrent donc que les animaux de zoo sont entre l'animal domestique et l'animal sauvage. L'animal de zoo fait référence à deux espaces (ici et ailleurs), même s'il ne vit qu'à un seul endroit. Sa fonction est de représenter son homologue sauvage. On peut même considérer que l'animal de zoo est un acteur qui joue le rôle d'animal sauvage. On raconte sur lui des histoires avec des décors qui sont là pour inviter le visiteur à imaginer le monde sauvage. Le zoo est non seulement un lieu de présentation mais aussi un lieu de représentation. En ce sens, c'est donc un média.

Le zoo, théâtre de la vie sauvage pour les visiteurs

Le parc zoologique de Lyon est gratuit et inséré dans un univers de distraction qui fait qu'on peut le considérer comme un élément du paysage. L'histoire des zoos montre que l'on tente de plus en plus de naturaliser ces lieux, sans modifier l’animal et en favorisant le brassage génétique entre les individus de zoos différents. Dans ces théâtres du monde sauvage, par l’architecture actuelle, les textes diffusés et les décors produits, on tente de conduire le visiteur de manière fictive vers l'extérieur du zoo.

On se rend compte que les décors sont construits pour les visiteurs plus que pour l'animal. Cette tendance est perceptible par les visiteurs car on ne leur parle que de l'ailleurs. Si bien que les responsables de zoo tentent de plus en plus de construire une identité propre à l'individu captif lui-même, notamment avec la mise en place de carnets de naissance et parfois même en invitant les visiteurs à donner des noms aux animaux nés en captivités.

La typologie des noms révèle les représentations de l'animal qu'ont les publics. A la Girafe, on donne un nom africain (Trois propositions faites par les publics ont été retenues par le parc zoologique : Yanci, qui signifie Liberté, Wayo (le malin) ou Tsawo (Le Grand). Trois prénoms issus d'un dialecte du Niger, région d'origine des girafes dont il ne resterait que 3.000 individus en Afrique). Aux Pandas roux des noms asiatiques : Jixiang et Tara, mammifère originaire de l'Himalaya et de la Chine méridionale, espèce en danger sur la liste rouge de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature depuis 1960, en grande partie en raison de la réduction de son habitat, mais aussi à cause d'un important braconnage.

L'animal de zoo, support pédagogique ?

C’est un outil pédagogique de premier rang à disposition de tous, ainsi qu'un site culturel développant le thème de la conservation du patrimoine biologique mondial. C’est pourquoi la pédagogie est l’un des principaux objectifs définis par la Charte du Parc adoptée par le conseil municipal en 1998. Une politique pédagogique a donc été mise en place, notamment en recherchant des partenariats avec le Ministère de l’Education Nationale et l’'ESPE. La pédagogie en parc zoologique s'exprime suivant de nombreuses modalités qui utilisent divers supports de communication : panneaux d’information, présentations d’espèces par les soigneurs animaliers ou encore animations telles que les visites guidées et ateliers thématiques.

La recherche scientifique au zoo : entre physiologie et éthologie

La recherche est considérée comme une mission cruciale pour un zoo moderne. Elle permet de donner d’importantes informations sur le comportement, la santé, la physiologie… d’espèces menacées, menant à une meilleure connaissance et une meilleure gestion de ces animaux en captivité mais aussi dans leur milieu d’origine.

Récemment, le zoo de Lyon s'est engagé auprès de plusieurs Universités pour conduire des études sur le comportement des animaux en rapport à la fréquentation et le comportement humaine. On pourra tenter de catégoriser les travaux de recherche 2011, 2012 et 2013 du zoo de Lyon :

Études 2011 :
- Etude de l'ingéré réel des primates du Zoo de Lyon: Dans le cadre de son mémoire de Master 2, une étudiante de l'université Lyon 1-Claude Bernard, réalise une étude sur la nutrition des primates du Zoo. Son travail consiste en l'étude de ce qui est réellement ingéré par les animaux. Otre les quantités de nourriture, cette étude s'intéresse à la composition des nutriments grâce à un logiciel spécialement conçu pour ce genre d'étude. Ce type de projet de recherche est très important pour mieux connaître les besoins nutritionnels des animaux et ainsi améliorer leurs conditions de vie.
- Etude de l'impact du public sur le comportement des primates du Zoo de Lyon: un étudiant en Master 2 d'éthologie de l'université Paris 13 Villetaneuse, réalise une étude de l'impact du nombre de visiteurs sur le comportement des primates du zoo. Il compare ainsi les comportements des capucins à épaules blanches, des gibbons à favoris blancs du Nord, des cercopithèques de l'Hoest et des tamarins empereurs, lors des faibles et fortes fréquentations du zoo. Ce travail permettra d'améliorer la conception des lieux de vie des animaux en prenant en compte les besoins des animaux vis-à-vis du public.
- Etude de l'utilisation spatiale de la Plaine africaine par les herbivores du Zoo de Lyon: Cette étude est menée par une étudiante en Master 1 d’éthologie de l’université Paris 13 Villetaneuse.
L’observation des comportements des herbivores sur la plaine africaine (girafes, watusis, cobes de Mrs Gray…) et de leur localisation au cours de la journée, livrera des données très importantes sur le fonctionnement de cette infrastructure récente au sein du zoo de Lyon.

Etudes 2012 :
- Etude de l'impact de l'apport d'enrichissements sur le comportement des ours à lunettes (Tremarctos ornatus) au Zoo de Lyon
- Etude de l'ingéré réel des girafes du Zoo de Lyon
- Impact de la taille des enclos sur le déplacement du tigre (Panthera tigris) en captivité
- Etude des associations spatiales, des interactions, de la hiérarchie chez les varis à ceinture blanche du Zoo de Lyon

- Etude des stéréotypies de la panthère de l'Amour (Panthera pardus orientalis) à l'aide d'un protocole videographique au Parc de la Tete d'Or (Lyon). Thèse d'Elodie Laurent, 20 décembre 2012, VetAgro Sup.

Busse, panthère de l’Amour
(Panthera pardus orientalis)
mâle hébergé par le Parc de la Tête d’Or,
juillet 2011, page 46 de la thèse

Les observations directes ont permis d’établir un éthogramme, regroupant d’une part les comportements durables dans le temps :

* Passif : Assis ou couché sans prêter attention à l’environnement (repos), sommeil.
* Exploratoire : Observation (assis ou debout), exploration de l’enclos
* Autocentré : Toilettage
* Stéréotypé : Les carnivores sont considérés comme particulièrement susceptibles de développer des stéréotypies, notamment de type locomoteur, appelées pacing. Celles-ci prennent la forme d'allers-retours, de trajets en forme de huit ou de cercles. La forme du pacing est susceptible d'évoluer ; par exemple, de simples allers-retours le long d'une clôture peuvent devenir progressivement des trajets en forme de huit au fur et à mesure que le changement de direction s'élargit.


Schéma de la répartition des activités principales de la panthère dans son enclos extérieur
(fig. 16 page 51).

et d’autre part les comportements ponctuels :

* Prédation : Course, escalade du grillage, traque, aplatissement par terre
* Autocentré : Toilettage, étirement, griffade, bâillement
* Marquage : Défécation, marquage facial
* Exploratoire : Coup d’oeil, flairage, humage, léchage, grignotage
* Déplacement : Course, trot, marche, perchage
* Stéréotypé : Hormis le pacing, Busse réalisait également des mouvements stéréotypés ponctuels atypiques, consistant à se dresser sur ses postérieurs, poser les antérieurs contre un mur ou un poteau, renverser la tête en arrière et poursuivre le mouvement en se laissant retomber du côté droit. Ce mouvement a été nommé demi-tour stéréotypé ou DTS.

Etudes 2013 :
- Comportement des visiteurs d'un zoo en fonction des espèces observées

Une vision éthologique de l'animal en captivité

Quelques controverses sur la place de l'éthologie dans l'organisation de la captivité animale :

  • Les babouins du zoo de Vincennes ont développé une innovation technique originale d’utilisation d’outils en pierre avec lesquels ils cassaient le substratum de leur enclos et allaient fouir. Les responsables du zoo, peu de temps après, leur ont enlevé leurs instruments et ont cimenté l’enclos (Abegg & Thierry 1998). Dans les années 1990, les babouins du zoo de Vincennes étaient conservés dans des enclos dans laquelle ils avaient un comportement que les éthologues appellent le travail animal. Leur activité consistait à gratter le sable, à en extraire des fragments, à faire des mini-constructions, sûrement à la recherche de petits parasites. Pour les responsables techniques du zoo, ce comportement avait des conséquences sur l'hygiène de la cage puisqu'il rendait le nettoyage particulièrement difficile. Il a été décidé de couler une dalle en béton armée, privant les animaux de la possibilité de travailler. Cette réaction montre qu'il s'agit bien d'un théâtre pour les visiteurs et que les animaux étaient parfois considérés comme des acteurs devant satisfaire l'imaginaire des visiteurs sur les analogues sauvages. Cette exemple a conduit les responsables de zoo à se rapprocher des terrains pour pouvoir éviter ce genre d'erreurs, en développant des programmes de recherche en éthollgie, pour mieux connaitre les comportements dit « à l’état sauvage ». Le zoo de Lyon soutient régulièrement des programmes de recherche en éthologie.
  • Une jeune lionne meurt noyée au parc de la Tête d'Or de Lyon, 23 décembre 2010 par C.B dans 20minutes.fr. Comparer d'autres traitements médiatiques de cette affaire pour identifier les sens et la problématisation donnés par la presse quotidienne nationale et régionale. Cette affaire révèle également qu'une vision éthologie simpliste peut conduire à des erreurs fatales dans la mise en scène théâtrale de l'animal, tout comme dans le comportement des publics.

De la ménagerie populaire au conservatoire de la biodiversité
Les rapports Homme-Nature à travers l'histoire du "Jardin Zoologique" de Lyon de 1858 à nos jours

voir le dossier Les mutations d’un parc urbain : la Tête d’Or - Bibliothèque municipale de Lyon - 2006

                        

Foire aux questions


Service pédagogique
Jardin Zoologique du Parc de la Tête d'Or - Mairie de Lyon
69205 LYON Cedex 01 - FRANCE
+33 (0)4 72 82 36 46

Services pédagogiques du Zoo et de la Mairie de Lyon
Plaquette des activités pédagogiques

 


Jean-François STASZAK. À quoi servent les zoos ?
Sciences humaines, aout 2000, n°108, 114 pages


Thoiry, parc animalier créé en 1968

En Occident, l'homme s'est attribué une place privilégiée, au sommet de l'échelle des êtres. Dès lors, les peuples qui accordaient un statut différent aux animaux nous ont toujours semblé étranges : des vaches sacrées en Inde aux perroquets-totems d'Amazonie, en passant par les varans que l'on élève dans certaines populations d'Indonésie comme des enfants...
Mais les temps changent. On voit désormais des cimetières pour chiens et chats. Des associations militent pour intégrer les grands singes au sein du monde humain. Dans un autre registre, les scientifiques nous montrent combien les frontières que l'on croyait bien établies, entre les animaux et nous, sont fragiles et relatives. En définissant un type de relation, nous questionnons forcément notre place dans l'univers du vivant.

Comment les singes sont devenus (presque) humains. J.-F. DORTIER (2000). En un siècle, la primatologie a révolutionné notre vision des grands singes. On a découvert qu'ils étaient intelligents et que leur vie sociale et émotionnelle était riche. Ce faisant, ils ont contribué à brouiller les frontières entre l'homme et l'animal.

Somme du numéro Homme/animal : Des frontières incertaines
Les figures de l'animalité
Par CLAUDE COMBES,CHRISTOPHE GUITTON
Sexe et société chez les primates
Par BERTRAND L. DEPUTTE
Les animaux, miroir de l'âme humaine
Par NICOLAS JOURNET
Le statut de l'animal en Occident
Repenser le propre de l'homme
Par DOMINIQUE LESTEL
La compagnie de l'animal
Par JEAN-PIERRE DIGARD
Staszak, J.-F. (2000). À quoi servent les zoos ?
Sciences Humaines, 108(8), 30-30.

le zoo propose une rencontre avec l'animal sauvage, l'animal naturel {...] on y va pour voir des animaux « en vrai », et que ce que l'on en retire relève plus de l'émotion que de la connaissance. Une rencontre avec soi même, avec l'altérité, l'animalité absolue ?
Depuis les années 70, les zoos ont mauvaise presse. Les mouvements de défense des droits des animaux, spécialement actifs aux Etats-Unis, dénoncent leur existence même, et conduisent parfois des expéditions de « libération » [...] L'enjeu éducatif lui-même est remis en cause : ce n'est pas en contemplant à travers des barreaux un animal à moitié fou en dehors de son milieu naturel que l'on peut apprendre quoi que ce soit à son sujet. Dans ce contexte a été créé un nouveau type de zoo : le parc animalier. Il s'agit, comme à Thoiry (parc créé en 1968), d'inverser l'enfermement : c'est le visiteur qui est confiné à sa voiture ou à un petit train, alors que les animaux s'ébattent « librement » dans un vaste parc « naturel ».



Enquête : A quoi servent les zoos ?
Science et vie junior n°258, mars 2011, p. 62-67

[...] les zoos font tout pour nous émerveiller en mettant en scène les comportements naturels de leurs locataires [...]
Modifier les comportements, faire changer les mentalités mais aussi alerter le public sur le fait que, sans qu'il en ait conscience, certaines de ses actions mettent des animaux en danger [...]. Tout ce travail de sensibilisation est essentiel, notamment auprès des enfants, qui sont les adultes de demain. [...]
[...] Une grande partie de l'activité des zoos consiste à organiser les mariages entre animaux [...]
[...] Prenez la panthère de l'Amour. Victime de la disparition de son habitat et du braconnage, l'espèce est vouée à une extinction quasi certaine : aujourd'hui, il ne resterait plus qu'une trentaine d'individus à l'état sauvage, dont à peine sept femelles. Heureusement les zoos d'Europe, de Russie et d'Amérique du Nord ont lancé un programme d'élevage et, en vingt ans, ils ont réussi à faire passer la population captive de quelques dizaines d'animaux à plus de 300 ! [...]
Mais on espère bien pouvoir un jour les relâcher dans la nature pour qu'ils repeuplent le monde sauvage [...] les zoos constituent un vaste laboratoire vivant [...].

La contribution essentielle des zoos, c'est le financement des programmes de conservation dans le milieu naturel [...] Une partie des recettes des entrées et de la vente des souvenirs est reversée à tous ces projets.

Eric Baratay et Élisabeth Hardouin-Fugier (1998).
Zoos, histoire des jardins zoologiques en occident (XVIe-XXe)
.
Paris, La Découverte, 294 p.

Note de l'éditeur : L'animal sauvage n'a jamais cessé de fasciner les hommes. Afin de nourrir leur passion pour les collections, ils inventèrent les zoos, ces lieux uniques où s'expriment leur désir de dominer la nature pour mieux la connaître. Dans cet ouvrage [...], Eric Baratay et Elisabeth Hardouin-Fugier retracent l'histoire des ménageries et jardins zoologiques en Occident. [...] L'ambition est aussi d'offrir au lecteur une contribution inédite à l'histoire politique, culturelle, sociale et esthétique de l'Occident.

  • Ils montrent ainsi comment, à partir du XVIe siècle, les aristocrates de l'âge baroque mettent en scène quantités de bêtes exotiques dans leurs ménageries. Enfermés, au service d'un pouvoir soucieux de se montrer, les animaux suscitent aussi la passion des naturalistes et éveillent la curiosité du peuple.
  • Au XIXe siècle, l'urbanisation et la colonisation favorisent la multiplication des jardins zoologiques où des animaux, importés par milliers, sont dressés à jouer le rôle de fauves vaincus, de bétail domestiqué ou de gentils compagnons devant un public toujours plus nombreux.
  • Aujourd'hui le zoo ne va plus de soi : interpellé par la disparition de la faune sauvage, il se doit d'offrir à un public nostalgique le mirage d'une nature préservée, et à leurs détracteurs l'illusion d'un sauvetage des espèces en perdition. [...]

TD. Les conditions de captivité des ours, de 1865 à 2018



L'histoire du Zoo du Parc de la Tête d'or de Lyon (1857-2010)
Illustrée par des cartes postales

sur le site d'Eric CHANET


En 1892 un groupe de garnements lance aux ours du pain et des pierres. L’un d’eux, Henri Perron, âgé de 15 ans, veut par bravade s’approcher plus près de la cage mais un ours de Syrie le saisit et lui sectionne la jambe au dessus de la cheville, une jambe qu’il faut aussitôt amputer. "Sa terrible blessure ne lui coûtera pas la vie ; puisse-t-elle servir de leçon à tous les jeunes imprudents qui seraient tentés de l’imiter" note Le Progrès Illustré.

Source : lelyondesgones.com et
Dubois, R. (1900). Sur un cas particulier de l'aspect moral de la lutte pour l'existence. Société Linnéenne de Lyon, 46, 134-135

Depuis cette date, une deuxième grille fut mise en place
pour éviter de tels accidents.

 


Historique du Zoo de Lyon

La structure noire, vide depuis le départ de Sophie,l’ours à collier de l’Himalaya, dans les années 90, témoignage d'un zoo qui a connu de nombreuses mutations. Les ours furent introduits au Parc en 1877 et 1881.

En 1987, deux grandes cages circulaires étaient utilisées pour l’hébergement des ours : « Dans l’une, les descendants de l’ours brun Mitron, arrivé de Berne en 1947 et mort en 1979. L’espère est tellement féconde qu’on a été obligé de stériliser le mâle. Dans l’autre, la noire Sophie, l’ours à collier de l’Himalaya qui est toute seule. » In Mérona, X. (1987). Richesses du Parc de la Tête d'Or. Trévoux : Ed. de Trévoux, extrait de la réponse du Guichet des savoirs de la bibliothèque municipale de Lyon.

Il semblerait que ces cages aient servi au moins jusqu’en 1994, date de l’inauguration de la nouvelle ourserie, juste à côté des éléphants et des girafes. Voici un extrait de l’article de Marie-Anne Maire pour Lyon Figaro Un toit pour les ours, paru le 6 juillet 1994, p.2 :

« La nouvelle ourserie du parc zoologique de la Tête d’Or a été inaugurée, hier (…) Et si Sophie, pour des raisons d’incompatibilité de nature, est condamnée à rester dans sa cage de fer construite en 1865, Azor et Eliette ont désormais pris possession de leur nouveau territoire. Cet espace en béton couvre une superficie de 600 mètres carrés et a été conçu par les architectes Martel et Charlet pour accueillir ces plantigrades[ figurant en tête du box-office des animaux préférés des enfants. "La rapidité d'acclimatation a été une véritable surprise, on pensait qu'elle allait prendre plus de temps parce que les ours étaient habitués aux grilles de leurs cages qui, à leurs yeux, leur servaient également de protection contre le public", explique l'un des animaliers du parc de la Tête-d'Or. Là, ils ont tout de suite pris possession de l'espace alors même que le terrain est grand et en pente»

Cet aménagement, prévu par Louis Pradel dans le cadre d’un réaménagement plus global du parc zoologique dans les années 60-70, a été relancé et réalisé par Michel Noir deux décennies plus tard. Il a fait l’objet d’une rénovation en 2002. C'est alors que deux ours à lunette, qui sont frères, sont arrivés du Zoo de Bâle, après la rénovation de l'enclos. Afin de conserver une population viable en captivité, ils ont participé à un programme européen d’élevage.


Historique du Zoo de Lyon
La cage de fer du parc zoologique de la Tête d’Or a été construite en 1865. Elle mesure une vingtaine de mètres carrés. Sa dernière occupante fut l’ours à collier de l’Himalaya, Sophie, dans les années 1990. Source : Le Progrès

 


La nouvelle ourserie ouverte en 1994
source : Figaro Lyon

2018 : « L’ours à lunettes qui occupait les lieux est décédé en novembre 2018», confirme Xavier Vaillant, directeur du zoo. L’information est passée presque inaperçue. Âgé de 26 ans, il avait intégré l’enclos avec son frère il y a 15 ans, et était atteint d’un cancer bien avancé du foie et du pancréas. Il ne sera pas remplacé. Et c’était prévu. « Avant sa mort, poursuit le directeur, la décision de le transférer dans un autre zoo était prise, car on ne peut plus décemment en accueillir, l’enclos bien trop petit, n’était plus adapté à ses besoins ». In Duret, A. ( 2019). Lyon: il n’y aura plus d’ours et d’éléphants au zoo du parc de la Tête-d'Or. Le Progrès, 25 mars 2019.


Site du Zoo de la Tête d'Or

 


Fin 2006, ouverture de la Plaine africaine à Lyon


1894

Dans ce plan du zoo en 1894, on peut lire : allée du parc aux moutons, allée du parc aux daims, Volière, Colombier, Ours brun, Ours blancs, Poules et Canards, Pélicans. Cette légende donne une idée des espèces présentées à cette époque au Parc de la Tete d'Or. A comparer avec celles actuellement présentes. Une belle idée de l'évolution du zoo municipal, de la ménagerie populaire au conservatoire de la biodiversité.


Affiche de l'exposition coloniale de 1894 au Parc de la Tête d'Or

C'est dans le contexte de l'exposition international et colonial que se produit, le 24 juin 1894, l'assassinat du président Sadi Carnot venu à Lyon pour l'exposition. Alors qu'il se rendait en calèche au théâtre, il fut poignardé à la carotide par Caserio, un anarchiste italien. Ce coup de couteau lui sera fatale quelques heures plus tard. Les retombées de cet évènement ont profondement marqué la mémoire de Lyon : 40 boutiques italiennes furent saccagées en moins d'une semaine. Le café d'Isaac Casati, rue du Bat-d'Argent, est mis à sac, et les gondoliers de la Tete d'Or se font pourchasser.
D'après La Tribune de Lyon, n°700, 09 mai 2019, p.37.


Source : BML et site Influx Lyon et Région, 2006

  • In De Merona, X. (1987). Richesses du Parc de la Tete d'Or. Editions Trevoux.
En 1856, la plus grande partie du domaine de la Tete d'Or, soit 117 ha, fut achetée aux Hospices par la ville de Lyon pour en faire un grand parc public, alors que la ville s'étend, pour procurer le plaisir de la promenade si cher et si indispensable à la population active et occupée (Sénateur Vaïsse, Maire de Lyon, au conseil municipal du 22 février 1856). Une digue fut édifiée en 1857 pour protéger contre les eaux du Rhône et les tisseurs lyonnais en chomage participèrent au creusement du lac : 900000 m3 de terre et graviers extraits servirent à rehausser les parties marécageuses voisines. L'ouverture se fait en juillet 1857 mais ce parc à l'anglaise ne sera terminée qu'en 1862.

Le parc zoologique de Lyon est créée en 1858, après celui de Paris (1793), Londres (1828), Amsterdam (1838) Berlin (1844) et Anvers (1848). C'est donc l'un des plus vieux d'Europe. Les premiers pensionnaires furent 20 daims, dont on peut voir aujourd'hui les descendants directs, issus donc d'une reproduction consanguine. En début, il y eut également des faisans, paons, canrds et rapaces. Un traité est signé entre le Sénateur Maire Vaisse et un éleveur E. Gérard qui s'engagea à peupler le parc d'animaux variés et exotiques, à les garder et les entretenir, ainsi qu'un troupeau de vaches de 'bonne race" pour le lait distribué sur les places publiques et pour la fertilité des pelouses. Avec une superficie de 2 ha, le parc comporte en 1860 une volière (démolie en 1969), une vacherie détruite par un incendie en 1871, des paturages pour les vaches, un parc aux daims, un parc aux moutons, une canardière avec un colombier, un parc aux oiseaux (faisans, paons, oies, cygnes, échassiers et autruches).


In Ginhoux, M. (2016)

En 1870, la guerre décime le zoo. Le bail du fermier est résilié en 1875 et le parc zoologique est intégré au Service de la Voirie Municipale.
En 1892, une cage est construite pour l'Ours Martin. Plus tard arrivérent des singes, des loups, des renards, des hyènes. Un grand bassin pour les oiseaux aquatiques fut aménagé sur l'emplacement de la canardière, puis en 1894 fur construit le pavillon des Crocodiles de style mauresque.

La vacherie municipale quitte le parc en 1914 et une nouvelle cage à Ours est construite. Puis des cages à Panthères et lions sont installées à partir de 1922 et un enclos pour l'éléphant indochinois Loulou qui vivra 15 ans au Parc.

La guerre de 1939-1945 conduira à restreindre l'attention portée aux animaux, sauf les poules qui fourniront 50.000 oeufs durant cette période. Suivront des aménagements successifs : bassin à rocailles pour les oiseaux auqatiques en 1956, fossé pour les parc aux daims en 1962, enclos des éléphants en 1964, rotonde des singes et des oiseaux en 1965n pavillon des girafes en 1968, fauverie en 1975.

Histoire de zoo, histoire de culture : exemple de l'Exposition internationale et coloniale de 1894 et des "exhibitions d'hommes sauvages"

Du milieu du XIXe siècle jusqu'aux grandes expositions coloniales des années 30, des exhibitions de « sauvages » ont été organisées dans toutes les grandes villes d'Europe et d'Amérique. Aux côtés des girafes, tigres, chimpanzés et autres crocodiles furent ainsi montrés au public des Indiens d'Amérique, des Pygmées, Papous, Canaques et autres « chasseurs de têtes ». Parfois la mise en scène était grossière et impudique ; au début du XIXe siècle, la « Vénus hottentote » - une jeune Bushmane aux fesses protubérantes - fut montrée au public aux côtés de femmes à barbe, jumeaux siamois et autres « monstres » difformes. Parfois il s'agissait simplement de mettre en scène, de la façon la plus exotique possible, des indigènes dans leur milieu naturel. Ainsi, lors de l'exposition coloniale de 1931, on trouvait encore des enclos où étaient exposées des jeunes filles khmères en train de coudre des vêtements traditionnels, et au pavillon de la Guinée, on pouvait voir un village « fétichiste » reconstitué.

Les « zoos humains » sont le produit typique de l'époque coloniale. Ils expriment une vision du monde d'Occidentaux qui regardent les indigènes des tropiques avec une condescendance mêlée de peur et de fascination. Evidemment, on peut aujourd'hui railler ou se scandaliser à bon compte de ces spectacles aux accents nettement racistes. Mais il ne faut pas oublier que cet imaginaire a aussi suscité des vocations ethnologiques, ou tout simplement donné le goût pour la connaissance des cultures du monde.

  • In Dortier, J.-F. (2002). Zoos humains. Sciences humaines hors série, 38, 119.

Carte de l'exposition universelle de 1894


Vue générale de l'Exposition, B.O.E.L du 3 mai 1894


Le chemin de fer de Tombouctou
Le Progrès illustré du 3 juin 1894

"Pendant plus d'un siècle, les grandes puissances colonisatrices ont exhibé comme des bêtes sauvages des êtres humains arrachés à leur terre natale. Retracée dans ce passionnant documentaire, cette "pratique" a servi bien des intérêts. Ils se nomment Petite Capeline, Tambo, Moliko, Ota Benga, Marius Kaloïe et Jean Thiam. Fuégienne de Patagonie, Aborigène d’Australie, Kali’na de Guyane, Pygmée du Congo, Kanak de Nouvelle-Calédonie, ces six-là, comme 35 000 autres entre 1810 et 1940, ont été arrachés à leur terre lointaine pour répondre à la curiosité d'un public en mal d'exotisme, dans les grandes métropoles occidentales. Présentés comme des monstres de foire, voire comme des cannibales, exhibés dans de véritables zoos humains, ils ont été source de distraction pour plus d'un milliard et demi d'Européens et d'Américains, venus les découvrir en famille au cirque ou dans des villages indigènes reconstitués, lors des grandes expositions universelles et coloniales.
[...] S'appuyant sur de riches archives (photos, films, journaux…) ainsi que sur le témoignage inédit des descendants de plusieurs de ces exhibés involontaires, Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet restituent le phénomène des exhibitions ethnographiques dans leur contexte historique, de l’émergence à l'essor des grands empires coloniaux. Ponctué d'éclairages de spécialistes et d'universitaires, parmi lesquels l'anthropologue Gilles Boëtsch (CNRS, Dakar) et les historiens Benjamin Stora, Sandrine Lemaire et Fanny Robles, leur passionnant récit permet d'appréhender la façon dont nos sociétés se sont construites en fabriquant, lors de grandes fêtes populaires, une représentation stéréotypée du "sauvage". Et comment, succédant au racisme scientifique des débuts, a pu s'instituer un racisme populaire légitimant la domination des grandes puissances sur les autres peuples du monde
" ARTE, 2018.

Au début du XIXème siècle, durant la période coloniale, les premiers zoos occidentaux apparaissent en lien avec les représentations et les attentes des directeurs de zoo et des publics. Au fil du temps, le zoo restera un lieu d'exposition, de divertissement mais aussi un lieu de rencontre entre l'homme et ce que l'on va appeler l' « animal sauvage » et "l'homme sauvage"...

[...] En 1894, le Parc de la Tête-d’Or est « l’un des plus beaux qui existent en France ». Celui-ci s’étend sur une superficie de 104 hectares, tandis qu’en son milieu [...] dorment les eaux d’un lac profond d’une étendue de 17 hectares. Il est en outre divisé en deux parties : une partie uniquement « pittoresque » et une partie plus scientifique. Cette dernière comprend le jardin botanique, le jardin zoologique, le jardin d’hiver et les serres annexes. Le Parc proprement dit est complété pour sa part de 33 000 arbres dont 19 000 à feuilles caduques et 14 000 à feuilles persistantes [...].

[...] À L’Exposition de Lyon, les attractions coloniales sont des plus variées et exploitent les stéréotypes exotiques les plus séduisants, ce pour des lyonnais qui – le plus souvent – n’ont que peu de chances d’aller un jour vérifier et expérimenter sur place, la véracité de l’image coloniale qu’on leur présente ! Le fameux dessinateur du Progrès illustré, Girrane, a en outre trouvé dans ces attractions nombre de scènes pittoresques à croquer et nous permet ici de donner à voir le « Chemin de fer du Dahomey » – ou de Tombouctou, selon les appellations – manège électrique dont l’attrait semble avoir été majeur.
« Dans une vaste enceinte destinée à une sorte de kermesse », les organisateurs ont en effet créé un manège électrique d’animaux exotiques, grandeur naturelle, sur le dos desquels le visiteur peut s’imaginer quelques instants être un riche colon d’Indochine qui circule à dos d’éléphants ou encore être en Algérie, à dos de dromadaire. Voilà une occasion unique de faire à moindre coût une promenade d’Alger à Tombouctou, ou, plus simplement, de découvrir l’Exposition coloniale sous une forme des plus piquante :

Un majestueux éléphant, un terrible lion, une girafe au long cou, un rhinocéros à la carapace solide, un dromadaire admirablement bossué. Tout le monde voudra monter le plus indomptable de ces animaux féroces et cela sans aucun danger, puisqu’ils ont été rendus dociles et infatigables par l’électricité. C’est le commandant Rangé qui a eu l’idée de cet original voyage, et il faut lui en savoir gré, car depuis son ouverture la foule s’y donne rendez-vous. […] On y entend les rires francs des petits enfants et ceux, non moins francs, des grands enfants venus là pour les accompagner, qui eux-mêmes se laissent tenter souvent en grimpant sur ces fantastiques montures.

[...] le Progrès illustré émet des jugements sur les exhibitions d’indigènes qui reflètent probablement une bonne partie de l’opinion publique. Or leur analyse permet de constater l’attachement obstiné de la conscience européenne à cette image caricaturale et ancestrale du sauvage, malgré l’ouverture de l’horizon culturel du XIXe siècle, permise par les progrès des diverses techniques de communication et d’information : C’est la première fois que viennent en France ces indigènes à l’aspect farouche et aux coutumes barbares. Ils ont avec eux divers animaux du pays qui seront un attrait pour les visiteurs. Ces animaux sont des autruches, des crocodiles, des moutons africains, etc.. Hommes et bêtes sont dans un village semblable à ceux de leur pays, composé de huttes en roseaux accrochées aux troncs d’arbres à un mètre environ au-dessus du sol.


Les nègres de l'exposition ethnographique de Barnier
Exposition universelle de 1894

L’exhibition est l’occasion de se livrer à de véritables études de types biologiques d’humains. La description se fait presque à la manière d’une autopsie, sur un ton direct et objectif dont la froideur minutieuse ne lasse pas de surprendre [...]

Depuis les années 1870 et jusque dans les années 1930, des « expositions ethnographiques » attiraient les foules dans les grands zoos européens. A Paris, Londres, Berlin, etc., on exposait dans les zoos des « sauvages » venus d'Afrique, d'Océanie, d'Asie ou d'Amérique. Ils étaient présentés dans des enclos, entourés d'un décor (végétation, construction) évoquant leur origine, et s'y livraient à leurs activités « traditionnelles » (danses, repas, etc.). Ils étaient employés par le zoo ou par l'organisateur des tournées qui les conduisaient d'établissement en établissement (C. Hagenbeck, dont il a été question plus haut, s'en était fait une rentable spécialité). On n'y voyait rien de choquant, non que cela n'ait pas été scandaleux de mettre un homme dans un zoo, mais parce que ces « sauvages » n'étaient pas vraiment considérés comme des hommes. Tout comme aujourd'hui nous allons au zoo voir ce que nous ne sommes pas (des « animaux »), les Européens allaient y voir des « cannibales ». Staszak, 2000.

L'évolution des missions du zoo
voir aussi les articles de la revue TDC n° 1094 - mai 2015 sur le zoo de Vincennes, son histoire socioscientifique en lien avec la critique sociale.

Depuis 200 ans, on est passé d'un espace d'exposition d'animaux exotiques, avec des cages étroites à barreaux, à un espace qui va devenir de plus en plus pédagogique, destiné à véhiculer d'autres représentations de l'animal. A partir des années 1970, le zoo se présente comme un espace de protection et de conservation des espèces et de la biodiversité. Au cours de son histoire, en Occident, le zoo a donc été l'objet de différentes fonctions en réponse à diverses controverses socioscientifiques sur le sens de la captivité animale. Cette histoire est également le reflet de l'image sociale des animaux sauvages et de la puissance des institutions.

  • voir la synthèse faite par Mathilde Ginhoux (2016) et Guillaume Douay (2017) à propos des mutations des zoos. Ces mutations se font en lien avec l'évolution des sociétés et des rapports de l'homme à lui-même, à la nature et à « l’animal sauvage ».

A Lyon, on raconte 160 ans d’une histoire de plus en plus sensible à la cause animale et à la conservation de la biodiversité, mais également aux effets du contexte urbain et municipal, reconfigurant le rôle social revendiqué par le zoo. C'est une histoire socioscientifique que l'on peut découvrir à travers l'institutionnalisation au zoo de missions diverses, ceq ue reflète aussi l’évolution des espaces de captivité et de visite (enclos par exemple). Dans cet espace de théâtralisation de la vie animale "sauvage", on perçoit un effort constant d’intégration de la « cause animale », à l'épreuve de paradoxes, de controverses et de contradictions.

  • 1850-1880 : de l'élevage d'espèces utiles à la distraction des publics : le rôle social du zoo

C'est la période de l’essor des ménageries en Europe. Selon Baratay (1997), à Lyon pour animer le paysage, on introduira des animaux destinés à l’acclimatation et à la propagation de races utiles, encore peu répandus : daims, cerfs, volatiles exotiques, des vaches, des moutons et des chèvres provenant d’autres pays européens pour montrer le parti que l’on pouvait en tirer, au nom du progrès, argument réaffirmé jusqu’en 1875. Mais son succès populaire et le fait que les animaux sélectionnés se sont avérés inutiles pour l’alimentation et l’agriculture, ont conduit la municipalité, dès 1856, a précisé le but véritable du zoo : la distraction des publics, et plus précisément d’un franche populaire des habitants, en leur fournissant d’honnêtes distractions. Si le théâtre et le musée sont considérés comme des activités d’élites, le zoo semble correspondre à une culture plus concrète pour les couches populaires (Staszak, 2000).

L’orientation donnée au zoo par la municipalité va osciller entre deux extrêmes, encore aujourd’hui source de controverses et enjeux de mobilisation et de division (voir les élections municipales de 2020), rappelant la dimension socialement vive de la conservation et de la captivité animale : simple ferme à volatiles ou exhibition exotique ? Après la guerre de 1871, l’entretien, la restauration et le financement du parc deviennent problématique. Les espèces les plus prolifiques furent vendus aux bouchers, chasseurs, notables et jardins municipaux, avec des processus d’échanges et de dons dans les années 1880.

  • 1880 : De la ferme au zoo exotique, vitrine de la faune coloniale

L’amplification du commerce colonial va conduire à une évolution progressive et inavouée du zoo vers des espèces sauvages plus ou moins exotiques, aux dépens des betes d’acclimatation et d’élevage, les publics étant également attirés par les animaux exotiques, on passe ainsi de la ferme vers le zoo exotique (Baratay, 1997, p.22). Les ours arrivent en 1877 et 1881, puis les chacals, des gazelles, une panthère, des kangourous et des autruches, des crocodiles en 1890, un éléphant en 1924, des zébus en 1928, etc. On passe donc d’une ferme et parc d’ornement à une ménagerie exotique.

Les bâtiments vont évoluer et notamment les cages à ours, à singes et à crocodiles en 1894, avec des enclos de surface réduite, de 20m2 à 50m2, quelques soient les espèces, alors que 70% des appartements lyonnais font en moyenne 30m2. L’univers humain fait référence et le monde sauvage n’est pas compris, même si on rajoute des éléments indispensables aux fonctions biologiques de l’animal et caractéristiques de leur cadre d’origine : des branches pour les singes, un bassin pour les crocodiles, mais toujours plutôt à destination des publics, les enclos comme celui du crocodile prennent un style ethnographique, pour créer un spectacle d’illusionnistes, tout en respectant des règles stricts d’hygiène : murs carrelés, sols en béton, portes en acier sont largement utilisés. Le bien-être animal n’est pas encore une réelle préoccupation.

  • 1850-1960 : en contexte colonial, une sensibilité croissante au sort de l’animal et le principe de semi-liberté dans les zoos


Zoo de Stellingen, 1910


Zoo de Vincennes, 1934

Projet de la plaine africaine du zoo de Lyon en 2006.

Les conditions de vie des animaux sont dénoncées en France dès les années 1890. En 1824 déjà, en Angleterre, une société fait adopter les premières mesures de protection contre les animaux de bétail. Cette initiative conduit à la formation de la SPA en 1845 par le général Grammont, député qui fait adopter une loi de protection des animaux qui punit les mauvais traitements aux animaux. Cette approche, relativement marginale, en Grande Bretagne, va s’accompagner de la volonté d’éduquer les couches populaires dont on redoute l’alcoolisme, la brutalité et le jeu.

Durant cette période coloniale, le taux de mortalité des animaux en captivité est fort. Dès l'ouverture du zoo de Vincennes, un flux incessant de remplacement s'organise depuis l'Afrique coloniale de l'Ouest (mission d'Achille Urbain, premier directeur du zoo de Vincennes, réalisée en 1935), avec des permis scientifiques, en Indochine (1937) ou au Cameroun (1939).

Le principe de semi-liberté est inventé par l'entrepreneur Carl Hagenbeck en 1907 dans la banlieue de Stellingen-Hambourg : le parc zoologique possède des systèmes de fossés pour remplacer les cages et enclos, donnant l’impression d’une apparente liberté, avec des décors naturalistes et des panoramas de sciences naturelles brevetés en 1896 (panorama polaire ou rochers des fauves par exemple au zoo de Stellingen).

Cette mise en scène sera reprise dans le zoo du bois de Vincennes qui ouvrira en 1934. Dominique Pinon (2015, Un zoo moderne à Vincennes, TDC-1094) précise que L’Intransigeant, pourtant hostile au zoo, rapporte dans son numéro du 13 septembre 1934 qu’« on a maintenant le sentiment du bienêtre qu’il faut accorder aux animaux ».[...] Les attractions offertes au public sont nombreuses, même si elles ne présentent pas d’originalité. Ce sont sans doute les fêtes de nuit, organisées au milieu des années 1930, durant lesquelles le visiteur est plongé dans le spectacle dantesque de ces rochers illuminés cachant des fauves hurlant dans la pénombre, qui marquèrent le plus fort les esprits, y compris ceux des défenseurs des animaux, comme l’écrivain Colette, regrettant de ne pas avoir protesté contre « ces exhibitions de fauves affolés par les projecteurs ». Elle écrit :

Peut-être ai-je eu tort [...] de ne point chercher à me faire entendre de la Direction du Zoo, lorsque à Vincennes on a donné des parades nocturnes, des exhibitions de fauves affolés par les projecteurs... Ne laissera-t-on pas, à ces dépossédés de tout, un refuge : l'obscurité des nuits, l'absence de l'homme ? Et dans le jour, un auvent, un recoin, une protection quelconque contre la blessante lumière qui contracte la pupille des fauves, donnez-les, geôliers ! Je me souviens affreusement d'une tigresse qui avait un tigrillon nouveau-né. Dans sa cage rectangulaire, rien ne la protégeait contre l'offense des regards. Point d'ombre, point de niche, point de paille, point de retrait pour allaiter et chérir. De droite à gauche, de gauche à droite, sans repos, elle portait entre ses mâchoires son petit, aveugle encore, qui a fini par en mourir...[...] Il n'est ni beau visage humain, ni pelage de neige, ni pennes d'azur qui m'enchantent, s'ils sont marqués de l'ombre intolérable et parallèle des barreaux. Colette, Amertume, dans En pays connu [1949], Paris, Fayard, 1986, pp.38-41.

Pinon (2015) précise que si ce spectacle fut vite arrêté [...], celui du dressage des lions ou les numéros d’équilibristes des éléphants eurent un succès plus durable, qui perdurera jusque dans les années 1970.

Cette dynamique paradoxale à la fois de contestation et de succès des mises en scène et de la conservation des animaux dans les zoos est un caractéristique que l'on retrouvera tout au long de l'histoire de ces institutions. Sur l'exemple du zoo de Vincennes, Claude François chantera l'engouement populaire pour le zoo en 1976, alors que Benabar reprendra la dénonciation de l'inactivité des animaux du zoo de Vincennes en 2003.

  • 1960 : une nouvelle génération d’organisations de protection animale et la pression des associations anti-zoos

En pleine décolonisation, ces organisations vont conduire à une attention croissante de nos sociétés à propos du bien etre animal et une opposition organisée qui va réussir à se faire entendre sur la scène et dans l'agenda politique. En France, le docteur vétérinaire Mery fonde le Conseil National de la Protection Animale (CNPA) dans le but de revaloriser la profession et participera à l’élaboration de la loi 1971 de protection des animaux.

C’est à partir des années 1960, avec la mairie de Louis Pradel, que la municipalité s’empare des critiques sur le principe même du zoo, inadaptés aux animaux, semblables à des prisons. Le parc sera rénové avec des enclos construits sur le principe de semi-liberté inventé par Carl Hagenbeck.

  • 1960-1970 : la mise à l’agenda politique du bien-être animal et de la protection de l’environnement : le renouveau du Zoo

L’établissement progressif d’accords internationaux et la réglementation sur les conditions de détention des animaux vont conduire à l’instauration de nouvelles normes à respecter, et à l’institutionnalisation de nouvelles missions au sein des zoos. A cette époque, le rapport de l'homme occidental à l'animal évolue, dans un contexte de crise environnementale qui affecte la biodiversité.

Initialement, ce sont les mammifères marins qui attirent l’attention, en lien avec la popularité des documentaires réalisés par le français Cousteau diffusant des images des derniers espaces paradisiaques sur Terre. Hulot et Arthus Bertrand dans les années 1990 et 2000 poursuivront cette voie. Au niveau international, la conférence de Stockholm, en 1972, conduit à l’engagement des nations unis dans la protection et une convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. On entend à présent que pour sauver l'homme, il faudra sauver l'animal.

Jusqu'à la décennie 2010-2020 pour la biodiversité, le zoo va se saisir de ce contexte international pour redéfinir ces missions, en proposant de conserver et d'élever des espèces en voie de disparition, avec des protocoles élaborés de manière scientifique, dans l'espoir de pouvoir inverser les flux pour repeupler. Le zoo s'engage également sur l'information et la sensibilisation des publics, et la transmission de valeurs éducatives pour le respect de la biodiversité et le bien être animal. Les directeurs qui étaient jusqu'à present des vétérinaires sont progressivement etre secondés par des éthologues, souvent responsables des collections animales. (TDC 2015 p. 35)

  • 1960-1990 : des vagues anti-zoos pour défendre la cause animale en suscitant l’indignation des publics, et une réglementation internationale ex situ et in situ

Mais les associations défendant la cause animale ont des grandes difficultés à recruter, ce qui les conduit récemment à réorienter leurs justifications vers des arguments anthropocentriques et utilitaires qui servent en définitive les intérêts humains. On met essentiellement en avant le cout humain de la dégradation, par des symboles chocs, dans l’espoir de susciter l’indignation. Les méthodes de fonctionnement et de recrutement ont changé pour toucher toutes les couches sociales, avec radicalisation des actions et communication de masse, afin de susciter l’indignation des publics, et devenir des groupes de pression socio-politique.

On pourrait ici évoquer les stratégies de Code Animal en France, ou Born Free à l’échelle international, ou encore des deux associations lyonnaises qui ont manifesté en 2020 au zoo de Lyon dans le cadre des élections municipales. L’importance accordée aux revendications des associations a permis dans les années 1990-2000 de conduire à des textes européens plus spécifiques. A signaler la nécessité d’installations adéquates pour l’hébergement et les soins, et l’interdiction d’expositions de certaines espèces à des fins commerciales, avec la possibilité de dérogations à des fins d’éducation, de recherche et de reproduction (règlement CE n°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996).

En 1992, au sommet de la Terre de Rio, l’article 9 demande des mesures de conservation ex situ en complément des mesures in situ. Le WAZA ex WZO, précise que sa stratégie mondiale vise également à apporter de l’aide par des programmes d’élevage ex situ d’espèces menacées. L’EAZA, à l’échelle européenne reprend cette stratégie. La directive 1999/22/CE sera spécifiquement adressée pour les jardins zoologiques et à la définition de missions de recherche et d’éducation, mais aussi de conservation de la biodiversité et de bien-être animal. Ce sont les 4 missions du zoo de Lyon, le divertissement des premiers temps de l’histoire ayant disparu.

En France, l’arrêté de mars 2004 va proposer dans le droit français les règles générales de fonctionnement et les missions des zoos, avec l’information des publics, la surveillance sanitaire, les conditions d’hébergement et d’exposition, la conduite des élevages, les actions de conservation (chapitre 6), etc. Le WAZA insiste en 2005 sur le souhait que les zoos et aquariums s’impliquent dans des actions concrètes et des programmes de conservation en situ.

  • 1970-1980 : l’animal, un être sensible ayant des droits

En 1976, l’animal est reconnu par la loi française du 10 juillet comme un être sensible devant être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. En 1977, une Déclaration universelle des droits de l’animal est adoptée à Londres.

  • 1970-2000 : conservation des espèces menacées entre l'Arche de Noé et l'« exotisme plus vrai »

C’est à cette période qu’apparaissent les premiers zoos d’immersion en Europe, aux Pays-Bas par exemple, dans lesquels le visiteur pénètre dans le monde des animaux (zoo d’immersion, en 1971 aux Pays Bas Apenheul Primate Park, à mettre en parallèle avec Thoiry, parc animalier créé en 1968 en France).

Avec la volonté de rompre avec le rôle d’amuseur public, la nouvelle stratégie environnementale permet une évolution vers des centres de conservation. Comme le précise Staszak (2000) : Il n'y a pas de quoi se réjouir des conditions de vie des animaux dans les zoos, mais qui se scandaliserait de leur entassement dans l'arche de Noé ? Les budgets limitent l’évolution jusqu’en 2000, au hasard des volontés des maires successifs, avec une politique de la présentation et la volonté de répondre à un exotisme plus vrai. En 2006, à Lyon, Gérard Collomb soutient le projet de mélange des espèces en évitant le contact entre proies et prédateurs.

  • 2000-2020 : améliorer les conditions de captivité et s'inscrire dans la biologie de la conservation

La disparition des éléphants, de l’Ours, probablement du crocodile et l’engagement vers la construction d’une forêt asiatique (fin 2020) avec plusieurs espèces et la possibilité d’immersion des publics peuvent se comprendre dans cette orientation politique et scientifique, ou mieux socioscientifique. Une charte éthique nouvelle conduit à laisser la possibilité aux animaux de se montrer ou pas aux visiteurs (répondant indirectement à l'appel de Colette en 1949...), ce que reflète la plaine africaine ouverte en 2006 (voir ci-dessous). Il faut également à présent des populations génétiquement équilibrées pouvant développet une large gamme de comportements naturels. Paysagistes, botanistes, jardiniers, éthologues et vétérinaires organisent leurs actions pour le confort des animaux mais également celui des visiteurs, tout en veillant à leur information et à leur éducation (voir Chaumier, 2008 sur ce point). Une nouvelle évolution de la fonction sociale du zoo se dessine avec un parc paysagé dédié aux animaux qui peuvent échapper au regard des humains. On aurait pu penser que cette évolution appaiserait les contestations mais le paradoxe persiste. Alors que l'institution est de plus en plus fréquentée, certains publics regrettent la visibilité d'antant des gros animaux alors que d'autres continuent à demander la fermeture de ces espaces de captivité pour les animaux sauvages.

La décade pour la biodiversité des Nations Unies (2010-2020 et Conférence de Nagoya) va définir plusieurs cibles d'action dont la sensibilisation des publics à la biodiversité et la discussion de la responsabilité de l'homme dans l'évolution de la biodiversité. Les zoos vont inscrire dans leur mission la biologie de la conservation.


Parmi les principaux objectifs du Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020, la cible 12 (“D’ici à 2020, l’extinction d'espèces menacées connues est évitée et leur état de conservation, en particulier de celles qui tombent le plus en déclin, est amélioré et maintenu.”) insiste sur l'importance de la conservation des espèces menacées. Douay (2017) rappelle alors que les enjeux de la conservation sont économiques, esthétiques et affectifs : un mammifère se conserve plus facilement et il y a des espèces qui ne plaisent pas aux publics.


La cible 1 (“D’ici à 2020 au plus tard, les individus sont conscients de la valeur de la diversité biologique et des mesures qu’ils peuvent prendre pour la conserver et l’utiliser de manière durable.”) insiste sur l'instruction des publics par la diffusion des connaissances sur la biodiversité, comme par exemple sur le régime alimentaire du Panda roux à Lyon, qui a une dentition de carnivore mais qui se nourrit à 80% de feuilles de bambou, dont il sélectionne les espèces les plus nutritives. Son régime se compose également de racines, lichens, petits vertébrés et insectes. L'idée de cet objectif est que l'information des publics lors de la visite aura un effet impact sur les connaissances de publics.

Douay (2017) évoque les études de Jensen (2013, 2015) dans la revue Conservation biology qui analyse l'effet de la visite sur les apprentissages concernant la biologie de la conservation :

La cible 13 (“D’ici à 2020, la diversité génétique des plantes cultivées, des animaux d’élevage et domestiques et des parents pauvres, y compris celle d’autres espèces qui ont une valeur socio-économique ou culturelle, est préservée, et des stratégies sont élaborées et mises en oeuvre pour réduire au minimum l'érosion génétique et sauvegarder leur diversité génétique ") inivite à la préservation de la diversité génétique et à la prévention de l'érosion génétique pour conserver la biodiversité. Voir l'étude de Condé et al, 2011. An Emerging Role of Zoos to Conserve Biodiversity. Science, 331(6023), 1390-1.

D'où la nécessité de faire plus de place dans les zoos pour les espèces UICN en danger. Au zoo de Lyon, la collection était composée de 50% d'espèces en danger et 50% d'espèces d'élevage (Douay et Vaillant, 2015) :



Crédits photos: DR

TD. Débats sur la politique du zoo vis à vis de l'évolution génétique du Daim

Q1 : Commenter le texte ci-dessous.

Texte extrait de la page officielle Facebook du zoo, publication du 05 octobre 2018 :

Nous revenons aujourd’hui à la découverte du passé du Zoo et plus précisément à l’enclos des daims. Lors de l’ouverture du Parc de la Tête d’Or en 1856, les daims sont les tous premiers animaux qui ont été accueillis dans une très grande plaine qui leur était dédiée.

Les frères Bühler en concevant le parc avaient déjà intégré le parc aux daims et les perspectives imaginées laissaient entrevoir la harde depuis la porte des enfants du Rhône. Ces perspectives ont été maintenues depuis toujours.
Ce lieu a très peu évolué au cours du temps. La principale modification fut la création de fossés secs et l’installation d’un muret de pierres le long des allées. Ainsi les clôtures en grillage disparurent pour laisser encore mieux voir ces animaux.

Il est utile de rappeler que les animaux qui parcourent aujourd’hui cet enclos sont les descendants directs des tous premiers daims arrivés en 1856. La forte consanguinité des animaux n’est aujourd’hui plus acceptable pour l’institution scientifique que nous sommes. C’est pourquoi il a été décidé il y a plusieurs années de stériliser les mâles et ainsi d’interdire toute nouvelle reproduction. Le groupe devrait donc s’éteindre doucement et nous permettre ensuite d’installer des animaux génétiquement plus sains.

Pour autant nous veillons au bien-être de ce groupe et c’est aussi pour cela que nous souhaitons rappeler ici qu’il ne faut absolument pas nourrir les daims, tout comme les autres animaux du parc d’ailleurs. Nos équipes veillent à leur donner la meilleure alimentation adaptée à leurs besoins et ceci tous les jours de l’année.

TD n°3 : 2019-2020 : Les argumentaires des mouvements anti-zoo : analyse des jeux d'acteurs et d'arguments, à la suite des élections municipales qui portent la victoire des écologistes à Lyon

Etude de quelques productions médiatiques accompagnant les manifestations non-violentes des associations "Rando pour la planète" et "Vegan Impact", des collectifs de défense des droits des animaux.


Une action avait été menée en juin 2019


Une action avait été menée en septembre 2019

Exemple de l'évènement du dimanche 13 septembre 2020, à 14h30, au parc zoologique de Lyon :

"Cet événement est créé dans l’espoir de faire changer les mentalités. Les animaux ont besoin de nous, de notre voix et de notre engagement. [...] Les conditions des animaux sont terrifiantes ; il faut faire bouger les choses" [...] La journée doit se passer sans violence et avec le plus d’explications sur les conditions de vie de ces animaux afin de sensibiliser le plus de personnes. »

"faire entendre la voix de ces pauvres bêtes qui se meurent un peu plus chaque jour dans leur misérable enclos..."

"Les VERTS (Grégory Doucet et Bruno Bernard) veulent fermer le zoo du parc de la Tête d'Or. Si vous souhaitez continuer à y emmener vos enfants, alors VOTEZ ! #ForceDuRassemblement François-Noël Buffet à la Métropole, Yann Cucherat à la Ville".

"les équipes de Grégory Doucet confirment que la ligne autour du zoo n'a pas bougé : "Nous souhaitons arrêter progressivement avec les espèces sauvages et trouver avec les soigneurs des lieux pour qu'ils puissent finir leur vie tranquillement dans des espaces qui correspondent à leur besoin"."le candidat souhaite toujours un zoo avec des espèces domestiques" "Un tiers de ces animaux domestiques sont en voie de disparition, il faut aussi les protéger" "Un volet "ferme pédagogique" est envisagé, avec la possibilité pour les enfants d'être au contact avec les animaux, notamment lors des classes vertes. En résumé, la fermeture du zoo n'est pas prévue, mais les Verts souhaitent progressivement changer les espèces qui seraient présentées aux Lyonnais. Classée, la célèbre et non moins minuscule cage aux ours est toujours présente. La structure noire, vide depuis le départ de "Sophie" dans les années 90, reste le témoignage d'un zoo qui a connu de nombreuses mutations. Au cœur de la campagne, se pose désormais la question d'une possible nouvelle vie pour le zoo du parc de la Tête d'Or.

« Les conditions des animaux sont terrifiantes, il faut faire bouger les choses ! Nous demandons la fermeture de ce mouroir. » A l’origine de l’action, Victoria Decousus : « Je travaillais moi-même dans un zoo il y a plusieurs années, j’y ai passé mon certificat de soigneur animalier mais j’ai fini par démissionner. Aujourd’hui, nous souhaitons dénoncer les conditions de vie misérables des animaux au sein du zoo du Parc de la Tête-d’Or. Les enclos sont affreusement réduits et ne respectent pas les besoins des animaux qui sont exhibés sans répit devant un flot bruyant et ininterrompu de visiteurs.

Tendance d'évolution des zoos : des espaces immersifs pour des espèces plus petites ?

 

 

La tendance d'évolution du zoo occidental, avec la proposition du zoo de Zurich ou celle du zoo de Vincennes avec ces 5 biozones. On crée un écosystème clos avec plusieurs espèces qui cohabitent. Les animaux vivent sur différents sites reconstituant des écosystèmes, de manière à se rapprocher de "la nature" et d'immerger le visiteur dans un grand volume, une serre tropicale par exemple comme à Zurich.

A Lyon, pour le printemps 2021, c'est l'ouverture d'un espace d'immersion des visiteurs, autour d'un écosystème regroupant 25 espèces, les forêts d'Asie, dans l'enclos qui abritait autrefois les éléphants du cirque Pinder, semble donner une réponse aux associations anti-zoos, toujours actives... Rappelons que dans les années 1960, la réponse avait été la création du parc animalier de Thoiry.


Thoiry, parc animalier créé en 1968

Une autre tendance est de faire migrer les zoos des lieux urbains à des endroits péri-urbains pour avoir des espaces plus grands, et donc des décors qui permettent de mieux théâtraliser l'animal sauvage. Pour comprendre ce théâtre, il faut lui appliquer un principe de symétrie, c'est à dire se tourner aussi vers les visiteurs, en écoutant ce qu'ils disent et en regardant ce qu'ils font. C'est ce regard ethnologique et sociologique qui permet d'identifier le sens donné par les visiteurs à la captivité de l'animal de zoo, et d'en déduire des implications éthiques et éducatives.

(Re)présenter des "animaux sauvages" pour les publics : des rapports culturels différents à la nature

Les zoos représentent actuellement (Douay, 2017) 700 millions de visiteurs par an à travers le monde, dont 2 millions pour le zoo de Lyon. Staszak (2000) rappelle que entre 600 et 700 millions de personnes visitent tous les ans les quelque 10 000 zoos qui existent de par le monde. Les pratiques ne sont pas uniformes : 100 millions de visiteurs aux Etats-Unis, 7 millions en France. En Europe, c'est surtout dans les pays du Nord qu'on va au zoo. On trouve beaucoup moins de zoos en Europe du Sud : deux fois moins en Espagne qu'en Suisse ! On retrouve là une ligne de fracture culturelle plus générale entre deux grands types de rapport à la nature.

TD n°1 : Danemark : Etude d'une controverse médiatisée sur l'euthanasie des animaux en captivité : effet du contexte interculturel sur les représentations
Avec l'affaire du girafon Marius au zoo de Copenhague, on constate une mise en scène de prédation pour tenter de (re)présenter aux publics du "naturel" et du "sauvage", et détourner probablement la question de la conservation et de la diversité génétique des animaux en captivité, lorsqu'ils se reproduisent efficacement.


Exemple du girafon Marius du zoo de Copenhague - février mars 2014

Travail sur l'aticle 20 minutes
"Un girafon et quatre lions : Pourquoi le zoo de Copenhague euthanasie les animaux ?"
Audrey Chauvet - Publié le 26 mars 2014



ITELE
Danemark : le girafon Marius euthanasié - Le 09/02/2014 à 20h00

Les protestations des internautes du monde entier n'y ont rien fait. A Copenhague, Marius, un bébé girafe a été euthanasié et donné aux fauves. Son seul tort : son patrimoine génétique.


EURONEWS
Marius le girafon abattu au Danemark et donné aux lions : tollé dans le monde
Au Danemark, Marius un bébé girafe d'un an et demi, a été tué ce dimanche au zoo de Copenhague. Motif : il n'avait pas un patrimoine génétique intéressant. Il n'aurait pas pu se reproduire, ont considéré les responsables du zoo. Ils ont donc estimé qu'il n'y avait pas d'autres choix que de l'abattre.

TD n°2 : Lyon : Deuxième controverse : L’affaire de l’euthanasie des éléphants Baby et Népal du Zoo de Lyon
Année
2010 - 2011 - 2012 – 2013 - Corpus EUROPRESSE et FACTIVA

S’agissant d'éléphants de cirque, la captivité animale prend un sens différent par rapport au Girafon Marius. Quelques arguments contradictoires : la remise en question du test de tuberculose des vétérinaires, le principe de précaution par rapport aux populations humaines. A compléter

Les attentes et les représentations des visiteurs du zoo

Lors de leurs visites, les spectateurs du zoo commentent. On constate que ce sont des commentaires anthropomorphiques (voir la conclusion du cours avec la revanche de l'anthropomorphisme), en référence aux dessins animés, aux livres d'enfant, au film et au documentaire. Ces représentations sont souvent en décalage avec celles que les professionnels du zoo voudraient véhiculer à travers leurs missions. Pour les directeurs de zoo, le sens de leur travail, c'est la dimension pédagogique et éducative, et la conservation de la biodiversité. D'où l'importance accordée à la formation et à l'emploi de personnes spécialisées dans l’accueil des scolaires autour de la question de la biodiversité et de sa conservation. L'espoir est d'arriver à une prise de conscience collective et environnementale. C'est une des fonctions officielles du zoo. Pour se faire, on tente de créer de l'imaginaire dans l'esprit du visiteur.


Il s'agit d'offrir au public un véritable lieu
d'observation de la Plaine africaine

A Lyon, la tentative de créer l'imaginaire s'exprime particulièrement depuis 2006 avec la construction de la Plaine africaine : 2 hectares et demi, pour 5 millions d'euros et la théâtralisation d'un territoire africain regroupant plusieurs espèces. Dans cette plaine, les espaces sont interdits aux publics mais avec le souci constant de la visibilité des espèces. Le visiteur a ainsi accès aux différents environnements et espèces qui sont (re)présentés, même si on permet aux animaux de fuir le regard des visiteurs, en se réfugiant dans des espaces isolés.

Une des contraintes donnée par la ville de Lyon au constructeur de cette plaine a été probablement la visibilité. Cette exigence fait que l'on ne peut pas considérer l'animal du zoo comme un animal sauvage.



La cage aux gibons du zoo de Lyon

Cette contrainte de visibilité s'est exercée aussi sur les cages de certains singes qui ont été modernisées avec des vitres spécialement conçues par Saint Gobain; pour le couple des Gibbons notamment. Ce vitrage a des propriétés « d'invisibilité », avec un traitement anti-reflet et une armature de cage réduite à un cadre unique. Ce qui a créé au départ des incidents, puisque les animaux ont percuté la vitre... La solution a été de mettre des auto-collants noirs pour que l'animal identifie la présence d'un obstacle invisible entre lui et le visiteur.

Cette contrainte de visibilité a des incidences sur le comportement de l'animal, avec une proximité sensorielle à l'humain différente. Son comportement est tourné vers l’homme. Certains de ses sens naturels vont régresser et d'autres vont se sur-développer : exemple de l'ours à lunettes, mort d'un cancer en novembre 2018. Il avait sur-développer un odorat sensible aux sucreries apportées par les jeunes visiteurs...

Que viennent chercher les visiteurs dans cet espace éducatif controversé ?

[...] le zoo est, dans l’espace et le temps limité des visites, le lieu où se vit et s’observe [...] une hétérogénéité irréductible des modes de savoirs sur l’animal, en combinant un désir de scientificité et une transformation profonde des enjeux du savoir scientifique sur la nature. Le Marec, 2017, p.102.

Quelles sont les attentes et les attitudes des publics face à ce lieu d'éducation et culture scientifique ? Les motivations qui président à la visite d’un parc zoologique sont-elles spécifiquement différentes de celles qui conduisent à se rendre au muséum d’histoire naturelle ?  Les profils des publics font apparaître des représentations sociales correspondant à chacun des groupes de visiteurs, avec des demandes et des désirs spécifiques concernant les zoos. Au zoo, une sensibilisation et un accompagnement des publics doivent être entrepris pour amener à de nouvelles perceptions, à l’image du musée qui est passé d’une accumulation d’objets à une mise en discours et à un récit assumé. Chaumier, 2008, p.163.

En mesurant le temps de station devant les enclos, en observant les comportements et en écoutant les conversations des visiteurs (tous deux très stéréotypés), on peut mieux caractériser le spectacle qu'ils recherchent. Outre le favoritisme dont « bénéficient » certaines espèces, ils s'attardent devant les cages où se trouvent des bébés animaux et des bêtes actives (jeu, alimentation, ou simple déplacement). Servais (1999) en déduit qu’ils sont en recherche d’interactions, des interactions stéréotypées et le visiteur est loin d'être passif face au spectacle animalier : chercher le nom de l’animal, donner ses impressions et commenter, dans un registre parfois anthropomorphique, mentionner ses connaissances, donner des qualités mentales et des intentions, qualifier les comportements, distinguer, etc.
Staszak (2000) précise : On mentionne, fier de son savoir, le nom de l'animal. On dit si on l'aime ou non. On signale deux ou trois choses que l'on sait de lui (son origine, une particularité biologique ou comportementale). On désigne une partie remarquable de son physique (la trompe de l'éléphant, le cou de la girafe), en la comparant au corps humain. On commente éventuellement son activité, dans un registre généralement très anthropomorphique. On lui attribue des sentiments (« il a l'air malheureux »). On le filme, et fréquemment, on se fait photographier devant lui. Quant aux gestes, ils visent le plus souvent à faire réagir l'animal, à obtenir une interaction : on tape sur la vitre, on tente d'attirer son attention par des gestes ou des sons (on essaye d'imiter son cri, voire ses mimiques), on le nourrit.
d'après Ginhoux, 2016
, et Staszak, J.-F. (2000). À quoi servent les zoos ? Sciences Humaines, 108(8), 33-41, se référant à
Servais, V. (1999). Zoos, éducation et malentendus – Essais anthropologie des émotions des visiteurs de zoo. Cahiers d’Ethologie, 19(1). p.3.

    TD. Débats sur les comportements des publics face à l'animal de zoo : le cas du Crocodile du Nil (2016)

    Le Crocodile du Nil vit dans les marais les rivières et les fleuves du sud du Sahara à l'Afrique du sud et à Madagascar. Il passe la plus grande partie de sa vie dans l'eau où il se propulse extrêmement bien grâce à sa queue puissante. Dans la journée, le crocodile prend des bains de soleil la gueule ouverte : il régule ainsi sa température interne. Même si, pour l'Union internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), cette espèce fait l'objet de préoccupations mineures quant à son extinction, le crocodile continue à être victime de la chasse pour sa peau utilisée dans l'industrie des cuirs et souffre également de la dégradation de son habitat.

    voir Ginhoux, M. (2016). Attentes des publics et missions d'un parc zoologique : l'impossible conciliation ? Les comportements des visiteurs autour de l'enclos des crocodiles du zoo de Lyon. Sous la direction de Jérôme Michalon, Benoit Urgelli et Davy Lorans. Mémoire de recherche Master PAGERS - Politiques publiques de l'alimentation et gestion du risque sanitaire, Institut d'Etudes Politiques, VetAgro Sup, Université Lyon 2 et Boutique des sciences. Septembre 2016. 143 pages.

    Résumé : A partir de 6 entretiens longs, 21 interviews courts devant l'enclos et des observations sur site, Ginhoux tente de comprendre les raisons des comportements des publics devant l'enclos des crocodiles. Les représentations de l'animal sauvage se combinent au besoin de voir l'animal bougé, et à une connaissance des modes de vie, chargée d'imaginaires et de croyances, loin des données éthologiques. L'ensemble aboutit à une rencontre avec un animal idéalisé, supposé dangereux et considéré parfois comme un dinosaure vivant. Face à l'immobilité des specimens, et avec un enclos qui rend difficile la visibilité de l'animal, les comportements des publics, et notamment des parents avec leurs enfants, visent à susciter le mouvement de l'animal, à des fins éducatives (entre éducation informelle et non formelle) mais également spectaculaires et émotionnels, limitant alors l'empathie des visiteurs. Par le recherche d'interactions et de proximité avec l'animal, les parents visiteurs confirmeraient ainsi une volonté de socialisation familiale à visée éducative.

    Voir aussi les travaux de Véronique Servais :
    Il est généralement admis que l'émotion que ressent le visiteur de zoo à la vue des animaux est ce qui fait obstacle à la connaissance des espèces exhibées. Nous commençons ici par décrire brièvement quatre modèles d'interaction homme-animal observables au zoo qui, tous les quatre, favorisent une méconnaissance de l'animal. Empruntant ensuite à Hediger sa distinction entre un animal-objet et un animal-sujet, nous défendons la thèse que l'émotion du visiteur n'est un obstacle à la connaissance que parce que les animaux qui sont montrés sont des animaux-objets, et non des êtres complets en relation avec leur environnement évolutif.
    Servais, V. (1999). Zoos, éducations et malentendu. Essai d’anthropologie des émotions du visiteur de zoo. Cahiers d’éthologie, 19, 1, 1-16.

    Le parc zoologique peut être considéré comme un dispositif culturel qui structure les relations entre des êtres humains et des animaux captifs. Dans l’étude présentée ici, nous avons cherché à savoir quels sont les modèles de relation au monde animal qui sont expérimentés/appris par les visiteurs au cours d’une visite au zoo. Nous avons enregistré les discours et ethnographié les interactions de visiteurs devant les cages de deux espèces de primates, des orangs-outangs (Pongo pygmaeus) et des cercopithèques de Brazza (Cercopithecus neglectus), à la ménagerie du jardin des plantes à Paris, dans le but de comprendre comment s’effectue, en situation et dans la confrontation avec des animaux vivants, la différenciation humain/non humain. Notre hypothèse est que le zoo, par son dispositif de mise en spectacle, offre un cadre paradoxal, analogue au jeu, où l’anthropomorphisation des animaux renforce la frontière homme/animal plutôt qu’elle ne l’efface. Ce serait de cette manière, complexe mais efficace, que la visite au zoo contribuerait à l’apprentissage culturel de la distinction humaine.
    Servais, V. (2012). La visite au zoo et l'apprentissage de la distinction humaine. Revue d'anthropologie des connaissances, 6, 3(3), 625-652.



    La photographie ci-dessus représente l'enclos extérieur
    dans lequel les crocodiles peuvent circuler. Au premier blanc, un cylindre transparent couvert, avec un point d'interrogation. On y récolte une diversité des projectiles lancés dans l'enclos par les publics.



    Ci-dessus le message élaboré par la direction du Zoo
    à l'attention des visiteurs de l'enclos à Crocodiles
    Q1. Selon vous, qu'est-ce qui peut expliquer le comportement des publics face au crocodile en captivité ?

    Q2. Commentez de manière critique le contenu du message et les termes employés par la direction, en relation avec les missions que le Zoo affiche.

    Q3. En supposant que vous fassiez partie du service pédagogique du Parc zoologique, proposez une action de médiation à l'attention des publics permettant de solutionner cette affaire.

    Synthèse des élements de réponses des étudiants
    (d'après Gwenaelle ROUX, Bruno SOMMER et Benoit URGELLI)

    Q1. Le comportement des publics montre un désir d'interaction avec l'animal. Il est probablement lié à des représentations et des imaginaires issus notamment des médiations de cet animal à l'état sauvage, présenté en général comme un animal puissant et terrifiant (dessin animé, film, documentaire animalier,...). Pour les publics, dans le contexte du zoo, le crocodile peut être approché a priori sans danger. Devant cet enclos, la recherche de spectacle et de divertissement montre aussi l'ignorance éthologique des publics vis à vis de l'animal sauvage et le décallage entre les attentes des publics et les missions de conservation des espèces en voie de disparition que se donnent le zoo.

    Q2. Le message des responsables du zoo peut apparaitre comme autoritaire et menaçant, avec un chantage vis à vis des parents, considérés comme responsable d'une mauvaise éducation de leurs enfants. Le message à tonalité moralisatrice et culpabilisatrice est construit sur une représentations des publics considèrés comme une masse d'individus singuliers et homogènes (voir conclusion du cours sur les relations sciences sociétés). On peut considérer que le message utilise l'idée que la culpabilisation et la menace à l'égard des parents peuvent conduire à leurs responsabilisations. A noter également le paradoxe qui consiste à déclarer que le crocodile est "avant tout sauvage" alors qu'il est placé ici dans des conditions de captivité qui l'éloignent de sa condition sauvage.

    Q3. Les actions de médiations proposées par les étudiants de licence (avril 2015) combinent plus ou moins étroitement quatre stratégies : 1. des actions répressives (pénalisation), 2. des actions de surveillance par les personnels du zoo, 3. des propositions techniques pour changer les conditions de captivité, et 4. des actions à visée éducative.
    Ces dernières supposent que les publics ignorent l'éthologie du crocodile dans son milieu naturel et qu'il faudrait mettre en place des actions de sensibilisation et d'information à l'égard des publics, rappellant au passage les missions de conservation du zoo. Selon les étudiants, des vidéos, des posters, des dessins animés pourraient être diffusés à proximité de l'enclos, évoquant ainsi le mode de vie de l'animal dans son milieu naturel et rappelant qu'il est dans la nature de l'animal de rester immobile. Nombreux sont ceux qui proposent d'inverser la relation Homme/Animal dans ce contexte, par le jeu (par exemple le déguisement d'un adulte en crocodile que les enfants pourraient chahuter (sic)). Il s'agit de conduire à développer de la proximité entre l'homme et l'animal par identification, tout en véhiculant des connaissances éthologiques. L'idée d'utiliser les enfants comme relai éducatif à l'attention des parents est également présente dans les réponses des étudiants.

    CONCLUSION : Animalité et humanité, Nature et culture : des dualismes en question en ce début de XXIe siècle....

Définir l'homme par rapport à l'animal n'est-ce pas le rêve avoué des philosophes depuis le XVIIe siècle ? L'enjeu était de taille, puisqu'il en allait de la définition du propre de l'homme autant que de sa destination. Si le biologiste aujourd'hui admet que l'homme est à peu près un animal comme les autres, tant les différences génétiques entre un grand singe et l'homme sont infimes, il accorde néanmoins de l'importance à la discontinuité existante entre l'homme et l'animal. L'anthropologue semble faire le chemin inverse. Face aux progrès de l'éthologie de terrain, il détrône l'homme d'un certain nombre de suprématies. Il met les capacités cognitives des hommes et des animaux en partage. Notamment sur le plan de la technique. Il respecte également les sociétés animistes qui font de l'homme et des animaux des vivants possédant des qualités autonomes. Un dialogue qui brouille les frontières et redistribue les rôles.

 

Voir les travaux et les conférences de Philippe Descola, médaille d'or du CNRS en 2012.

Ces leçons, et toutes celles que les anthropologues ont tirées de leurs études ethnographiques, constituent autant d’expériences alternatives porteuses de promesses. Le dépassement d’une exploitation frénétique de la nature obtenue au prix du saccage des conditions de vie des générations futures, l’effacement des nationalismes aveugles et de l’arrogance prédatrice des grands États-nations et de certaines firmes transnationales, la suppression des insupportables inégalités dans l’accès aux ressources et notamment celles qui devraient relever des biens communs, l’exigence de donner une forme de représentation publique aux diverses sortes de non-humains auxquels notre destinée est indissolublement liée, autant de défis concrets de notre modernité qui gagneraient à être envisagés par analogie avec la façon dont les peuples qu’étudient les ethnologues construisent leur rapport au monde. Non pas, bien sûr, que l’on puisse adapter tels quels leurs usages, puisque les expériences historiques ne se prêtent pas à transposition, si tant est d’ailleurs que cela soit souhaitable. Ce que peut faire l’anthropologie, en revanche, c’est apporter la preuve que d’autres voies sont possibles puisque certaines d’entre elles, aussi improbables qu’elles puissent paraître, ont été explorées ailleurs ou jadis, montrer donc que l’avenir n’est pas un simple prolongement linéaire du présent, qu’il est gros de potentialités inouïes dont nous devons imaginer la réalisation afin d’édifier au plus tôt une véritable maison commune, mieux habitable, moins exclusive et plus fraternelle.

Extrait de Philippe DESCOLA, « Médaille d’or 2012 du CNRS », La lettre du Collège de France [En ligne], 36 | décembre 2013, mis en ligne le 03 février 2014, consulté le 04 avril 2016

Ecouter l'émission du 31 juillet 2011 sur France Culture

Homme/animal : on refait le match
En quoi Sapiens est-il différent des animaux ? Faut-il leur accorder des droits ?
Confrontation sans tabou entre deux professeurs au Collège de France
.
par Thomas Mahler, Le Point, 28 juillet 2011


L'homme est un singe
Durée : 7 min, 2010

Les vidéos Universciences de Pascal Picq
(Universcience TV, 2010)

On compare souvent les espèces en fonction des critères culturellement utilisés pour montrer la supériorité de l'espèce humaine.

le propre de l'Homme ? Un être de récit ?

Pour Rabelais, le propre de l'homme c'est le rire ! Et pour le paléoanthropologue Pascal Picq, serait-ce l'amour, la guerre, l'outil, la culture, le langage, la morale ou la bipédie ?
Petit cours d'éthologie au tableau blanc
pour relativiser notre place dans l'évolution.

Le propre de l'Homme
Durée : 9 min, 2010